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25/04/2024 | FRANCE | N°23/05991

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-5, 25 avril 2024, 23/05991


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 4IB



Chambre civile 1-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 AVRIL 2024



N° RG 23/05991 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WBRG



AFFAIRE :



[K] [Z]

...



C/

[T] [M]

...







Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 24 Juillet 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHARTRES

N° RG : 23/00141



Expéditions exécutoires
>Expéditions

Copies

délivrées le : 25.04.2024

à :



Me Sabine LAMIRAND, avocat au barreau de VERSAILLES,



Me Dominique JUGIEAU, avocat au barreau de CHARTRES,





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT CINQ AVRIL DEUX ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4IB

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 AVRIL 2024

N° RG 23/05991 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WBRG

AFFAIRE :

[K] [Z]

...

C/

[T] [M]

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 24 Juillet 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHARTRES

N° RG : 23/00141

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 25.04.2024

à :

Me Sabine LAMIRAND, avocat au barreau de VERSAILLES,

Me Dominique JUGIEAU, avocat au barreau de CHARTRES,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [K], [O] [Z]

né le [Date naissance 5] 1971 à [Localité 11] (62)

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 7]

Madame [P], [I] [L] épouse [Z]

née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 10] (80)

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 7]

Représentant : Me Sabine LAMIRAND de la SELARL LPALEX, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.455

Ayant pour avocat plaidant Me Sandrine MARTIN-SOL, du barreau de Chartres,

APPELANTS

****************

Monsieur [T], [N], [H] [M]

né le [Date naissance 3] 1967 à [Localité 12] (78)

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 10]

Madame [E] [X]

née le [Date naissance 4] 1976 à [Localité 10] (80)

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 10]

Représentant : Me Dominique JUGIEAU, Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000048

Ayant pour avocat plaidant Me Céline FOUILLEN, du barreau d'Amiens

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marina IGELMAN, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

Le 2 juillet 2012, M. [T] [M] et Mme [E] [X] ont acheté un bien immobilier comprenant une maison d'habitation et une dépendance, appartenant à la SCI Bapaume V, représentée par M. [K] [Z] et Mme [P] [L] épouse [Z], situé [Adresse 8] à [Localité 10].

Le 6 juillet 2017, une inondation a affecté la dépendance située en fond de jardin, dans laquelle est installée une salle de cinéma de 52 m².

Un expert mandaté par la compagnie Axa a conclu à un débordement de chéneau et un engorgement de descente d'eau pluviale. Il a chiffré le coût des dégâts à la somme de 4 756,05 euros.

Le 11 novembre 2017, la salle de cinéma a été de nouveau en proie à d'importantes infiltrations. Une expertise amiable a été réalisée par M. [G], expert judiciaire auprès de la cour d'appel d'Amiens. Le 22 novembre 2017, il a déposé son rapport et a fait état de l'existence de non-conformités.

Mme [X] et M. [M] ont saisi le président du tribunal de grande instance d'Amiens afin de voir ordonner une expertise judiciaire sur les désordres constatés, au contradictoire des entreprises ayant exécuté les travaux ainsi que de la société Bapaume V et de ses représentants.

Par ordonnance du 24 mai 2018, une mesure d'expertise judiciaire a été ordonnée par le tribunal de Beauvais, suite à un dépaysement de l'affaire, et M. [U] [R] a été désigné.

Par ordonnance du 20 janvier 2020, le juge chargé du contrôle des expertises a désigné en lieu et place M. [K] [W].

Le 28 novembre 2020, cet expert a déposé son rapport et a chiffré le coût des travaux à la somme de 83 545 euros.

M. [M] et Mme [X] ont assigné devant le tribunal judiciaire d'Arras la société Bapaume V aux fins de la voir condamner à leur verser les sommes de 83 545 euros au titre des travaux de reprise, 15 000 euros au titre du préjudice de jouissance et 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 16 juin 2022, le tribunal judiciaire d'Arras a fait droit aux demande de Mme [X] et M. [M].

Le 23 janvier 2023, Maître [V] [A], commissaire de justice, a dressé un procès-verbal d'insolvabilité de la société Bapaume V.

