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24/04/2024 | FRANCE | N°21/03304

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ch civ. 1-4 copropriété, 24 avril 2024, 21/03304


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 70O



Ch civ. 1-4 copropriété



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 24 AVRIL 2024



N° RG 21/03304 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UQUS



AFFAIRE :



[H] [R]

et autre



C/



ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE [Adresse 5]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Mars 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section : r>
N° RG : 20/00999



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Christophe DEBRAY,



Me Frédérique FARGUES,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUAT...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 70O

Ch civ. 1-4 copropriété

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 AVRIL 2024

N° RG 21/03304 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UQUS

AFFAIRE :

[H] [R]

et autre

C/

ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE [Adresse 5]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Mars 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 20/00999

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Christophe DEBRAY,

Me Frédérique FARGUES,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [H] [R]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Christian DIAZ LOPEZ, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0394

Madame [S] [I] épouse [R]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Christian DIAZ LOPEZ, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0394

APPELANTS

****************

ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE [Adresse 5], dont le siège est sis chez sa Présidente, Madame [M] [K], élue aux lieu et place de [T] [Z]

[Adresse 3]

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentant : Me Frédérique FARGUES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 138 et Me Jérôme CHAMARD de la SCP SCP d'Avocats BOUYEURE BAUDOUIN DAUMAS CHAMARD BENSAHEL GOME Z-REY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0056

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Raphaël TRARIEUX, Président,

Madame Séverine ROMI, Conseillère,

Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Kalliopi CAPO-CHICHI,

****************

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [O] [B] [R] et Mme [S] [I] épouse [R] sont propriétaires du lot n°9 d'un ensemble immobilier situé [Adresse 2] [Adresse 1] à [Localité 6] qui constitue un lotissement à usage résidentiel, édifié en décembre 1978. Cet ensemble immobilier dépend de l'Association syndicale libre [Adresse 5] (ci-après dénommée l'ASL).

Par deux arrêtés du 18 décembre 2017, la commune a autorisé la division parcellaire du lot des époux [R] en deux lots distincts et leur a accordé un permis de construire portant sur la construction d'une maison individuelle.

L'ASL a introduit des actions en annulation des arrêtés municipaux, devant le Tribunal administratif de Versailles, dont elle s'est finalement désistée.

Par acte en date du 29 mai 2019, l'ASL a saisi le juge des référés du Tribunal de grande instance de Versailles à l'effet de voir condamner les époux [R] à cesser tous travaux de construction sur leur terrain.

Aux termes d'une ordonnance, rendue le 25 juillet 2019, le juge des référés a déclaré irrecevables les demandes de l'ASL, au motif que cette dernière ne justifiait pas de sa capacité à agir, faute de publication d'un extrait de ses statuts modifiés en conformité aux exigences de l'article 8 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires.

Par assignation du 5 février 2020, l'association syndicale libre [Adresse 5] a saisi le Tribunal judiciaire de Versailles.

Par jugement daté du 25 mars 2021, le Tribunal judiciaire de Versailles a :

- déclaré l'action de l'ASL recevable ;

- condamné solidairement les époux [R] à cesser immédiatement tous travaux de construction sur le terrain dont ils sont propriétaires ;

- condamné solidairement les époux [R] à supprimer tous travaux de construction exécutés sur le terrain dont ils sont propriétaires dans un délai de six mois à compter de la signification du jugement ;

- condamné solidairement les époux [R] à reconstituer le mur d'enceinte partiellement démoli, dans un délai de six mois à compter de la signification du jugement ;

- rejeté les demandes de l'ASL visant à assortir la condamnation des défendeurs d'une astreinte ;

- rejeté les demandes de dommages et intérêts de l'ASL ;

- rejeté l'ensemble des demandes des époux [R] ;

- condamné in solidum les époux [R] à payer à l'ASL la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné les époux [R] à payer in solidum les dépens, dont distraction au profit de Maître Frédérique Fargues, avocat ;

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Les époux [R] ont interjeté appel suivant déclaration en date du 20 mai 2021.

Ils demandent à la Cour, par leurs dernières conclusions transmises par RPVA le 1er décembre 2023 au visa des dispositions des articles 31, 122 et 117 du code de procédure civile, 1134 et suivants (anciens) du code civil (1103 et suivants nouveaux), L. 115-1 et L. 442-9 du code de l'urbanisme, de :

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

Statuant à nouveau :

A titre liminaire :

- Prononcer la nullité de l'assignation du 5 février 2020 ;

A défaut,

- Déclarer irrecevable l'ASL ;

A titre subsidiaire, sur le fond :

- Débouter l'ASL de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions ;

A titre infiniment subsidiaire, sur le fond :

- leur accorder un délai de 24 mois afin de se conformer aux dispositions de l'arrêt à intervenir ;

- Débouter l'ASL de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions ;

En toutes hypothèses :

- Condamner l'ASL à leur verser la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner l'ASL aux entiers dépens.

