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22/04/2024 | FRANCE | N°21/02552

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ch civ. 1-4 construction, 22 avril 2024, 21/02552


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54D



Ch civ. 1-4 construction



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 22 AVRIL 2024



N° RG 21/02552 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UOPD



AFFAIRE :



Société GROVEN+NV



C/



S.A.S. DREAMVIEW





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Mars 2021 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° Chambre : 4

N° Section :

N° RG : 2019F00885



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Michelle DERVIEUX



Me Laurence HERMAN



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT DEUX AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles,...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54D

Ch civ. 1-4 construction

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 AVRIL 2024

N° RG 21/02552 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UOPD

AFFAIRE :

Société GROVEN+NV

C/

S.A.S. DREAMVIEW

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Mars 2021 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° Chambre : 4

N° Section :

N° RG : 2019F00885

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Michelle DERVIEUX

Me Laurence HERMAN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société GROVEN+NV dont le siège social situé [Adresse 5] (BELGIQUE) prise en son établissement français

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Michelle DERVIEUX de la SELARL MBD AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 276 et Me Pierre ROBIN de la SELARL R & R, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0622

APPELANTE

****************

S.A.S. DREAMVIEW

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Laurence HERMAN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 253 et Me Florence DUBOSCQ de la SELARL PARETO AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0233

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Février 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et Madame Séverine ROMI, Conseillère chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,

Madame Séverine ROMI, Conseillère,

Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente placée,

Greffière, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,

FAITS ET PROCÉDURE

La société de droit belge Groven+Nv (ci-après Groven) est spécialisée dans la construction de façades en aluminium et en verre.

La société Dreamview, maître d'ouvrage, a confié la réalisation d'une opération de restructuration d'un immeuble de bureaux à [Localité 6] (92), répartie en 21 lots. La maîtrise d'ouvrage déléguée a été confiée à la société Arteprom. La maîtrise d''uvre de conception et d'exécution a été confiée à la société VBI.

Par ordre de service n°1, signé par les sociétés Arteprom et Groven le 27 juillet 2017, la société Groven s'est vue confier le lot n°2 « façades » pour un montant de 2,82 millions d'euros TTC pour le marché de base et 252 000 euros TTC pour l'option « stores motorisés ».

Les travaux de restructuration de l'immeuble ont fait l'objet d'une réception le 14 février 2019.

La société Arteprom a réglé les factures émises par la société Groven, à l'exception des trois dernières pour un total de 417 430,66 euros TTC.

Par lettre recommandée du 16 avril 2019, la société Groven a mis en demeure la société Arteprom de lui payer cette somme.

En réponse, par lettre recommandée du 24 avril 2019, la société Arteprom a notifié notamment à la société Groven l'application de pénalités de retard pour un montant de 3,4 millions d'euros, indiquant un solde de facture à payer de 304 492,65 euros HT, soit 365 391,18 euros TTC.

Par ordonnance de référé rendue le 23 octobre 2019 par le président du tribunal de commerce de Versailles, la société Dreamview a été condamnée « à verser la somme de 365 391,18 euros TTC avec intérêts à compter du 19 juin 2019 entre les mains du Bâtonnier de l'ordre des avocats de Versailles, en qualité de séquestre, et ce sous astreinte ['] ». 

Par arrêt du 2 juillet 2020, la cour d'appel de Versailles a infirmé l'ordonnance du 23 octobre 2019, a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision de la société Groven et de mise sous séquestre de la somme de 365 391,18 euros et en a ordonné la mainlevée.

Par acte en date du 13 décembre 2019, la société Groven a assigné la société Dreamview devant le tribunal de commerce de Versailles afin d'obtenir sa condamnation au paiement du solde des travaux.

Par jugement contradictoire du 5 mars 2021, ce tribunal a :

- condamné la société Dreamview à payer à la société Groven la somme de 417 430,66 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2019,

- débouté la société Groven de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné la société Groven à payer à la société Dreamview la somme de 252 000 euros au titre des pénalités de retard, avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement,

- condamné la société Groven à payer à la société Dreamview la somme de 49 352,86 euros TTC au titre des travaux de levée des réserves, avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement,

- débouté la société Dreamview du surplus de ses demandes,

- dit que les créances réciproques de la société Groven et de la société Dreamview feraient l'objet d'une compensation,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, ni à exécution provisoire,

- mis les dépens à la charge de chacune des parties, par moitié.

