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04/04/2024 | FRANCE | N°18/03360

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-3, 04 avril 2024, 18/03360


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 60A



3e chambre



ARRET N°



REPUTE

CONTRADICTOIRE



DU 04 AVRIL 2024



N° RG 18/03360



N° Portalis DBV3-V-B7C-SMCS



AFFAIRE :



SAS VAN AMEYDE FRANCE

...



C/



[O] [L] épouse [R]

...





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Mars 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 2

N° RG : 14

/13950



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :







Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES



Me Philippe RAOULT de la SELARL RAOULT PHILIPPE



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUAT...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 60A

3e chambre

ARRET N°

REPUTE

CONTRADICTOIRE

DU 04 AVRIL 2024

N° RG 18/03360

N° Portalis DBV3-V-B7C-SMCS

AFFAIRE :

SAS VAN AMEYDE FRANCE

...

C/

[O] [L] épouse [R]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Mars 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 2

N° RG : 14/13950

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

Me Philippe RAOULT de la SELARL RAOULT PHILIPPE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SOCIETE KRAVAG-LOGISTIC Versicherungs-Aktiengesellschaft anciennement KRAVAG LOGISTIQUE AG INSURANCE

[Adresse 13]

[Localité 7])

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

Représentan : Me Mathieu SEGAL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0490

APPELANTE

****************

Madame [O] [L] épouse [R]

née le [Date naissance 6] 1957 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentant : Me Philippe RAOULT de la SELARL RAOULT PHILIPPE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 172

Représentant : Me Pierre MESTHENEAS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

CAISSE D'ASSURANCE DES INDUSTRIES ELECTRIQUES ET GAZEUSES (CAMIEG)

[Adresse 4]

[Localité 10]

INTIMEE DEFAILLANTE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 septembre 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gwenael COUGARD, Conseiller chargé du rapport et Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence PERRET, Président,

Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,

Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme FOULON

FAITS ET PROCEDURE :

Le 8 novembre 1975, Mme [O] [R] a été victime à [Localité 12] (39) d'un grave accident de la circulation impliquant un véhicule conduit par M. [K], chauffeur routier, et appartenant à M. [B], assuré auprès de la société d'assurances Kravag. Mme [R] a subi un traumatisme crânien avec une importante perte de connaissance, une fracture du crâne temporo-pariétale gauche avec otorragie gauche et épistaxis, entraînant notamment à titre séquellaire des vertiges, des acouphènes à gauche et une distorsion phonétique par surdité.

Par jugement du tribunal de police de Dole du 17 décembre 1976, M. [K] a été déclaré coupable de blessures involontaires n'ayant pas entraîné d'ITT supérieure à 3 mois et par jugement de cette même juridiction du 1er décembre 1978, statuant à partir de l'expertise judiciaire du docteur [A], M. [K] et l'entreprise [E] [B] ont été condamnés à indemniser Mme [R] de son préjudice corporel à hauteur de 74 513,08 francs, la CPAM du Jura recevant une somme de 11 440,82 francs. L'incapacité permanente partielle avait été évaluée à 20%.

Par arrêt du 20 décembre 1979, la cour d'appel de Besançon a confirmé le jugement du 1er décembre 1978.

Mme [R] a présenté ultérieurement une détérioration de ses facultés auditives.

Le docteur [J], médecin conseil de la Mutuelle Assurances de l'éducation (MAE), assurances recours de Mme [R], l'a examinée le 29 septembre 2008 et a conclu à l'aggravation de son état imputable à l'accident de 1975. Par la suite, le docteur [D], médecin conseil de la société Van Ameyde correspondant en France de la société Kravag, a également examiné Mme [R] et est arrivé aux mêmes conclusions.

Aucun accord n'ayant été trouvé entre la société Van Ameyde et Mme [R], cette dernière a, par actes des 10, 12 et 13 novembre 2014, fait assigner la société Van Ameyde France SAS, la société Kravag Logistique AG Insurance et la Camieg devant le Tribunal de Grande Instance de Nanterre sur le fondement des articles 1384 du code civil, L124-3 du code des assurances et L376-1 du code de la sécurité sociale.

