La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/04/2024 | FRANCE | N°22/06261

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-3, 25 avril 2024, 22/06261


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 50Z



Chambre civile 1-3



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 AVRIL 2024



N° RG 22/06261



N° Portalis DBV3-V-B7G-VO2D





AFFAIRE :



S.A.S. IDEAL PROMOTION



C/



[A], [M], [K] [S] épouse [O]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Décembre 2020 par le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES

N° chambre : 1
<

br>N° RG : 20/01444



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :







Me Julien GIBIER de la SELARL GIBIER FESTIVI RIVIERRE GUEPIN





Me Valérie

RIVIERE-DUPUY de la SCP IMAGINE BROSSOLETTE







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 50Z

Chambre civile 1-3

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 AVRIL 2024

N° RG 22/06261

N° Portalis DBV3-V-B7G-VO2D

AFFAIRE :

S.A.S. IDEAL PROMOTION

C/

[A], [M], [K] [S] épouse [O]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Décembre 2020 par le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES

N° chambre : 1

N° RG : 20/01444

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Julien GIBIER de la SELARL GIBIER FESTIVI RIVIERRE GUEPIN

Me Valérie

RIVIERE-DUPUY de la SCP IMAGINE BROSSOLETTE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. IDEAL PROMOTION

[Adresse 8]

[Localité 9]

Représentant : Me Julien GIBIER de la SELARL GIBIER FESTIVI RIVIERRE GUEPIN, Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000021

APPELANTE

****************

Madame [A], [M], [K] [S] épouse [O]

née le 17 Novembre 1953 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 10]

Monsieur [E], [H] [S]

né le 19 Août 1945 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 5]

Monsieur [I], [D], [W] [S]

né le 24 Novembre 1956 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 11]

Représentant : Me Valérie RIVIERE-DUPUY de la SCP IMAGINE BROSSOLETTE, Postulant/plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000034 , substituée par Me Marc MONTI

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 février 2024, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller chargé du rapport et Madame Charlotte GIRAULT, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence PERRET, Président,

Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller

Madame Charlotte GIRAULT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme FOULON,

FAITS ET PROCEDURE :

Mme [A] [S] épouse [O], M. [E] [S] et M. [I] [S] ont mis en vente, par l'intermédiaire d'une agence immobilière, un ensemble immobilier sis [Adresse 7] à [Localité 11] (Eure-et-Loir), dont ils étaient propriétaires en indivision avec leur mère, [L] [B] veuve [S], au prix de 399 000 euros, honoraires d'agence inclus.

Aux termes d'un acte sous seing privé, intitulé " offre d'achat ", daté du 5 mars 2020, la société Ideal Promotion a confirmé son intérêt pour l'acquisition du bien pour la somme de 377 000 euros. Ce document a été contresigné, sous la mention " offre de vente ", par [E], [A] et [I] [S] (ci-après désignés " les consorts [S] ") et leur mère [L] [S].

[L] [S], qui bénéficiait d'une mesure de curatelle confiée à sa fille, Mme [A] [S], est décédée le 2 avril 2020.

Dans la perspective d'un rendez-vous de signature fixé pour le 3 juin 2020, Me [X], notaire des consorts [S], a rédigé un projet de promesse unilatérale de vente, transmis par courriel daté du 2 juin à Mme [A] [S] qui, en réponse, a discuté les conditions de versement de l'indemnité d'immobilisation prévue à la charge de la société Ideal Promotion, bénéficiaire de la promesse, et dont le projet d'acte dispensait du versement immédiat.

La signature de l'acte n'ayant pu intervenir et les propositions de Me [Z], notaire de la société Ideal Promotion, de voir fixer un nouveau rendez-vous étant restées vaines, les consorts [S] ont été destinataires d'un courrier recommandé adressé par le conseil de la société Ideal Promotion les mettant en demeure de prendre position dans un délai de huit jours.

Par la suite, selon actes d'huissier en date des 22 et 24 septembre 2020, la société Ideal Promotion a fait assigner les consorts [S] devant le tribunal judiciaire de Chartres, à jour fixe, aux fins d'obtenir la constatation de la vente conclue le 5 mars 2020 entre les parties, un jugement valant vente, et subsidiairement leur condamnation au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Par jugement du 9 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Chartres a :

- déclaré la société Ideal Promotion recevable en ses prétentions mais l'en a déboutée,

- débouté les consorts [S] de leur demande de dommages et intérêts,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Ideal promotion aux dépens.

