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23/04/2024 | FRANCE | N°22/01859

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ch civ.1-4 expropriation, 23 avril 2024, 22/01859


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 70H



Ch. civ 1-4 expropriations



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 23 AVRIL 2024



N° RG 22/01859 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VCUD



AFFAIRE :



S.C.I. 2T & M



C/



Société SPL VALLEE SUD AMENAGEMENT





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Janvier 2022 par le juge de l'expropriation de NANTERRE

RG n° : 21/00003



Expéditions exécutoires


Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Dan ZERHAT



Me Emmanuel DESPORTES



Mme [N] [G] (Commissaire du gouvernement)

et les parties

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT TROIS AVRIL DEUX MILLE VINGT...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 70H

Ch. civ 1-4 expropriations

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 AVRIL 2024

N° RG 22/01859 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VCUD

AFFAIRE :

S.C.I. 2T & M

C/

Société SPL VALLEE SUD AMENAGEMENT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Janvier 2022 par le juge de l'expropriation de NANTERRE

RG n° : 21/00003

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Dan ZERHAT

Me Emmanuel DESPORTES

Mme [N] [G] (Commissaire du gouvernement)

et les parties

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.C.I. 2T & M

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représentant : Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 et Me Rémy PHILIPPOT de la SELEURL ECHO AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Société SPL VALLEE SUD AMENAGEMENT

[Adresse 7]

[Localité 10]

Représentant : Me Emmanuel DESPORTES de la SCP BROCHARD & DESPORTES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 243 et Me Jonathan AZOGUI de la SCP LONQUEUE - SAGALOVITSCH - EGLIE-RICHTERS & Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Les fonctions du COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT étant exercées par Madame [N] [G], direction départementale des finances publiques.

***************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mars 2024, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Raphaël TRARIEUX, Président chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Raphaël TRARIEUX, Président,

Madame Séverine ROMI, Conseiller,

Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Kalliopi CAPO-CHICHI

***************

La SPL Vallée Sud Aménagement procède à l'expropriation d'un local inclus dans une copropriété, sis à [Localité 11] (92), [Adresse 6], cadastré AD n° [Cadastre 3], appartenant à la SCI 2T&M, et ce, aux fins de réaliser la réhabilitation du centre commercial [12]. La déclaration d'utilité publique est datée des 15 juin et 9 juillet 2020, et l'ordonnance d'expropriation a été rendue le 21 septembre 2020 puis rectifiée le 23 octobre 2020.

Saisi par la SPL Vallée Sud Aménagement selon acte daté du 4 janvier 2021, le juge de l'expropriation de Nanterre a par jugement en date du 13 janvier 2022 :

- déclaré recevable la demande tendant à voir transmettre à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité au visa de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- déclaré recevable la demande tendant à voir transmettre à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité au visa des articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- déclaré recevable la demande tendant à voir transmettre à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité au visa des articles 2 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- débouté la SCI 2T&M de ses demandes de transmission de questions prioritaires de constitutionnalité ;

- rejeté les demandes de sursis à statuer ;

- fixé l'indemnité due à la SCI 2T&M à 262 961 euros, à savoir 226 432 euros au titre de l'indemnité principale, 23 643 euros au titre de l'indemnité de remploi et 12 886 euros au titre de la perte de revenus ;

- condamné la SPL Vallée Sud Aménagement à payer à la SCI 2T&M la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté le surplus des demandes ;

- condamné la SPL Vallée Sud Aménagement aux dépens.

Par déclaration en date du 23 février 2022, parvenue au greffe le 25 février 2022, la SCI 2T&M a relevé appel de ce jugement.

