La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2024 | FRANCE | N°23/00701

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-5, 04 avril 2024, 23/00701


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 62B



Chambre civile 1-5



ARRET N°



PAR DEFAUT



DU 4 AVRIL 2024



N° RG 23/00701 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VVAA



AFFAIRE :



[U], [Z], [N] [T]





C/

[M] [C] [K] épouse [V]

...







Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu le 18 Janvier 2023 par le Président du TJ de NANTERRE

N° RG : 22/01886



Expéditions exécutoires

Ex

péditions

Copies

délivrées le : 04.04.2024

à :



Me Richard NAHMANY, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Marie-laure ABELLA, avocat au barreau de VERSAILLES,



Me Yann CAUCHETIER de la SELARL ANTARES, avocat au barreau de PARIS



RÉPUBLIQUE FRA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 62B

Chambre civile 1-5

ARRET N°

PAR DEFAUT

DU 4 AVRIL 2024

N° RG 23/00701 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VVAA

AFFAIRE :

[U], [Z], [N] [T]

C/

[M] [C] [K] épouse [V]

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu le 18 Janvier 2023 par le Président du TJ de NANTERRE

N° RG : 22/01886

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 04.04.2024

à :

Me Richard NAHMANY, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Marie-laure ABELLA, avocat au barreau de VERSAILLES,

Me Yann CAUCHETIER de la SELARL ANTARES, avocat au barreau de PARIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [U], [Z], [N] [T]

né le [Date naissance 7] 1974 à [Localité 14] (95)

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 10]

Représentant : Me Richard NAHMANY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 485

APPELANT

****************

Madame [M] [C] [K] épouse [V]

née le [Date naissance 3] 1984 à [Localité 18]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 13]

Monsieur [D], [S], [A] [V]

né le [Date naissance 5] 1984 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 13]

Représentant : Me Marie-laure ABELLA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 443

Ayant pour avocat plaidant Me Kérène RUDERMANN, du barreau de Paris

Madame [R] [B]

née le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 17] (95)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 11]

Représentant : Me Yann CAUCHETIER de la SELARL ANTARES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0070 - N° du dossier 180116

S.A.R.L. RTPE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 793 917 873

[Adresse 2]

[Localité 12]

(défaillante)

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Février 2024, Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, conseiller ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI

EXPOSE DU LITIGE

Le 27 mai 2011, M. [U] [T] et Mme [R] [B] ont conclu un contrat de construction de maison individuelle avec la société Ermi relatif à un pavillon situé [Adresse 8] à [Localité 13] (Val-d'Oise).

L'ouvrage a été réceptionné le 18 février 2013.

Le 2 juin 2014, M. [T] et Mme [B], qui avaient constaté l'apparition d'infiltrations d'eau dans le sous-sol de leur maison, ont régularisé une déclaration de sinistre auprès la société d'assurance la Camca.

La Camca a payé à M. [T] et Mme [B] une indemnité d'un montant de 14 850 euros, sur la base d'une facture de la société RTPE en date du 27 janvier 2015, au titre de la reprise du drain.

Par acte notarié en date du 20 avril 2016, Mme [M] [K] épouse [V] et M. [D] [V] ont acquis de M. [U] [T] et Mme [R] [B] le pavillon.

Dans le cadre de la vente, les vendeurs ont indiqué aux acheteurs que des travaux de remplacement du drainage ont été réalisés en 2014 par la S.A.R.L. RTPE.

M. et Mme [V], qui avaient subi d'importantes infiltrations d'eau dans le sous-sol de leur habitation, ont adressé une déclaration de sinistre à l'assureur la Camca par courrier recommandé avec AR en date du 10 avril 2017.

La Camca a refusé sa garantie au motif que les désordres déclarés par M. [V] et Mme [V] avaient déjà fait l'objet d'une déclaration de sinistre ainsi que d'une indemnisation à hauteur de 14 850 euros au bénéfice des anciens propriétaires pour la reprise du drain périphérique.

