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22/04/2024 | FRANCE | N°21/03465

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ch civ. 1-4 construction, 22 avril 2024, 21/03465


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54Z



Ch civ. 1-4 construction



ARRET N°



PAR DÉFAUT



DU 22 AVRIL 2024



N° RG 21/03465 - N° Portalis DBV3-V-B7F-URFH



AFFAIRE :



[M] [C] épouse [P]

et autre



C/



[X] [U]

et autres





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Février 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE

N° Chambre : 7

N° Section :
<

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Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Oriane DONTOT,



Me Mélina PEDROLETTI,



Me Guillaume BARTHELEMY



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT DEUX AVRIL DEUX MIL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54Z

Ch civ. 1-4 construction

ARRET N°

PAR DÉFAUT

DU 22 AVRIL 2024

N° RG 21/03465 - N° Portalis DBV3-V-B7F-URFH

AFFAIRE :

[M] [C] épouse [P]

et autre

C/

[X] [U]

et autres

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Février 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE

N° Chambre : 7

N° Section :

N° RG : 16/01127

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Oriane DONTOT,

Me Mélina PEDROLETTI,

Me Guillaume BARTHELEMY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [M] [C] épouse [P]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 21/05503 (Fond)

Représentant :Me Oriane DONTOT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Brigitte BEAUMONT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0372

Monsieur [J] [P]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 21/05503 (Fond)

Représentant :Me Oriane DONTOT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Brigitte BEAUMONT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0372

APPELANTS

****************

Monsieur [X] [U]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 21/05503 (Fond)

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626

S.A.R.L. CITYVAL

[Adresse 1]

[Localité 6]

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 21/05503 (Fond)

Défaillante

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS en sa qualité d'assureur CNR de CITYVAL et RC de Monsieur [U]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 21/05503 (Fond)

Représentant : Me Guillaume BARTHELEMY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0190

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 Janvier 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et Madame Séverine ROMI, Conseillère, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,

Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente placée,

Madame Séverine ROMI, Conseillère,

Greffière, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,

FAITS ET PROCÉDURE

Par un acte authentique du 3 novembre 2005, M. [J] [P] et Mme [M] [C] épouse [P] ont acquis en l'état futur d'achèvement (VEFA) une maison d'habitation située au [Adresse 2] (92).

Cette maison faisait partie d'un programme immobilier dont la maîtrise d''uvre avait été confiée par la société Cityval, maître d'ouvrage, à M. [X] [U], architecte, par contrat du 4 janvier 2005.

Plusieurs entreprises, les sociétés Pamp générale de bâtiment, Landore, HPS, M.[K], sont intervenues à l'opération de construction.

Pour les besoins de l'opération, le maître d'ouvrage a souscrit auprès de la Mutuelle des architectes français (ci-après « société MAF ») une assurance de responsabilité décennale de constructeur non réalisateur (CNR), l'architecte a également souscrit auprès de la société MAF une assurance responsabilité civile et une assurance responsabilité civile décennale (RCD).

La maison a été livrée le 17 juin 2006, avec de nombreuses réserves.

Les époux [P] ont sollicité en référé, suivant acte du 12 juillet 2007, une mesure d'expertise se plaignant de l'existence de désordres, de malfaçons et de la non-levée des réserves.

Selon une ordonnance rendue le 14 novembre 2007, M. [Z] [E] a été désigné en qualité d'expert par le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre.

L'expertise a été rendue opposable, par deux ordonnances, aux sociétés Cityval, Landore, HPS, Entreprise générale de bâtiment et à M. [U] puis à M. [K].

Par ordonnance rendue le 24 mars 2009, la mission d'expertise a été étendue à l'examen de nouveaux désordres.

Le rapport d'expertise judiciaire a été déposé le 26 mars 2013.

Par actes des 12 et 20 janvier 2016, les époux [P] ont assigné devant le tribunal judiciaire de Nanterre, la société Cityval, M. [V] et la société MAF aux fins de les voir condamner solidairement à les indemniser de leurs préjudices.

Par un jugement du 7 février 2019, le tribunal a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et prononcé la réouverture des débats, pour permettre aux parties de présenter leurs observations sur l'application des articles 1642-1 et 1648 alinéa 2 du code civil.

