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04/04/2024 | FRANCE | N°23/01600

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-6, 04 avril 2024, 23/01600


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53B



Chambre civile 1-6



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 04 AVRIL 2024



N° RG 23/01600 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VXGH



AFFAIRE :



[X], [Y] [C] épouse [S]



[U], [D], [W] [S]



C/



S.A. ACM VIE



S.A. BANQUE CIC EST



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Janvier 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Nanterre

N° RG :

20/02952



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 04.04.2024

à :



Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS

avocat au barreau de VERSAILLES



Me Nadia HADJ CHAIB CANDEILLE

avocat au barreau de PA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53B

Chambre civile 1-6

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 AVRIL 2024

N° RG 23/01600 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VXGH

AFFAIRE :

[X], [Y] [C] épouse [S]

[U], [D], [W] [S]

C/

S.A. ACM VIE

S.A. BANQUE CIC EST

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Janvier 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Nanterre

N° RG : 20/02952

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 04.04.2024

à :

Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS

avocat au barreau de VERSAILLES

Me Nadia HADJ CHAIB CANDEILLE

avocat au barreau de PARIS

Me Oriane DONTOT avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [X], [Y] [C] épouse [S]

née le [Date naissance 2] 1940 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C78646-2023-001904 du 30/06/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

Monsieur [U], [D], [W] [S]

né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629

APPELANTS

****************

S.A. ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL VIE

N° Siret : 332 377 597 (RCS Strasbourg)

[Adresse 4]

[Localité 6]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Nadia HADJ CHAIB CANDEILLE de la SELARL CABINET COUILBAULT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1412

S.A. BANQUE CIC EST

N° Siret : 754 800 712 (RCS Strasbourg)

[Adresse 3]

[Localité 6]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20230198 - Représentant : Me Didier SALLIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0924

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Février 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

Par convention du 9 décembre 2004, M. et Mme [S] ont contracté un prêt immobilier de la somme de 116 900 euros, auprès de la banque nancéenne Varin-Bernier devenue CIC Est, puis par acte du 30 décembre 2006, ils ont contracté un second prêt immobilier de la somme de 193 340 euros auprès de la même banque, pour financer des investissements locatifs.

Par contrats des 10 novembre 2004 et 14 décembre 2006, M. et Mme [S] ont souscrit deux contrats d'assurance afin de garantir le remboursement respectif des échéances des prêts susmentionnés, en cas de décès ou de perte totale et irréversible d'autonomie, auprès des assurances du Crédit Mutuel Vie (ci-après « les ACM Vie »).

Le 21 novembre 2018, M. [S], âgé de 70 ans, a été victime d'un accident vasculaire cérébral, et les emprunteurs ont cessé de rembourser les échéances des prêts. Les ACM Vie ont opposé un refus de garantie perte totale et irréversible d'autonomie, au motif qu'elle avait cessé au 65ème anniversaire de M. [S]. 

De son côté, la banque CIC Est a prononcé la déchéance des termes des contrats de prêt par courriers du 26 février 2019, et a mis les emprunteurs en demeure de régler la somme de 60 179,57 euros au titre du prêt du 9 décembre 2004, et la somme de 76 933,12 euros au titre du prêt du 30 décembre 2006. 

Par acte d'huissier du 12 mai 2020, les époux [S] ont fait assigner la banque CIC Est et les ACM Vie devant le tribunal judiciaire de Nanterre, aux fins de prise en charge des soldes des prêts par l'assureur et d'annulation corrélative des décisions de déchéance du terme par la banque. 

Par jugement contradictoire rendu le 20 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Nanterre a : 

débouté M. et Mme [S] de l'ensemble de leurs demandes 

condamné in solidum M. et Mme [S] à payer à la société des assurances du Crédit Mutuel Vie et à la société CIC Est chacune la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile 

rappelé que l'exécution provisoire est de droit 

condamné in solidum M. et Mme [S] aux dépens, dont distraction au profit de Maître Nadia Hadj-Chaïb Candeille, avocat au barreau de Paris. 

Le 8 mars 2023, M. et Mme [S] ont relevé appel de cette décision.

