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04/04/2024 | FRANCE | N°21/03563

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-5, 04 avril 2024, 21/03563


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 04 AVRIL 2024



N° RG 21/03563

N° Portalis DBV3-V-B7F-U37W



AFFAIRE :



[X] [L]



C/



S.A. SOLOCAL









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Novembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE-

BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG : F 19

/01068



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Laurence CIER



la AARPI C3C







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a re...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 AVRIL 2024

N° RG 21/03563

N° Portalis DBV3-V-B7F-U37W

AFFAIRE :

[X] [L]

C/

S.A. SOLOCAL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Novembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE-

BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG : F 19/01068

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Laurence CIER

la AARPI C3C

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [X] [L]

né le 26 Avril 1962 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentant : Me Laurence CIER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1613

APPELANT

****************

S.A. SOLOCAL

N° SIRET : 444 21 2 9 55

[Adresse 2]

[Localité 4]/FRANCE

Représentant : Me Caroline QUENET de l'AARPI C3C, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P138

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Janvier 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée, M. [X] [L] a été engagé à compter du 9 septembre 1991 par la société Office d'annonces en qualité de voyageur représentant et placier. Son contrat a été repris par la société PagesJaunes, devenue Solocal. Il a été successivement promu, en dernier lieu au poste de directeur des ventes régionales, statut cadre.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale de la publicité française.

Par courrier du 5 février 2019, M. [L] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui s'est tenu le 15 février 2019, puis il a été licencié pour cause réelle et sérieuse à caractère disciplinaire par courrier recommandé du 22 février 2019.

Par requête reçue au greffe le 29 juillet 2019, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin de voir dire son licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse et obtenir la condamnation de la société Solocal au paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 4 novembre 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de M. [L] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [L] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Solocal de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [L] aux dépens.

Par déclaration au greffe du 8 décembre 2021, M. [L] a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 15 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, M. [L] demande à la cour de :

- infirmer la décision en ce qu'elle l'a débouté de ses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail, a dit son licenciement pour cause réelle et sérieuse fondé, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, a dit qu'il n'apportait pas la preuve au titre de ses demandes, l'a condamné aux entiers dépens ;

statuant à nouveau,

- juger que son licenciement est nul,

- condamner la société Solocal à lui verser la somme de 331 346,16 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

à titre subsidiaire,

- juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Solocal à lui verser la somme de 269 218 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Solocal à lui verser la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture dans des conditions vexatoires,

- condamner la société Solocal à lui verser la somme de 82 836,54 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice issu de la perte de chance de bénéficier d'un plan de sauvegarde de l'emploi et d'un congé de reclassement,

- condamner la société Solocal à lui verser la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et managérial ainsi qu'au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- condamner la société Solocal à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice au titre du voyage et séjour au Brésil,

- condamner la société Solocal à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Solocal aux intérêts légaux à compter de l'introduction de la demande, et à la capitalisation des intérêts à compter de l'introduction de la demande par application de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner la société Solocal aux entiers dépens,

- débouter la société Solocal de l'ensemble de ses demandes.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 11 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la société Solocal demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions :

- dire et juger que le licenciement de M. [L] est pourvu d'une cause réelle et sérieuse,

- dire et juger que M. [L] ne verse aux débats aucune pièce constituant ne serait-ce qu'un commencement de preuve de faits précis, concordants et personnellement subis, laissant présumer l'existence d'acte de harcèlement moral,

- dire et juger qu'aucun acte de harcèlement moral n'a été commis à son encontre,

- en tout état de cause, débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- à titre infiniment subsidiaire, débouter M. [L] de ses demandes indemnitaires en ce qu'elles sont injustifiées, excessives et contraires au principe de réparation personnelle et proportionnée,

- en tout état de cause, condamner M. [L] à leur verser la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 16 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral et managérial ainsi qu'au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail

Le salarié, qui indique avoir subi un harcèlement managérial et moral et que le licenciement est nul pour être intervenu dans un tel contexte et pour des motifs discriminatoires, soutient que la société Solocal a mis en place une stratégie pour l'évincer parce qu'il était trop couteux et trop vieux. Il précise que ses conditions de travail se sont dégradées dès l'arrivée de son nouveau responsable hiérarchique « officieux », M. [R]. Il sollicite le versement de dommages-intérêts pour harcèlement moral et managérial ainsi qu'au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail.

L'employeur fait valoir que le salarié ne présente pas d'élément de fait à l'appui de ses demandes au titre d'un harcèlement moral et conclut au débouté de ces demandes.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L. 1154-1, dans sa rédaction résultant de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 applicable aux faits commis à compter de son entrée en vigueur le 10 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le harcèlement moral, qui peut prendre la forme d'un harcèlement managérial lié notamment à des méthodes de gestion, peut dès lors être indépendant de l'intention de son auteur.