Le tribunal a examiné chacun des postes du décompte général définitif (DGD) pour retenir que le montant des factures impayées qui y était indiqué était de 369 438,30 euros HT, que la société Groven ne démontrait pas que la société Dreamview ait avalisé les devis des travaux supplémentaires.

Le tribunal n'a pas retenu la déduction de 25 264,41 euros HT au titre des retenues au compte prorata car aucun justificatif n'était apporté par la société Dreamview quant à l'augmentation du taux. Il a estimé que la société Dreamview ne justifiait pas de la véracité des frais inclus dans le compte inter-entreprise, ni de leur juste imputation et n'a pas retenu le montant de 83 702,79 euros tel qu'indiqué dans le DGD.

Sur la demande de dommage et intérêts formulée par la société Groven, le tribunal a jugé que cette dernière ne justifiait pas d'un préjudice autre que celui d'un retard de paiement compensé par l'attribution d'intérêts moratoires.

Il a estimé que les pénalités de retard d'achèvement des travaux devaient débuter au 9 janvier 2019, pour une durée de trente-six jours, eu égard au non-respect avéré des dates de livraison et en l'absence quasi-totale des équipes de la société Groven sur le chantier. Ainsi, la somme de 533 306,52 euros à titre de pénalité de retard d'achèvement des travaux a été retenue à la charge de la société Groven. Mais il n'a pas retenu le montant pour le retard dans la levée des réserves. Enfin, il a limité, au visa de l'article 1231-5 du code civil, les pénalités de retard proportionnellement au prix du marché confié à la société Groven sur le marché global et au nombre de jour de retard qui lui étaient imputés sur le nombre de jour de retard de livraison de l'immeuble.

Par déclaration du 19 avril 2021, la société Groven a interjeté appel.

Selon ses conclusions remises le 7 janvier 2022, la société Groven demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il l'a dit créancière de la société Dreamview au titre des travaux réalisés en dehors de l'application de toutes pénalités,

- l'infirmer s'agissant des sommes restant dues,

- condamner la société Dreamview à lui payer la somme de 441 895,30 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2019, date de l'assignation en référé,

- infirmer le jugement en ce qu'il lui a imputé 36 jours de retard et l'a condamnée à payer à la société Dreamview la somme de 252 000 euros au titre des pénalités, avec intérêts au taux légal,

- l'infirmer en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Dreamview la somme de 49 352,86 euros TTC au titre des travaux de levée des réserves, avec intérêts au taux légal,

- le confirmer en ce qu'il a débouté la société Dreamview de sa demande, irrecevable au titre des travaux de reprise des désordres dénoncés dans l'année de parfait achèvement,

- l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive à hauteur de 25 000 euros et condamner la société Dreamview à lui payer cette somme,

- condamner la société Dreamview à lui payer de la somme de 41 991,45 euros au titre des retenues gestion du compte prorata de 2 % réglée sans cause par elle,

- en tout état de cause, condamner la société Dreamview au paiement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens dont distraction au profit de son conseil.

La société Groven fait valoir que les travaux ont été réceptionnés, qu'elle a contesté le décompte général définitif le 20 décembre 2019, qu'il demeure des travaux effectués non payés et que dans son décompte définitif, la société Dreamview reconnaît cette dette.

Sur les pénalités de retard, elle soutient qu'elles ont été chiffrées bien après la réception, qu'il ne lui en a pas été auparavant imputées à titre provisionnel comme prévu au contrat, qu'il n'a été établi qu'un planning prévisionnel, mais que le point de départ des travaux n'a pas été fixé, que ce planning devait être revu au fur et à mesure de l'avancement des autres corps de métier mais qu'il ne l'a pas été. Elle ajoute que la société Dreamview ne rapporte pas de preuve du retard dans l'exécution de ses travaux, qu'elle-même s'est inquiétée du retard, notamment, pris par le gros 'uvre avant lequel elle ne pouvait intervenir. Sur l'accident de chantier concernant un de ses sous-traitants, elle affirme qu'il n'y a pas eu d'arrêt de chantier. Enfin, elle ne comprend pas le chiffrage de 130 jours de retard retenu par la société Dreamview. Elle remarque que le tribunal en a retenu 36, ce qu'elle conteste également.

Sur le reste des retenues effectuées dans son décompte par la société Dreamview, elle avance une absence de preuve de reprise des travaux, une prescription pour la garantie de parfait achèvement et oppose l'exception d'inexécution pour les travaux de levée des réserves.