M. et Mme [V] ont sollicité la désignation d'un expert judiciaire.

Par ordonnance en date du 27 juillet 2018, le président du tribunal judiciaire de Nanterre a désigné M. [L] [F] en qualité d'expert judiciaire.

L'expert a déposé son rapport le 1er octobre 2021.

Par actes d'huissier de justice délivrés le 2 mai, 3 mai, 10 juin et 19 août 2021, M. et Mme [V] ont fait assigner en référé M. [T], Mme [B], la société Rtpe e la société Cegc aux fins d'obtenir principalement :

- la condamnation à titre provisionnel et in solidum de la Cegc, de la société Rtpe, M. [T] et Mme [B] au paiement de la somme de 82 444,40 euros en réparation de l'ensemble de leurs préjudices,

- la communication par la société Rtpe des attestations d'assurance de responsabilité civile et décennale au jour des travaux et au jour de l'assignation en référé-expertise, et ce sous astreinte de 500 euros par semaine de retard à compter de l'ordonnance à venir,

- la condamnation in solidum de la Cegc, de la société Rtpe, de M. [T] et Mme [B] au paiement de la somme de 27 907,12 euros à parfaire au titre des frais irrépétibles et des dépens.

Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 18 janvier 2023, le président du tribunal judiciaire de Nanterre a :

- rejeté le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions de M. [T],

- ordonné la mise hors de cause de la Cegc,

- reçu l'intervention volontaire de la Camca,

- débouté Mme et M. [V] de leurs demandes formées à l'encontre de la Camca,

- condamné la société Rtpe à verser à titre provisionnel à Mme et M. [V] la somme de 49 466,80 euros,

- condamné M. [T] à verser à titre provisionnel à Mme et M. [V] la somme de 24 733,20 euros,

- condamné Mme [B] à verser à titre provisionnel à Mme et M. [V] la somme de 8 244,40 euros,

- condamné la société Rtpe à communiquer, sous astreinte de 100 euros par jour pendant trois mois passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance, à Mme et M. [V] ses attestations d'assurance de responsabilité civile et décennale au jour des travaux ainsi qu'au jour de l'assignation en référé-expertise,

- condamné la société Rtpe, M. [T] et Mme [B] aux dépens, comprenant les frais et honoraires de l'expert judiciaire,

-condamné la société Rtpe, M. [T] et Mme [B] à verser à M. [P] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à référé sur toute autre demande.

Par déclaration reçue au greffe le 1er février 2023, M. [T] a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a :

- rejeté le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions de M. [T],

- ordonné la mise hors de cause de la Cegc,

- reçu l'intervention volontaire de la Camca,

- débouté Mme et M. [V] de leurs demandes formées à l'encontre de la Camca,

- condamné la société Rtpe à verser à titre provisionnel à Mme et M. [V] la somme de 49 466,80 euros,

- condamné Mme [B] à verser à titre provisionnel à Mme et M. [V] la somme de 8 244,40 euros,

- condamné la société Rtpe à communiquer, sous astreinte de 100 euros par jour pendant trois mois passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance, à Mme et M. [V] ses attestations d'assurance de responsabilité civile et décennale au jour des travaux ainsi qu'au jour de l'assignation en référé-expertise,

- dit n'y avoir lieu à référé sur toute autre demande.

Dans ses dernières conclusions déposées le 3 mars 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [U] [T] demande à la cour, au visa de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, de :

'- d'infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 18 janvier 2023 par le président du tribunal judiciaire de Nanterre,

statuant à nouveau :

- débouter M. et Mme [V] de l'ensemble de leurs demandes provisionnelles telles que dirigées à l'encontre de M. [U] [T],

- les condamner solidairement à verser à M. [U] [T] la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens d'appel et de première instance.'