Par acte d'huissier de justice délivré le 6 mars 2023, Mme [X] et M. [M] ont fait assigner en référé M. et Mme [Z] aux fins d'obtenir principalement leur condamnation au paiement, au titre de la dette sociale, par provision, de la somme de 54 127,26 euros selon décompte arrêté au 28 février 2023 et augmenté des intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2023, date de la signification de l'acte introductif d'instance et leur condamnation au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance contradictoire rendue le 24 juillet 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Chartres a :

- condamné M. [Z] à payer à Mme [X] et M. [M] par provision, la somme de 54 127,26 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2023,

- condamné Mme [Z] à payer à Mme [X] et M. [M] par provision, la somme de 54 127,26 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2023,

- condamné Mme et M. [Z] au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme et M. [Z] aux entiers dépens,

- rappelé que la décision est exécutoire par provision.

Par déclaration reçue au greffe le 10 août 2023, M. et Mme [Z] ont interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 8 décembre 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. et Mme [Z] demandent à la cour, au visa des articles 122, 123, 144, 700 du code de procédure civile, 1792-4-2, 1792 du code civil et 48 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, de :

' - constater qu'il existe une contestation sérieuse tenant à la prescription acquise de l'action des consorts [M] et [X].

- constater qu'il existe une contestation sérieuse tenant à l'absence de diligences nécessaires à la signification du jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Arras le 16 juin 2022.

- constater qu'il existe une contestation sérieuse tenant à la modification des ouvrages par les consorts [M] et [X].

- dire et juger les époux [Z] recevables et bien fondés en leur appel,

y faisant droit, et statuant de nouveau,

- débouter les consorts [M] et [X] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

- juger que l'existence de contestations sérieuses est de nature à écarter toutes les condamnations prononcées par l'ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Chartres le 24 juillet 2023

- infirmer l'ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Chartres le 24 juillet 2023 sur les

dispositions suivantes :

- condamné M. [K] [Z] à payer à Mme [E] [X] et M. [T] [M]

par provision, la somme de 54 127,26 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars

2023.

- condamné Mme [P] [L] épouse [Z] à payer à Mme [E] [X] et M. [T] [M] par provision, la somme de 54 127,26 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2023.'

Dans leurs dernières conclusions déposées le 8 novembre 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [M] et Mme [X] demandent à la cour, au visa des articles 835 alinéa 2, 122, 123, 124, 700, 32-1 du code de procédure civile, 1857, 1858 et 1240 du code civil, de :

'- déclarer M. et Mme [Z], plus encore la sci Bapaume V, autant irrecevables que mal fondés en leur appel de l'ordonnance de référé rendue par Mme le président du tribunal judiciaire de Chartres le 24 juillet 2023.

- confirmer ce faisant, en tous points, l'ordonnance entreprise,

- débouter ce faisant les époux [Z] et plus encore la sci Bapaume V, de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

- condamner les époux [Z] au paiement de la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre la somme de 1 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- statuer ce que de droit sur l'éventuelle application d'une amende civile,

- les condamner aux entiers dépens d'appel.'

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

M. et Mme [Z] relatent que la dépendance n'était pas mentionnée dans l'acte authentique de vente du 2 juillet 2012 et qu'ils n'ont jamais été confrontés à des fuites d'eau durant la période où ils ont occupé le bien ; qu'à la suite de l'achat de cet immeuble par M. [M] et Mme [X], ces derniers ont procédé à des travaux, notamment en transformant la dépendance en salle de cinéma et en modifiant la gouttière EP d'origine.

Ils exposent avoir eu la « stupéfaction » de découvrir l'existence du jugement rendu le 16 juin 2022 par le tribunal judiciaire d'Arras lorsque l'assignation introductive de la présente action leur a été délivrée à leur domicile, de sorte qu'ils ont immédiatement interjeté appel de ce jugement, l'affaire étant pendante devant la cour d'appel de Douai.

Ils précisent que par ordonnance du 6 juillet 2023, la première présidente de la cour d'appel de Douai a débouté la SCI Bapaume V de sa demande de relevé de forclusion, mais qu'ils ont maintenu leur incident devant le conseiller de la mise en état tenant à obtenir la nullité des actes de signification ; que par ordonnance du 7 novembre 2023, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de la SCI Bapaume V de voir prononcer la nullité de la signification du jugement du tribunal judiciaire d'Arras rendu le 16 juin 2022 au motif que la notification d'un acte à personne morale de droit privé est régulière dès lors qu'elle est faite au lieu de son siège social ; qu'un déféré est en cours contre cette ordonnance.

Ils sollicitent la réformation de l'ordonnance de référé rendue le 24 juillet 2023 par le tribunal judiciaire de Chartres en arguant de l'existence de plusieurs contestations sérieuses.