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises au greffe le 13 mai 2023, aauxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les appelants demandent à la cour de :

réformer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'il les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes, condamnés in solidum à payer à la société des assurances du Crédit Mutuel Vie et à la société CIC Est chacune la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens,

Statuant à nouveau :

condamner en application des dispositions contractuelles liant les parties et de l'article 1103 du code civil la SA ACM-Vie à prendre en charge le remboursement des échéances des prêts contractés auprès de la banque CIC Est par M. et Mme [S] le 9 décembre 2004 et le 30 décembre 2006, ce à compter du 21 novembre 2018, date à laquelle M. [S] a été victime d'un AVC qui lui a fait perdre de façon irréversible son autonomie 

dire que la Banque CIC Est n'était pas fondée à prononcer la déchéance du terme des prêts susvisés dont le remboursement était garanti 

dire les lettres adressées à M. et Mme [S] par la Banque CIC Est prononçant la déchéance du terme des prêts sans effet 

en conséquence, débouter la Banque CIC Est de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions 

à titre subsidiaire, dire que la Banque CIC Est a manqué à son devoir de conseil, ce qui a fait perdre à M. et Mme [S] une chance de contracter une assurance garantissant le risque invalidité après 65 ans

en conséquence, condamner la Banque CIC Est en application des dispositions de l'article 1231-1 du code civil à payer et porter à M. et Mme [S] 95 % des sommes qu'ils restent devoir au titre du prêt de 116 900 euros contracté le 9 décembre 2004 et du prêt de 193 340 euros contracté le 30 décembre 2006 

En tout état de cause, 

condamner in solidum la SA ACM-Vie et la SA Banque CIC Est à payer et porter à M. et Mme [S] la somme de trois mille euros (3 000 euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile 

débouter la SA ACM-Vie et la SA Banque CIC Est en toutes leurs demandes 

condamner les mêmes aux entiers dépens.

Au soutien de leurs demandes, M. et Mme [S] font valoir : 

que, si le tribunal a retenu que la limite de garantie liée à l'âge figurait dans les conditions générales du contrat, lesquelles étaient opposables à M. [S], en réalité, ni les offres de prêt, ni le certificat de garantie, ni l'acte authentique ne mentionnent une limitation de garantie à 65 ans ; que cette limitation de garantie n'a pas non plus été évoquée lors de la signature des contrats ; qu'en plus, cette limitation ne figure pas dans les conditions particulières des polices d'assurances, contrairement à ce que prescrit l'article L112-4 du code des assurances ; Il en déduisent que cette limitation de garantie n'est pas opposable à M. [S], et ce d'autant que le montant de la prime d'assurance n'a pas changé lorsque M. [S] a atteint l'âge de 65 ans, de sorte qu'il ne pouvait se douter d'un quelconque changement dans ses garanties; qu'il appartenait à la SA ACM-Vie de chiffrer le montant des primes de l'assurance invalidité et celui de l'assurance décès de façon séparée et que, faute de l'avoir fait, la prime globale doit être considérée comme assurant les deux risques invalidité et décès jusqu'au terme des contrats de prêt ;

que la banque CIC Est n'était pas fondée à prononcer la déchéance du terme des prêts garantis par l'assureur ACM-Vie ; 

qu'à titre subsidiaire, la banque CIC Est a, en raison de son manquement à son devoir de conseil, causé un préjudice à M. et Mme [S], qu'il convient d'indemniser ; qu'à défaut d'avoir été mieux informés sur la clause limitant la garantie invalidité à l'âge de 65 ans et bien avant le terme du prêt, ils ont perdu une chance de contracter une garantie d'invalidité jusqu'au terme de leurs prêts, qui peut être évaluée à 95% de leur préjudice financier.

Par dernières conclusions transmises au greffe le 2 août 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société ACM Vie, intimée, demande à la cour de :

confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 20 janvier 2023 ayant débouté M. et Mme [S] de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre des ACM Vie

 

condamner M. et Mme [S] à verser à la société ACM Vie la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile 

condamner M. et Mme [S] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Nadia Hadj-Chaïb Candelle, avocat au barreau de Paris, SELARL Cabinet Couilbault.

Au soutien de ses demandes, la S.A. ACM Vie fait valoir : 

que M. [S] a adhéré à deux reprises au contrat d'assurance Assur-prêt des ACM Vie et que lors de chaque adhésion, il a reçu la notice d'information définissant les risques garantis et leurs limites ce qui est reconnu dans les actes; que ces notices d'information lui sont opposables ainsi que la limitation de la garantie en fonction de l'âge de l'adhérent ; qu'enfin, il n'existe aucune contradiction entre le certificat de garantie, le bulletin d'adhésion et les notices d'assurances qui complètent le certificat de garantie et le bulletin d'adhésion ;

que M. et Mme [S] ne peuvent légitimement prétendre avoir été trompés sur la durée des garanties en raison du maintien des montants de cotisations puisque les notices d'informations du contrat Assur-prêt indiquent clairement le lissage du règlement de la prime sur la durée du prêt; 

que, par ailleurs, le fait que M. [S] soit « couvert » pour les risques décès et perte totale et irréversible d'autonomie, ne signifie nullement que ces garanties lui sont automatiquement acquises ; qu'en effet, la prise en charge par l'assureur, au titre de ces garanties, est subordonnée aux conditions fixées dans les notices d'information.

