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23/04/2024 | FRANCE | N°22/03123

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ch civ.1-4 expropriation, 23 avril 2024, 22/03123


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 70H



Ch. civ 1-4 expropriations



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 23 AVRIL 2024



N° RG 22/03123 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VFWO



AFFAIRE :



S.C.E.A. LA FERME DE MAROLLES

et autre



C/



COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATION DU PAYS DE DREUX





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Mars 2022 par le juge de l'expropriation de [Localité 7]

RG n° : 21/00001<

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Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me François CARE,



Me Stéphanie ARENA,



Mme [U] [Y] (Commissaire du Gouvernement)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT TROIS A...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 70H

Ch. civ 1-4 expropriations

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 AVRIL 2024

N° RG 22/03123 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VFWO

AFFAIRE :

S.C.E.A. LA FERME DE MAROLLES

et autre

C/

COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATION DU PAYS DE DREUX

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Mars 2022 par le juge de l'expropriation de [Localité 7]

RG n° : 21/00001

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me François CARE,

Me Stéphanie ARENA,

Mme [U] [Y] (Commissaire du Gouvernement)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.C.E.A. LA FERME DE MAROLLES

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me François CARE de la SCP CARE PETITJEAN PERSON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000039

Monsieur [C] [Z] [B] [W]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me François CARE de la SCP CARE PETITJEAN PERSON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000039

APPELANTS

****************

COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATION DU PAYS DE DREUX prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentant : Me Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637 et Me France CHARBONNEL de l'AARPI BARATA CHARBONNEL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2009

INTIMÉ

****************

Les fonctions du COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT étant exercées par Madame [U] [Y], direction départementale des finances publiques.

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Mars 2024, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Raphaël TRARIEUX, président chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Raphaël TRARIEUX, Président,

Madame Séverine ROMI, Conseiller,

Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseiller

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Kalliopi CAPO-CHICHI

****************

La Communauté d'agglomération du pays de Dreux procède à l'expropriation de trois parcelles cadastrées [Cadastre 10], [Cadastre 2] et [Cadastre 3], d'une contenance de 89 040 m², situées à [Localité 8] (Eure-et-Loir), lieudit [Adresse 9], qui sont louées à la SCEA La ferme de Marolles par M. [W] selon acte sous seing privé du 10 août 2008 et actes notariés des 26 mars 1993 et 12 juin 2001.

La déclaration d'utilité publique est datée du 2 avril 2021 et l'ordonnance d'expropriation a été rendue le 12 octobre 2021.

Saisi par la Communauté d'agglomération du pays de Dreux selon requête parvenue au greffe le 31 mai 2021, le juge de l'expropriation de [Localité 7] a par jugement en date du 28 mars 2022 fixé l'indemnité d'éviction due à la SCEA La ferme de Marolles à 64 375,92 euros, sur la base de 7 230 euros l'hectare, et a condamné la Communauté d'agglomération du pays de Dreux à payer à la SCEA La ferme de Marolles la somme de 720 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens. Pour statuer ainsi, il a relevé que deux méthodes étaient visées à la convention relative à l'indemnisation des exploitants agricoles en Eure-et-Loir, l'une sur la base de neuf années de marge brute et l'autre sur la base de 7 230 euros par hectare, et que la première méthode ne pouvait être retenue vu que les documents comptables produits par la SCEA La ferme de Marolles portaient sur les ressources générées par l'ensemble des parcelles exploitées par elle, dont certaines étaient autres que celles objet de la présente expropriation.

Par déclaration en date du 4 mai 2022, la SCEA La ferme de Marolles a relevé appel de ce jugement.

En leur mémoire parvenu au greffe le 4 août 2022, qui a été notifié en une lettre recommandée du 25 août 2022 dont la Communauté d'agglomération du pays de Dreux et le commissaire du gouvernement ont accusé réception le 26 août 2022, la SCEA La ferme de Marolles et M. [W] exposent :

- qu'il s'agit de terres plates, de forme régulière et d'un seul tenant, constituées de terres limoneuses d'excellente qualité agronomique, et en outre faciles d'accès pour les engins agricoles ;

- que le premier juge a écarté à tort la première méthode de calcul de l'indemnité ; qu'en effet pour l'application du protocole régional Centre relatif à l'indemnisation des exploitants agricoles évincés lors d'acquisitions immobilières par des collectivités et organismes, la marge brute est définie par la différence entre le produit brut correspondant aux recettes globales de l'exploitation et les charges, qui est ramenée à l'hectare ; que ce n'est donc pas un calcul parcelle par parcelle qui doit être effectué, mais un calcul global, ramené à l'hectare ;