En son mémoire parvenu au greffe le 24 mai 2022, qui sera notifié en une lettre recommandée dont la SPL Vallée Sud Aménagement et le commissaire du gouvernement accuseront réception respectivement les 8 et 9 juin 2022, la SCI 2T&M expose :

- que le bien est sis en plein coeur du centre ville de [Localité 11], entre la gare et la mairie, dans un secteur urbanisé calme, en zone Uaa du plan local d'urbanisme ;

- qu'outre les accès par les transports en commun il existe un accès routier très facile, avec possibilité de se garer juste devant ce qui facilite le chargement/déchargement de véhicules, les locaux étant en outre accessibles aux piétons pour chacune des trois cellules qui composent ce bien ;

- que la superficie Loi Carrez est de 145,53 m², 175 m² devant être retenus pour base de l'indemnisation ; qu'il y a lieu de tenir compte également des mezzanines qui sont accessibles, sans pondération ;

- qu'elle produit des références pertinentes, à savoir des ventes de réserves situées en rez-de-chaussée et non pas des bureaux qui se vendent moins cher ;

- que le bien dont s'agit est en bon état, peu important que les murs soient à l'état brut ;

- qu'il ne peut donc être tenu compte des références produites par le commissaire du gouvernement relatives à des biens en ruine, ou dont la hauteur sous plafond est moindre, ou à des garages ;

- que le tribunal a pratiqué à tort un abattement de 30 % ;

- que l'indemnité principale lui revenant doit dès lors être chiffrée à 1 029 350 euros (soit 5 882 euros x 175 m²) ;

- que s'agissant de la perte de loyers, le juge de l'expropriation a à tort limité son indemnité à six mois de loyers.

La SCI 2T&M demande en conséquence à la Cour d'infirmer le jugement, et de lui allouer :

- une indemnité principale de 1 029 350 euros ;

- une indemnité de remploi de 103 935 euros ;

- une indemnité pour perte de loyers de 22 700 euros ;

- une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans son mémoire parvenu au greffe le 16 juin 2022 et notifié par une lettre recommandée du 11 juillet 2022 dont le commissaire du gouvernement et la SCI 2T&M accuseront réception respectivement les 12 et 13 juillet 2022, la SPL Vallée Sud Aménagement réplique :

- que contrairement à la cellule de bureau, la cellule principale et la cellule abritant la mezzanine sont en très mauvais état, s'agissant de coques brutes, et ont subi des dégâts des eaux ;

- que ces cellules sont dépourvues de fenêtres et ne comportent pas de places de stationnement, les véhicules devant stationner irrégulièrement sur les parties communes de la copropriété ;

- que c'est à tort que l'appelante invoque une surface de 175 m² alors que la surface loi Carrez est de 145,53 m², dont il faut déduire celles des mezzanines soit 111,18 m² ou subsidiairement 121,92 m² ;

- que seule la surface plane des mezzanines sur laquelle sont présentes des structures légères et démontables doit être prise en compte, et non pas celle des mezzanines elles-mêmes ;

- que l'indemnité due à l'appelante doit s'élever à 1 400 euros/m² en opérant un abattement de 30 % s'agissant de locaux à usage de stockage ;

- que le terme de comparaison invoqué par l'appelante, à savoir un bien sis [Adresse 2] à [Localité 11], est très ancien, alors qu'il s'agit d'un local commercial en rez-de-chaussée ; que de plus des termes non accompagnés de références de publication permettant de s'assurer de la réalité de la vente ne peuvent être retenus ;

- que s'agissant des loyers, ils s'élèvent, pour les trois cellules, respectivement à 10 560 euros HT, 6 600 euros HT et 4 800 euros HT soit en tout 21 960 euros par an ; que seuls six mois de loyers doivent être retenus comme l'a fait le juge de l'expropriation.