Ils invoquent tout d'abord de la prescription de l'action de M. [M] et Mme [X], faisant valoir que la date de réception des travaux de la dépendance est le 18 septembre 2007 tandis que l'assignation en référé expertise de M. [M] et Mme [X] est datée le 8 décembre 2017, soit plus de 10 ans après la réception des travaux, plus de 5 ans après la vente de l'immeuble et plus de 4 ans après la réalisation des travaux de transformation de la dépendance que M. [M] et Mme [X] ont effectués, de sorte que ces derniers n'étaient pas fondés en leur demande de réparation.

Ils avancent par ailleurs que le jugement du tribunal judiciaire d'Arras du 16 juin 2022 n'est pas définitif dans la mesure où ils en ont interjeté appel devant la cour de Douai et qu'ils ont déféré par requête du 21 novembre 2023 l'ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 7 novembre 2023 en raison de la nullité des actes de signification de l'huissier de justice, affaire pendante.

Ils arguent ensuite de l'absence de diligences nécessaires faites par l'huissier de justice lors de la signification du jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Arras le 16 juin 2022.

Ils entendent démontrer que l'établissement de la SCI Bapaume V a été fermé le 2 juillet 2012 du fait de la vente de l'immeuble, qui était son seul actif, et que cette société a été radiée administrativement le 17 mai 2021.

Ils se fondent sur la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne concernant la notion d' « établissement », faisant valoir qu'au cas présent, la SCI Bapaume V n'ayant plus d'exercice effectif et réel ni d'installation stable, l'huissier de justice aurait dû faire application de l'alinéa 2 de l'article 690 du code de procédure civile qui précise qu' « à défaut d'un tel lieu,[la notification est faite] en la personne de l'un de ses membres habilité à le recevoir », soit au domicile de M. et Mme [Z].

Ils demandent donc à la présente cour d'infirmer l'ordonnance dont appel compte tenu de ce que le commissaire de justice n'a évoqué aucune circonstance caractérisant l'impossibilité d'une signification à personne, et que le seul fait que la SCI Bapaume et M. et Mme [Z] n'aient pas pu prendre connaissance du jugement du tribunal d'Arras dans les délais pour en interjeter appel est de nature à prouver l'existence d'une contestation sérieuse.

Ils soulèvent une autre contestation sérieuse tirée de ce qu'il est selon eux prouvé que M. [M] et Mme [X] ont procédé à la modification des ouvrages après la vente intervenue le 2 juillet 2012, de sorte que les désordres ne sont pas imputables à la SCI Bapaume V.

M. [M] et Mme [X] relatent quant à eux que le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Arras le 16 juin 2022 a fait l'objet d'une signification le 5 juillet 2022 au siège de la SCI Bapaume V ; qu'il n'a pas été frappé d'appel dans le délai légal ; que ne parvenant pas à l'exécuter à l'encontre de la SCI Bapaume V, ils se sont tournés vers les 2 associés indéfiniment responsables, en l'occurrence M. et Mme [Z], en application des articles 1857 et 1858 du code civil.

En liminaire de la discussion figurant dans leurs conclusions, ils indiquent que les appelants sont totalement hors sujet, que leurs écritures sont une « succession d'erreurs, d'inexactitudes, d'approximations, et de propos ou développements tenus fréquemment en fonction d'interprétations volontairement inexactes, sur des sujets qui de surcroît ne correspondent pas à ceux qui doivent être tranchés ».

Ils soutiennent quant à eux que la décision du tribunal d'Arras ayant condamné la SCI Bapaume V est définitive, et en tout cas exécutoire, même indépendamment de la décision du conseiller de la mise en état de Douai à venir ; que le fait que la SCI ait été radiée du registre du commerce et des sociétés par décision imposée du tribunal de commerce du 17 mai 2021 est sans incidence sur l'exécution du jugement du 16 juin 2022, dès lors que la SCI conserve la personnalité morale jusqu'à sa dissolution.

Ils considèrent que les appelants font des développements tenant au fond du dossier les opposant à la SCI, qui n'est pas partie au présent litige, et que de par ces seules observations, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise.

Au visa des articles 1857 et 1858 du code civil, ils entendent ainsi démontrer que M. et Mme [Z] doivent être tenus aux dettes judiciairement consacrées de la SCI Bapaume V.