L'ASL [Adresse 5] demande à la Cour, par ses dernières conclusions transmises par RPVA le 24 novembre 2023 au visa des dispositions du décret 2006-504 du 3 mai 2006 et des articles 1103 et suivants du code civil de :

- juger les époux [R] mal fondés en leur appel,

- les en débouter purement et simplement,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

-« Déclaré l'action de l'Association Syndicale Libre [Adresse 5] recevable,

- Condamné solidairement M. [H] [R] et Mme [S] [I] épouse [R] à cesser immédiatement tous travaux de construction sur le terrain dont ils sont propriétaires sis [Adresse 3] à [Localité 6], sur la parcelle C [Cadastre 4] ;

- Condamné solidairement M. [H] [R] et Mme [I] épouse [R] à supprimer tous travaux de construction exécutés sur le terrain dont ils sont propriétaires sis [Adresse 3] à [Localité 6], sur la parcelle C [Cadastre 4], dans un délai de six mois à compter de la signification du présent jugement ;

- Condamné solidairement M. [H] [R] et Mme [S] [I] épouse [R] à reconstituer le mur d'enceinte partiellement démoli, dans un délai de six mois à compter de la signification du présent jugement ;

- Condamné M. [H] [R] et Mme [S] [I] épouse [R] à

payer in solidum à l'Association Syndicale Libre [Adresse 5] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné M. [H] [R] et Mme [S] [I] épouse [R] à payer in solidum les dépens, dont distraction au profit de Maître Frédérique Fargues, avocat »

Le réformer en ce qu'il a :

- Rejeté la demande tendant à voir assortir les condamnations d'une astreinte ;

- Rejeté la demande formée à titre de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

- Assortir la condamnation à remettre les lieux en leur état antérieur d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard commençant à courir 15 jours après la signification de l'arrêt à intervenir ;

- Condamner solidairement les époux [R] à lui payer une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour réparer :

*d'une part, le préjudice collectivement subi par les membres de l'ASL en raison de l'exécution même des travaux (de construction et de démolition) ;

*d'autre part, les conséquences de leur résistance abusive ;

- Condamner solidairement les époux [R] à lui payer une somme de 8 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner solidairement les époux [R] aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Frédérique Fargues, conformément aux dispositions de

l'article 699 du code de procédure civile.

Conformément à l'article 455 du même code, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour plus ample exposé du litige.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 décembre 2023.

Par mention au dossier, la Cour a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 20 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les époux [R] poursuivent l'infirmation du jugement au sujet de la recevabilité de l'action de l'ASL, faisant valoir que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, l'objet de l'association ayant été modifié, puisque dans les statuts initiaux son objet était de veiller au règlement du lotissement alors même que dans les statuts tels que modifiés en 2018, son objet était désormais de veiller au règlement et au cahier des charges, en sorte que cette modification d'objet nécessitait la publication d'un extrait des statuts, ce qui n'a pas été fait.

De son côté, l'ASL, qui ne conteste pas que lorsque son objet est modifié, un extrait de ses statuts modifiés doit être publié, indique que cette formalité a bien été respectée et soutient produire à cet égard le justificatif de publication au journal officiel du 7 avril 2018. Elle ajoute que le nouvel objet y est précisé.

L'article 8 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 dispose que « La déclaration de l'association syndicale libre est faite à la préfecture du département ou à la sous-préfecture de l'arrondissement où l'association a prévu d'avoir son siège. Deux exemplaires des statuts sont joints à la déclaration. Il est donné récépissé de celle-ci dans un délai de cinq jours. Un extrait des statuts doit, dans un délai d'un mois à compter de la date de délivrance du récépissé, être publié au Journal officiel. Dans les mêmes conditions, l'association fait connaître dans les trois mois et publie toute modification apportée à ses statuts ».

L'article 6 du décret d'application de l'ordonnance précitée du 3 mai 2006 précise que « La déclaration prévue par l'article 8 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 susvisée est faite par l'un des membres de l'association. Le délai de cinq jours pour la délivrance du récépissé court à compter de la réception du dossier de déclaration contenant toutes les pièces prévues à l'article 8 de la même ordonnance et à l'article 3 du présent décret. Le récépissé contient l'énumération des pièces annexées ; il est daté et signé par le préfet. L'extrait des statuts qui doit être publié au Journal officiel dans le délai d'un mois à compter de la date de délivrance du récépissé contient la date de la déclaration, le nom, l'objet et le siège de l'association ».