A l'appui du harcèlement moral qu'il allègue avoir subi, le salarié invoque :

- la circonstance que dans le temps de la rupture de son contrat de travail, d'autres directeurs, dont messieurs [C] et [P], ont été remerciés et que seuls les plus jeunes ont été maintenus dans leurs fonctions ; cette allégation est très générale et n'est corroborée par aucun élément objectif alors que le salarié indique lui-même que les deux directeurs qu'il cite ont conclu des ruptures conventionnelles et s'il évoque que leur signature est la conséquence de pressions exercées par l'employeur, il n'en établit pas la matérialité ;

- le fait que M. [R] ait dit qu'il ne souhaitait pas travailler avec lui parce qu'il ne faisait pas partie de sa « short list », ce qui ne résulte que de la seule affirmation de M. [L], non corroborée par un élément objectif, au sein de son courrier du 10 avril 2019 par lequel il conteste son licenciement ; il y écrit, notamment, ce qui suit : « D'ailleurs, [H] [R] n'a pu s'empêcher de déclarer lors de l'entretien préalable qu'il ne souhaitait pas que je sois dans sa « short list » des DVR retenus post PSE ! » ;

- un isolement professionnel se traduisant par l'absence de tout entretien physique et formel sur le suivi des dossiers avec M. [R] de septembre 2018 au 15 février 2019, affirmation générale qui n'est pas étayée ni corroborée, et par le fait qu'il n'a plus bénéficié d'entretien annuel d'évaluation à compter de 2018 ;

- des courriels répétitifs aux termes desquels il lui était demandé de fournir des réponses sur des dossiers qui ne relevaient pas de sa gestion, avec des relances incessantes sur des dossiers non prioritaires durant les périodes de challenge avec des mises en copie systématiques de M. [K] appartenant au service des ressources humaines, et l'absence de retour sur l'utilisation des éléments traités et adressés ; toutes affirmations générales qui ne sont pas étayées ni corroborées ;

- des demandes contradictoires et déstabilisantes ; ces allégations générales ne sont pas non plus étayées ;

- des commentaires dénigrants écrits et verbaux de M. [R] : « tu es le seul à ne pas l'avoir fait » sur la base d'aucun élément de preuve ; si, à ce sujet, le salarié produit un mail envoyé à M. [O] aux termes duquel M. [R] évoque le fait que « [X] [L] est le seul DVR à ne pas appliquer la politique de performance » et que « Malgré [leurs] directives, remarques écrites de « [sa] part, une seule action'Un seul PAP », cet échange au niveau hiérarchique se borne à un simple constat dans le cadre du pouvoir de direction à l'exclusion de tout propos dénigrant le salarié ;

- dans le cadre de ses déplacements, le refus d'hôtels « pour 2 euros de dépassement » pour finalement accepter au dernier moment, et de vols en compagnie régulière, toutes affirmations non étayées ni corroborées ;

- l'attestation de M. [S], ancien directeur de la région Nord Est, selon lequel : « Début Décembre il ([H] [R]) me passa un coup de fil me demandant de témoigner contre [X] [L], ma conscience Républicaine fut plus forte de ma crainte d'être licencié j'ai donc refusé, il me dit alors : « ne t'inquiètes pas je l'aurais avec ou sans toi mais ça me permet de savoir dans quel camp tu es : si tu n'es pas avec moi c'est que tu es contre moi, mais pas de souci en plus des SPR je suis en train d'éplucher tous ses relevés carte TOTAL GR c'est comme ça que j'ai réussi à pipoter un dossier contre [N] [M] et à la virer juste avant le PSE, pour [X] aussi je trouverais quelque chose et si ce n'est pas avec la carte TOTAL GR ce sera avec autre chose, quand on veut on trouve toujours quelque chose ! Et puis comme nous dit [U] [B] quand ils seront en prud'hommes nous on aura déjà quitté SOLOCAL puisque nous ne sommes là qu'encore 1 an ou 2 pour finir le ménage » ; ces déclarations du directeur d'une autre région ne concernent aucun agissement précis à l'encontre du salarié dont il aurait été le témoin direct ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité de celui-ci, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Quant aux éléments médicaux, le salarié n'en produit aucun.

Il résulte de ce qui précède que le salarié ne présente qu'un élément de fait unique, soit le fait qu'il n'a plus bénéficié d'entretien annuel d'évaluation à compter de 2018. Ainsi, en l'absence d'éléments de fait qui pris ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail, le salarié doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

A l'appui de sa demande relative à une discrimination en raison de l'âge, le salarié ne présente pas d'élément de fait en sus de ceux évoqués ci-dessus. En application des dispositions des articles L.1132 et suivants du code du travail dans leurs versions applicables au litige, aucun fait présenté par le salarié ne laisse supposer l'existence d'une discrimination illicite, directe ou indirecte, à raison de l'âge.

