La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/04/2024 | FRANCE | N°22/06954

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-3, 25 avril 2024, 22/06954


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 59B



Chambre civile 1-3



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 AVRIL 2024



N° RG 22/06954



N° Portalis DBV3-V-B7G-VQZ3





AFFAIRE :



[I] [V]

...



C/



DIRECTION NATIONALE D'INTERVENTIONS DOMANIALES ès qualité d'administrateur provisoire de la succession de Mme [L] [O]





Décision déférée à la cour : Ordonnance de mise en état rendue le 11 Oc

tobre 2022 par le TJ de [Localité 9]

N° Chambre : 2

N° RG : 22/00287



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :







Me Lisa PASQUIER













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VING...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59B

Chambre civile 1-3

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 AVRIL 2024

N° RG 22/06954

N° Portalis DBV3-V-B7G-VQZ3

AFFAIRE :

[I] [V]

...

C/

DIRECTION NATIONALE D'INTERVENTIONS DOMANIALES ès qualité d'administrateur provisoire de la succession de Mme [L] [O]

Décision déférée à la cour : Ordonnance de mise en état rendue le 11 Octobre 2022 par le TJ de [Localité 9]

N° Chambre : 2

N° RG : 22/00287

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Lisa PASQUIER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [I] [V]

né le 22 Juillet 1963 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Madame [X] [G] épouse [V]

née le 03 Août 1965 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Lisa PASQUIER, Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0813

Représentant : Me Mathilda DECREAU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTS

****************

DIRECTION NATIONALE D'INTERVENTIONS DOMANIALES en qualité d'administrateur provisoire de la succession de Madame [L] [O]

[Adresse 4]

[Localité 6]

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 janvier 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence PERRET, Président et Madame Charlotte GIRAULT, Conseiller chargé du rapport .

Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence PERRET, Président,

Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller

Madame Charlotte GIRAULT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme FOULON,

FAITS ET PROCEDURE :

Par acte authentique du 9 février 2001, [R] [Z] et [D] [T], épouse [Z], ont vendu à [L] [O], en l'état futur d'achèvement, la propriété de trois lots numérotés 133 (un appartement), 134 (une cave) et 663 (une place de parking), dans un ensemble immobilier situé au [Adresse 1] à [Localité 8] (92), moyennant un prix de l75 316,67 euros, payé pour partie en capital d'une somme de 15 244,90 euros et pour le reste par le versement d'une rente annuelle et viagère indexée, constituée au profit et sur la tête des vendeurs jusqu'au jour du décès du survivant du couple, payable par mensualités.

Au décès de [R] [Z], [D] [Z] a continué de percevoir seule les rentes.

[L] [O] est décédée le 31 août 2019, la rente a cessé d'être versée à compter du mois d'avril 2020 et la Direction Nationale d'Interventions Domaniales (DNID), prise en la personne de son directeur, a été désignée comme curateur de la succession vacante de [L] [O] par ordonnance du tribunal judiciaire de Paris le 19 mars 2021.

[D] [Z] est décédée le 21 juin 2021.

M. [I] [V] et Mme [X] [G], épouse [V], légataires universels de [D] [Z], ont, par acte du 12 octobre 2021, fait commandement de payer à la DNID des arriérés de rente viagère, pour un montant total de 31 893,81 euros.

Ce commandement étant resté infructueux, les époux [V] ont fait assigner la DNID, par acte d'huissier de justice du 4 janvier 2022, devant le tribunal judiciaire de Nanterre aux fins de résolution du contrat de rente viagère et réparation de leur préjudice.

Par ordonnance du 11 octobre 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre a :

- déclaré irrecevables M. [V] et Mme [G], épouse [V], venant aux droits de [D] [Z], en leur demande de résolution du contrat de vente viagère conclu le 9 février 2001,

- réservé les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté pour le surplus,

- renvoyé l'affaire à une date ultérieure pour conclusions en défense au fond.

Par acte du 21 novembre 2022, les époux [V] ont interjeté appel de la décision et prient la cour, par leurs dernières écritures du 13 février 2023, de :

- infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle déclarait irrecevable la demande des époux [V] en résolution de la vente,

- renvoyer les parties au fond devant le tribunal judiciaire de Nanterre,

- subsidiairement, dans l'hypothèse où l'ordonnance serait confirmée, renvoyer les parties devant le tribunal judiciaire de Nanterre s'agissant des demandes au fond formulées de part et d'autre,

- condamner la DNID aux entiers dépens d'appel.