Ils font valoir qu'aux termes du jugement définitif en date du 16 juin 2022, leur créance s'établit comme suit :

- principal 1 (coût des travaux de remise en état) : 83.545,00 €

+ indexation entre le 28 novembre 2020 (date du rapport d'expertise judiciaire) et le 16 juin 2022 (date du jugement) :

= principal 1 indexé : 93.877,42 €

- principal 2 (préjudice de jouissance) : 3.500,00 €

- intérêts au taux légal sur principal 1 indexé et principal 2 à compter du 16 juin 2022 puis majoré de 5 % à compter du 5 septembre 2022 (date de signification + 2 mois) jusqu'au 28 février 2023 : 4.722,88 €

- intérêts postérieurs : Mémoire

- principal 3 (article 700 CPC) : 2.000,00 €

- frais d'expertise judiciaire : 3.130,00 €

- dépens de référé :

. signification assignation référé TGI

Epoux [Z] : 141,75 €

. signification assignation référé TGI

SCI BAPAUME V : 69,55 €

. signification ordonnance de référé

Epoux [Z] : 185,64 €

. signification ordonnance de référé

SCI BAPAUME V : 56,68 €

- dépens de première instance au fond :

. signification assignation TJ

SCI BAPAUME V : 33,07 €

. signification jugement TJ

SCI BAPAUME V : 42,70 €

soit à la somme de 107 759,69 euros, à laquelle s'ajoutent les frais exposés pour la tentative d'exécution (494,82 euros), soit un total de 108 254,51 euros.

Ils rappellent que le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 7 septembre 2022 est demeuré infructueux et qu'il ressort des recherches entreprises par l'officier ministériel que la SCI Bapaume V ne possède aucune valeur mobilière, ne détient aucun compte bancaire, ne possède aucun actif, de sorte qu'elle est notoirement insolvable.

Ils précisent justifier avoir vainement poursuivi la SCI Bapaume V aux fins d'obtenir le règlement de leur créance

Ainsi, au visa de 2 jurisprudences de la Cour de cassation (Com., 24 janvier 2006, pourvoi n° 04-19.061, et Civ. 2 ème, 13 février 2003, pourvoi n° 01-03194), ils soutiennent que l'existence d'un titre exécutoire et la justification de vaines poursuites préalables à l'encontre de la société, débitrice principale, permette de considérer que l'obligation fondée sur les dispositions de l'article 1858 du code civil ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

Ils consacrent la suite de leurs développements à répondre aux arguments adverses, 'par nécessité', les considérant totalement infondés.

Ils formulent enfin une demande à hauteur de l'euro symbolique pour procédure abusive et suggèrent à la cour de prononcer une amende civile.

Sur ce,

L'article 835 alinéa 2 du code de procédure prévoit que le président du tribunal judiciaire peut dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Le premier aliéna de l'article 1857 du code civil dispose qu'à l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements, tandis que l'article 1858 suivant prévoit que les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.

Il découle de ces textes que toute exécution forcée implique que le créancier soit muni d'un titre exécutoire à l'égard de la personne même qui doit exécuter, peu important qu'il s'agisse d'un jugement définitif ou pas, seul comptant son caractère exécutoire.

Ainsi, les développements des appelants tendant à critiquer le jugement du tribunal judiciaire d'Arras sur le fond, en ce que les demandes que M. [M] et Mme [X] y formulaient étaient prescrites ou mal fondées, sont inopérants pour contester son caractère exécutoire, qui seul compte en l'espèce.

Selon l'article 503 du code de procédure civile, les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés. L'article 675 du même code précise que les jugements sont notifiés par voie de signification à moins que la loi n'en dispose autrement.

S'agissant de la signification du jugement du tribunal judiciaire d'Arras en date du 16 juin 2022 contestée par M. et Mme [Z], celle-ci résulte d'un acte de commissaire de justice en date du 5 juillet 2022, qui mentionne les modalités de remise de l'acte suivantes, après avoir rappelé qu'il est mandaté pour délivrer la décision à la SCI Bapaume V, dont le siège social est à [Localité 1], [Adresse 6] :

« Je me suis transporté à l'adresse ci-dessus aux fins de délivrer copie du présent acte.

Audit endroit :

Personne ne répondant à nos appels

après avoir vérifié la certitude du domicile du destinataire caractérisé par les éléments suivants :

Destinataire de l'acte déjà connu de l'Etude

La signification à personne et à domicile étant impossible, la copie du présent est déposée à mon étude sous enveloppe fermée, (').

Un avis de passage daté de ce jour, mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant et le fait que la copie de l'acte doit être retirée dans les plus brefs délais en mon étude contre récépissé ou émargement, par le destinataire de l'acte ou par toute autre personne spécialement mandatée, a été laissé au domicile du signifié.