Enfin, si l'exécution déloyale du contrat de travail résulte du fait que l'employeur n'a plus évalué son salarié à compter de 2018, ce dernier, qui ne justifie d'aucun préjudice à ce titre, doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts formée de ce chef.

Le jugement est dès lors confirmé sur l'ensemble de ces points.

Sur la nullité du licenciement

Le salarié, qui ne tire la nullité du licenciement que de l'existence d'un harcèlement moral ou d'une discrimination illicite qui ne sont pas retenus par la cour, sera dès lors débouté de ses demandes formées au titre d'un licenciement nul. Le jugement est donc confirmé sur ces chefs.

Sur le bien-fondé du licenciement

Le salarié soutient que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse en raison de la prescription des faits, du caractère non réel des griefs, de l'absence de sérieux de la mesure au regard de son ancienneté, et d'un doute devant lui profiter.

L'employeur conclut au bien-fondé du licenciement à caractère disciplinaire.

Dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, les motifs du licenciement à caractère disciplinaire s'énoncent en ces termes :

« 'Nous vous rappelons les faits exposés lors de cet entretien.

Vous avez été embauché par la société PagesJaunes le 09.09.1991 (ancienneté Groupe) en tant que VRP et vous exercez depuis le 8 septembre 2014 la fonction de Directeur de Ventes Régionales (DVR) statut Cadre Supérieur hors classification niveau de contribution 1. Vous avez en charge, depuis le 1er septembre 2018, la Région PACA C. (couvrant [Localité 9]/[Localité 7]/ La Corse), Vous avez directement en charge une équipe de 7 Responsables de Ventes et 71 collaborateurs commerciaux terrain.

En préambule, la direction a rappelé le contexte des modifications de la Gouvernance de la Direction Commerciale intervenue en fin d'année 2018, ayant amené Monsieur [H] [R] à assurer l'accompagnement de toutes les équipes commerciales du canal TPE/PME en rattachement direct à Monsieur [A] [W] (Directeur Commercial du Groupe) le temps de l'arrivée du Directeur commercial TPE/PME en janvier 2019.

Dans le cadre de cette mission d 'intérim, certaines irrégularités de pratiques commerciales et de management ont été relevées et remontées par Monsieur [H] [R] vous concernant.

Vous nous avez rappelé que vous exercez depuis plus de vingt ans au sein du groupe successivement sur des postes de management commercial à responsabilités, sur différentes zones du territoire métropolitain.

C'est bien dans ce cadre que nous vous avons souligné votre nécessaire parfaite connaissance des pratiques internes, que ce soit en matière de règles de ventes, de promotions commerciales de bon usage des outils nécessaires au pilotage de ces activités, sans oublier la bonne application des pratiques internes de management.

A ce titre, l'avenant à votre contrat de travail daté du 08 septembre 2014 (date de transfert Groupe au sein de PJSA en qualité de Directeur des Ventes Régional) stipule à l'article 2:

Article 2 - Fonction

La fonction de Directeur des Ventes Régional confiée à Monsieur [X] [L] est classée dans la catégorie «hors catégorie », selon les dispositions de la Convention Collective Nationale de la Publicité Française,

Au titre de sa fonction, Monsieur [X] [L] se verra confier une Business Unit dans la limite | d'une zone géographique.

Monsieur [X] [L] devra assurer un certain nombre de missions en rapport d'une part avec là Business Unit confiée et d'autre part avec l'agence à laquelle il est affecté en application de l'article 3 du présent contrat,

Ainsi, Monsieur [X] [L] aura notamment pour missions :

' la responsabilité du chiffre d'affaires et des coûts commerciaux, tous canaux confondus, de la

Business Unit confiée ;

' la responsabilité de l'objectif de chiffre d'affaires, tous canaux confondus, de la Business Unit

confiée ;

' l'animation et la gestion des équipes de la Business Unit confiée qui lui sont hiérarchiquement

rattachés (responsables de vente, vendeurs et marketing spécialisés) ;

' l'animation et la gestion des équipes coverage de l'agence d'affectation, qui lui sont

hiérarchiquement rattachées, le cas échéant :

' l'animation et la gestion fonctionnelle, ainsi que le coaching des équipes de l'agence d'affectation

. de mener des actions de lobbying en lien avec ta Business Unit confiée et de représenter l'entreprise sur le plan de la vie publique locale, vis-à-vis des partenaires sociaux et de l'inspection du travail dont dépend l'agence d'affectation ;

' de participer à la stratégie marketing et commerciale de la Business Unit confiés.