Il est acquis que lorsque les ASL mettent leurs statuts en conformité avec les textes précités, elles doivent respecter les formalités qu'ils imposent (3e Civ., 6 septembre 2018, n° 17-22.815). Il est également constant que la publication d'un extrait des statuts contenant la date de la déclaration, le nom, l'objet et le siège de l'association étant exigée lors de la constitution d'une ASL, la publication d'un extrait des statuts n'est donc nécessaire qu'autant que la modification des statuts porte sur l'un de ces éléments (3e Civ., 24 septembre 2020, n°19-14.762).

L'accomplissement de ces formalités a des conséquences importantes puisque l'article 5 de l'ordonnance précitée dispose que les associations syndicales de propriétaires peuvent notamment agir en justice sous réserve de l'accomplissement des formalités de publicité prévues par cet article 8.

En l'espèce, il est constant que l'objet de l'ASL a été modifié, ce que ne conteste pas d'ailleurs l'intéressée. En effet l'article 2.02 des statuts d'origine du mois de décembre 1978 prévoyait qu'elle aurait notamment pour mission de veiller au strict respect du règlement du lotissement. Or le même article en sa version modifiée en 2018 prévoit désormais que l'ASL a pour mission de veiller au respect du règlement et au [du] cahier des charges. L'objet social a donc été incontestablement modifié sur ce point et cela devait donner lieu à une publication, puisque celle d'un extrait des statuts concernant la date de la déclaration, le nom, l'objet et le siège social est exigée lors de la constitution d'une ASL, si bien que la publication d'un extrait des statuts l'est aussi dès lors que cette modification porte sur l'un de ces éléments. La pièce n° 7 est une annonce au journal officiel de la République française, mentionnant qu'est déclarée à la sous-préfecture de [Localité 8] et que le nouvel objet social de l'ASL est de « veiller au respect du règlement du lotissement et du cahier des charges ». L'ASL démontre ainsi avoir publié ses statuts modifiés, peu important qu'elle n'ait pas repris l'intégralité du paragraphe des statuts relatif à son objet social.

Dès lors le moyen tiré du défaut de publication des statuts doit être rejeté.

M. et Mme [R] font valoir que le président de l'ASL devait être habilité par une assemblée générale et que faute de l'avoir été l'assignation qui leur avait été délivrée est nulle. Les statuts, en leur article 5 relatif au président, prévoient que ce dernier est chargé de recouvrer les sommes dues à l'association et de poursuivre le paiement des dégradations qui pourraient être faites dans les voies pour un motif quelconque, qu'il répond seul à toute demande qui pourrait être faite contre l'association et à toute poursuite qui pourrait être exercée contre elle, et qu'il comparaît en justice et fait valoir les moyens de défense de l'association. Il n'est nullement mentionné qu'il pouvait librement intenter toute action en justice au nom de l'AFL. Une assemblée générale était donc nécessaire pour l'y autoriser.

L'assemblée générale du 20 janvier 2019 a autorisé le président à agir en référé à l'encontre de M. et Mme [R] pour défaut de respect des statuts, du cahier des charges et du règlement du lotissement, et plus précisément, ainsi qu'il était mentionné en préambule, aux fins de faire interdire sous astreinte la poursuite des travaux de construction entrepris par les intéressés sans l'autorisation de l'ASL et en violation manifeste de ces statuts. Lors de celle du 12 novembre 2019 il a été procédé à un vote sur la poursuite sur le fond de la procédure, et cette mesure a été adoptée à 9 voix contre une. Les appelants font valoir à juste titre que l'action en justice en question ne visait qu'à l'interdiction de la poursuite de travaux déjà engagés et non pas une remise en état antérieur. Une assemblée générale du 10 septembre 2021, soit postérieure au jugement dont appel, a confirmé le pouvoir donné à la présidente de l'ASL de poursuivre la procédure aux fins d'obtenir la condamnation des époux [R] à cesser immédiatement tous travaux de construction sur le terrain dont ils sont titulaires et à remettre les lieux en leur état antérieur sous astreinte de 1 000 € par jour de retard.