Par jugement contradictoire du 4 février 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- déclaré M. et Mme [P] irrecevables en leurs demandes à l'encontre des sociétés Landore, Pamb, Générale de bâtiment et de la société HPS,

- déclaré M. et Mme [P] irrecevables en leurs demandes à l'encontre de la société Cityval relatives aux défauts de conformité et vices apparents,

- débouté M. et Mme [P] de toutes leurs demandes à l'encontre de la société Cityval, de M. [U] et de la société MAF ès qualités d'assureur CNR de la société Cityval et d'assureur RC de M. [U],

- débouté la société Cityval de sa demande en restitution de la somme de 11 000 euros,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. et Mme [P] aux dépens,

- accordé le bénéfice de distraction de l'article 699 du code de procédure civile aux avocats qui en ont fait la demande.

Le tribunal a retenu, que les époux [P] étaient irrecevables en leurs demandes à l'encontre des sociétés Landore, Pamb générale de bâtiment et HPS, car ils ne les avaient pas assignées.

Le tribunal a également retenu que le nouveau régime sur les vices et défauts de conformité apparents s'appliquait, au visa de l'article 1642-1 du code civil tel que modifié par la loi n°2009-323 du 25 mars 2009 et que le délai prévu par l'article 1648 alinéa 2 du code civil n'avait pas été respecté. Il en a déduit que les époux [P] n'ayant pas agi dans le délai requis, leur action à l'encontre du vendeur en l'état futur d'achèvement, la société Cityval, au titre des vices et défauts de conformité apparents, était forclose.

Sur le fond, le tribunal a débouté les époux [P] de leur demande en responsabilité contractuelle de la société Cityval sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil. Il a retenu qu'ils ne pouvaient agir sur ce fondement, que seuls des désordres relevant de la garantie des vices et défauts de conformité apparents avaient été constatés. De plus, les époux ne qualifiaient et n'identifiaient pas le régime applicable pour chacun des cinquante-cinq désordres examinés par l'expert.

Le tribunal a retenu que les éléments présentés par les époux [P] ne suffisaient pas à caractériser la faute commise par l'architecte dans l'exécution de ses obligations au visa de l'article 1240 du code civil et que les conditions d'application de la garantie décennale de l'article 1792 du code civil n'étaient pas développées.

Le tribunal a retenu enfin qu'aucun désordre de nature décennale n'était mis en évidence, qu'aucune responsabilité de la société Cityval n'était démontrée, la garantie de son assureur, la société MAF, n'étant pas mobilisable. De plus, il a rappelé que la responsabilité de M. [U] n'étant pas retenue, l'action directe à l'encontre de la société MAF ne pouvait prospérer.

Par deux déclarations d'appel des 31 mai et 31 août 2021, les époux [P] ont interjeté appel de ce jugement.

Le 7 septembre 2021, le conseiller de la mise en état a joint les deux instances.

Aux termes de leurs conclusions, remises le 31 août 2021, les époux [P] demandent à la cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a les a déclarés irrecevables en leurs demandes à l'encontre de la société Cityval pour les défauts de conformité et les vices apparents, les a déboutés de toutes leurs demandes à l'encontre de la société Cityval, M. [U] et la société MAF en sa qualité d'assureur CNR de la société Cityval et d'assureur RC de M. [U], dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et les a condamnés aux dépens,

- de condamner solidairement ou in solidum la société Cityval et la société MAF, ainsi que M. [U] et son assureur la société MAF, à leur payer une somme de 89 039,66 euros TTC au titre des travaux de remise en état,

- de condamner solidairement ou in solidum la société Cityval et son assureur la société MAF, ainsi que M. [U] et son assureur la société MAF, à leur payer une somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance,

- d'ordonner à la société Cityval de produire aux débats le contrat de son assurance responsabilité civile ainsi que les coordonnées de ladite assurance pour qu'elle puisse être mise dans la cause par eux, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification des conclusions,

- d'ordonner à Me [S], notaire, entre les mains duquel la somme de 11 612,60 euros mais en fait 11 000 euros comme rectifiée par leur conseil à l'audience, a été réglée au titre de séquestre, de leur remettre cette somme au vu du jugement à intervenir,

- de condamner la société Cityval à régler la somme de 11 612,60 euros au titre du séquestre, mais en fait 11 000 euros, actuellement détenue entre les mains du notaire,

- de débouter les intimés de toutes leurs demandes et moyens contraires aux présentes conclusions,

- de condamner solidairement ou in solidum la société Cityval et son assureur la société MAF, ainsi que M. [U], et son assureur la société MAF au paiement d'une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de les condamner en tous les dépens et autoriser l'avocat constitué à les recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Les époux [P], pour justifier leurs demandes, se réfèrent aux conclusions de l'expert chiffrant les dommages à la somme qu'ils réclament, les désordres constatés dont 90 % à la charge de la société Cityval et le reste à celle de l'architecte.