La SPL Vallée Sud Aménagement demande en conséquence à la Cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les questions prioritaires de constitutionnalité ;

- l'infirmer sur le montant des indemnités ;

- fixer à 155 652 euros l'indemnité principale, à 16 565 euros l'indemnité de remploi et à 10 980 euros l'indemnité pour perte de revenus locatifs ;

- débouter la SCI 2T&M du surplus de ses prétentions ;

- la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Le 7 septembre 2022, le commissaire du gouvernement a déposé un mémoire, qui sera notifié par le greffe par une lettre recommandée du 27 septembre 2022 dont la SPL Vallée Sud Aménagement et la SCI 2T&M accuseront réception le 28 septembre 2022, dans lequel il indique :

- qu'il produit un certain nombre de termes de comparaison ;

- que l'indemnité principale, sur la base de 114 m² à 2 696 euros, doit être fixée à 307 344 euros ;

- que l'indemnité de remploi doit être fixée à 31 734 euros et celle pour perte de revenus locatifs à 21 120 euros.

Le 14 septembre 2022, la SCI 2T&M a déposé un mémoire complémentaire, qui sera notifié par le greffe par une lettre recommandée du 27 septembre 2022 dont la SPL Vallée Sud Aménagement et le commissaire du gouvernement accuseront réception respectivement les 28 et 29 septembre 2022, dans lequel elle ajoute :

- que l'autorité expropriante ne remet pas en cause ses arguments relatifs à la valorisation de son bien ;

- que des véhicules poids lourds peuvent y accéder comme l'a relevé le juge de l'expropriation lors du transport sur les lieux ;

- que les mezzanines reposent sur des structures pérennes et non pas légères et démontables ;

- que les références dont se prévaut la SPL Vallée Sud Aménagement ne sont pas probantes ; qu'elle revendique l'application d'abattements trop importants ;

- qu'elle-même produit des actes de vente.

Dans son second mémoire parvenu au greffe le 16 janvier 2024, qui sera notifié en une lettre recommandée du 19 février 2024 dont la SPL Vallée Sud Aménagement et le commissaire du gouvernement accuseront réception le 21 février 2024, la SCI 2T&M ajoute :

- que ce type de bien est rare ;

- que l'usage des mezzanines est constaté.

MOTIFS

Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

En vertu de l'article L 321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

En application de l'article L 321-3 du code de l'expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.

En application de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété (soit au 21 septembre 2020).

Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte. La date du jugement est le 13 janvier 2022.

La date de référence visée à l'article L 322-2 du code de l'expropriation, s'agissant l'usage effectif de l'immeuble, conformément à l'article L 215-18 du code de l'urbanisme, car il existe un plan local d'urbanisme, est constituée par la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes approuvant, modifiant ou révisant le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le terrain. Cette date se situe au 25 septembre 2018, date à laquelle le conseil de territoire de l'EPT Vallée Sud grand [Localité 13] a approuvé le plan local d'urbanisme. Enfin il n'y a pas lieu de tenir compte de l'usage que l'autorité expropriante compte faire du bien.

L'appelante produit un rapport d'expertise amiable selon lequel la superficie Loi Carrez est de 145,53 m² et la surface au sol totale de 183,85 m². Le premier juge s'est fondé sur une surface loi Carrez hors mezzanine de 106,18 m².

Les trois cellules sont d'une superficie de 62,53 m², 23,86 m² et 18,36 m² ; celles des mezzanine de 35,15 m², 16,1 m² et 24,94 m².

En vertu de l'article R 156-1 du code de la construction et de l'habitation, la surface et le volume habitables d'un logement doivent être de 14 mètres carrés et de 33 mètres cubes au moins par habitant prévu lors de l'établissement du programme de construction pour les quatre premiers habitants et de 10 mètres carrés et 23 mètres cubes au moins par habitant supplémentaire au-delà du quatrième.

La surface habitable d'un logement est la surface de plancher construite, après déduction des surfaces occupées par les murs, cloisons, marches et cages d'escaliers, gaines, embrasures de portes et de fenêtres. Le volume habitable correspond au total des surfaces habitables ainsi définies multipliées par les hauteurs sous plafond.

Il n'est pas tenu compte de la superficie des combles non aménagés, caves, sous-sols, remises, garages, terrasses, loggias, balcons, séchoirs extérieurs au logement, vérandas, volumes vitrés prévus à l'article R. 155-1, locaux communs et autres dépendances des logements, ni des parties de locaux d'une hauteur inférieure à 1,80 mètre.

