La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/04/2024 | FRANCE | N°22/02924

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ch civ.1-4 expropriation, 23 avril 2024, 22/02924


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 70H



Ch. civ 1-4 expropriations



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 23 AVRIL 2024



N° RG 22/02924 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VFDB



AFFAIRE :



[W] [O]



C/



SA SNCF RESEAU





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Février 2022 par le juge de l'expropriation de PONTOISE

RG n° : 21/50



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copie

s

délivrées le :

à :

Me Philippe CHATEAUNEUF,



Me Claire RICARD,



M. [F] [N] (Commissaire du Gouvernement)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT TROIS AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles,...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 70H

Ch. civ 1-4 expropriations

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 AVRIL 2024

N° RG 22/02924 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VFDB

AFFAIRE :

[W] [O]

C/

SA SNCF RESEAU

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Février 2022 par le juge de l'expropriation de PONTOISE

RG n° : 21/50

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Philippe CHATEAUNEUF,

Me Claire RICARD,

M. [F] [N] (Commissaire du Gouvernement)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [W] [O]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Philippe CHATEAUNEUF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643 et Me Fanny EHRENFELD de la SELARL MIALOT AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0403

substitué par Me Eve AUBISSE, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

SA SNCF RESEAU agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 et Me Liza BOZZONI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0137

INTIMÉE

****************

Les fonctions du COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT étant exercées par Monsieur [F] [N], direction départementale des finances publiques

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mars 2024, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Raphaël TRARIEUX, Président chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Raphaël TRARIEUX, Président,

Madame Séverine ROMI, Conseiller,

Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseiller

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Kalliopi CAPO-CHICHI

****************

La SNCF Réseau procède à l'expropriation d'une parcelle appartenant à M. [O] cadastrée CI[Cadastre 2] sise à [Localité 5] (95), d'une superficie de 1 035 m², à concurrence de 295 m², laissant un surplus de 742 m², et ce, aux fins de réaliser une liaison ferroviaire. La déclaration d'utilité publique est datée du 27 mai 2008, et l'ordonnance d'expropriation a été rendue le 24 mai 2018.

Saisi par la SNCF Réseau selon requête datée du 28 octobre 2021, le juge de l'expropriation de Pontoise a par jugement en date du 11 février 2022 fixé l'indemnité due à M. [O] à 32 413 euros, sur la base de 99 euros/m² mais en déduisant un abattement de 10 %, en y ajoutant la somme de 1 000 euros pour perte des arbres fruitiers et celle de 1 500 euros au titre des frais de reconstruction de la clôture, mais a rejeté la demande au titre de l'indemnité pour dépréciation du surplus. Le juge de l'expropriation a condamné la SNCF Réseau à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par déclaration en date du 26 avril 2022, M. [O] a relevé appel de ce jugement.

En son mémoire parvenu au greffe le 26 juillet 2022, qui sera notifié par le greffe aux autres parties par une lettre recommandée du 24 août 2022 dont elles accuseront réception le 25 août 2022, M. [O] expose :

- que son bien est constitué d'une maison d'habitation, d'un studio séparé, et d'un terrain clôturé qui est situé en zone constructible ; que le tout est contigu à des zones résidentielles ;

- que les termes de comparaison proposés par la SNCF Réseau sont anciens et ont donc été à juste titre écartés par le juge de l'expropriation ;

- que c'est à tort que ceux du commissaire du gouvernement ont été retenus, le dernier étant trop ancien (2015) et les trois autres correspondant à des biens situés à l'intérieur des zones d'activité et non pas à côté ;

- qu'il produit des références plus pertinentes, à savoir une parcelle cédée le 12 avril 2018 pour 386 euros/m², ainsi que des terrains à bâtir vendus respectivement pour 882,35 euros, 588,23 euros et 845,86 euros/m² ;

- qu'il faut donc retenir une valeur de 600 euros le m², tout en pratiquant un abattement pour encombrement de 10 % ; qu'une indemnité de remploi de 17 130 euros est exigible ;

- que la somme de 159 300 euros lui est donc due, outre 2 000 euros au titre de la perte du cabanon ;

- qu'une indemnité pour dépréciation du surplus est exigible, car une partie de son jardin est affectée par l'expropriation ; qu'il réclame la somme de 25 304,40 euros représentant 5 % de la valeur vénale du bien.