Monsieur [X] [L] s'engage à exécuter ses missions dans le respect de la politique et de la stratégie de l'entreprise, en tenant compte des directives qui lui seront données,

Les missions de Monsieur [X] [L] sont de nature évolutive. Elles pourront être

ultérieurement modifiées ou adaptées en fonction des besoins de l'entreprise et des stratégies mises en 'uvre par la Direction.

Notamment, le secteur d'activité économique de la Business Unit confiée pourra évoluer.

De plus, vous disposez depuis le 13 octobre 2014 d'une délégation de pouvoir qui stipule que « vous disposez de tous les pouvoirs pour assurer :

Le respect des instructions de ventes par l'ensemble du personnel placé sous votre responsabilité, pour ce qui concerne les produits publicitaires commercialisés par Pages Jaunes, quels que soient le support et le département de parution de ces publicités ; »

Toutefois, nous avons été amenés à constater plusieurs irrégularités, exposées lors de l'entretien et reprises ci-dessous :

Les ventes de Sites e-commerce :

Lors du séminaire de DVRS des 27 et 28 novembres 2018 à propos du challenge « Upsell Digital », vous avez mis en avant les bons résultats de votre région avec plus de 350 000 euros réalisés. Vous avez expliqué avoir mis en place un partage de bonnes pratiques avec vos vendeurs pour obtenir ce résultat significativement plus élevé que celui de tous vos homologues des 8 autres régions commerciales. L 'un de vos pairs vous a interpellé sur ces résultats « exceptionnels » en présence de vos managers, et notamment sur la méthodologie de vente pour obtenir ces résultats qui selon lui n 'était pas loyale au regard de nos clients ni vis-à-vis de notre entreprise. En effet, les vendeurs de [Localité 9] et de [Localité 7] (votre secteur PACA C.) assurent leur vente avec une option e-commerce à tous les clients ayant souscrit un site dans l'année Or le système reconnait en « Upsell Digital » l 'ensemble de la commande et non pas uniquement la vente de l 'option e-commerce (le site internet déjà signé a déjà été compté dans les ventes sur l'année, il se retrouve être compté deux fois dans les résultats des vendeurs en plus du prix de cette option e-commerce). Agacé par la remarque, vous lui répondez que votre méthode ne le regarde pas car il s 'agit de votre périmètre et que ces ventes ont été réalisées dans les règles. Le Directeur Commercial TPE/PME de l'époque, [V] [O], et son adjoint, [H] [R], sont témoins de ces échanges houleux.

A la suite de cette altercation, le Directeur Commercial TPE/PME est interpellé pendant la pause par l'un des DVR témoin de la scène qui lui demande comment il est possible qu 'un DVR ne se rende pas compte de la manipulation des ventes et du montant de valorisation artificiellement gonflé enregistré dans les ventes alors même qu'il y a un challenge commercial de motivation des équipes, période qui doit être hautement surveillée par le management pour s 'assurer qu'il n 'y a pas de malversation dans les déclarations de prises de commandes de ses commerciaux, d'autant qu'il y a déjà eu des fraudes de ce type sanctionnées en 2018 dans l'entreprise.

C 'est alors que le Directeur Commercial TPE/PME vous prend à part et vous dit « tu dois écrire, fais des écrits, couvres toi ». Il est clair qu'aussi bien l 'ancien Directeur Commercial TPE/PME que vous avez parfaitement conscience de l'irrégularité de la pratique et de ces conséquences pour l'entreprise et les collaborateurs.

À la suite de ces événements, Monsieur [H] [R] s'est inquiété de la situation et s 'est alors rapproché de notre cellule d'audit interne afin qu'une analyse de ces commandes de sites e-commerce récemment souscrites sur les agences de [Localité 9] et de [Localité 7] soit effectuée.

Or il s 'avère que 14 commandes de sites e-commerce de 4 Responsables des ventes de votre équipe dont l 'opportunité est « clôturée-gagnée » entre le 16 et le 27/11/2018 (période du challenge) ont été réalisées sur des activités commerciales qui ne relèvent pas d 'activités marchandes de e-commerce, voire même leur est interdite comme pour la profession d 'avocats Les clients contactés a postériori lors de ces contrôles confirment ne pas avoir souhaité faire d'achat de produit e-commerce, ce qui a abouti à 14 annulations de commandes.

Il n 'était donc pas concevable qu'un manager commercial aguerri ne puisse pas se rendre compte du caractère irrégulier de telles pratiques alors que ces ventes étaient réalisées dans une période de challenge commercial avec des enjeux de rémunérations importants pour les commerciaux concernés et leur management. Ces pratiques ont des incidences graves sur les prises de commandes, les mesures du Chiffre d'affaires l'image de marque de l'entreprise mais également pour le résultat d "exploitation de l 'entreprise.

