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25/04/2024 | FRANCE | N°22/02902

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-5, 25 avril 2024, 22/02902


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80J



Chambre sociale 4-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 AVRIL 2024



N° RG 22/02902

N° Portalis DBV3-V-B7G-VNYS



AFFAIRE :



[B] [D]





C/

Société OREGE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Septembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de RAMBOUILLET

N° Section : E

N° RG : F21/00038

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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Isabelle MORIN



la SELAS ærige







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80J

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 AVRIL 2024

N° RG 22/02902

N° Portalis DBV3-V-B7G-VNYS

AFFAIRE :

[B] [D]

C/

Société OREGE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Septembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de RAMBOUILLET

N° Section : E

N° RG : F21/00038

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Isabelle MORIN

la SELAS ærige

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [B] [D]

née le 09 Septembre 1979 à [Localité 5]

de nationalité Allemande

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Isabelle MORIN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 217

APPELANTE

****************

Société OREGE

N° SIRET : 479 301 079

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Saïd SADAOUI de la SELAS ærige, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0305 - Substitué par Me Marine SALOMON, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 01 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [B] [D] a été engagée par la société Orege suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 17 février 2020 en qualité de directrice de projets, groupe VII, avec le statut de cadre.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des entreprises des services d'eau et d'assainissement.

Par lettre du 7 juillet 2020, la société Orege a notifié à Mme [D] le renouvellement de sa période d'essai jusqu'au 15 décembre 2020.

Mme [D] a annoncé le 25 août 2020 son état de grossesse à son employeur.

La salariée a fait l'objet d'un arrêt de travail en rapport avec un état pathologique de la grossesse du 5 novembre 2020 au 17 novembre 2020.

Par lettre du 5 novembre 2020, la société Orege a notifié à Mme [D] la rupture de sa période d'essai à la date du 4 décembre 2020.

Contestant la rupture de sa période d'essai, le 22 février 2021 Mme [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Rambouillet afin de voir dire que la rupture du contrat de travail doit s'analyser en licenciement nul pour violation du statut protecteur de la femme enceinte et de voir condamner la société Orege au paiement de dommages et intérêts pour nullité du licenciement et de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 5 septembre 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- débouté Mme [D] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté Mme [D] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Orege de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Orege de sa demande de procédure abusive à l'encontre de Mme [D],

- condamné Mme [D] aux entiers dépens, y compris les frais d'exécution éventuels.

Le 26 septembre 2022, Mme [D] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 23 avril 2023, Mme [D] demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau, de:

- juger le renouvellement de la période d'essai illicite,

- en conséquence, juger que la rupture du contrat de travail doit s'analyser en un licenciement,

- juger le licenciement comme étant nul pour violation du statut protecteur de la femme enceinte,

- condamner la société Orege à lui verser les sommes suivantes :

* 27 200 euros au titre des salaires jusqu'à la fin de la période de protection,

* 2 720 euros au titre des congés payés afférents,

* 6 800 euros au titre de l'indemnité pour irrégularité de procédure,

* 6 800 euros au titre de l'indemnité de préavis,

* 680 euros au titre des congés payés afférents,

* 1 983,33 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 40 800 euros au titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement,

- en tout état de cause, condamner la société Orege à lui verser les sommes suivantes :

* 5 000 euros au titre des indemnités pour absence de véhicule de fonction,

* 588,50 au titre des tickets restaurant,

- ordonner la remise des documents rectifiés pour tenir compte de l'arrêt : attestation pôle emploi, certificat de travail et reçu pour solde de tout compte, dans les 15 jours suivant la signification de l'arrêt et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

- dire que les condamnations à des sommes d'argent porteront intérêts à compter de la saisine du conseil et prononcer la capitalisation des intérêts,

- condamner la société Orege au versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société Orege de ses demandes reconventionnelles,

- condamner la société Orege aux entiers dépens y compris les frais d'exécution éventuels.

Par conclusions signifiées par voie électronique 15 septembre 2023, la société Orege demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le renouvellement de la période d'essai de Mme [D] est parfaitement licite et qu'en tout état de cause la rupture de la période d'essai est intervenue alors que la période d'essai était toujours valablement en cours, substituant néanmoins sa motivation à celle des premiers juges quand elle était infondée,

- en conséquence, juger que la rupture de la période est parfaitement légale et légitime et ne doit pas s'analyser en un licenciement,

- juger que Mme [D] n'a pas été victime de discrimination liée à son état de grossesse,

- débouter Mme [D] de l'ensemble de ses demandes,

- infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit aux demandes reconventionnelles de la société,

- en conséquence, condamner Mme [D] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner Mme [D] à luiverser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de l'instruction est intervenue le 20 février 2024.