Par acte du 22 décembre 2020, la société Ideal Promotion a interjeté appel du jugement.

Une médiation a été ordonnée le 6 mai 2021.

L'affaire a été radiée du rôle par ordonnance du magistrat de la mise en état du 29 juillet 2022.

Par ses dernières écritures, en date du 17 octobre 2022, la société Ideal Promotion demande à la cour de :

- réinscrire l'affaire au rôle,

En conséquence,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les consorts [S] de leur demande de dommages et intérêts,

- infirmer le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- constater la vente conclue le 5 mars 2020 entre la SAS Ideal Promotion et M. [E] [S], Mme [A] [S] et M. [I] [S] dans les conditions de prix (377 000 euros) et de charges de l'offre d'achat reprise dans le projet de promesse de vente établi par la SCP " Dominique Cosson et [R] [X] " portant sur le bien situé [Adresse 7] [Localité 11] et cadastré section AE N°[Cadastre 3] surface 00 ha 10 a 19 ca et AE N°[Cadastre 4] surface 00 ha 08 a 82 ca, sous réserve de l'accomplissement des différentes conditions suspensives acceptées par les parties et en conséquence,

- juger que la décision à intervenir vaudra vente par les consorts [S] au profit de la société Ideal Promotion dans les termes de l'offre d'achat acceptée,

- juger que la décision à intervenir sera publiée au fichier du service de la publicité foncière de Chartres,

A titre subsidiaire,

- condamner in solidum les consorts [S] à lui payer la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice subi,

En tout état de cause,

- condamner in solidum les consorts [S] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non répétibles de première instance et aux dépens de première instance,

Y ajoutant,

- condamner in solidum les consorts [S] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non répétibles d'appel et aux dépens d'appel.

Par dernières écritures du 12 décembre 2022, les consorts [S] prient la cour de :

- les juger recevables et bien fondés en leurs demandes,

Y faisant droit,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'elle a débouté la société Ideal Promotion de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'elle a débouté les consorts [S] de leur demande de dommages et intérêts,

En conséquence,

- condamner la société Ideal Promotion à verser aux consorts [S] une somme de 3 000 euros chacun soit une somme totale de 9 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère abusif de la procédure diligentée,

En tout état de cause,

- condamner la société Ideal Promotion à verser aux consorts [S] une somme de 3 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de relever que la présente affaire a fait l'objet d'une ordonnance de clôture, rendue le 11 janvier 2024, et a été appelée pour être plaidée à l'audience du 8 février 2024, de sorte que la décision de réinscription au rôle, qui est une mesure d'administration judiciaire a, de fait, été prise ; la demande de réinscription de l'affaire au rôle est donc sans objet.

" Sur la demande de constatation de la vente

Pour débouter la société Ideal Promotion de sa demande, le tribunal a relevé, d'une part, que

le document du 5 mars 2020 ne comportait pas la signature de Mme [A] [S], en sa qualité de curatrice de sa mère, [L] [S], ni la signature de cette dernière accompagnée de la mention " bon pour offre de vente " ; d'autre part, sur le fondement de l'article 1114 du code civil, que le document restait taisant sur la désignation cadastrale du bien vendu ainsi que sur le nombre de parcelles concernées, soit des informations nécessaires en matière immobilière alors qu'un formalisme important encadre les conventions afin de préserver les droits des tiers.