Dans leurs dernières conclusions déposées le 26 avril 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, Mme [M] [K] épouse [V] et M. [D] [V] demandent à la cour, au visa des articles 835 alinéa 2 et 699 et suivants du code de procédure civile, 1792 et suivants du code civil et L. 242-1 du code des assurances, de :

'd'une part,

- déclarer qu'en prononçant l'ordonnance du 18 janvier 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre :

- n'a pas excédé sa compétence en retenant que la société Rtpe n'avait pas réalisé le drain périphérique autour du pavillon,

- n'a ni excédé sa compétence, ni entaché sa décision d'un défaut de motif en retenant une part de responsabilité de 30 % à la charge de M. [T],

- n'a pas non plus excédé sa compétence, ni dénaturé les faits de l'espèce en évaluant le préjudice de jouissance à la somme de 18 930 euros ;

en conséquence,

- déclarer mal fondé l'appel interjeté par M. [T] et rejeter sa demande de condamnation au titre de l'article 700 dirigée contre les époux [V],

- déclarer mal fondé l'appel interjeté par Mme [B] et rejeter sa demande tendant à infirmer la décision de première instance,

- confirmer l'ordonnance prononcée le 18 janvier 2023 par le président du tribunal judiciaire de Nanterre statuant en référé en ce qu'elle :

- est entrée en voie de condamnation à l'encontre de la société Rtpe, de M. [T] et de Mme [B], à hauteur respective de 60 %, 30 % et 10 % ;

- a fixé le quantum total du préjudice subi par les époux [V] à hauteur de 82 444,40 euros ;

d'autre part,

- constater que le juge des référés a entaché sa décision d'un défaut de motif et d'une dénaturation des écritures des époux [V] s'agissant de la demande de condamnation dirigée contre la Camca ;

partant,

- infirmer l'ordonnance de référé querellée en ce qu'elle a mis hors de cause la Camca,

puis, statuant de nouveau,

- déclarer que la Camca a manqué à son obligation contractuelle en ne préfinançant pas, en 2014, les travaux nécessaires à la reprise efficace des désordres,

partant,

- condamner la Camca in solidum avec la société Rtpe, M. [T] et Mme [B] à verser à Mme et M. [V] la somme totale de 82 444,40 euros en réparation de l'ensemble de leurs préjudices,

- condamner les mêmes à verser à Mme et M. [V] la somme de 27 907,12 euros à parfaire au titre des frais irrépétibles et les entiers dépens,

- constater que M. [T] n'a pas exécuté la décision de première instance pourtant revêtue de l'exécution provisoire et juger en conséquence son comportement fautif,

- déclarer que l'appel interjeté par M. [T] est purement dilatoire,

- condamner M. [T] à verser aux époux [V] la somme de 5 000 euros au titre d'une amende civile en raison du caractère dilatoire de la présente procédure d'appel,

- condamner M. [T] seul à verser une somme de 4 000 euros aux époux [V] au titre des frais irrépétibles qu'ils ont été contraints d'engager dans le cadre de la présente procédure ainsi qu'aux dépens de la présente procédure d'appel.'

Dans ses dernières conclusions déposées le 25 mai 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [R] [B] demande à la cour, au visa des articles 1240 du code civil, 246, 835, 696,et 700 du code de procédure civile, de :

'- dire et juger Mme [B] recevable et bien fondée en ses conclusions et en son appel incident ;

- dire et juger les époux [V] irrecevables, et à tout le moins, mal fondés, en leurs conclusions d'intimés et leur appel incident, et en particulier concernant leurs demandes formulées à l'encontre de Mme [B] ;

en conséquence :

- réformer la décision de première instance en ce qu'elle a :

- statué sur un litige excédant manifestement les pouvoirs du juge des référés et refusé de renvoyer les parties à mieux se pourvoir devant le juge du fond ;

- condamné Mme [B] au règlement de la somme de 8 244,40 euros à titre provisionnel à M. et Mme [V] ;

- condamné Mme [B], conjointement avec M. [T] et la société Rtpe, au règlement des frais et honoraires de l'expert judiciaire ;

- condamné Mme [B], conjointement avec M. [T] et la société Rtpe, aux frais irrépétibles de l'instance à hauteur de 3 000,00 euros.

- confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a refusé d'assortir les condamnations prononcées d'une solidarité entre les co-défendeurs ;

et, statuant à nouveau :

à titre principal :

- dire n'y avoir lieu à référé ;

- renvoyer les époux [V] à mieux se pourvoir devant le juge du fond au regard de l'existence de contestations sérieuses ;

à titre subsidiaire :

- débouter les époux [V] de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'égard de Mme [B] ;

à titre extrêmement subsidiaire :

- débouter les époux [V] de leur demande de condamnation solidaire de Mme [B] , M. [T] et la société Rtpe au règlement des sommes de 82 444,10 euros et 27 907,12 euros ;

- limiter toute indemnisation à la charge de Mme [B] à un montant qui ne pourrait excéder 7 203,29 euros (10 % de 72 032,90 euros) concernant l'indemnisation des désordres constatés et dire et juger qu'en tout état de cause, cette condamnation devra être supportée par la société Rtpe et M. [T] au regard des fautes respectives des parties ;

- rejeter toute indemnisation à la charge de Mme [B] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

en tout état de cause :

- condamner les époux [V] à la somme de 3 000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.'

La société Rtpe, à qui la déclaration d'appel a été signifiée, à étude de commissaire de justice, le 9 février 2023 et les conclusions ont été signifiées, à étude de commissaire de justice, le 6 mars 2023 et le 27 avril 2023, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 juillet 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

sur la condamnation de la CAMCA

Il convient à titre liminaire de constater que la CAMCA, qui n'était pas intimée dans la déclaration d'appel de M. [T] et n'a pas été assignée ultérieurement en intervention forcée, n'est pas partie à la procédure.

Les demandes formées à son encontre par M. et Mme [V] doivent donc être déclarées irrecevables.

sur la condamnation provisionnelle de M. [T], Mme [B] et la société Rtpe

Arguant de l'existence de plusieurs contestations sérieuses faisant obstacle à sa condamnation en référé, M. [T] expose qu'à la suite de leur déclaration de sinistre, la CAMCA a pris une position de garantie en préconisant la réalisation de travaux de reprise du drain périphérique autour de leur pavillon sur la base du devis et de la facture émis par la société Rtpe.

Il conteste les allégations de la société Rtpe en ce qu'elle a soutenu avoir réalisé de simples travaux de terrassement et soutient que l'expert lui-même se contredit dans son rapport, indiquant dans un premier temps que le drain n'aurait été posé qu'à l'arrière du pavillon et sur le pignon côté gauche, pour ensuite conclure qu'aucun drainage n'aurait été réalisé.

Il soutient que, même si ces travaux de drainage avaient été réalisés dans leur intégralité, il est manifeste qu'ils n'auraient pas mis fin aux désordres, dès lors qu'il ressort selon lui du rapport du cabinet Saretec du 20 décembre 2017 que la réparation initialement prévue était insuffisante, ce qui est attesté selon lui par le fait que les travaux préconisés par l'expert, d'un montant très supérieur à l'indemnité versée par l'assureur, comprennent, outre la réalisation d'un drain en périphérie des quatre côtés du pavillon, la pose d'un enduit hydrofuge.

M. [T] réfute le partage de responsabilité retenu par l'expert et affirme que l'imputabilité des désordres nécessite un débat au fond.

Il conteste enfin le quantum des préjudices retenus dans le rapport d'expertise et notamment le préjudice de jouissance, s'agissant de désordres affectant une cave.

Mme [B] invoque également l'existence de contestations sérieuses faisant obstacle à sa condamnation provisionnelle, affirmant avoir, avec M. [T], mandaté la société Rtpe aux fins de réaliser des travaux de drainage, précisant qu'elle ne résidait plus dans l'immeuble depuis le mois de mars 2015 à la suite de la séparation avec M. [T] et qu'elle ne pouvait donc pas surveiller la réalisation des travaux.

Elle soutient que la société Rtpe a menti lors de l'expertise en prétendant ne pas avoir été mandatée pour réaliser un drainage (alors que sa facture indique le contraire) et en produisant de faux documents, et en déduit qu'il existe une contestation sérieuse sur le principe de sa responsabilité.