Le défaut d'autorisation du représentant légal de l'ASL par l'assemblée générale à agir en justice au nom du syndicat constitue une irrégularité de fond relevant des articles 117 et 121 du code de procédure civile, qui est susceptible d' être couverte si sa cause a disparu au moment où le juge statue, par une décision exprès de l'assemblée générale, si celle-ci survient avant que la juridiction saisie se soit prononcée et avant que le délai de prescription ne soit expiré. Dès lors que l'assemblée générale susvisée est intervenue postérieurement au jugement dont appel, il ne pouvait pas y avoir de régularisation de l'assignation de ce fait ; l'assignation en date du 5 février 2020 sera en conséquence annulée. Mais les époux [R] ne sollicitent pas pour autant l'annulation du jugement, et la Cour ne saurait la prononcer sous peine de statuer ultra petita.

M. et Mme [R] font valoir que rien, dans le cahier des charges, ne permettait à l'ASL d'engager une action en justice relative à obtenir la démolition ou la destruction d'ouvrages, et en déduisent que l'action est irrecevable. L'intimée fait valoir à bon droit que l'article 5 du règlement du lotissement prévoit qu'il ne peut être édifié qu'une seule construction sur chaque lot alors que l'article 21 interdit toute subdivision des lots. Dès lors que l'objet social de l'ASL inclut, dans sa mission, de veiller au respect du règlement (article 2.02), la présente action en justice, qui vise à sanctionner des constructions irrégulières, entre pleinement dans l'objet social de l'intéressée.

M. et Mme [R] soutiennent que l'ASL n'est régie que par ses statuts et son cahier des charges à l'exception de toute autre document notamment le règlement du lotissement, lequel n'a pas été contractualisé par une manifestation de volonté non équivoque. Or, si lors des débats de première instance les appelants n'avaient pas produit leur acte d'acquisition, ce que le Tribunal leur avait d'ailleurs reproché, ils l'ont produit en appel. Cet acte notarié daté du 30 avril 1981 comprend in extenso le règlement du lotissement (pages 22 à 31). Son article 1.03 prévoyait d'ailleurs qu'il devrait être visé dans tout acte translatif de terrains bâtis ou non. C'est non sans audace que M. et Mme [R] prétendent que ce règlement ne leur est pas opposable.

Ils font plaider que contrairement à ce qu'a estimé le Tribunal, ils n'ont créé aucun lot supplémentaire, s'agissant d'une simple division de leur lot, qui est toujours celui portant le n°9 même s'il comporte désormais deux constructions, et que leurs travaux ne relevaient pas d'une autorisation de l'assemblée générale. En outre ils ajoutent que l'ASL n'est pas propriétaire du mur de clôture, seule la question de son entretien étant évoquée dans le règlement de lotissement.

Le Tribunal a relevé à juste titre que dès lors que la commune de [Localité 6] a autorisé la division parcellaire de la propriété des époux [R] en deux lots distincts et leur a accordé un permis de construire portant sur une nouvelle maison individuelle, les appelants disposent désormais de facto d'un lot supplémentaire, ce qui rend nécessaire une modification des statuts. En outre la clé de répartition des charges devra nécessairement être revue. Et l'intimée fait valoir à juste titre que les époux [R] peuvent vendre l'une des constructions sans l'autre. Il s'ensuit qu'il y a eu violation de l'article 5 du règlement du lotissement, qui prohibe, ainsi qu'il a été indiqué supra, l'existence de plusieurs constructions sur chaque lot.

S'agissant du mur de clôture, qu'ils ont partiellement démoli, M. et Mme [R] prétendent que l'ASL n'en est pas propriétaire. L'article 12 du règlement du lotissement comporte trois paragraphes, l'un intitulé « clôture le long des voies publiques », l'autre « clôtures sur voies privées », l'autre « clôture entre parcelles ». Il en résulte que le régime juridique de ces trois types de clôtures était différent, et s'agissant de la première, désignée comme un mur de pierre monté à l'ancienne qui devrait être conservé et dont l'entretien incomberait à l'ensemble des propriétaires des 10 lots, elle appartient à l'ASL. Si ladite clôture appartenait en propre à M. et Mme [R] il est patent que son entretien serait à leur charge exclusive. Les photographies annexées aux procès-verbaux de constat des 9 juillet et 23 novembre 2018 montrent bien que ce mur, qui a été largement endommagé par les travaux litigieux, clôt l'ensemble du lotissement, au-delà de la voie publique.

Par ailleurs, le Tribunal a écarté à juste titre le moyen tiré des dispositions de l'article L 480-13 du code de l'urbanisme, selon lesquelles un propriétaire ne peut pas être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à démolir une construction si le permis de construire n'a pas été judiciairement annulé, ce texte ne s'appliquant pas en cas de violation des stipulations contractuelles du cahier des charges.