La société Ideal Promotion fait valoir que le document du 5 mars 2020, signé par l'ensemble des parties, ne constitue pas une simple invitation à entrer en pourparlers mais bien une offre au sens de l'article 1114 du code civil, et qu'au regard de la rencontre de l'offre et de l'acceptation, il existe un accord sur la chose et le prix, au sens de l'article 1583 du code civil, peu important les circonstances dans lesquelles le document a été signé par [L] [S]. Elle ajoute que les vendeurs ne disposaient d'aucun droit de rétractation et qu'il n'a jamais existé d'ambiguïté concernant l'assiette du bien vendu, de sorte qu'exiger la mention d'une référence cadastrale dans l'offre pour que la vente soit parfaite reviendrait à ajouter une condition au texte, a fortiori lorsque le bien a été vendu par l'intermédiaire d'une agence immobilière, sur la base d'un mandat décrivant précisément le bien. Elle précise que toutes les conditions de la vente ont été acceptées par les consorts [S] et qu'il est indifférent que le notaire de ces derniers n'ait pas préparé un projet d'acte conforme à leurs attentes, dès lors qu'est seulement sollicitée l'application de l'accord conclu préalablement, le 5 mars 2020.

Les consorts [S] répondent, d'une part, que la signature d'un tel document ne peut valoir

" transaction ferme " puisque le document ne comprend pas la désignation des parties et que la description de l'objet de la vente est particulièrement succincte et incomplète, la superficie n'étant indiquée que de façon très vague et aucune référence cadastrale n'étant précisée ; d'autre part, que le document n'a pas été valablement signé par [L] [S], dès lors que celle-ci l'a signé seule, en l'absence de sa curatrice, alors qu'elle était confinée dans la chambre de sa maison de retraite. Ils estiment que dans la mesure où " l'offre " mentionnait la signature d'un compromis, celle-ci ne pouvait renfermer un engagement ferme, qu'elle ne pouvait consister qu'en une invitation à entrer en négociation et que la mention " bon pour offre de vente " apposée par 3 des 4 signataires ne permet pas d'établir l'existence d'une acceptation ferme tant de l'offre d'achat que des conditions proposées pour cette acquisition. Ils ajoutent que la société Ideal Promotion se contredit en sollicitant le constat de la vente

sur la base d'un accord préalable au projet de promesse de vente établi par Me [X] tout en visant dans le dispositif de leurs conclusions les conditions de prix et de charges telles qu'elles ressortent du projet d'acte. Enfin, ils font valoir que la société Ideal Promotion revendique aujourd'hui un prétendu engagement par la signature de l'acte du 5 mars 2020, alors que le projet d'acte qui a suivi - qui n'est pas un compromis mais une promesse unilatérale - ne visait qu'à engager définitivement les promettants sans qu'aucune contrainte ne pèse sur le bénéficiaire.

Sur ce,

Si l'acte de disposition consenti par une personne bénéficiant d'une mesure de curatelle requiert l'assistance de son curateur, laquelle se manifeste, selon les termes de l'article 467 du code civil, par l'apposition de la signature du curateur, à côté de celle de la personne protégée, il ressort de l'article 465 du même code que cette disposition est sanctionnée par une nullité facultative.

Or, les consorts [S] ne forment aucune prétention tendant à voir déclaré nul l'acte par eux signés le 5 mars 2020, dont seule la nature est l'objet des débats, de sorte que les circonstances dans lesquelles le document a été signé par [L] [S] ne constituent pas, en tant que telles, un motif de rejet des demandes de la société Ideal Promotion.

En outre, s'il apparaît qu'un formalisme est requis pour permettre l'opposabilité aux tiers du transfert de propriété d'un bien immeuble, en application du décret 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, le principe du consensualisme qui s'applique à la vente, fût-elle de nature immobilière, exclut de soumettre le consentement des parties à des conditions de forme, la vente étant parfaite, aux termes de l'article 1583 du code civil, dès lors que les parties sont convenues de la chose et du prix.

Il est donc indifférent que sur le document litigieux la signature de [L] [S] ne soit pas accompagnée, à l'instar de celle de ses enfants, de la mention " bon pour offre de vente ", dès lors que cette formule n'est pas requise pour matérialiser le consentement de la partie qui s'engage.

Toutefois, la vente requiert la conclusion d'un contrat et le contrat n'est formé, en application de l'article 1113 du code civil, que par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager.

A cet égard, pour valoir en tant que telle, selon l'article 1114 du code civil, l'offre doit comprendre les éléments essentiels du contrat envisagé et exprimer la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation.