La DNID, dispensée du ministère d'avocat, par mémoire en date du 10 janvier 2023, prie la cour de :

- dire que, ès-qualités de curateur de la succession vacante de Mme [O], elle avait qualité pour opposer aux époux [V] une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir,

- juger, par conséquent, que les époux [V] sont irrecevables dans leur action tendant à voir ordonner la résolution du contrat de vente viagère reçu par acte authentique du 9 février 2001 par Me [N], au terme duquel M. [Z] et Mme [T] avaient vendu à Mme [O], dans un ensemble immobilier situé à [Localité 8] (Hauts-de-Seine), [Adresse 1], cadastré section AM n°[Cadastre 2] lieudit "[Adresse 1]" pour une superficie de 57a 29 ca, les biens et droits immobiliers suivants:

* lot n° 133 (cent trente-trois) : Dans le bâtiment C, au 4° étage, desservi par l'escalier 3 : un appartement portant le n° 342 du plan de numérotation du règlement de copropriété, quatre pièces principales, entrée dégagements, cuisine, salle de bains et WC,

Et les 205 / cinquante millièmes des parties communes générales de l'immeuble,

* lot n°134 (cent trente-quatre) : Dans le bâtiment C, au 2° sous-sol, desservi par 1'esca1ier 3 : une cave portant le n°232 du plan général sus-énoncé,

Et les 2 / cinquante millièmes des parties communes générales de l'immeuble,

* lot n° 663 (six cent soixante-trois) : Au 3° sous-sol : un parking portant le n° 395 du plan général sus-énoncé,

*Et les 10/ cinquante millièmes des parties communes générales de 1'immeuble.

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée,

- débouter les époux [V], appelants, de l'ensemble de leurs demandes, fins et moyens.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel que le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Doit être déclarée irrecevable toute demande formée par une personne autre que celle que l'application d'un droit intéresse personnellement, qui détient un intérêt personnel, juridique et légitime à obtenir un jugement, ainsi que toute demande formée contre une personne autre que celle à l'encontre de laquelle les prétentions peuvent effectivement être formées.

L'action en résolution du contrat de rente viagère, droit personnel du crédirentier, ouvert par une stipulation dérogatoire à l'article 1978 du code civil, n'est transmissible à ses héritiers qu'à la condition qu'il ait, de son vivant, accompli les formalités prévues par la clause résolutoire.

Les époux [V], légataires universels de Mme [D] [Z], soutiennent que la DNID n'est ni héritière de Mme [O] ni représentante des héritiers de celle-ci de sorte qu'elle n'avait pas qualité à soulever l'irrecevabilité de la demande de résolution de la vente. Ils relèvent à titre subsidiaire que le commandement de payer visé au contrat de viager n'a pas à être formalisé et que la désignation de la DNID comme représentante pour la succession de Mme [O] suffisait à établir que l'acte dont elle était destinataire valait commandement, a fortiori dès lors que Mme [Z] s'était retrouvée dans l'impossibilité de procéder par voie de commandement classique du fait de l'absence d'interlocuteur avant la désignation de la DNID. Enfin, elle fait valoir que Mme [Z] a de son vivant exprimé clairement sa volonté de se prévaloir de la clause résolutoire

En réponse la DNID soutient que qu'en sa qualité de curateur à une succession vacante, elle est parfaitement habilitée à exercer les droits et actions du défunt. En outre, elle soutient que les époux [V] sont irrecevables dès lors que la crédirentière n'avait effectivement et véritablement pas engagé l'action résolutoire avant son décès, la seule action possible pour les héritiers étant celle de demander le paiement des arrérages de la rente échus et non payés. Elle fait valoir que les démarches auprès de son avocat ne permettent pas de considérer que Mme [Z] avait exprimé sa volonté non équivoque de poursuivre la résolution de la vente, et que la requête aux fins de désignation d'un curateur à la succession de Mme [O] ne constitue pas une interpellation suffisante à caractériser un commandement de payer.

Sur la capacité à agir de la DNID

En l'espèce, il résulte de l'article 810-1 et 810-2 du code civil que le curateur exerce l'ensemble des actes conservatoires et d'administration à l'issue du délai mentionné à l'article 810-1, soit six mois avant l'ouverture de la succession. En outre, l'ordonnance de désignation de la DNID, mentionne expressément et notamment que le curateur exercera et poursuivra les droits de la succession, et répondra aux demandes formées contre elle.

La DNID a donc parfaitement compétence pour soulever une irrecevabilité d'une demande de résolution de vente portant sur un immeuble qu'elle doit administrer dans le cadre de la succession dont elle est curatrice.

Sur la recevabilité de la demande de résolution de la vente des époux [V]

L'acte de vente conclu par [D] [Z] au profit de [L] [O] contenait une clause résolutoire, aux termes de laquelle : " En outre, et par dérogation aux dispositions de l 'article 1978 du code civil. il est expressément convenu qu'à défaut de paiement à son exacte échéance, d 'un seul terme de la rente viagère présentement constituée, la présente vente sera de plein droit et sans mise en demeure préalable, purement et simplement résolue, si bon semble au crédirentier et sans qu'il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire, un mois après un simple commandement de payer demeuré infructueux contenant déclaration par le crédirentier de son intention d'user du bénéfice de la présente clause.''

Les demandeurs versent aux débats la convention d'honoraires signée le 20 novembre 2020 par [D] [Z] donnant mandat à son avocat pour " déposer une requête devant le tribunal judiciaire de Paris afin d'obtenir la désignation d'un curateur à la succession vacante. Une fois le curateur désigné, l'avocat sera chargé d'obtenir le règlement de la rente viagère et de l'arriéré, et à défaut de poursuivre la résolution de la vente intervenue le 9 février 2001 ".