MOTIVATION

Sur le renouvellement de la période d'essai et la qualification de la rupture du contrat de travail

La salariée indique que le renouvellement de la période d'essai est illicite puisqu'il n'a pas pour objet de tester ses compétences mais qu'il est lié au contexte de la pandémie de Covid 19, qu'elle n'a pas donné son accord exprès au renouvellement. Elle ajoute que seuls les congés payés ont suspendu la période d'essai initiale, de sorte que le renouvellement de la période d'essai est tardif et que le contrat de travail doit être considéré comme définitif.

L'employeur fait valoir que compte-tenu de la crise sanitaire, la salariée a été placée en activité partielle à plusieurs reprises, les périodes de chômage technique ayant été déclarées par la salariée elle-même et qu'au moment de la rupture de la période d'essai, elle se trouve toujours dans sa première période de période d'essai de quatre mois et en tout état de cause, dans les délais, la salarié ayant travaillé 67,25 jours ouvrés à la date de la rupture.

La période d'essai commence le jour même de la conclusion du contrat de travail et se termine le dernier jour à minuit.

La période d'essai ayant pour but de permettre l'appréciation des qualités du salarié, celle-ci est prolongée du temps d'absence du salarié, notamment en cas de prise de jours de congés payés.

Le contrat de travail de la salariée comprend une période d'essai de quatre mois renouvelable une fois.

La période d'essai a commencé le 17 février 2020, la période d'essai devait donc en principe se terminer le 16 juin 2020.

Il y a lieu de prendre en considération les jours de congés payés suivants: 22 mai 2020, 1er juin 2020.

L'employeur fait valoir que salariée a été placée en activité partielle totale sur les périodes suivantes où elle a été absente selon lui : du 24 mars au 31 mars 2020, du 10 au 30 avril 2020, du 4 au 20 mai 2020, du 2 au 18 juin 2020, du 1er au 7 juillet 2020, le 24 août 2020, le 1er septembre 2020, le 2 novembre 2020 ainsi qu'en activité partielle avec réduction d'activité aux dates suivantes: le 9 avril 2020 à hauteur de 25%, le 19 juin 2020 à hauteur de 50%, le 1er octobre 2020 à hauteur de 50%.

Cependant, la salariée conteste avoir cessé de travailler pendant l'activité partielle. Elle produit de nombreux courriels reçus et envoyés sur cette période, plusieurs de ces courriels montrant l'organisation de réunions à distance notamment entre le 24 et le 31 mars, les 15, 16 et 30 avril, réunions demandant un travail de préparation et de suivi, d'autres courriels attestant qu'elle a réalisé des tâches conformément aux missions qui lui étaient confiées par l'employeur.

Il s'en déduit que seuls deux jours de congés doivent être pris en compte pour prolonger la durée de la période d'essai de la salariée jusqu'au 18 juin 2020, la salariée n'ayant pas cessé de travailler lors de son placement en activité partielle à la demande de son employeur, le fait que la salariée ait saisi elle-même des données dans l'outil de l'entreprise pour l'enregistrement de jours d'activité partielle étant inopérant.

Par conséquent, le renouvellement de la période d'essai le 7 juillet 2020 est intervenu tardivement après le terme de la période initiale, de sorte que le contrat de travail était devenu définitif.

Au surplus, le motif de renouvellement de la période d'essai ne vise pas à apprécier l'ensemble des qualités professionnelles de la salariée mais est expressément lié essentiellement au manque de visibilité sur l'activité de l'entreprise en raison du contexte de pandémie liée au Covid 19, et n'autorise pas le renouvellement de la période d'essai.

Par conséquent le renouvellement de la période d'essai est tardif et illicite.

La rupture de la période d'essai ayant eu lieu après l'expiration de la période d'essai, elle doit être qualifiée de licenciement. Le jugement entrepris sera infirmé sur ces points.

Sur la validité du licenciement et ses conséquences

La salariée sollicite des dommages et intérêts pour nullité du licenciement, intervenu en méconnaissance de la protection accordée aux femmes enceintes.