Or, selon les termes employés dans le document litigieux, tel que rédigé par la société Ideal Promotion, il apparaît que celle-ci n'a entendu manifester par cet acte que son " intérêt pour l'acquisition de la propriété ", et ce, sous certaines réserves tenant aux conditions suspensives et autre engagement à prévoir. Est notamment visé l'" engagement de déposer une demande de [permis de] construire dans le délai de 4 mois à partir de la signature du compromis ".

Ces éléments, ajoutés au fait que lors du rendez-vous chez le notaire du 3 juin 2020 était prévue la signature d'une " promesse unilatérale de vente ", soit un acte ne comportant pas l'engagement du bénéficiaire d'acquérir, excluent de considérer que le document litigieux quoiqu'intitulé " offre d'achat " ait renfermé l'engagement ferme et irrévocable de la société Ideal Promotion de conclure la vente.

De plus, il n'y a de contrat qu'en cas d'acceptation de l'offre, l'acceptation étant définie par l'article 1118 du code civil comme " la manifestation de volonté de son auteur d'être lié dans les termes de l'offre ".

Or, les signatures des consorts [S] sont accompagnées de la mention manuscrite " bon pour offre de vente ", soit une mention de nature à créer une équivoque quant aux qualités de pollicitant et d'acceptant des parties à l'acte, qui ne manifeste pas, en tant que telle, l'acceptation des consorts [S] d'être liés dans les termes d'une offre. Il doit être relevé, en outre, que le document imprimé comporte, à l'emplacement des signatures, les mentions imprimés " bon pour offre d'achat " et " bon pour offre de vente ", sans mention aucune de l'attente d'une quelconque acceptation d'une offre d'achat.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, et en l'absence de la rencontre d'une offre et d'une acceptation, il convient de considérer que le document, fût-il signé par l'ensemble des parties, ne renferme pas un accord de volontés, les consorts [S] ayant seulement pris acte de la proposition d'achat qui leur a été présentée par la société Ideal Promotion et qui n'avait que la valeur d'une invitation à entrer en pourparlers.

Pour ces motifs substitués à ceux du tribunal, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Ideal Promotion de sa demande de constatation de la vente.

" Sur la demande de dommages et intérêts de la société Ideal Promotion

A titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil, la société Ideal Promotion demande à être indemnisée de son préjudice, à hauteur de 15 000 euros, au regard du temps perdu pour mener à bien son projet de commercialisation, faisant valoir la mauvaise foi des consorts [S] qui entendent remettre en cause leur engagement et bénéficier d'une faculté de rétractation à laquelle ils n'ont pas droit.

Les consorts [S] critiquent le fondement textuel invoqué par leur contradicteur, en faisant observer qu'aucune faute contractuelle ne peut leur être imputée dans le cadre d'une demande subsidiaire. Ils estiment qu'il ne peut leur être reproché d'avoir refusé de signer la promesse unilatérale de vente, au vu du déséquilibre des engagements qu'elle renfermait et que leur refus ne peut s'analyser en l'exercice d'un droit de rétractation auquel ils ne pouvaient prétendre, puisque le document du 5 mars 2020 n'était qu'une invitation à entrer en négociation.

Sur ce,

Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

En l'espèce, s'il résulte des développements qui précèdent que le document daté du 5 mars 2020 ne constitue pas une vente, il n'est pas non plus allégué, ne serait-ce à titre subsidiaire, qu'un tel acte devrait s'analyser en un contrat préparatoire renfermant l'obligation des parties de poursuivre les négociations.

A défaut d'établir l'existence d'un contrat d'une nature quelconque, la société Ideal Promotion apparaît dès lors mal fondée à rechercher la responsabilité contractuelle des consorts [S].

En outre, selon l'article 1112 du code civil, l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres, sous la seule limite du respect des exigences de bonne foi.

S'il apparaît, en l'espèce, que les consorts [S] n'ont pas donné de suite favorable à la conclusion de l'acte préparé par leur notaire avec la participation du notaire de la société Ideal Promotion, le fait est que l'acte qui leur a été soumis consistait en une promesse unilatérale de vente sans indication de durée et dispensant le bénéficiaire du versement immédiat d'une indemnité d'immobilisation, soit un acte distinct du " compromis " évoqué dans le document du 5 mars 2020 qui renvoie implicitement à une promesse synallagmatique de vente.