Sur le fondement de leur action, ils avancent que si la responsabilité délictuelle de la société Cityval n'est pas retenue (sic), sa responsabilité contractuelle doit l'être, puisqu'elle n'a pas rempli son obligation de délivrance envers eux.

Sur le séquestre, ils demandent que le protocole d'accord parfaitement valide signé avec la société Cityval soit appliqué, celle-ci n'ayant pas rempli ses obligations en levant les réserves y figurant, les sommes séquestrées devant leur revenir.

Sur la contestation de la garantie de la société MAF pour la société Cityval, ils objectent que le contrat d'assurance ne leur a pas été transmis, cette dernière doit donc être condamnée à titre personnel.

Quant à M. [U], sa responsabilité dans la production des dommages est largement établie par le rapport de l'expert.

Ils affirment être entrés dans les lieux le 17 juin 2006, ce qui marque le jour de la réception de l'ouvrage.

N'ayant pas actualisés leurs conclusions, ils reviennent sur une fin de non-recevoir et sur les moyens de défense au fond soulevés par la société Cityval, qui n'est pas présente en appel, en première instance.

Enfin, ils concluent sur la réouverture des débats ordonnée par les premiers juges précisant que les dispositions soulevées d'office, soit les articles 1642-1 et 1648 alinéa 2 du code civil ne s'appliquent pas.

Aux termes de ses premières conclusions, remises le 30 novembre 2021, M. [U] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- à titre subsidiaire, dire et juger que les sommes mises à sa charge ne sauraient excéder 10 % des sommes allouées et qu'aucune condamnation solidaire ne saurait être prononcée,

- en toute hypothèse, condamner M. et Mme [P] et/ou tout succombant au paiement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Pedroletti, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [U] reprend la motivation du jugement de première instance sur la forclusion de l'action en garantie des vices cachés.

Sur le fond, il affirme qu'il n'y a pas de faute prouvée contre lui, pas de dommages décennaux et qu'aucune solidarité ne peut être retenue pour une éventuelle condamnation avec la société Cityval.

Enfin, si sa responsabilité devait être retenue, seul une faible part de 10 % du dommage pourrait lui en être imputée.

Aux termes de ses premières conclusions, remises le 30 novembre 2021, la société Mutuelle des architectes français, recherchée en sa double qualité d'assureur de M. [U] et de la société Cityval, demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner in solidum les époux [P] et toute autre partie succombante à lui verser une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- à titre subsidiaire, débouter toute demande de garantie formée à son encontre,

- en tout état de cause, condamner la société Cityval à la garantir de toute condamnation qui viendrait à être prononcée à son encontre,

- condamner les mêmes parties aux dépens.

Elle fait remarquer que les époux [P] ne répondent en rien aux dispositions du jugement dont ils ont interjeté appel, qu'ils forment une demande globale en renvoyant au rapport d'expertise sans détailler en rien les désordres dont ils demandent réparation et sans donner de fondement à leur action si ce n'est de façon générale les responsabilités contractuelles pour la société Cityval et délictuelle pour M.[U].

Elle soutient que les époux [P] demandent la réparation de dommages apparents puisque constatés dans les dix mois avant la réception. Dès lors, comme l'ont relevé les premiers juges, ce sont les articles 1642-1 et 1648 alinéa 2 qui s'appliquent et la demande sur ce fondement est irrecevable comme tardive.

Sur sa propre garantie, pour la société Cityval, elle affirme que l'action des époux [P] est prescrite en application de l'article L.114-1 du code des assurances.

Pour M. [U], aucune garantie décennale n'est mobilisable et sa faute, au titre de sa responsabilité délictuelle, n'est pas prouvée. De plus, elle fait valoir une clause de non-solidarité figurant à son contrat.