M. [O] demande en conséquence à la Cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a fixé l'indemnité à 32 413 euros et en ce qu'il a rejeté sa demande au titre de la dépréciation du surplus, et de lui allouer :

- une indemnité de dépossession de 161 300 euros ;

- une indemnité de remploi de 17 130 euros ;

- une indemnité pour dépréciation du surplus de 25 304,40 euros ;

- une indemnité pour perte des arbres fruitiers de 1 000 euros ;

- une indemnité pour reconstitution de clôture de 1 500 euros ;

- la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans son mémoire parvenu au greffe le 7 octobre 2022, qui sera notifié aux autres parties par une lettre recommandée du 11 octobre 2022 dont elles accuseront réception le 12 octobre 2022, la SNCF Réseau réplique :

- que le bien litigieux est situé en zone Ueb, qui est une zone d'activité économique, et ne peut dès lors être comparé à des terrains situés en zone UC, correspondant à de l'habitat collectif, ni à ceux situés en zone UE à savoir des terrains bâtis ;

- qu'il y a lieu de rejeter la demande au titre de la dépréciation du surplus, vu que le bâtiment conserve un jardin de belle superficie, qui d'ailleurs est soumis à des nuisances sonores alors que le terrain en question est encombré de gravats ;

- qu'elle s'en remet à la Cour au sujet de la demande de versement de la somme de 2 000 euros au titre de la perte du cabanon sur laquelle le juge de l'expropriation a omis de statuer.

La SNCF Réseau demande en conséquence à la Cour de :

- confirmer le jugement ;

- débouter M. [O] de ses demandes ;

- le condamner au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux dépens.

Le 23 février 2024, M. [O] a déposé un mémoire qui sera notifié aux autres parties par le greffe selon une lettre recommandée du 26 février 2024. Le commissaire du gouvernement en a accusé réception le 28 février 2024, alors que l'AR destiné à l'intimé n'a pas été retourné au greffe par les services de la Poste, mais son conseil, sur interrogation de la Cour, a indiqué avoir eu connaissance du contenu dudit mémoire via le RPVA. Dans ledit mémoire, M. [O] fait valoir :

- que l'expropriant n'établit pas en quoi son bien ne pourrait pas être comparé à d'autres sis en zone UC ou UE ;

- que si la SNCF Réseau évoque dans son mémoire un abattement de 40 %, cela est indifférent car elle conclut à la confirmation du jugement ayant pratiqué un abattement de seulement 10 % ;

- qu'il perd des droits à construire ce qui justifie sa demande au titre de la dépréciation du surplus.

Le commissaire du gouvernement n'a pas déposé de mémoire.

MOTIFS

Le jugement n'est critiqué par aucune des parties en ce qu'il a alloué à l'appelant la somme de 1 000 euros pour perte des arbres fruitiers et celle de 1 500 euros au titre des frais de reconstruction de la clôture. En première instance, l'autorité expropriante avait proposé de régler à M. [O], au titre de la perte du cabanon de jardin, la somme de 2 000 euros par lui réclamée, et le juge de l'expropriation a omis de statuer sur ce point. Ajoutant au jugement la Cour allouera à M. [O] la somme de 2 000 euros.

Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

En vertu de l'article L 321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

En application de l'article L 321-3 du code de l'expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.

En application de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété (soit au 24 mai 2018).

Conformément aux dispositions de l'article L 322-2 du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance (11 février 2022), seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte. La date de référence visée à l'article L 322-2 du code de l'expropriation, s'agissant de l'usage effectif de l'immeuble, est le 25 septembre 2007.