Dans ces conditions, alors qu'il ressort des courriels échangés la veille du rendez-vous de signature de l'acte notarié (pièce n° 6 des consorts [S]) que Mme [A] [S] a fait connaître ses exigences pour parvenir à la conclusion du contrat, soit le versement immédiat d'une indemnité d'immobilisation, et que même après avoir reçu une mise en demeure de la part de la société Ideal Promotion, les consorts [S] ont indiqué ne pas être opposés au principe d'une vente pour peu qu'elle prenne la forme d'un compromis comportant des engagements réciproques et non seulement un engagement unilatéral de leur part (lettre officielle du 21 septembre 2020 - pièce n° 2 de leur dossier), il apparaît que c'est sans abuser de leur droit de rompre les pourparlers qu'ils ont refusé de s'engager auprès de la société Ideal Promotion en l'absence de toute autre proposition émanant de cette dernière.

Pour ces motifs, ajoutés à ceux du tribunal et que la cour adopte, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Ideal Promotion de sa demande subsidiaire de dommages et intérêts.

" Sur la demande de dommages et intérêts des consorts [S]

Les consorts [S] formant appel incident réclament 9 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive. Ils expliquent qu'alors qu'ils étaient déstabilisés par le décès de leur mère, ils ont été confrontés à la brutalité de la société Ideal Promotion qui, en quelques mois, a voulu les contraindre à signer un acte dont le projet n'a été reçu que la veille de la signature et qui comportait des conditions manifestement dictées à l'avance, sans qu'ils aient eux-mêmes été consultés. Ils ajoutent que la société Ideal Promotion n'a jamais cherché à comprendre leurs réserves et que son intention était de faire pression sur eux pour acquérir prestement les parcelles selon ses propres et seules conditions.

La société Ideal Promotion indique ne pas comprendre en quoi la procédure serait abusive, qu'elle est un professionnel de l'immobilier subissant un préjudice du fait des atermoiements des consorts [S] qui n'ont cherché qu'à revenir sur leur accord pour obtenir des conditions plus favorables.

Sur ce,

En application de l'article 1240 du code civil et de l'article 32-1 du code de procédure civile, l'exercice du droit d'agir en justice dégénère en abus susceptible d'ouvrir droit à des dommages et intérêts s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, une malveillance manifeste ou une légèreté blâmable.

En l'espèce, la société Ideal Promotion a entendu se prévaloir en justice d'un document précontractuel comme d'une vente ferme et définitive, en faisant abstraction du projet de promesse unilatérale de vente qui lui a été soumis et à la signature duquel elle ne s'est jamais opposée, alors qu'un tel acte ne suppose aucun engagement d'acquérir de la part du bénéficiaire et ne peut être confondu par un professionnel averti, rompu aux opérations immobilières, avec un " compromis ", seul projet d'acte auquel la proposition d'achat faisait référence.

Ces circonstances suffisent à caractériser la mauvaise foi de la société Ideal Promotion, et à faire dégénérer en abus l'exercice de son droit d'agir en justice, l'action apparaissant destinée à obtenir la cession du bien aux conditions souhaitées par le seul acquéreur.

Le jugement sera infirmé en conséquence et la société Ideal Promotion condamnée à régler à chacun des intimés la somme de 1 000 euros chacun, en indemnisation du préjudice moral résultant de son initiative procédurale fautive.

" Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmés.

Les dépens d'appel seront supportés par la société Ideal Promotion qui succombe en ses prétentions, l'équité commandant en outre de faire droit à la demande des consorts [S] tendant à être indemnisés de leurs frais irrépétibles exposés en appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts des consorts [S],

Statuant à nouveau dans cette limite,

Condamne la société Ideal Promotion à régler à Mme [A] [O], M. [E] [S] et M. [I] [S], la somme de 1 000 euros chacun, en indemnisation de leurs préjudices respectifs,

Y ajoutant,

Condamne la société Ideal Promotion aux dépens d'appel,

Condamne la société Ideal Promotion à régler à Mme [A] [S] épouse [O], M. [E] [S] et M. [I] [S], ensemble, la somme unique de 3 600 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame F. PERRET, Président et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-3
Numéro d'arrêt : 22/06261
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;22.06261 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award