Les explications que vous nous avez données ne nous ont pas convaincus, car en effet, vous ne pouviez ignorer les pratiques de vos équipes et leur côté irrégulier et déloyal, puisque :

* Vous n'avez pas contacté le service d'audit interne pour lui faire part des résultats des investigations que vous nous avez confié le 15.02.2019 avoir réalisées,

* Vous nous avez dit ne pas connaître le Directeur de l 'audit Interne [I] [E], raison pour laquelle vous ne l'avez pas contacté, alors que lors de l 'entretien vous nous avez aussi confié ne pas vouloir revivre les entretiens disciplinaires de « fraude organisées » du mois de juin 2018, pour lesquels vous avez participé, en votre qualité de DVR, aux réunions de direction avec l 'audit interne, représentée par le même [I] [E].

* Vous dites vous-même - propos tenus le 15.02.2019 : « je suis un peu naïf », « je découvre en réunion des 27 et 28. 11. 2018 qu'un vendeur de [Localité 7] s 'est vanté auprès d 'un autre vendeur de [Localité 6] de la pratique frauduleuse », « que je suis un peu en off de tout ça », «je suis peut-être léger ».

Ces éléments ne peuvent nous convaincre : votre capacité de discernement et d 'alerte quant à la responsabilité business qui vous a été confiée fait clairement défaut, puisqu'au lieu de déceler et arrêter la pratique frauduleuse, comme a pu le faire votre homologue de [Localité 6] dès la première commande, vous organisez, selon vos propres mots, un « partage de bonnes pratiques » de celle-ci (sic f).

Management et application des règles du Groupe :

Lors du dernier quadrimestre 2018, il a été convenu lors du séminaire DVRs du 26 septembre 2018 de faire travailler tous nos Responsables de Ventes sur les plans d 'accompagnement de la performance (PAP) en lien avec la politique RH souhaitée par la Direction afin de relancer la dynamique commerciale après 8 mois de période sociale complexe, pour garantir le maintien des objectifs commerciaux de 2018, impératifs aux enjeux du groupe. Sachant que l'expérience, environ 50% des PAP mis en place permettent d 'accroître la performance des collaborateurs en difficulté, cette pratique était particulièrement adaptée à l 'objectif visé.

Le 3.10.2018, vous notifiez par mail à Monsieur [H] [R] : « pas de plan d 'action individuel à date sur PACA C. qui soit lancé et formalisé ». Le 15.10, par mail, Monsieur [H] [R] vous rappelle que vous n 'avez pas suivi les consignes données lors du Webcast du Directeur Commercial TPE/PME dont les directives avaient été très claires, et suivies par tous les DVRs sauf vous, malgré les relances de notre RRH.

Force est de constater que vous ne respectez pas les consignes managériales de votre hiérarchie, ni n 'assurez la politique RH de développement des collaborateurs.

Ce à quoi vous déclarez en entretien « j'ai été long à la détente ». Une telle réponse et posture n'est pas acceptable de la part d 'un Cadre de votre niveau.

L 'enjeu de relancer la dynamique commerciale avait également été traduit par votre hiérarchie par une consigne d'actes managériaux de proximité auprès de vos commerciaux et notamment des K.A (key account) -commerciaux dédiés aux portefeuilles de clients à forts potentiels -.ayant des cycles de ventes plus longs et de gros enjeux de chiffres d'affaires. Ces commerciaux devaient être plus particulièrement suivis en cette fin de quadrimestre. Lors de l 'échange du J 5 janvier dernier avec votre responsable, vous lui expliquiez n 'avoir réalisé que 3 accompagnements sur octobre, novembre et décembre, soit 1 par mois en moyenne seulement, ce qui est très peu au regard des consignes données, et de ce que vos pairs ont réalisés, d 'autant que vous bénéficiez d 'un secteur moins étendu que les autres DVRs (agences de [Localité 9], [Localité 7] et de la Corse). Cela aurait dû vous permettre de réaliser ces accompagnements avec un nombre plus important de vos collaborateurs (15 KA en postes).

Vous faites systématiquement de la résistance aux consignes données et politiques à déployer. Sans explications ou au prétexte d 'une contre consigne qui vous aurait été donnée par votre interlocuteur RH.

Ainsi pour autre exemple, concernant l'un de vos responsables de vente en arrêt depuis plus de 3 mois en raison d 'un problème de santé au dos, celui-ci a expressément exprimé la volonté de rester en contact avec l 'entreprise et notamment de continuer à être destinataire des mails d 'informations sur l'activité business du groupe PACA C. Vous avez manifestement maintenu à son encontre une situation d 'isolement malgré ses différentes relances qu'il vous a adressées, et il a fallu que Monsieur [H] [R] vous demande expressément de rétablir son nom dans la liste de diffusion mails des informations diffusées aux équipes.

Son remplaçant a d'ailleurs confirmé par mail que vous lui aviez expressément interdit de prendre contact ou de réponde à toute sollicitation venant de ce collaborateur en arrêt de travail.