Cette volonté était confirmée dans la requête du 21 janvier 2021, délivrée par la crédirentière, celle-ci demandant la désignation d'un représentant légal de la débirentière décédée, afin de faire valoir la clause résolutoire du contrat de vente, " sinon obtenir le paiement de la rente ".

Par ailleurs, par un courriel en date du 4 juin 2021, la DNID a expressément interrogé l'avocat de [D] [Z] sur les intentions de sa cliente en vue de la résolution de la vente et, par un mail du 18 juin 2021, l'avocat a sollicité de l'huissier de justice la délivrance du commandement de payer faisant état de la clause résolutoire.

Il convient également de souligner que Mme [Z] a mené un certain nombre de démarches, notamment auprès du notaire chargé de la succession, pour identifier les héritiers de Mme [O] dès lors que les rentes n'étaient plus payées et que ce dernier indiquait le 16 mars 2020 qu'il n'avait plus de liquidités pour payer les rentes depuis le compte de la succession.

Il ressort des échanges de courriels avec la DNID que cette-dernière, du fait " de la situation sanitaire, d'un surcroît de nomination et de la nécessité de procéder préalablement à la réalisation des actifs de la succession de Mme [O] ", n'a pas pu répondre rapidement aux sollicitations de l'avocat de Mme [Z] les 26 février, 11 avril et 17 mai 2021. Le dernier message du 17 mai demandait clairement le montant des arriérés, sans pour autant faire valoir la clause résolutoire en cas d'absence de règlement des impayés. Le 7 juin, le conseil de Mme [Z] informait la DNID de son mandat pour la résolution de la vente. Un mois plus tard, le 18 juin 2021, l'huissier était saisi aux fins de délivrance d'un commandement de payer formalisé visant la clause résolutoire de l'acte.

Ces éléments démontrent une volonté non équivoque de poursuivre la résolution de la vente, dès lors qu'il avait été indiqué que la succession de Mme [O] ne disposait pas des liquidités nécessaires au paiement sur le compte de la succession.

Pour autant, la volonté claire et non équivoque de la crédirentière dans l'impossibilité d'agir, doit s'apprécier dans le cadre des dispositions du contrat.

Il est prévu par l'article 1190 du code civil que dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur.

Il ressort de la clause résolutoire, que les parties ont souhaité limiter le formalisme pour obtenir la résolution de plein droit de la vente, en fixant une dérogation à l'article 1978 du code civil, en prévoyant l'absence d'une mise en demeure préalable, et l'absence de toute formalité judiciaire. La seule condition, venant contredire en quelque sorte cette absence de formalisme, étant un simple commandement de payer demeuré infructueux, contenant déclaration par le crédirentier de son intention d'user du bénéfice de la présente clause.

Il convient de noter le caractère ambigu de cette clause, dès lors que le commandement de payer correspond à un formalisme dont la première partie de la clause entendait s'abstenir.

Néanmoins, la nécessité de cette forme est favorable au débiteur, qui non seulement connait le montant de ce qu'il doit, fixé dans le commandement, mais qui se trouve aussi pleinement averti que la résolution de la vente de plein droit est acquise à l'issue d'un délai d'un mois à compter dudit commandement resté infructueux.

Il est ainsi favorable au débiteur de se voir notifier par un commandement de payer la résolution immédiate de la vente à défaut de paiement de sa dette pour faire partir un délai lui permettant de régulariser sa dette avant la perte du patrimoine payé en l'espèce durant presque vingt ans.

Or, le commandement de payer, seule formalité exigée par la clause résolutoire en l'espèce, n'a pas été délivré avant le décès de [D] [Z] survenu le 21 juin 2021. Le mail demandant le règlement de la somme des arriérés, en date du 17 mai 2021 à la DNID, ne vise pas la clause résolutoire et ne peut être considéré comme un commandement de payer, valant mise en demeure. De même, la requête aux fins de désignation d'un curateur du 21 janvier 2021, bien que la crédirentière y manifeste la volonté " sinon obtenir le paiement de la rente, [de] retrouver la propriété de son bien par la mise en 'uvre de la clause résolutoire " comme moyen, ne constitue pas un commandement de payer ni une mise en demeure, n'étant pas adressée à la DNID, mais seulement au président du tribunal judiciaire de Paris.

En conséquence, faute d'avoir fait délivrer le commandement de payer avant son décès, quand bien même la volonté d'obtenir la résolution de la vente était claire et non équivoque, Mme [Z] n'a pu transmettre son droit personnel de crédirentière d'action en résolution de la vente à ses héritiers.

L'ordonnance entreprise est donc confirmée.

Les époux [V] succombant en leurs demandes sont condamnés aux dépens de la présente instance

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe et contradictoirement,

DECLARE la DNID recevable en ses demandes ;

CONFIRME l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE M. [I] [V] et Mme [X] [G] épouse [V] aux dépens d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame F. PERRET, Président et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-3
Numéro d'arrêt : 22/06954
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;22.06954 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award