L'employeur conclut au rejet de la demande. Il soutient que la rupture du contrat de travail est valable et qu'il a respecté ses obligations, que la décision de rompre le contrat de travail est étrangère à l'état de grossesse de la salariée.

Aux termes de l'article L. 1225-4, 'aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l'expiration de ces périodes.

Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa'.

En application de l'article L. 1225-71 du code du travail, l'inobservation par l'employeur des dispositions des articles L. 1225-1 à L. 1225-28 et L. 1225-35 à L. 1225-69 peut donner lieu au profit du salarié, dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement.

En l'espèce, l'employeur a été informé de l'état de grossesse de la salariée le 25 août 2020.

La salariée invoque une réaction à l'annonce de sa grossesse détestable, des reproches quant à son absence en présentiel, la demande de fixer ses rendez-vous liés au suivi de la grossesse en dehors des heures de travail, le refus de télétravail, un déplacement imposé à Leipzig en voiture.

L'employeur a entendu rompre la période d'essai par lettre du 5 novembre 2020 à la date du 4 décembre 2020.

La notification de la rupture de la période d'essai de la salariée, qualifiée de licenciement puisque ayant eu lieu après l'expiration de la période d'essai, intervenue le 5 novembre 2020 pendant l'état de grossesse de la salariée médicalement constaté et connu de l'employeur, a été prononcée en violation de l'article L. 1225-4. Ce licenciement encourt donc la nullité. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour nullité du licenciement

En application des dispositions de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois est due au salarié, sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû en application des dispositions de l'article L. 1225-71 et du statut protecteur.

Il sera alloué à la salariée qui percevait une rémunération brute de 6 800 euros par mois, des dommages et intérêts pour licenciement nul qu'il convient de fixer à la somme de 40 800 euros.

Sur les salaires jusqu'à la fin de la période de protection

En application des dispositions des articles L. 1225-71 et L. 1235-3-1du code du travail, la salariée a droit au paiement de ses salaires jusqu'à la fin de la période de protection, qu'il convient de fixer à la somme de 27 200 euros bruts, outre les congés payés afférents pour 2 720 euros bruts, quanta non contestés par la société intimée.

Sur l'indemnité légale de licenciement

En application des dispositions de l'article L. 1234-9 du code du travail, la salariée justifiant de plus de huit mois d'ancienneté a droit à une indemnité légale de licenciement d'un montant de 1 983,33 euros, quantum non contesté par la société intimée.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

En application des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail, la salariée justifiant d'une ancienneté comprise entre six mois et deux ans, a droit à une indemnité de préavis d'un mois qu'il convient de fixer à la somme de 6 800 euros bruts, outre 680 euros bruts au titre des congés payés afférents, quanta non contestés par la société intimée.

Sur les dommages et intérêts pour procédure irrégulière

Les indemnités prévues en cas de nullité du licenciement ne se cumulent pas avec celles sanctionnant l'inobservation des règles de forme. Mme [D] sera donc déboutée de sa demande d'indemnité pour procédure irrégulière.

Par conséquent, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme [D] de ses demande en dommages et intérêts pour nullité du licenciement et de ses demandes subséquentes sauf en ce qu'il a débouté Mme [D] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure irrégulière et la société Orege sera condamnée à payer à Mme [D] les sommes suivantes:

40 800 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement,

27 200 euros à titre de rappel de salaire,

2 720 euros au titre des congés payés afférents,

1 983,33 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

6 800 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

680 euros au titre des congés payés afférents.

Sur le véhicule de fonction

La salariée sollicite des dommages et intérêts pour privation d'un véhicule de fonction, demande sur laquelle le conseil de prud'hommes a omis de statuer. Elle indique que son contrat de travail prévoyait un tel véhicule, que celui-ci ne lui a pas été remis. Elle sollicite des dommages et intérêts pour privation de ce véhicule, puisqu'elle a dû emprunter un véhicule pour procéder à ses déplacements professionnels et engager des frais.

L'employeur fait valoir que les véhicules de fonction sont attribués à l'issue de la période d'essai, conformément à une pratique interne. Il relève que la salariée n'a jamais sollicité son véhicule avant le présente litige. Il soutient que l'ensemble des responsables ont accepté une diminution de leur rémunération entre 20% à 30% entre avril et décembre 2020 en raison de la situation sanitaire pour soutenir la société, à l'exception de la salariée qui a seulement accepté de renoncer à son véhicule de fonction, cette modification ayant fait l'objet d'un nouveau contrat de travail réceptionné par la salariée.