Le premier juge a écarté à juste titre les exemples de mutation produits par la SNCF Réseau comme étant trop anciens (entre 2006 et 2015). Il s'est fondé sur trois références situées en terrains d'activités économiques, versés aux débats par le commissaire du gouvernement, à savoir :

- un bien sis à [Localité 6] cédé le 27 septembre 2019 pour 95 euros le m² ;

- un bien sis à [Localité 5] cédé le 1er juillet 2019 pour 91 euros le m² ;

- un bien sis à [Localité 5] cédé le 17 janvier 2019 pour 100 euros le m².

Ces trois terrains sont situés en zone d'activité économique et l'appelant objecte que tel n'est pas le cas de son bien, lequel se trouve à côté. Il s'avère qu'il est situé en zone UE du plan local d'urbanisme, à savoir une zone urbaine d'équipement dont la destination varie selon les communes, qui peut être dédiée aux activités économiques mais peut également recevoir des habitations, de manière limitée. Il ne s'agit donc nullement d'un lieu uniquement résidentiel. D'autre part, il résulte de la lecture du procès-verbal de transport sur les lieux que ce terrain est bordé d'un mur en béton à proximité de la voie ferrée alors que la route de [Localité 7] est extrêmement fréquentée, étant empruntée par de nombreux véhicules. Dans ces conditions, c'est à juste titre que l'intimée fait valoir dans ses écritures que les termes de comparaison évoqués par M. [O], tous situés en zone UC, ne peuvent être retenus, non plus que d'autres situés en zone UE mais constitués de terrains bâtis comportant des locaux industriels.

Dès lors, le jugement a exactement décidé d'appliquer une valeur moyenne de 99 euros le m², en pratiquant en outre un abattement de 10 % pour encombrement du bâti, taux qui n'est contesté par aucune des parties.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a évalué l'indemnité principale à 26 285 euros et l'indemnité de remploi prévue à l'article R 322-5 du code de l'expropriation à 3 628 euros.

S'agissant de l'indemnité pour dépréciation du surplus, le premier juge a rejeté la demande y relative, après avoir relevé que le pavillon conservait un jardin conséquent, et que de plus, il n'était ni cultivé ni aménagé mais encombré de déchets et de gravats.

En cas d'expropriation partielle, le surplus non touché par l'emprise peut quelquefois se trouver déprécié, et la nécessité qu'il y a à réparer l'intégralité du préjudice oblige l'expropriant à régler une indemnité de dépréciation du reste de la propriété. Celle-ci est due si les parcelles en cause forment une unité foncière, et ce, quelle que soit la nature du bien exproprié.

Au cas d'espèce, il est constant que le pavillon de M. [O] est contigu au jardin, lequel se trouve amputé d'une partie, à concurrence de 295 m². Il importe peu que l'appelant conserve un jardin d'une certaine superficie ; l'emprise partielle va priver la propriété restante d'une part importante de son jardin d'agrément, bénéficiant de droits à construire, et il est indifférent qu'à ce jour M. [O] ne l'utilise que pour y entreposer des gravats et déchets. En effet cette amputation affecte la valeur du bien, d'éventuels acquéreurs étant amenés à offrir un prix moindre que si le jardin était resté intact. Enfin le pavillon est rapproché de la voie ferrée en conséquence de ce qui précède.

L'indemnité due à ce titre sera évaluée à 5 % de la valeur du bien soit 25 304,40 euros (sur la base d'une valeur de 506 088 euros), par infirmation du jugement.

La SNCF Réseau sera condamnée, en équité, au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

- INFIRME le jugement en date du 11 février 2022 en ce qu'il a rejeté la demande de M. [W] [O] au titre de la dépréciation du surplus ;

et statuant à nouveau :

- FIXE à 25 304,40 euros la somme due à M. [W] [O] au titre de la dépréciation du surplus ;

- CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant :

- ALLOUE à M. [W] [O] la somme de 2 000 euros au titre de la perte du cabanon de jardin ;

- CONDAMNE la SNCF Réseau à payer à M. [W] [O] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE la SNCF Réseau aux dépens d'appel, qui seront recouvrés par Maître Châteauneuf conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Raphaël TRARIEUX, Président et par Madame Kalliopi CAPO-CHICHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ch civ.1-4 expropriation
Numéro d'arrêt : 22/02924
Date de la décision : 23/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-23;22.02924 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award