Par dernières conclusions transmises au greffe le 2 août 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Banque CIC Est, intimée, demande à la cour de :

déclarer irrecevable comme nouvelle en cause d'appel, et subsidiairement mal fondée, la demande de M. et Mme [S] visant à la condamnation de la banque CIC Est à leur payer « 95% des sommes qu'ils restent devoir » au titre des deux prêts en cause 

En toute hypothèse, 

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions 

débouter M. et Mme [S] de toutes leurs demandes, fins et conclusions 

les condamner solidairement à payer à la banque CIC Est la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile 

les condamner solidairement en tous les dépens dont le recouvrement direct pourra être poursuivi par Maître Oriane Dontot, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. 

Au soutien de ses demandes, la S.A. Banque CIC Est fait valoir : 

que c'est à juste titre que le tribunal judiciaire a considéré que les notices d'information étaient opposables à M. et Mme [S] ;

que, contrairement à ce qu'ils soutiennent, la banque CIC Est était bien fondée à prononcer la déchéance du terme des prêts au regard de la défaillance des débiteurs dans le paiement de leurs échéances depuis le 15 novembre 2018 ; 

que la question de la dépendance de M. [S] ne se pose pas, la couverture perte totale et irréversible d'autonomie cessant au 31 décembre de l'année du 65èmeanniversaire de l'assuré ; que, par ailleurs, en tout état de cause, M. et Mme [S] n'apportent pas la preuve de la perte totale et irréversible d'autonomie dont M. [S] est affecté ; 

qu'enfin, la demande de réparation du préjudice causé en raison d'un manquement de la banque à son devoir de conseil est irrecevable, en application de l'article 564 du code de procédure civile, car nouvelle en cause d'appel ; que, subsidiairement, cette demande est mal fondée puisque les époux ont bien été informés de ce que les garanties souscrites cessaient au 65èmee anniversaire, et que l'AVC dont a été victime M [S] est sans lien avec le défaut de remboursement des prêts.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 16 janvier 2024.

L'audience de plaidoirie a été fixée au 28 février 2024 et le prononcé de l'arrêt au 4 avril 2024, par mise à disposition au greffe de la cour, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion et ne répond par voie de conséquence aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.

Il convient de rappeler également s'agissant des prétentions énoncées au dispositif saisissant la cour, que les « dire» qui ne tendent qu'au rappel des moyens invoqués à l'appui des demandes sans conférer -hormis les cas prévus par la loi- de droit à la partie qui les requiert ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Sur les demandes principales des époux [S] au titre de la prise en charge du prêt par l'assureur et le prononcé de la déchéance du terme par la banque

M et Mme [S] reprennent exactement les moyens qu'ils avaient soulevés devant le tribunal, sur le caractère illégitime selon eux du refus de garantie opposé par les ACM-Vie, et du prononcé par voie de conséquence de la déchéance du terme par la banque, sans apporter d'argument susceptible de contredire les réponses formulées par les premiers juges avec précision, sur l'opposabilité contractuelle de la clause de limite d'âge relative à la garantie perte totale d'autonomie, clairement définie dans les notices explicatives dont ils ont déclaré contre émargement avoir conservé un exemplaire, le refus des emprunteurs de souscrire la garantie « sénior plus », le lissage sur la durée de remboursement des deux prêts du montant total de la prime d'assurance clairement expliqué aux clauses du contrat, la légitimité du refus de garantie, et le bien-fondé du prononcé de la déchéance du terme par la banque fondé sur la cessation du remboursement des échéances des deux prêts à partir de novembre 2018, au demeurant sans lien avec l'éventuelle perte d'autonomie de M [S] dont les revenus étaient inchangés à raison de son statut de retraité. En l'absence d'élément nouveau utilement soumis à son appréciation, la cour après analyse des pièces versées aux débats, estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties. Il convient par conséquent de confirmer la décision déférée de ces chefs.

Sur la demande subsidiaire des appelants dirigée contre la banque

Les appelants demandent à titre subsidiaire, pour le cas où la cour confirmerait le jugement sur la limitation de la garantie perte d'autonomie, que la banque soit condamnée à les indemniser de la perte de chance de souscrire une garantie mieux adaptée à leur situation, qu'ils évaluent à 95% des soldes de chacun des prêts, au titre de sa responsabilité contractuelle pour manquement à son devoir de conseil.

La Banque CIC Est oppose à cette demande, à titre principal, la fin de non-recevoir tirée de sa nouveauté en cause d'appel, en application de l'article 564 du code de procédure civile, en observant que selon la jurisprudence, cette disposition qui autorise une partie à soumette à la cour d'appel une prétention nouvelle destinée à opposer compensation ne joue que si cette compensation est opposée à une demande de la partie adverse, alors que dans cette instance, elle ne formule pas de demande en paiement contre les époux [S].