M. et Mme [R] prétendent enfin que les mesures qui ont été décidées par les premiers juges, à savoir leur condamnation à cesser immédiatement tous travaux de construction ainsi qu'à supprimer ceux déjà exécutés, ainsi qu'à reconstituer le mur d'enceinte, sont disproportionnées au litige.

Ces mesures entrent dans le champ de protection des biens garantie par le Protocole n°1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme selon lequel toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; un juste équilibre doit exister entre l'intérêt général et l'intérêt particulier. Il en résulte que la Cour doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte que les mesures sollicitées portent au droit de propriété des débiteurs au regard du but légitime qu'elles poursuivent. Dès lors que les époux [R] ont sciemment enfreint le règlement du lotissement ainsi que le cahier des charges, lesquels leur étaient pleinement opposables, en démolissant un mur qui ne leur appartenait pas et en édifiant une construction, le tout sans autorisation, alors même qu'ils avaient été destinataires de mises en demeure du conseil de l'ASL, les mesures décidées par le Tribunal ne sont nullement disproportionnées en ce qu'elles visent uniquement à assurer le respect des normes ci dessus rappelées et à remettre les lieux dans leur état d'origine.

Il en résulte que c'est à juste titre que le Tribunal a ordonné lesdites mesures.

A titre subsidiaire, M. et Mme [R] sollicitent un délai de 24 mois afin de se conformer aux dispositions de l'arrêt à intervenir. Il s'avère que le jugement dont appel a été rendu le 25 mars 2021 soit il y a plus de trois années, alors que les travaux litigieux ont été menés à bien en 2018. Les appelants ont ainsi obtenu des délais de fait importants pour s'exécuter et se sont toujours refusés à le faire. Leur demande de délais doit ainsi être rejetée. 

Le jugement est confirmé en ce qu'il a prononcé les condamnations susvisées et a accordé aux époux [R] un délai de seulement six mois.

L'ASL forme un appel incident en ce qui concerne l'astreinte et les dommages et intérêts.

En vertu de l'article L 131-1 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution, tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision. Dès lors que les appelants sont condamnés à réaliser des travaux de démolition d'importance et que les intéressés se sont toujours opposés aux demandes qui étaient faites à leur encontre, il échet d'instituer une astreinte ainsi qu'il sera dit au dispositif, mais uniquement du chef de la condamnation à supprimer tous travaux de construction exécutés sur le terrain.

M. et Mme [R] ont commis une faute en édifiant la construction litigieuse et également en démolissant le mur d'enceinte dont ils n'étaient pas propriétaires ; ils ne pouvaient ignorer l'irrégularité de ces travaux qui enfreignaient les obligations à eux imposées par le règlement de lotissement figurant dans leur titre de propriété, et en avaient en outre été avertis par des lettres de mise en demeure. En outre l'ASL a souffert d'un préjudice, ne serait-ce que par la modification des lieux consécutive à ces travaux et à la démolition du mur, l'aspect des lieux étant modifié depuis plusieurs années à ce jour. Par infirmation du jugement M. et Mme [R] seront condamnés in solidum à payer à l'ASL la somme de 4 000 € à titre de dommages et intérêts.

M. et Mme [R], qui succombent en leur appel, seront condamnés in solidum à payer à l'ASL la somme de 5 000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

- INFIRME le jugement en date du 25 mars 2021 en ce qu'il a rejeté la demande de fixation d'une astreinte au titre de la condamnation de M. et Mme [R] à supprimer tous travaux de construction exécutés sur le terrain dont ils sont propriétaires, et en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par l'ASL ;

Et statuant à nouveau :

- DIT que la condamnation de M. [O] [B] [R] et Mme [S] [I] épouse [R] à supprimer tous travaux de construction exécutés sur le terrain dont ils sont propriétaires est assortie d'une astreinte de 400 € par jour de retard qui commencera à courir 9 mois après la signification du présent arrêt ;

- CONDAMNE in solidum M. [O] [B] [R] et Mme [S] [I] épouse [R] à payer à l'Association syndicale libre [Adresse 5] la somme de 4 000 € à titre de dommages et intérêts ;

- CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant :

- ANNULE l'assignation en date du 5 février 2020 ;

- CONDAMNE in solidum M. [O] [B] [R] et Mme [S] [I] épouse [R] à payer à l'Association syndicale libre [Adresse 5] la somme de 5 000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE in solidum aux M. [O] [B] [R] et Mme [S] [I] épouse [R] aux dépens d'appels qui seront recouvrés par Maître Fargues dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Raphaël TRARIEUX, Président et par Madame Kalliopi CAPO-CHICHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ch civ. 1-4 copropriété
Numéro d'arrêt : 21/03304
Date de la décision : 24/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-24;21.03304 ?
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