La Cour adopte les motifs du premier juge qui a justement relevé que les mezzanines, d'une hauteur supérieure à 1,8 m, constituaient un espace supplémentaire pouvant être utilisé pour y entreposer du matériel et devaient ainsi être prises en compte. Toutefois il a pratiqué un coefficient de pondération de 0,6 compte tenu du fait que ces mezzanine sont certes accessibles mais de manière moins commode qu'une pièce normale, un escalier en bois devant être emprunté pour y accéder. La surface retenue est dès lors de 106,18 m² + (39,35 m² x 0,4) soit 122 m².

S'agissant du bien, c'est un local sis à [Localité 11], proche d'équipements publics, de la gare SNCF et de commerces, facilement accessible par l'autobus. Il est possible d'y accéder via un porche, y compris pour des véhicules poids lourds. Il résulte de la lecture du procès-verbal de transport daté du 9 septembre 2021 que :

- s'agissant du premier local il dispose d'une hauteur sous plafond irrégulière, un faux plafond se trouvant au centre permettant le stockage de cartons, une guirlande lumineuse de caractère artisanal assurant l'éclairage ; des fils et câbles pendent ;

- s'agissant du deuxième local, il contient une mezzanine en bois accessible par un escalier fait de la même matière, avec des étagères et deux espaces à usage de stockage ;

- s'agissant du troisième local, fermé par une porte blindée, il s'agit d'un bureau ; ce local est de faible hauteur pour être placé sous la mezzanine du deuxième ;

- aucun de ces locaux n'est pourvu de fenêtres.

Le bien est occupé. Un architecte venu sur les lieux a déclaré que l'ensemble était en bon état d'usage.

La partie expropriée a versé aux débats des exemples de mutations avec les références :

- celle des lots 16 et 8 sis [Adresse 14] à [Localité 11] évalués à 520 000 euros en 2012 ; cette référence est nettement trop ancienne et doit donc être écartée ;

- celle d'un bien sis [Adresse 1] à [Localité 11] le 12 juin 2019 pour la somme de 300 000 euros (soit 5 882 euros/m²) ;

- celle d'un bien sis [Adresse 5] à [Localité 11] le 12 juin 2019 pour la somme de 189 000 euros (soit 4 295 euros/m²) ;

- celle d'un bien sis [Adresse 8] à [Localité 11] le 25 juin 2009 pour la somme de 70 000 euros (soit 5 833 euros/m²) ; cette référence est également trop ancienne et est à écarter.

La SPL Vallée Sud Aménagement produit d'autres références, à savoir :

- une cession datée du 30 septembre 2019 portant sur un bien occupé, sis [Adresse 15] soit dans la même rue que celui dont il est ici question, et dans le même centre commercial, consistant en un emplacement commercial et un autre à usage de réserve, le prix étant de 2 454 euros/m² ;

- une cession datée du 20 décembre 2018 portant sur un bien sis également [Adresse 15] soit dans la même rue que celui dont il est ici question, et dans le même centre commercial, consistant en un emplacement à usage de réserve, trois emplacements commerciaux, et deux emplacements à usage de vitrine, le prix étant de 2 789 euros/m² ;

- une cession datée du 13 décembre 2018 portant sur un bien occupé, sis [Adresse 15] soit dans la même rue que celui dont il est ici question, et dans le même centre commercial, consistant en un bien à usage commercial, le prix étant de 3 135 euros/m² ;

- une cession datée du 19 juillet 2018 portant sur un bien sis [Adresse 15] soit dans la même rue que celui dont il est ici question et dans le même centre commercial, consistant en un local à usage commercial situé pour partie au rez-de-chaussée et pour partie en sous-sol, le prix étant de 3 911 euros/m².

Ces références sont très pertinentes en ce qu'elle portent sur des locaux situés dans le même centre commercial.