Le contrat de travail de la salariée prévoit qu'un véhicule de fonction, type Audi A4 ou équivalent, sera mis à sa disposition.

L'employeur produit l'attestation de Mme [R], responsable administrative et comptable, du 6 octobre 2021 qui confirme une pratique visant à attendre la confirmation de la période d'essai des responsables avant de commander le véhicule de fonction, celui-ci étant loué en location longue durée pour un engagement de trois ans minimum.

L'employeur soutient ensuite que la salariée a renoncé à son véhicule de fonction et produit un contrat de travail daté du 20 octobre 2020 comprenant cette mention, contrat non signé par la salariée, qui indique ne pas avoir renoncé à la voiture de fonction et ne pas avoir accepté ce contrat de travail.

Il se déduit de ces éléments, que même en tenant compte d'un délai de passage de commande conforme à la pratique de l'entreprise, l'employeur a manqué à son obligation de fournir un véhicule de fonction à la salariée.

La salariée justifie de frais de location de véhicule pour 502,68 euros le 27 août 2020. L'employeur reconnaît, en outre, que la salariée disposait d'un véhicule personnel.

Il s'en déduit que la société Orege doit être condamnée à payer à Mme [D] la somme de

1500 euros à titre de dommages et intérêts pour privation de l'avantage en nature relatif au véhicule de fonction prévu au contrat de travail.

Sur les tickets restaurant

La salariée sollicite un rappel de salaire correspondant à un solde de 107 tickets restaurant sur la période travaillée, faisant valoir que l'employeur ne lui a remis que 51 tickets restaurant et n'a pas rempli ses obligations contractuelles, demande sur laquelle le conseil de prud'hommes a omis de statuer.

L'employeur fait valoir que la salariée a reçu un versement au titre de son solde de tout compte correspondant à 19 tickets non distribués et a été entièrement remplie de ses droits.

Au vu du décompte produit par l'employeur des jours ouvrés, des jours d'absences pour congés, maladie, préavis non effectué, des jours d'activité partielle, des jours de déjeuner remboursé ou d'invitation en interne ou à la cantine, l'employeur devait distribuer ou payer 91 tickets restaurant à la salariée sur la période considérée.

Il ressort des listes de distribution de tickets restaurant, signées par la salariée, qu'elle s'est vue remettre 72 tickets restaurant au total.

Il ressort du courrier du 18 février 2021, que l'employeur a informé la salariée du paiement, lors du solde de tout compte, de la part patronale correspondant aux 19 tickets restaurant non distribués pour les jours travaillés hors activité partielle.

Par conséquent, Mme [D] ayant été remplie de ses droits, doit être déboutée de sa demande en rappel au titre de tickets restaurant.

Sur la remise de documents

Il convient d'ordonner la remise par la société Orege à Mme [D] de l'attestation Pôle emploi devenu France Travail, du certificat de travail, du solde de tout compte, sans qu'il soit nécessaire de prononcer d'astreinte et de fixer de délai.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il n'y a pas lieu de faire courir le point de départ des intérêts à une date antérieure comme sollicité.

Il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts échus au moins pour une année entière.

Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive

La présente procédure étant largement fondée, elle n'est pas abusive. Le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Orege de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Orege succombant à la présente instance, en supportera les dépens de première instance et d'appel.

Elle devra régler à Mme [D] une indemnité de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Orege.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [B] [D] de sa demande de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure et débouté la société Orege de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que le renouvellement de la période d'essai est tardif et illicite,

Dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en licenciement,

Dit que le licenciement est nul pour violation du statut protecteur de la femme enceinte,

Condamne la société Orege à payer à Mme [B] [D] les sommes suivantes:

40 800 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement,

27 200 euros à titre de rappel de salaire,

2 720 euros au titre des congés payés afférents,

1 983,33 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

6 800 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

680 euros au titre des congés payés afférents,

1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de véhicule de fonction,

Dit que les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière,

Ordonne la remise par la société Orege à Mme [B] [D] de l'attestation Pôle emploi devenu France Travail, du certificat de travail, du solde de tout compte,

Déboute Mme [B] [D] de ses demandes d'astreinte et de fixation de délai pour la remise de documents,

Déboute Mme [B] [D] de sa demande de rappel de salaire au titre de tickets restaurant,

Condamne la société Orege aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société Orege à payer à Mme [B] [D] la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Orege,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-5
Numéro d'arrêt : 22/02902
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;22.02902 ?
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