Il est incontestable que M et Mme [S] n'avaient pas devant le tribunal cherché à engager la responsabilité contractuelle de la banque pour un défaut de conseil sur l'adéquation à leur situation des garanties offertes par les assurances des prêts. Ils espéraient dans un premier temps obtenir la prise en charge forcée du solde des prêts par les ACM Vie, ce qui devait selon eux invalider la déchéance du terme. Il est constant également que la demande telle que présentée contre la banque n'entre pas dans les exceptions prévues par l'article 564 du code de procédure civile puisqu'eux seuls formaient des demandes contre les parties adverses et que la question nouvelle n'est pas née postérieurement au jugement, de l'intervention d'un tiers ou de la révélation d'un fait.

Elle ne tend pas non plus aux mêmes fins que les demandes soumises aux premiers juges, au sens de l'article 565 du code de procédure civile.

L'article 566 du code de procédure civile autorise cependant les parties à ajouter à leurs prétentions d'origine les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. En l'espèce, il doit être considéré que le reproche fait à la banque de ne pas les avoir alertés suffisamment sur l'insuffisance de la garantie pour perte d'autonomie dès lors qu'elle cessait aux 65 ans de l'emprunteur était virtuellement compris dans les demandes initiales des époux [S], tendant à l'exécution forcée de la garantie par l'assureur, et à la renonciation corrélative par la banque à la déchéance du terme, et que la demande indemnitaire dirigée en appel contre la banque est la conséquence tirée de la confirmation par la cour de l'absence de garantie perte d'autonomie à raison de la limite d'âge. La fin de non-recevoir sera donc rejetée.

Subsidiairement au fond, la Banque CIC Est se fonde sur les motifs du jugement pour rappeler que les notices d'assurance définissent de façon claire et précise les risques garantis ; et que les époux [S] ont été parfaitement informés de ce que la garantie décès prenait fin à l'âge de 75 ans, tandis que la garantie perte totale et irréversible d'autonomie cessait quant à elle à 65 ans.

La banque est tenue d'éclairer l'emprunteur sur l'adéquation entre les risques couverts par l'assurance de groupe et sa situation personnelle pour remplir son obligation d'information et de conseil. En l'espèce, M [S] était âgé de 56 et 58 ans lors de la souscription des prêts en 2004 et 2006 dont l'amortissement devait se poursuivre jusqu'en 2025 et 2027 de sorte que le point de vigilance devait porter sur le maintien de la capacité de remboursement des emprunteurs, après qu'ils aient fait valoir leur droit à la retraite. La perte totale et irréversible d'autonomie ne présente un risque au regard de l'obligation de remboursement du prêt que pour les personnes qu'un événement remplissant les conditions prévues, priverait des ressources nécessaires. D'ailleurs, la définition de ce risque dans le cadre d'une assurance emprunteur est liée à l'impossibilité de se livrer à une occupation ou un travail procurant gain ou profit. Il sera relevé avec intérêt que la cessation de la garantie perte totale et irréversible d'autonomie est fixée au 31 décembre de l'année du 65 ème anniversaire de l'emprunteur, ou à la liquidation de sa retraite si celle-ci intervient avant 65 ans . Or M [S] en remplissant sa déclaration d'invalidité, a mentionné qu'il était retraité depuis l'âge de 65 ans (pièce 9 des appelants).

Il n'est donc pas démontré l'existence d'un manquement de la banque au devoir de conseil ou d'information relatif à l'assurance destinée uniquement à garantir le remboursement d'un emprunt, présentant un lien de causalité avec le préjudice qui n'est que prétendu de perte de chance de souscrire une assurance couvrant la perte d'autonomie jusqu'au terme des prêts, étant observé qu'à aucun moment M et Mme [S] ne tentent d'expliquer les raisons pour lesquelles ils ont cessé de rembourser les échéances de leurs emprunts, en rapport avec l'AVC dont a souffert M [S] le 21 novembre 2018, alors que manifestement leurs ressources y suffisaient depuis 5 années que M [S] avait fait valoir ses droits à la retraite, et n'avaient pas vocation à diminuer par la suite.

Les appelants échouent donc à mettre en cause la responsabilité de la banque à leur égard.

Ils supporteront les dépens d'appel et l'équité commande d'allouer à la Banque CIC Est et aux ACM Vie chacune la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort,

CONFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déclare la demande indemnitaire des appelants dirigée contre la banque recevable ;

Déboute M et Mme [S] de cette demande ;

Condamne solidairement M et Mme [S] à payer à la société des ACM Vie la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement M et Mme [S] à payer à la société Banque CIC Est la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M et Mme [S] aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions posées par l'article 699 alinéa 2 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-6
Numéro d'arrêt : 23/01600
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;23.01600 ?
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