Le commissaire du gouvernement produit quatre références : une cession du 3 juillet 2018 sur un bien sis avenue Victor Hugo pour 1 875 euros le m², une cession du 30 mai 2017 qui est relativement ancienne, une cession du 13 décembre 2018 sur la base de 3 135 euros le m², susvisée, et enfin la cession du 19 juillet 2018 sur la base de 3 911 euros le m², dont il a été fait état plus haut dans l'analyse des références de la SPL Vallée Sud Aménagement. Ces deux derniers biens sont sis dans la même rue que le bien de la SCI 2T&M. La dernière référence est moins probante en ce qu'elle porte sur un local à usage de salon de coiffure et de manucure, et le commissaire du gouvernement fait valoir à juste titre que les pièces appartenant à la SCI 2T&M, aveugles, sont d'une valeur moindre.

Dans ces conditions, il y a lieu de retenir les trois références les plus probantes à hauteur de 2 454 euros, 2 789 euros et 3 135 euros le m² ce qui donne une moyenne de 2 792 euros. Il n'y a pas lieu d'appliquer un abattement pour occupation commerciale ou autre vu que les biens pris en référence étaient eux-mêmes occupés et ont été évalués comme tels.

L'indemnité principale revenant à la SCI 2T&M sera évaluée à 340 624 euros.

Selon les dispositions de l'article R 322-5 du code de l'expropriation, l'indemnité de remploi est calculée compte tenu des frais de tous ordres normalement exposés pour l'acquisition de biens de même nature moyennant un prix égal au montant de l'indemnité principale. Sont également pris en compte dans le calcul du montant de l'indemnité les avantages fiscaux dont les expropriés sont appelés à bénéficier lors de l'acquisition de biens de remplacement.

Toutefois, il ne peut être prévu de remploi si les biens étaient notoirement destinés à la vente, ou mis en vente par le propriétaire exproprié au cours de la période de six mois ayant précédé la déclaration d'utilité publique.

Elle est calculée selon la jurisprudence habituelle comme suit :

20 % entre 0 et 5 000 euros : 1 000 euros

15 % entre 5 001 et 15 000 euros : 1 500 euros

10 % au dessus de 15 000 euros : 32 562 euros

soit 35 062 euros.

Le jugement sera infirmé sur ces points.

Aucune des parties ne discute du principe du préjudice lié à la perte de loyers. Il existe un lien de causalité entre l'expropriation et la perte de revenus locatifs subie durant le délai nécessaire pour acquérir un autre bien et le donner à bail ; et ce préjudice n'est pas réparé par l'indemnité de remploi qui a une autre fonction.

En l'espèce, les trois locaux ont été loués :

- selon bail du 31 décembre 2019 pour 6 600 euros par an, un avis d'échéance ultérieur faisant apparaître un loyer de 7 340 euros par an ;

- selon bail du 21 septembre 2012 pour 4 800 euros par an ;

- selon bail du 30 mars 2020 pour 10 560 euros par an.

L'indemnité sera fixée à six mois de loyer soit 11 350 euros, par infirmation du jugement.

La SPL Vallée Sud Aménagement, qui succombe, sera condamnée au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

- INFIRME le jugement en date du 13 janvier 2022 en ce qu'il a fixé l'indemnité principale due à la SCI 2T&M à 226 432 euros, l'indemnité de remploi à 23 643 euros et l'indemnité pour perte de revenus à 12 886 euros ;

et statuant à nouveau :

- FIXE à 340 624 euros l'indemnité principale, à 35 062 euros l'indemnité de remploi et à 11 350 euros l'indemnité pour perte de loyers dues à la SCI 2T&M ;

- CONFIRME le jugement pour le surplus ;

- CONDAMNE la SPL Vallée Sud Aménagement à payer à la SCI 2T&M la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE la SPL Vallée Sud Aménagement aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Raphaël TRARIEUX, Président et par Madame Kalliopi CAPO-CHICHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ch civ.1-4 expropriation
Numéro d'arrêt : 22/01859
Date de la décision : 23/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-23;22.01859 ?
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