Aux termes de ses conclusions, remises le 8 octobre 2021, la société Dreamview demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Groven de sa demande de dommages et intérêts, condamné la société Groven à lui régler la somme de 49 352,86 euros TTC au titre des travaux de levée des réserves et ordonné la compensation des dettes et créances réciproques,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Groven la somme de 417 430,66 euros TTC, limité le retard imputable à cette société à 36 jours, limité la condamnation de la société Groven au titre des pénalités de retard de chantier à la seule somme de 252 000 euros, l'a déboutée de sa demande d'imputation à la société Groven des pénalités de retard dans la levée des réserves, l'a déboutée de sa demande de prise en charge de la prestation de la société Delbecque pour une somme de 17 232 euros TTC au titre des reprises pendant l'année de parfait achèvement, et du surplus de ses demandes,

- condamner la société Groven à lui verser la somme totale de 2 952 694,86 euros TTC, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la notification du décompte général définitif le 20 décembre 2019, se décomposant comme suit :

- 1 185 125,60 euros au titre des pénalités de l'achèvement des travaux

- 1 570 284 euros au titre des pénalités de retard de levée des réserves

- 108 907 euros HT, soit 130 700,40 euros TTC au titre des retenues du compte prorata et du compte inter-entreprises

- 41 127,38 euros HT, soit 49 352,86 euros TTC pour les travaux de levée des réserves

- 14 360 euros HT, soit 17 232 euros TTC au titre de la reprise des désordres dénoncés dans l'année de parfait achèvement,

- condamner la société Groven à lui verser la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La société Groven soutient l'application de pénalités contractuelles de retard, calculées pour la période courant entre le 14 février 2019, date de réception de travaux, et le 29 juin 2018, date prévisionnelle « recalée » de fin de travaux, soit 152 jours x 14 814 euros par jour de retard, dus par la société Groven. Elle soutient également l'application des pénalités contractuelle des retards pour la levée des réserves, soit 106 jours à la même somme.

Pour le reste, elle demande que la demande au titre de la restitution de la garantie soit déclarée sans objet car elle a rendu l'original des cautions à la société adverse, le remboursement des travaux qu'elle a dû faire effectuer pour la levée des réserves et au titre de la garantie de parfait achèvement, soutenant que sa demande est bien recevable en raison de l'interruption du délai de prescription.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 octobre 2022, l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 13 février 2023 puis renvoyée à celle du 5 février 2024 en raison de l'indisponibilité du président et mise en délibéré au 22 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le compte entre les parties

En application de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, les parties se prétendent créancières l'un de l'autre, il convient d'examiner chacune des demandes.

Les factures impayées de la société Groven

La société Groven demande de condamner la société Dreamview à lui payer, avec intérêts, un solde de factures en y ajoutant d'autres frais.

En première instance, elle ne réclamait que la somme de ces factures soit 417 430,66 euros TTC en appel, elle a augmenté le montant de sa demande à la somme de 441 895,30 euros TTC sans expliquer son décompte.

En effet, ces trois factures réclamées et impayées numérotées 1810/450, 1811/545, 1903/118 correspondant aux situations 10, 11 et 12, après déduction du prorata de 2 %, s'élèvent respectivement aux sommes en euros TTC de 43 600,62 euros, 136 498,82 et 237 331,22 euros, soit un total de 417 430,66 euros.

Dans le DGD notifié par courrier RAR du 20 décembre 2019 par la société VBI, maître d''uvre d'exécution, à la société Groven, lequel a été approuvé par le maître d'ouvrage mais contesté par la société Groven, il apparaît que le solde du marché restant dû par la société Dreamview s'élève, de son propre aveu, à une somme de 369 438,30 euros HT soit 443 325,96 euros TTC.

Les travaux supplémentaires d'un montant de 8 930 euros HT, contestés dans leur principe et leur montant et dont il n'est pas prouvé leur acceptation par la société Dreamview ne peuvent lui être facturés par la société Groven.

En conséquence, comme l'ont relevé les premiers juges la société Dreamview doit à la société Groven la somme de 417 430,66 euros TTC au titre des trois factures impayées. Le jugement est confirmé sur ce point.

Les retenues du compte prorata

La société Dreamview a appliqué un taux de 2,724 % HT, sur chacune des situations, du montant des travaux, alors qu'un taux de 2 % avait été convenu entre les parties.

Selon la société Dreamview, le taux a été modifié de façon conventionnelle à 2,724 %.

Elle ne justifie toutefois pas de l'acceptation de cette modification par son cocontractant, c'est justement que les premiers juges n'ont pas fait droit à cette demande.