Concluant en tout état de cause à sa mise hors de cause, Mme [B] affirme n'avoir commis aucune faute puisqu'elle a mandaté la société Rtpe pour effectuer des travaux dont elle pensait qu'ils avaient été réalisés, l'expert ne mentionnant selon elle aucun fait de nature à engager sa responsabilité.

Elle conteste le quantum des sommes allouées aux acquéreurs au titre notamment du préjudice de jouissance au motif qu'il s'agit de désordres limités et intermittents et que le montant du loyer retenu par l'expert est erroné.

Elle conclut au rejet de la demande de solidarité formée par M. et Mme [V].

Concluant à la confirmation de l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a condamné à titre provisionnel M. [T], Mme [B] et la société Rtpe, M. et Mme [V] exposent que le périmètre des travaux réalisés par la société Rtpe a été parfaitement déterminé par l'expert qui a conclu à l'absence de drain périphérique, alors même que la CAMCA avait versé à M. [T] et Mme [B] une somme de 14 850 euros afin de procéder à la reprise du drain sur tout le pourtour du pavillon, la société Rtpe ayant indiqué lors de l'expertise avoir reçu commande pour réaliser une terrasse avec la création d'un caniveau et non un drainage.

Les intimés soutiennent que, pour trancher la question du partage de responsabilité, le premier juge s'est à juste titre fondé sur le rapport d'expertise judiciaire, clair et non équivoque, l'origine des désordres étant établie avec certitude, à savoir :

- des travaux incomplets de la société Rtpe et un manquement à son devoir de conseil ;

- une mauvaise réalisation par M. [T] de la pénétration des gaines de câbles électriques ;

- une conduite des travaux sans rigueur des anciens propriétaires intervenus en qualité de maîtres d''uvre.

Ils en déduisent que la responsabilité de M. [T] est engagée à deux titres, ce qui justifie que sa part soit fixée à 30 %, tandis que la responsabilité de Mme [B], bien que moindre, est également démontrée puisqu'elle a accepté l'indemnité de la CAMCA sans faire effectuer les travaux prévus, démontrant ainsi sa carence à la fois dans son rôle de maître d'ouvrage et dans son rôle de maître d''uvre.

M. et Mme [V] précisent que la question de l'authenticité des documents diffusés lors de l'expertise par la société Rtpe est sans incidence sur l'existence de la responsabilité de plein droit qui incombe à Mme [B] en sa qualité de maître d''uvre de l'ouvrage, soulignant qu'elle n'a vérifié ni le bon déroulement des travaux, ni même la réalité desdits travaux alors que le bénéficiaire de l'assurance dommages-ouvrage a obligation d'affecter l'indemnité versée par l'assureur au financement des travaux de reprise des désordres.

Ils affirment que sont inopérantes les circonstances du départ de Mme [B] du pavillon en raison de la séparation du couple, dès lors qu'elle restait propriétaire de l'immeuble, tout comme son absence d'immixtion dans les travaux puisqu'il ne lui est reproché aucune faute dans la conduite du chantier.

M. et Mme [V] soutiennent que leur préjudice n'est pas contestable en raison de la présence d'infiltrations d'eau régulières, durables et généralisées à l'ensemble du sous-sol, ce qui leur interdit de jouir paisiblement de cet espace.

Sur ce,

Selon l'alinéa 2 de l'article 835 du code de procédure civile :'Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il (le président ) peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire'.

Ce texte impose donc au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision : celle de rechercher si l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Doivent être précisés les éléments de la contestation qui rendent celle-ci sérieuse.

Il sera retenu qu'une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

À l'inverse, sera écartée une contestation qui serait à l'évidence superficielle ou artificielle. Le montant de la provision allouée n'a alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Aux termes de l'article 1353 du code civil, c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Il existe en l'espèce une contestation sur les pièces contractuelles puisque :

- Mme [B] verse aux débats les copies d'un devis du 27 janvier 2015 d'un montant de 16 200 euros relatif à des travaux de 'reprise drainage' ainsi que de la facture correspondante du 27 juin 2015 d'un montant de 14 850 euros, ces deux documents portant l'en-tête, le cachet et la signature de la société Rtpe,

- l'expert indique dans son rapport que la société Rtpe conteste avoir établi ces documents, ne reconnaît avoir perçu que la somme de 5 000 euros et soutient qu'elle n'est pas intervenue sur la reprise du drainage de la maison, affirmant n'avoir fait que des travaux de revêtement de terrasse.