La société Cityval non représentée au litige s'est vue signifier la seconde déclaration d'appel et les conclusions des appelants à l'étude de l'huissier, le 2 septembre 2021.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 octobre 2022, l'affaire a été appelée à l'audience du 29 janvier 2024 et mise en délibéré au 22 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il faut préciser, à titre liminaire, que selon la société MAF, les époux [P] forment une demande globale en renvoyant au rapport d'expertise mais sans détailler désordre par désordre le fondement de leurs prétentions. Elle ajoute que le fondement juridique allégué est celui de l'article 1231-1 du code civil pour les demandes dirigées contre la société Cityval et 1240 et 1792 du même code contre M. [U]. Elle affirme dans le corps de ses conclusions que cela rend « irrecevables » leurs demandes comme ne répondant pas aux exigences de l'article 56 du code de procédure civile.

Toutefois, ce moyen n'est pas repris dans le dispositif de ses conclusions, la cour n'est donc pas tenue d'y répondre.

Sur la demande à l'encontre de la société Cityval

Les juges de première instance, ayant justement relevé que les époux [P] n'explicitaient en rien leurs demandes, ne les fondaient pas précisément juridiquement mais qu'ils se plaignaient de désordres revêtant les qualités de « vices apparents » - définis comme existant à la date de la prise de possession ou dénoncés dans le délai imparti et visibles ou connus du maître d'ouvrage - ont rouvert les débats et invité les parties à conclure sur le fondement des articles 1642-1 et 1648 alinéa 2 du code civil.

Le premier de ces articles dispose : « Le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents ».

Le second précise en son alinéa 2 que l'action sur ce fondement doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé de cette responsabilité.

Il a été jugé par les premiers juges, que les époux [P] étaient irrecevables à agir, leur assignation ayant été délivrée après le délai légal de forclusion.

En appel, les époux [P] ne contestent pas cette disposition du jugement - même s'ils demandent formellement de l'infirmer sans motiver en rien cette prétention -, elle est donc définitive.

Ils affirment, en appel, qu'ils n'agissent en rien sur ce fondement mais sur celui de la garantie de l'article 1641 du code civil pour les vices cachés et qu'ils sont ainsi recevables à agir à l'encontre de la société Cityval.

Toutefois, d'une part, l'article 1641 invoqué est inapplicable en matière de construction réalisée sous le régime de VEFA.

D'autre part, les désordres qu'ils dénoncent, sans les préciser mais par renvoi à la « simple lecture objective du rapport de l'expertise judiciaire », sont des désordres apparents comme constatés dans leur matérialité et leur ampleur avant la réception qui est intervenue après la prise de possession - celle-ci est intervenue le 17 juin 2006 et la réception le 4 décembre 2009 - il est constant que c'est cette dernière date qu'il faut retenir pour déterminer s'il s'agit de vices apparents ou non. De surcroît, les acquéreurs en ont dressé une liste qui a fait l'objet de la mission de l'expert.

De plus, sur l'engagement de la société Cityval de reprendre les désordres, le protocole signé entre les parties le 14 juillet 2006 ne concerne pas les travaux à reprendre ou à finir mais le retard de livraison.

Sur le fondement de l'article 1792 du code civil, les désordres décennaux ne peuvent être des désordres apparents, ils doivent être des vices cachés à la réception ou à la livraison.

Sur le fondement contractuel, de façon générale, le vendeur d'un immeuble à construire est, comme les constructeurs, tenu sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, de réparer les désordres intermédiaires, c'est-à-dire les dommages n'étant pas suffisamment graves pour relever des garanties légales et n'étant pas apparents lors de la livraison.

Cette responsabilité ne peut jouer que s'il est rapporté la preuve d'une faute. Le fait que le vendeur n'ait pas lui-même réalisé les travaux n'est pas en soi suffisant pour écarter toute faute de sa part. Simplement, il convient de démontrer qu'il a commis une faute personnelle décorrélée de celle qui serait imputable aux constructeurs, mais également distincte de ses propres engagements contractuels.

Quoiqu'il en soit, les désordres relevés par l'expert, dont il est demandé la réparation, ne peuvent qu'être qualifiés d'apparents pour les raisons explicitées ci-avant et comme il a déjà été retenu en première instance, ne peuvent être réparés ni sur le fondement des articles 1641, ni sur celui des articles 1231-1 et 1792 du code civil, comme invoqués par les appelants.