La société Groven demande le remboursement de cette somme, soit 41 991,45 euros comme indiquée au DGD présenté par la société Dreamview.

En effet, aucune garantie ne peut plus être retenue.

En conséquence, la société Dreamview est condamnée à payer à la société Groven la somme réclamée de 41 991,45 euros.

Les retenues de garantie

L'article 3.5 du cahier des charges administratives particulières (ci-après CCAP) précise que « les paiements des acomptes à valoir sur la somme totale due à l'Entreprise seront imputés d'une retenue égale à 5 % de leur montant (') aucune retenue de garantie ne sera appliquée à partir du moment où l'Entrepreneur aura fourni, pour un montant égal aux retenues futures, la caution personnelle et solidaire émanant d'un établissement financier ».

La société Groven justifie avoir fourni une telle garantie sous la caution bancaire d'un montant total HT de 122 258,33 euros alors que la retenue de garantie totale sur ce marché est de 123 450,54 euros HT (2 469 010,95 € x 5 %), soit une différence de 1 192,22 euros HT, montant non couvert par la garantie, le tribunal de première instance a retenu ce montant au titre des retenues de garantie.

Toutefois, suivant lettre recommandée AR en date du 5 octobre 2021, la société Dreamview a justifié avoir restitué à la société Groven les originaux des cautions délivrées, celle-ci s'est finalement désistée de cette demande mais réclame encore la restitution d'une somme de 1 192,22 euros HT à laquelle les premiers juges tout en « retenant » ce montant ne l'ont pas condamnée et il n'est pas démontré que cette somme ait été payée par la société Groven.

La demande est rejetée.

Les retenues pour le compte inter-entreprises

L'article 3.8 du CCAP prévoit que « les frais afférents au compte prorata seront à la charge de toutes les Entreprises titulaires d'un marché. Il sera établi et géré par l'Entreprise du lot N° 01 gros 'uvre, avec arbitrage du Maître d''uvre Exécution en cas de désaccord entre les Entreprises. Il en sera de même pour le compte interentreprises.

En aucun cas, le Maître d'Ouvrage n'aura à intervenir dans l'établissement de ces comptes ».

La société Dreamview a déduit, à ce titre, une dépense totale d'un montant de 83 702,79 euros HT justifié par 134 feuillets dont des factures qui ne sont pas forcément des imputations au titre de ce compte comme l'ont relevé les premiers juges.

Cependant, d'une part, la procédure décrite à l'article précité n'a pas été respectée, d'autre part les frais réclamés ne sont pas démontrés par des pièces objectives et pertinentes.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes.

Les pénalités de retard liées au retard dans l'achèvement des travaux

L'article 3.6.4 « pénalités définitives » du CCAP dispose :

« Si des retards sont constatés à l'achèvement des travaux, qu'il ait ou non été constaté des retards intermédiaires et qu'il ait ou non été comptabilisé des pénalités provisoires, il sera appliqué aux entreprises responsables, sans que des mises en demeure préalables aient été nécessaires en cours de travaux, une pénalité définitive par jour calendaire de retard.

Le taux de la pénalité journalière calendaire de retard sera :

(')pour les entreprises dont le marché est compris entre moins de 30 % et plus de 10 % du montant total des marchés tous corps d'état, de 6/1000' du montant de leur marché ; (')

En fin de chantier, le calcul sera effectué sur le montant définitif des travaux dû à l'entrepreneur, avenants et révisions compris.

Si une entreprise est titulaire de marchés portant sur plusieurs lots, les taux ci-dessus seront calculés et appliqués lot par lot.

Les pénalités stipulées dans le présent article s'appliqueront également en cas de non-exécution des travaux de levée des réserves dans les conditions résultant des dispositions de l'article 2.18.2 ci-dessus »

L'article 3.6.1.2 du CCAP ajoute que le retard est calculé d'après le calendrier d'exécution contractuel, et l'article 2.13.1 précise que le délai global contractuel d'exécution des travaux est fixé dans le marché de l'entrepreneur et comprend la réception des ouvrages.

L'acte d'engagement entre les parties du 27 juillet 2017 stipule, « 4.1 Durée du marché

Le délai global d'exécution de l'ensemble des travaux allotis de la tranche ferme est de 12 mois.

Le délai d'exécution des travaux incombant au titulaire du présent marché est fixé, au sein du délai global d'exécution, dans le calendrier prévisionnel d'exécution annexé au présent acte d'engagement, qui précise les dates d'intervention relatives à chacun des lots. Le maître de l'ouvrage délivrera pour chaque marché un ordre de service de démarrage de l'exécution des travaux ».