La lettre prévue à l'article 658 du code de procédure civile a été adressée ce jour ou le premier jour ouvrable suivant la date du présent, au domicile du destinataire ci-dessus, avec copie de l'acte. Le cachet de l'huissier est apposé sur l'enveloppe. »

L'article 690 du code de procédure civile dispose que :

La notification destinée à une personne morale de droit privé ou à un établissement public à caractère industriel ou commercial est faite au lieu de son établissement.

A défaut d'un tel lieu, elle l'est en la personne de l'un de ses membres habilité à la recevoir.

Or il est constant qu'au sens de ce texte, le lieu de l'établissement d'une société civile immobilière est le lieu de son siège social et que le second alinéa n'a vocation à trouver application que dans le cas où l'adresse de son siège social serait inconnu ou inexistant.

La notion d'établissement dans ce cadre ne peut s'entendre autrement, et les arguments des appelants tendant à dire que suite à la vente de l'immeuble situé [Adresse 8] à [Localité 10], qui était le seul bien géré par la SCI Bapaume V, l'établissement aurait disparu, notamment au vu du droit européen impliquant l'exercice d'une activité réelle, ne sont pas opérants.

Au cas présent, il ressort de l'extrait Kbis de la SCI Bapaume V à jour au 23 août 2021 figurant parmi les pièces versées aux débats par les appelants, que cette société a bien son siège social à l'adresse figurant dans l'exploit du commissaire de justice du 5 juillet 2022, cet élément n'étant au demeurant pas contesté en tant que tel par les appelants.

Par ailleurs, la mention de l'adresse du siège social d'une société reste opérante quand bien même celle-ci aurait fait l'objet d'une radiation d'office, laquelle n'a pas pour effet de lui faire perdre sa personnalité morale.

Ainsi, dès lors que la signification du jugement litigieux a été faite au siège social de la personne morale destinataire, aucun élément ne permet d'établir avec l'évidence requise qu'elle aurait été irrégulière.

En conséquence, le jugement du tribunal judiciaire d'Arras en date du 16 juin 2022, qui a condamné la SCI Bapaume V à payer à M. [M] et Mme [X] les sommes de :

- 83 545 euros au titre des travaux de remise en état du hangar et de sa couverture, avec actualisation en fonction de l'évolution de l'indice BT01 depuis le 28 novembre 2020 jusqu'à la date de son prononcé,

- 3 500 euros au titre du préjudice de jouissance,

le tout avec intérêts au taux légal à compter du jugement, outre aux dépens ainsi qu'à leur payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

exécutoire de droit par provision en application des dispositions de l'article 514 du code de procédure civile, constitue valablement le titre prévu pour l'application de l'article 1858 du code civil.

Les autres conditions d'application de cet article, à savoir que les tentatives d'exécution de ce jugement à l'égard de la SCI Bapaume V se sont révélées infructueuses, comme il résulte du commandement de payer aux fins de saisie-vente vainement délivré le 7 septembre 2022 et du procès-verbal d'insolvabilité dressé par Maître [A], notaire, le 23 janvier 2023, ne sont pas contestées par M. et Mme [Z], pas davantage que ne l'est le quantum des provisions sollicitées par M. [M] et Mme [X] et octroyées par le premier juge.

L'ordonnance querellée sera en conséquence confirmée.

En application des dispositions de l'article 1240 du code civil, l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus qu'en cas de malice, de mauvaise foi ou d'une erreur grossière équipollente au dol, ce qui n'est pas avéré en l'espèce. La demande de M. [M] et Mme [X] à ce titre sera rejetée.

De la même manière, la cour indique qu'elle n'entend pas faire application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile.

Sur les demandes accessoires :

L'ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, M. et Mme [Z] ne sauraient prétendre à l'allocation de frais irrépétibles. Ils devront en outre supporter les dépens d'appel.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à M. [M] et Mme [X] la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. Les appelants seront en conséquence condamnés à leur verser une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance du 24 juillet 2023 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette la demande au titre de la procédure abusive,

Condamne M. [K] [Z] et Mme [P] [L] épouse [Z] à verser à M. [T] [M] et Mme [E] [X] la somme de 6 000 en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel,

Dit que M. [K] [Z] et Mme [P] [L] épouse [Z] supporteront les dépens d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-5
Numéro d'arrêt : 23/05991
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;23.05991 ?
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