- que l'indemnité globale d'éviction correspond à neuf années ;

- que les comptes annuels font apparaître une marge brute de 1 161 euros en 2017, 1 228 euros en 2018 et 1 655 euros en 2019, soit une moyenne de 1 348 euros soit 12 132 euros pour neuf ans ;

- que s'agissant de la parcelle [Cadastre 10] trois années de bail restent à courir, pour la parcelle [Cadastre 2] sept années et pour la parcelle [Cadastre 3] neuf années ; que la SCEA La ferme de Marolles peut prétendre à une indemnité spécifique pour existence de bail et déséquilibre d'exploitation ;

- qu'au titre de la parcelle [Cadastre 10] la somme de 75 315,37 euros est due (soit 1,348288 euros/m²) ;

- qu'au titre des parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3] la somme de 48 761,59 euros est due (soit 1,469608 euros/m²).

La SCEA La ferme de Marolles et M. [W] demandent en conséquence à la Cour d'infirmer le jugement, de fixer le montant de l'indemnité d'éviction revenant à la SCEA La ferme de Marolles à 124 076,96 euros, et de condamner la Communauté d'agglomération du pays de Dreux à leur régler conjointement la somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Dans son mémoire parvenu au greffe le 27 octobre 2022, qui a été notifié en une lettre recommandée du 28 octobre 2022 dont le commissaire du gouvernement et le conseil de la SCEA La ferme de Marolles et de M. [W] ont accusé réception le 2 novembre 2022, la Communauté d'agglomération du pays de Dreux réplique :

- que l'appel de M. [W] est irrecevable car seule la SCEA La ferme de Marolles avait la qualité de partie à la première instance ; que ses prétentions sont irrecevables ;

- que la seule attestation comptable qui a été produite ne porte pas seulement sur les terres de [Localité 8] alors que les résultats de l'année 2022 ne sont pas communiqués ; que le juge de l'expropriation a donc retenu à bon droit une indemnisation sur la base de 7 230 euros l'hectare ;

- que s'agissant de la majoration de 10 % pour existence du bail restant à courir sur au moins 5 ans, elle vise à réparer le préjudice résultant de la privation de stabilité foncière qu'avait acquise l'exploitant en concluant le bail ; que les terres dont s'agit sont d'un seul tenant, et sont mises à la disposition de la SCEA La ferme de Marolles par M. [W] ; que la SCEA n'a jamais conclu de bail et ne peut donc pas invoquer la règle susvisée ;

- que l'indemnité due à la SCEA La ferme de Marolles est globale et intègre les indemnités de fumures, seule la somme de 7 230 euros l'hectare pouvant être réclamée, à l'exclusion de celle de 5 270 euros qui concerne les communes autres que [Localité 8].

La Communauté d'agglomération du pays de Dreux demande en conséquence à la Cour de :

- déclarer l'appel de M. [W] irrecevable ;

- confirmer le jugement ;

- condamner la SCEA La ferme de Marolles au paiement de la somme de 3 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SCEA La ferme de Marolles aux dépens.

Le 28 novembre 2022, le commissaire du gouvernement a déposé un mémoire qui a été notifié en une lettre recommandée du 2 décembre 2022 dont les appelants et la Communauté d'agglomération du pays de Dreux ont accusé réception respectivement les 6 et 16 décembre 2022, dans lequel il indique :

- que l'indemnité d'éviction est déterminée par référence à la convention applicable en Eure-et-Loir, prévoyant que l'exproprié peut réclamer une indemnisation assise sur ses résultats réels à condition de produire les document comptables nécessaires ou à défaut selon un barème forfaitaire ;

- que dans le premier cas, il faut retenir la marge brute sur les 5 dernières années abstraction faite de la meilleure et de la moins bonne ;

- que l'expropriée n'a produit de documents comptables que sur les trois dernières années, si bien que l'indemnisation forfaitaire doit être retenue, soit 7 290 euros par hectare.

Le commissaire du gouvernement propose à la Cour d'allouer à la SCEA La ferme de Marolles une indemnité de 64 910,16 euros.

MOTIFS

La déclaration d'appel a été régularisée par la SCEA La ferme de Marolles seule, mais M. [W] se joint à elle dans ses conclusions et il faut considérer qu'il sollicite lui aussi la réformation du jugement du 28 mars 2022. Dès lors que M. [W] n'était pas partie à la première instance et surtout qu'il ne forme aucune demande d'indemnisation devant la Cour, seule la SCEA La ferme de Marolles réclamant la somme de 124 076,96 euros, son appel sera déclaré irrecevable.

Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance. La date du jugement est le 28 mars 2022. Il y a lieu de prendre en compte la convention applicable sur la période allant du 1er septembre 2021 au 31 août 2022.