Ledit calendrier n'est pas annexé à l'acte. Il est présenté un « planning prévisionnel des travaux » avec l'intervention de la société Groven et une date de fin de ses travaux fixée au 13 avril 2018. Il est patent que ce planning n'a pas été respecté, le premier ordre de service n°1 adressé à la société Groven est daté du 23 avril 2018 et n'est pas un ordre de service de démarrage des travaux comme prévu au CCAP.

L'article 3.6.1.3 du CCAP prévoit dans ce cas que, si par suite de retard, le calendrier d'exécution contractuel devait être recalé, le nouveau calendrier ne pourrait être considéré que comme un instrument de travail et non comme un document contractuel au regard des pénalités de retard.

Toutefois, cette clause qui peut être qualifiée de léonine, en l'absence de tout calendrier contractuel d'exécution, est de toute façon inapplicable.

L'article 2.13.3 du même document impose que toute modification des délais au marché fasse l'objet d'un ordre de service ou d'un avenant. Là, encore une telle pièce n'est pas versée aux débats.

La cour n'a pas trouvé de date formelle de démarrage des travaux par ordre de service en application des clauses du CCAP ou dans une autre pièce.

Les premiers juges ont fait partir le démarrage des travaux au 9 janvier 2019, date de la lettre AR de la société Arteprom à la société Groven dans laquelle la première « regrette que vos engagements de livraison ne sont une nouvelle fois non tenus à ce jour. Vous deviez recevoir aujourd'hui l'ensemble des pièces vous permettant de finaliser l'ensemble du chantier DREAMVIEW, or ni les contacts de feuillure, ni les pièces manquantes pour terminer les édicules en toiture, ni les pièces manquantes pour finaliser les façades Est et Nord R+1 n'ont été livrés à ce jour. Face à la défaillance avérée de votre société, nous sommes contraints de demander le déplafonnement de vos pénalités de retard ''.

Cette lettre ne constitue en rien la date de démarrage des travaux susceptible de faire courir le délai d'un an pour leur achèvement, point de départ des pénalités contractuelles.

Le fait que la société Dreamview ait fixé de façon unilatérale la date de réception au 15 septembre 2018 sans respecter l'article 2.13.3 précité, ne permet pas de déduire que les travaux ont débuté formellement un an auparavant.

La seule certitude est la date de réception des travaux du 14 février 2019.

L'ensemble des échanges épistolaires des parties contestant chacune leurs engagements mutuels et se plaignant des défaillances de l'autre et l'accident de nacelle évoqué, s'ils montrent que les travaux se sont déroulés dans de mauvaises conditions, ne permettent cependant pas d'imputer à la société Groven un retard d'exécution et, surtout, rien ne permet de faire un calcul précis des pénalités contractuelles de retard.

En conséquence, les clauses du CCAP ne peuvent s'appliquer et aucune pénalité contractuelle ne peut être retenue à la charge de la société Groven au titre du retard de livraison de ses prestations. Le jugement est infirmé sur ce point et la société Dreamview déboutée de sa demande.

Les pénalités de retard et les frais de levée des réserves

L'article 2.18.2 du CCAP prévoit que « Si la réception comporte des réserves, le procès-verbal mentionne en détail les omissions, imperfections ou malfaçons constatées et la simple notification, dans les formes sus-indiquées, à l'Entrepreneur lui vaut injonction d'exécuter ou de terminer les travaux omis ou incomplets, et de remédier durablement et conformément aux règles de l'art, aux imperfections et malfaçons dans le plus bref délai sans que celui-ci puisse en aucun cas excéder un mois ».

L'article 2.19.1 ajoute « Le délai de garantie dit de parfait achèvement est d'un an à partir de la date de réception des travaux.

Au cours de cette période de garantie contractuelle, l'Entrepreneur sera tenu de remédier à tous les désordres signalés à compter de la réception, quelles que soient leur nature et leur importance : il fera en sorte que l'ouvrage demeure conforme à l'état où il était lors de la réception, sous réserve de l'usure normale.

Il devra également remédier, durant cette période de garantie, aux imperfections constatées lors de la prise de possession par les acquéreurs des locaux et dans le mois qui suit cette prise de possession, au fur et à mesure de leur communication à l'Entrepreneur ».

Il est constant que la réception a été prononcée le 14 février 2019 avec réserves.