Nous vous avons rappelé une nouvelle fois en entretien que l 'absentéisme était un enjeu majeur pour l'entreprise et qu'il était de sa responsabilité de l'employeur d'assurer par tout moyen le retour facilité du collaborateur à son poste de travail dès que son état de santé le lui permettrait. En l 'isolant et en allant contre sa volonté vous avez tout mis en 'uvre pour-' que ce collaborateur se sente isolé, maintenu à l'écart, créant ainsi une situation de fragilité ne favorisant pas les conditions de reprise du travail.

Vos explications selon lesquelles, ce serait sur les conseils de votre RRH que vous auriez donné ces consignes nous amènent à douter de la loyauté de vos propos tant l 'équipe de la DRH est mobilisée pour infléchir le taux d'absentéisme du groupe.

Le 1er février dernier, votre manager; Monsieur [H] [R], vous alertait aussi sur l'intégration des nouveaux commerciaux TPE/PME embauchés sur votre région au cours du mois de janvier 2019. En effet, à l'occasion d'un dîner avec eux, Monsieur [H] [R] a appris que vous n'aviez pris contact avec aucun d'entre eux pour savoir comment se passait leur phase d'intégration, alors même que cette période est cruciale et que certains d 'entre eux avaient des difficultés d'ordre matériel (accès à l 'outil commercial KHEOPS). C'est bien du rôle du manager de s'assurer de la bonne intégration de ses collaborateurs par un suivi régulier et rigoureux, rassurant, et d 'escalader pour solutionner tous les tracas internes pour lesquels ils ne maîtrisent pas le réseau interne d'hotline. Vous n'êtes pas sans savoir que compte tenu des enjeux commerciaux du début d 'année 2019 en termes de performances commerciales, l'intégration réussie des nouveaux commerciaux est critique pour l'entreprise, d 'autant que les coûts et délais de recrutements pèsent forts sur nos activités.

Ces faits énoncés en entretien, pour lesquels nous vous avons longuement entendu, sans que vous ayez pu nous convaincre avec les réponses apportées, mettent à mal la confiance nécessaire à notre relation contractuelle. Ces situations relevées parmi d'autres ne nous permettent pas d 'envisager de continuer sereinement à vous déléguer la responsabilité d'équipes commerciales et de leurs activités de développement de chiffres d'affaires, la totale confiance dans les pratiques commerciales et managériales étant indisponibles.

Vos pratiques déloyales ont rompu tout lien de confiance que l 'entreprise pouvait placer en vous, rendant impossible la poursuite de nos relations contractuelles.

La première présentation de la présente par les services postaux marquera la rupture de nos relations pour cause réelle et sérieuse et te point de départ de votre préavis de 3 mois dont nous vous dispensons de l'exécution mais qui vous sera néanmoins rémunéré aux échéances habituelles de paie. La période de mis à pied conservatoire n 'est pas confirmée et vous sera donc rémunérée...»

Il résulte de l'article L.1235-1 du code du travail qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et que si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'article L 1235-2 du même code prévoit notamment que la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement. Les griefs doivent être suffisamment précis, objectifs et matériellement vérifiables.

Selon l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

C'est le jour où l'employeur a connaissance du fait fautif, qui marque le point de départ du délai de deux mois. L'employeur s'entend non seulement du titulaire du pouvoir disciplinaire, mais également du supérieur hiérarchique du salarié, même non titulaire de ce pouvoir.

Dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de ces poursuites.

S'agissant du premier grief, l'employeur, qui conteste la prescription des faits, indique que le 12 novembre 2018, un challenge national a été mis en place pour encourager les ventes de produits digitaux, que toute augmentation du montant des commandes produites à partir de janvier 2018 était récompensée par le versement d'une prime de 10% de la valeur de l'augmentation pour les commerciaux, de 25% de la prime du commercial pour les responsables, et de 50% des primes des responsables pour le directeur des ventes régionales, que lors d'un séminaire le 28 novembre 2018 le salarié a mis en avant la réussite de son agence, que l'un de ses collègues, M. [G], avait recueilli préalablement les confidences d'un vendeur faisant valoir que certains commerciaux de l'agence du salarié utilisaient une technique déloyale pour gonfler les chiffres, qu'ils visitaient les clients à qui ils avaient vendu un site dit privilège en 2017 et 2018 et leurs proposaient une option e-commerce, permettant de payer en ligne les produits commercialisés sur le site alors que les clients n'en avaient pas besoin, que le système reconnaissait en «Upsell digital » l'option e-commerce vendue en plus du site vendu des mois plus tôt, que la prime était ensuite calculée sur cette assiette « bien supérieure à l'augmentation effectivement réalisée » permettant ainsi le bénéfice d'une prime plus importante.