Il avait été précisé par les premiers juges que les demandes des époux [P] n'étaient en rien étayées. En appel, aucune explication supplémentaire n'est fournie par eux.

Ils doivent par conséquent être déboutés de leurs demande.

Leur demande de production du contrat d'assurance responsabilité civile de la société Cityval est sans objet, la responsabilité de celle-ci n'étant pas retenue.

Le jugement est également confirmé sur ces points.

Sur la demande de condamnation de M.[U]

Les époux [P] fondent leur demande à l'encontre de l'architecte sur la garantie décennale, à laquelle les architectes sont effectivement soumis, et sur sa responsabilité délictuelle puisqu'ils ne sont pas liés à lui par contrat.

Ils n'expliquent pas en quoi les désordres pourraient être qualifiés de décennaux, sachant que les vices apparents ne peuvent être qualifiés de décennaux.

Sur la responsabilité délictuelle, comme sur le fondement contractuel dont les acquéreurs peuvent bénéficier en leur qualité d'auteurs du vendeur qui leur transmet ses actions, il convient de caractériser la faute de l'architecte pour pouvoir engager sa responsabilité.

Sur les fautes alléguées de l'architecte, les époux [P] renvoient au rapport d'expertise sans préciser les manquements de l'architecte se contentant d'affirmations sur son manque de professionnalisme.

Cependant, non seulement d'une façon générale il n'appartient pas à l'expert de qualifier juridiquement les faits mais de donner son avis sur la façon dont l'architecte a rempli sa mission, mais en l'espèce, M. [E] retient sans raisons précises la responsabilité de l'architecte globalement à hauteur de 10 % pour la survenance des désordres.

Ceci ne permet pas de retenir une faute de l'architecte pour engager sa responsabilité car il appartient à celui qui l'invoque d'en préciser au moins les contours, ce qui manque en l'espèce.

En conséquence, les époux [P] sont déboutés de leurs demandes à l'encontre de M. [U], le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la garantie de la société MAF

En l'absence de condamnation de ses assurés dont la responsabilité n'est pas retenue, l'assureur ne peut être condamné. Le jugement est confirmé.

Sur la demande au titre du séquestre

Les époux [P] demandent la restitution d'une somme de 11 612,60 euros qui aurait été consignée par la société Cityval entre les mains d'un notaire en application d'un protocole d'accord signé entre les parties après compensation entre les pénalités de retard de livraison, le prix de travaux supplémentaires demandés par les acquéreurs et peut-être le solde du prix de vente.

À sa lecture, il appert que le protocole du 14 juillet 2006 portait sur le retard de livraison du bien immobilier et sa compensation financière.

Un avis de notaire portant la mention « séquestre suivant convention SSP » pour la somme de 11 000 euros est produit. Il indique que la somme est reçue de M. et Mme [P], ce qui contredit leurs allégations, sans indication du nom de la société Cityval.

Comme l'ont relevé les premiers juges, on peine à savoir dans quel but et pour quel objet cette somme - qui n'est pas celle prévue audit protocole - a été versée.

La cour ne dispose pas d'éléments lui permettant d'ordonner la restitution de la somme de 11 000 euros séquestrée entre les mains dudit notaire.

Le jugement est confirmé.

Sur les dépens et les autres frais de procédure

Les époux [P], qui succombent, ont été à juste titre condamnés aux dépens de première instance. Ils sont également condamnés aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile. Les dépens pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du même code.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Le premier juge a fait une application équitable de ces dispositions, les circonstances de l'espèce justifient de condamner les époux [P] à payer à M. [U] et la société MAF une indemnité de 3 000 euros, chacun, au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut,

Confirme le jugement déféré en totalité ;

Y ajoutant,

Condamne M. [J] [P] et Mme [M] [C] épouse [P] à payer les entiers dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne M. [J] [P] et Mme [M] [C] épouse [P] à payer à M. [X] [U] et à la société Mutuelle des architectes français une indemnité de 3 000 euros, chacun, par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ch civ. 1-4 construction
Numéro d'arrêt : 21/03465
Date de la décision : 22/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-22;21.03465 ?
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