La convention relative à l'indemnisation des exploitants agricoles évincés lors d'acquisitions immobilières par toutes les collectivités et organismes tenus de solliciter l'avis du Service du Domaine en date du 28 juin 2021 prévoit que :

- sauf dans les cas prévus aux articles IV-A1 et IV-A2 du protocole, l'indemnisation est calculée (pour la région fiscale du Thymerais-Drouais) comme suit, en application du barème forfaitaire à l'hectare suivant : marge brute moyenne (3 951 euros), fumures, arrière-fumures, amendements, façons culturales (1 363,39 euros) ce qui donne une indemnité globale d'éviction arrondie à 5 320 euros ;

- au titre des majorations visées aux articles IV-A1 et IV-A2 du protocole,

dans les communes visées en annexe (à savoir l'annexe 1 : liste des communes situées en zone de pression foncière avec leur région fiscale de rattachement) il est fait application du barème forfaitaire suivant à l'hectare : 7 290 euros (pour la région fiscale du Thymerais-Drouais). La commune de [Localité 8] est visée à l'annexe.

Les termes du II de la convention du 28 juin 2021 stipulent que 'Dans les communes désignées en annexe I de la présente convention, il est fait application du barème forfaitaire suivant à l'hectare, compte tenu de la majoration retenue du nombre d'années de marge brute'. Il s'ensuit que les deux barèmes ne sont nullement cumulatifs mais bien au contraire sont alternatifs. D'ailleurs le mot 'forfaitaire' montre bien qu'il ne s'agit pas d'additionner des postes d'indemnités.

Il s'ensuit que la SCEA La ferme de Marolles peut réclamer :

- soit la somme de 7 290 euros par hectare ;

- soit, conformément à l'article III du protocole visé par la convention :

* une indemnité d'exploitation correspondant à la perte de revenus, en fonction de la marge brute (différence entre le produit brut qui correspond au montant des recettes globales portées au compte d'exploitation et les charges proportionnelles qui sont nécessaires à une production déterminée et qui disparaissent avec la suppression des terres affectées à cette production ; cette différence est ramenée à l'hectare et est calculée sur la moyenne des marges brutes des cinq dernières années abstraction faite de la meilleure et de la moins bonne) ;

* une indemnisation compensatrice de la perte des fumures, arrières fumures, amendements et façons culturales ; elle est calculée en appliquant un pourcentage au montant de la consommation d'engrais chimiques, d'engrais organiques et d'amendements portés au compte type présenté par l'administration ;

* diverses indemnités dont un supplément pour existence de bail, qui vise à réparer le préjudice résultant de la privation de la stabilité foncière qu'avait acquise l'exploitant en concluant le bail, sous la condition que la durée restant à courir dudit bail soit d'au moins cinq ans.

La SCEA La ferme de Marolles n'ayant fourni une attestation relative à ses marges brutes que sur les exercices 2017/2018, 2018/2019 et 2019/2020, et non pas sur cinq années en faisant abstraction de la meilleure et de la moins bonne, elle n'est pas fondée à solliciter l'application de la première méthode de calcul de l'indemnisation puisqu'il est nécessaire de connaître cette marge brute sur cinq années, sous réserve de ce qui précède. Par voie de conséquence, elle peut réclamer uniquement la somme de 7 290 euros par hectare soit 64 910,16 euros. Le jugement sera infirmé sur ce point et la somme susvisée allouée à la SCEA La ferme de Marolles.

La Communauté d'agglomération du pays de Dreux, qui succombe, sera condamnée au paiement de la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SCEA La ferme de Marolles, la demande de M. [W] étant rejetée car l'intéressé n'obtient aucune condamnation devant la Cour, ainsi qu'aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

- DÉCLARE l'appel de M. [W] irrecevable ;

- INFIRME le jugement en date du 28 mars 2022 en ce qu'il a fixé l'indemnité d'éviction revenant à la SCEA La ferme de Marolles à la somme de 64 375,92 euros ;

et statuant à nouveau :

- FIXE l'indemnité d'éviction revenant à la SCEA La ferme de Marolles à la somme de 64 910,16 euros ;

- CONFIRME le jugement pour le surplus ;

- CONDAMNE la Communauté d'agglomération du pays de Dreux à payer à la SCEA La ferme de Marolles la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- REJETTE la demande de M. [W] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE la Communauté d'agglomération du pays de Dreux aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Raphaël TRARIEUX, Président et par Madame Kalliopi CAPO-CHICHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ch civ.1-4 expropriation
Numéro d'arrêt : 22/03123
Date de la décision : 23/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-23;22.03123 ?
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