Il se prévaut, en outre, de l'attestation de M. [G] qui déclare notamment que le salarié s'est vanté de sa réussite dès le 22 novembre 2018, qu'il a dès lors procédé à des vérifications sur des commandes qu'il a scannées, qu'il a par suite interpellé le salarié sur la pratique litigieuse le 27 novembre 2018 lors du séminaire.

L'employeur se réfère également à l'attestation de Mme [Y] selon laquelle à cette même date et en ce même lieu, M. [O], supérieur hiérarchique du salarié, lui a répondu qu'il était possible qu'un directeur de ventes régionales « ne se rende pas compte de la manipulation » et a pris à l'écart le salarié pour lui dire qu'il devait faire des écrits pour se couvrir.

Il ajoute qu'il a par la suite saisi les services de l'audit afin qu'ils réalisent un contrôle et qu'il a connu le résultat de cette enquête lors de sa communication en ce que 14 commandes concernant des commerciaux de l'équipe du salarié n'étaient pas conformes en raison de la souscription d'un site e-commerce dans des conditions litigieuses.

Il produit le mail envoyé le 18 janvier 2019 par Mme [Z], chargée du contrôle de la conformité interne, de l'audit et du contrôle interne, aux termes duquel celle-ci informe la hiérarchie du fait que dans le cadre de l'analyse de conformité de vente sur les sites privilégiés montés en gamme e-commerce qui ne seraient pas conformes, et après avoir appelé tous les clients « cette semaine et la semaine dernière », le résultat était que 14 commandes étaient bien non conformes, les clients affirmant n'avoir jamais souscrit à un site e-commerce, que ces commandes concernaient 142,8 K€ de ventes digitales et impliquaient 9 commerciaux et cinq responsables qui sont tous cités.

Si l'employeur déduit d'écritures de première instance que le salarié avait identifié une difficulté et se posait des questions sur la manière dont ses équipes traitaient le challenge litigieux et que selon ces écritures le salarié avait émis de sérieux doutes quant à la valorisation de plusieurs ventes qui lui paraissaient suspectes, il n'établit pas que le salarié, qui vainement a interrogé la chargée d'études-pilotage terrain sur la méthode de calcul des e-commerces par mail du 20 novembre 2018, a reconnu avoir repéré des dysfonctionnements ou non-conformités de même nature que ceux qui fondent ce premier grief.

Pareillement, la circonstance que par mail du 27 novembre 2018 le salarié ait félicité de manière très générale ses managers, dont deux managers concernés par les commandes litigieuses, pour leurs performances, est en elle-même indifférente à la caractérisation du grief. Au demeurant, par des mails entre le 28 novembre 2018 et le 14 décembre 2018, alors que le challenge a pris fin le 30 novembre 2018, le salarié a alerté sa hiérarchie sur ses doutes quant aux « Sites Privilèges montée en gamme en Sites privilèges e-commerce », plus précisément sur la qualité de ces ventes et la réalité de la création de valeur pour Solocal, a fait des propositions de contrôle à ce sujet qu'il a indiqué mettre en 'uvre, a repéré des dysfonctionnements sur ces points, a interrogé sa hiérarchie sur la suite du process et le niveau de sanction, sur la communication sur ces dysfonctionnements, quand l'employeur ne justifie pas avoir précisément sollicité la mise en 'uvre de sanctions et ne démontre pas non plus avoir apporté des réponses précises et adaptées aux points soulevés.

Enfin, hormis le mail précité du 18 janvier 2019 qui rend compte de conclusions auxquelles elle aurait abouti, l'employeur ne produit pas d'élément relatif à l'enquête elle-même.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, d'une part, que l'employeur ne justifie pas avoir eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés dans les deux mois qui ont précédé l'engagement des poursuites le 5 février 2019, d'autre part, que même à le supposer non-prescrit, ce premier grief n'est pas suffisamment caractérisé dans sa réalité et son importance, notamment quant à un contrôle défaillant, a fortiori s'agissant de la couverture d'une pratique irrégulière, ou quant aux mesures mises en 'uvre lorsque des dysfonctionnements ont été repérés.