Suivant une lettre recommandée AR du 28 janvier 2020, la société Arteprom a notifié aux entreprises concernées les désordres de parfait achèvement et les a mis en demeure de reprendre les dysfonctionnements au plus tard le 7 février 2020.

La société Dreamview a communiqué les justificatifs des frais qu'elle a exposés pour y remédier pour une somme totale de 41 127,38 euros HT, soit 49 352,86 euros TTC.

Sur les retards, la société Groven argue d'une exception d'inexécution eu égard aux sommes impayées par la société Dreamview. Elle produit un courrier AR du 8 mai 2019, dans lequel elle fait valoir une telle exception réclamant le paiement de ses factures avant l'exécution des travaux de levée des réserves.

Il est admis qu'une partie au contrat peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre partie n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Il est également admis que le donneur d'ordre peut légitimement refuser de payer le prix lorsque l'entrepreneur n'a pas, ou pas correctement, exécuté sa prestation. Cependant, si la prestation a été exécutée, la nécessité de faire des travaux de parachèvement est insuffisamment grave pour légitimer l'exception d'inexécution. De façon symétrique, la société Groven, à laquelle il était dû une somme de plus de 400 000 euros -ce que ne conteste pas la société Dreamview puisqu'elle l'intègre dans son DGD- alors que les travaux de reprise étaient, selon ses propres devis, d'environ 40 000 euros, a pu opposer une telle exception à son cocontractant sans qu'il ne puisse lui être imputé des pénalités de retard, ni même qu'il puisse lui être réclamé les frais de levée des réserves.

En conséquence, le jugement est infirmé sur ces points et la société Dreamview déboutée de sa demande au titre des pénalités de retard.

Les travaux de reprise des désordres dénoncés dans l'année de parfait achèvement

La société Dreamview prétend que la société Groven a refusé d'intervenir pour réparer les désordres dénoncés dans l'année de la réception et qu'elle a dû en confier les travaux à la société Delebecque dont elle produit la facture du 10 février 2020, d'un montant de 14 360 euros HT, soit 17 232 euros TTC.

La société Groven oppose l'irrecevabilité de la demande pour cause de prescription.

Or, les conclusions de la société Dreamview, remises au greffe le 12 février 2020, avant l'expiration du délai de la garantie qui a commencé à courir le 14 février 2019, valent acte interruptif de prescription au titre de la garantie de parfait achèvement.

La société Dreamview présente, en appel, la facture de la société qui a réalisé ces travaux pour la somme de 14 360 euros HT, soit 17 232 euros TTC.

Le jugement est infirmé sur ce point et la société Groven est condamnée à payer à la société Dreamview cette somme.

Sur la compensation des créances

Le jugement est confirmé en ce qu'il a ordonné une telle compensation qui n'est d'ailleurs pas contestée.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société Groven

Le préjudice de la société Groven résultant du retard de paiement est compensé par les intérêts moratoires accordés. Aucun autre préjudice n'est démontré.

Le jugement est également confirmé sur le rejet de cette demande.

Sur les dépens et les autres frais de procédure

La société Dreamview, qui succombe en majeure partie, est condamnée aux dépens de première instance, le jugement est infirmé sur ce point. Elle est également condamnée aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile. Les dépens pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du même code.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Les circonstances de l'espèce justifient de condamner société Dreamview à payer à la société Groven une indemnité de 5 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a,

- condamné la société Dreamview à payer à la société Groven+Nv la somme de 417 430,66 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2019, au titre du solde des travaux,

- débouté la société Groven+Nv de sa demande de dommages et intérêts,

- dit que les créances réciproques de la société Groven+Nv et de la société Dreamview feront l'objet d'une compensation,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et à exécution provisoire,

Infirme le jugement déféré pour le surplus,

Statuant de nouveau dans cette limite,

Condamne la société Groven+Nv à payer à la société Dreamview la somme de 17 232 euros TTC au titre des travaux de reprise des désordres dénoncés dans l'année de parfait achèvement ;

Déboute la société Dreamview du surplus de ses demandes ;

Y ajoutant,

Condamne la société Dreamview à payer à la société Groven+Nv la somme de 41 991,45 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2019, au titre des retenues du compte prorata ;

Condamne la société Dreamview à payer les entiers dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la société Dreamview à payer à la société Groven+Nv une indemnité 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ch civ. 1-4 construction
Numéro d'arrêt : 21/02552
Date de la décision : 22/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-22;21.02552 ?
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