L'expert précise que la société Rtpe lui a transmis un devis n° A00182015 daté du 27 janvier 2015 d'un montant de 4 167 euros HT soit 5 000 euros TTC pour ces travaux : 'démolition terrasse - mise en décharge - décaissement apport grave calibre 0/50 - traçage de nouveaux - terrassement, fourniture et mise en oeuvre d'une couche de fin réglage en concassé GNT 0/20, nivelage de la plate-forme béton lavé 2 x 7 ml et lissage complet de la surface', ainsi que le justificatif d'un paiement par virement de 5000 euros par Mme [B], étant précisé que la cour n'est pas en possession de ces éléments, la société Rtpe n'ayant pas comparu.

Mme [B], qui ne conteste pas l'existence de ce virement de 5 000 euros mais affirme avoir réglé en espèces le solde de la facture de 14 850 euros, n'en justifie aucunement, fût-ce par des relevés bancaires. En outre, les pièces émanant selon elle de la société Rtpe qu'elle produit dans son dossier de plaidoiries sont des copies et l'expert indique de même n'avoir pas été en possession d'originaux.

L'expert indique dans son rapport que 'la véracité des factures présentées par les époux [T] - [B] sont pour le moins douteuses. Des sommes importantes en espèces auraient été versées. Leur manière de faire confirme leur manque de sérieux dans le respect des règles qui justifie en vertu de tous les éléments du dossier que leur soit imputée une forte responsabilité.'

En tout état de cause, l'article 1792-1 du code civil dispose qu''est réputé constructeur de l'ouvrage :

1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ;

2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire ;

3° Toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage.'

En vertu de l'article 1792 du même code, ' tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.'

Les dommages constatés par l'expert rendent l'ouvrage impropre à sa destination puisque le clos n'est pas assuré, de fréquentes infiltrations d'eau affectant le sous-sol de l'immeuble. Le rapport d'expertise indique ainsi que 'les infiltrations d'eau ont un caractère répétitif et récurrent (...) Les quantités d'eau dans le sous-sol sont suffisamment conséquentes et rendent le sous-sol impropre à sa destination dans son ensemble.'

L'expert a relevé que le drain n'est 'pas posé dans les règles de construction' et qu'il existe en partie basse de la maison une 'zone oubliée' dépourvue d'enduit hydrofuge, ces désordres étant à l'origine des dommages dont se plaignent M. et Mme [V]. C'est à tort que M. [T] soutient que l'expert se contredit dans son rapport, celui-ci ayant au contraire précisément décrit les désordres affectant l'immeuble au fur et à mesure de ses investigations.

En conséquence, en leur qualité de vendeurs de l'immeuble, M. [T] et Mme [B] sont responsables de plein droit, sauf à invoquer l'existence d'une cause étrangère ( force majeure, fait d'un tiers ou faute de la victime).

Or Mme [B], après avoir rappelé ce principe, développe un argumentaire fondé sur sa propre absence de faute qui s'avère inopérant. A l'inverse elle n'allègue, ni a fortiori ne démontre la présence d'une faute de M. et Mme [V], du fait d'un tiers ou de la force majeure.

De même son argumentation susmentionnée relative au caractère frauduleux des documents transmis par la société Rtpe est sans portée dans le cadre du régime de responsabilité décennale ainsi rappelé et ne pourrait concerner que d'éventuels recours ultérieurs entre coobligés.

La contestation par M. [T] relative au caractère insuffisant des réparations préconisées par le cabinet Saretec du 20 décembre 2017 n'est pas davantage de nature à permettre de caractériser une contestation sérieuse dans le cadre du présent litige dès lors que d'une part il s'agit de simples allégations et d'autre part que ce cabinet n'est pas présent à l'instance et qu'aucune demande n'a été formée à son encontre.