Pour ce qui concerne le second grief relatif à des carences managériales, en premier lieu, l'employeur reproche au salarié l'absence de mise en 'uvre de plans d'accompagnement de la performance des vendeurs en dépit de ses préconisations, quand il apparaît que dès son mail adressé le 3 octobre 2018 à M. [R], le salarié a indiqué : « pas de plan d 'action individuel à date sur PACA C. qui soit lancé et formalisé », que par mail du 15 octobre suivant, le salarié lui a répondu qu'il lui adresserait la liste des plans d'action individuels « dès la fin de semaine », que par mail du 22 octobre 2018, M. [R] a sollicité l'avis de M. [O] sur l'attitude à adopter face au non-respect de directives par le salarié ayant mis en place « une seule action'Un seul PAP », que si lors d'un échange de mails entre M. [K] et le salarié du 15 janvier 2019, date à laquelle l'employeur a eu une connaissance exacte des faits reprochés, le salarié a indiqué ne pas avoir accompagné les deux vendeurs sur lesquels il était interrogé, dont un vendeur venant d'arriver de l'agence de [Localité 8] en 2019, il a précisé avoir accompagné trois vendeurs « sur les trois derniers mois » et positionné deux autres accompagnements, tous éléments non utilement contredits par l'employeur desquels il résulte que le salarié a mis en 'uvre des actions dont l'absence lui est reprochée, a donné des explications objectives sur le défaut de mise en 'uvre d'un plan d'accompagnement pour un vendeur, et a organisé des accompagnements pour les semaines suivantes.

En second lieu, s'il résulte d'échanges de mails du début de l'année 2019, date à laquelle l'employeur a eu une connaissance exacte des faits reprochés, qu'en tant qu'administrateur, le salarié a exclu M. [T] de la liste de diffusion de ses communications aux managers de sa région, une telle interruption, qui ne concernait que les communications du salarié, ne découlait que du placement du collaborateur en arrêt maladie et procédait ainsi, en l'absence d'élément contraire, d'un comportement précautionneux, en tout état de cause en lui-même non-fautif.

Il résulte donc de l'ensemble de ce qui précède, et en prenant en considération la grande ancienneté du salarié dans l'entreprise, que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Le jugement est donc infirmé sur ce point.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié sollicite à titre principal de voir écarter les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail quant à l'indemnisation de son préjudice au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Vu l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, les articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et l'article 10 de la Convention internationale du travail n° 158 concernant la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur ;

Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ;

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés par ce texte ; pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9. Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au même article ;

Ces dispositions et celles des articles L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT) ;

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée et qu'il appartient seulement au juge d'apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par cet article.

Dès lors, le salarié, qui comptait une ancienneté de 27 années complètes à la date de son licenciement, peut prétendre, en réparation du préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi, à une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre le montant minimal de 3 mois de salaire brut et le montant maximal de 19 mois de salaire brut.

Eu égard aux éléments de la cause et notamment à l'âge du salarié, 57 ans, au moment de son licenciement, du montant de la rémunération qui lui était versée, des perspectives d'évolution de carrière qui étaient les siennes, de la perte de revenus au cours des années qui ont suivi la rupture tant lors des périodes de chômage que d'emploi, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel, et moral qu'il a subi du fait de la perte injustifiée de son emploi, la somme de 100 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est dès lors infirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire

Le salarié ne prouve pas que le licenciement est intervenu dans des conditions vexatoires. En tout état de cause, il ne justifie pas de son préjudice à ce titre.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il déboute le salarié de cette demande de dommages-intérêts.

Sur la demande de dommages-intérêts pour perte de chance de pouvoir bénéficier d'un plan de sauvegarde de l'emploi et d'un congé de reclassement

Le salarié ne justifie pas de la perte de chance de pouvoir bénéficier d'un plan de sauvegarde de l'emploi et d'un congé de reclassement.

Le jugement est dès lors confirmé en ce qu'il déboute le salarié de cette demande de dommages-intérêts.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de la perte de chance de pouvoir bénéficier d'une prime « Challenge » et de réaliser un voyage au Brésil

Le salarié ne justifie pas de la perte de chance de pouvoir bénéficier d'une prime « Challenge » ou de pouvoir réaliser un voyage au Brésil

Le jugement est dès lors confirmé en ce qu'il déboute le salarié de cette demande de dommages-intérêts.

Sur les intérêts légaux

Les intérêts au taux légal courront sur la somme allouée à compter du présent arrêt.

Il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur le remboursement des indemnités de chômage

Par application de l'article L 1235-4 du code du travail, il y a lieu à remboursement par l'employeur des indemnités de chômage versées par Pôle emploi, devenu France Travail, au salarié, dans la limite de trois mois d'indemnités.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Le jugement sera infirmé en ce qu'il statue sur les dépens et l'indemnité de procédure.

L'employeur sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, et il ne sera fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile qu'au profit du salarié auquel est allouée la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il statue sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité de procédure et les dépens ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que le licenciement de M. [X] [L] est dénué de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Solocal à payer à M. [X] [L] la somme de 100 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que les intérêts au taux légal courront sur cette somme à compter du présent arrêt ;

Dit qu'il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

Ordonne le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage versées au salarié par Pôle emploi, devenu France Travail, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnités ;

Condamne la société Solocal à payer à M. [X] [L] la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Déboute les parties pour le surplus ;

Condamne la société Solocal aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-5
Numéro d'arrêt : 21/03563
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;21.03563 ?
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