En conséquence, il convient de dire que les contestations soulevées par Mme [B] et M. [T] quant au principe de leur responsabilité ne sont pas sérieuses.

De même, la question de la répartition de l'imputation des dommages, qui n'est discutée que de façon très générique et sans moyen précis de nature à remettre en cause le rapport d'expertise, ne constitue pas une contestation sérieuse.

Concernant le quantum des dommages et intérêts évalués par l'expert, il convient de constater que n'est pas discuté le montant des réparations (62 990, 68 euros), ni l'indemnisation au titre du remboursement des absorbeurs d'humidité (523, 72 euros) mais M. [T] et Mme [B] contestent le montant arbitré par l'expert au titre du préjudice de jouissance de M. et Mme [V].

Le rapport d'expertise indique retenir le principe d'une indemnisation à hauteur de 300 euros par mois correspondant à 20% de la valeur locative retenue de 1 500 euros, à compter du 1er août 2016 jusqu'au 3 septembre 2021 puis 2 mois pour la durée des travaux, ce qui correspond à la somme totale de 18 930 euros.

Pour contester la valeur locative, Mme [B] verse aux débats une offre de location relative à une maison de 270 m2 sise à [Localité 16] au prix de 2 500 euros. Cette seule pièce n'est pas de nature à remettre en cause l'évaluation retenue par l'expert, étant précisé que l'immeuble litigieux est situé à [Localité 13] (95 830) et que sa superficie n'est pas précisée.

Aucun élément ne justifie davantage de réfuter l'avis de l'expert quant au pourcentage de la valeur locative à prendre en compte, celui-ci ayant estimé la gêne liée à l'impossibilité de faire usage de l'intégralité du sous-sol.

En conséquence l'ordonnance querellée sera confirmée en ce qu'elle a condamné :

- la société Rtpe à verser à titre provisionnel à Mme et M. [V] la somme de 49 466,80 euros,

- M. [T] à verser à titre provisionnel à Mme et M. [V] la somme de 24 733,20 euros,

- Mme [B] à verser à titre provisionnel à Mme et M. [V] la somme de 8 244,40 euros.

Au regard de la rédaction du dispositif de M. et Mme [V] et compte tenu du caractère irrecevable de la demande formée à l'encontre de la CAMCA, la cour n'est pas saisie d'une demande de condamnation in solidum de M. [T] et Mme [B].

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive à l'encontre de M. [T]

M. et Mme [V] affirment que M. [T], qui n'a pas exécuté l'ordonnance attaquée, fait preuve d'une attitude dilatoire justifiant sa condamnation au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur ce,

Le droit de défendre ses intérêts en justice ne dégénère en abus de nature à justifier l'allocation de dommages-intérêts qu'en cas d'une attitude fautive génératrice d'un dommage, la mauvaise foi, l'intention de nuire ou une erreur grossière sur ses droits, qui ne sont pas caractérisés en l'espèce, la circonstance que M. [T] n'ait pas exécuté l'ordonnance querellée n'étant pas de nature à rendre abusif son appel, une voie spécifique étant prévue pour le sanctionner un défaut d'exécution.

M. et Mme [V] seront donc déboutés de leur demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur les demandes accessoires

L'ordonnance sera également confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Parties perdantes, M. [T] et Mme [B] ne sauraient prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doivent supporter les dépens d'appel.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à M. et Mme [V] la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. M. [T], seule partie contre laquelle la demande est formée, sera en conséquence condamné à leur verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt rendu par défaut en dernier ressort,

Déclare irrecevables les demandes formées par Mme [M] [K] épouse [V] et M. [D] [V] à l'encontre de la CAMCA ;

Confirme l'ordonnance attaquée ;

Y ajoutant,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne M. [U] [T] à verser à Mme [M] [K] épouse [V] et M. [D] [V] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [U] [T] et Mme [R] [B] aux dépens d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-5
Numéro d'arrêt : 23/00701
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;23.00701 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award