Par jugement du 29 mars 2018, le Tribunal de Grande instance de Nanterre a:

-dit que le droit à indemnisation de Mme [R] est entier suite à l'aggravation de ses préjudices subis du fait de l'accident du 8 novembre 1975 dans lequel est impliqué un véhicule, assuré auprès de la société Kravag Logistique AG Insurance,

-mis la société Van Ameyde France SAS hors de cause,

-condamné la société Kravag Logistique AG Insurance à payer à Mme [R] les sommes suivantes, à titre de réparation de son préjudice corporel, déduction à opérer des provisions déjà allouées et non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement déféré :

- au titre de l'incidence professionnelle '''''. 206 654,28 euros,

- au titre du déficit fonctionnel temporaire'''.''' 4 591,40 euros,

- au titre des souffrances endurées''''''''.' 3 500 euros,

- au titre du déficit fonctionnel permanent ''''' 7 200 euros,

- au titre du préjudice d'agrément'''''''' 4 000 euros,

-dit que les intérêts échus pour une année entière à compter du jugement déféré produiront eux-mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil tel qu'issu de l'ordonnance du 10 février 2016,

-condamné la société Kravag Logistique AG Insurance aux entiers dépens qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par Me Marc Forin,

-condamné la société Kravag Logistique AG Insurance à payer à Mme [R] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Van Ameyde France SAS,

-ordonné l'exécution provisoire du jugement déféré,

-déclaré le jugement déféré commun à la Camieg,

-débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par acte du 11 mai 2018 la société Van Ameyde France et la société Kravag Logistique Ag Insurance ont interjeté appel.

Par ordonnance du 21 janvier 2019, le conseiller de la mise en état a:

-déclaré caduc l'appel interjeté par la société Van Ameyde France à l'encontre du jugement,

-rappelé que cette caducité partielle n'affecte pas la validité de l'appel interjeté par la société Kravag Logistique Ag Insurance.

-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

-condamné la société Van Ameyde France aux dépens de l'instance d'incident.

Par arrêt du 19 décembre 2019, la cour d'appel de Versailles a:

-déclaré recevable l'appel interjeté par la société Kravag Logistique AG Insurance,

-confirmé la mise hors de cause de la société Van Ameyde,

Avant dire droit sur le surplus,

-ordonné une mesure d'expertise et désigné pour y procéder le docteur [I] [M] expert inscrit sur la liste de la Cour de cassation, [Adresse 3], [Localité 9] [Localité 14], Tél: [XXXXXXXX02]- Fax: [XXXXXXXX01] avec pour mission de :

* se faire communiquer par le demandeur ou son représentant légal, ou par un tiers avec l'accord de l'intéressé ou de ses ayants-droits, tous documents utiles à sa mission,

* fournir le maximum de renseignements sur l'identité de la partie demanderesse, ses conditions d'activités professionnelles et de vie, son niveau scolaire, son statut exact, sa formation,

* entendre contradictoirement les parties, leurs conseils convoqués ou entendus (ceci dans le respect des règles de déontologie médicale ou relatives au secret professionnel),

* recueillir toutes informations orales ou écrites des parties : se faire communiquer puis examiner tous documents utiles et notamment le dossier médical et plus généralement tous documents médicaux relatifs au fait dommageable dont la partie demanderesse a été victime initialement, et à l'aggravation alléguée),

* à partir des déclarations de la partie demanderesse imputables au fait dommageable et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions, les modalités du traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d'hospitalisation et, pour chaque période d'hospitalisation, la nature et nom de l'établissement, le ou les services concernés et la nature des soins,

* indiquer la nature de tous les soins et traitements prescrits imputables au fait dommageable et, si possible, la date de la fin de ceux-ci,

* recueillir les doléances de la partie demanderesse en l'interrogeant sur les conditions d'apparition, l'importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle et leurs conséquences, en s'attachant à distinguer les séquelles initiales de celles imputées à l'aggravation alléguée,

* décrire l'état résultant de l'accident de 1975 en interrogeant la partie demanderesse et en citant les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles, et décrire les manifestations de l'aggravation alléguée, en situer le début et la date de consolidation,

* dire si l'aggravation alléguée est ou non imputable à l'accident de 1975,

* procéder à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la partie demanderesse,

* déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire imputable à l'aggravation,

* chiffrer, par référence au "Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun" le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent (incapacité permanente) imputable à l'aggravation,

* dire si l'état de la victime lors de sa mise à la retraite lui interdisait l'activité professionnelle précédemment exercée, lui imposait une reconversion, ou rendait impossible toute activité professionnelle,

* décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées pendant la maladie traumatique (avant consolidation) du fait de l'aggravation alléguée. Les évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés,

* lorsque la partie demanderesse allègue l'impossibilité de se livrer à des activités spécifiques de sport et de loisir, donner un avis médical sur cette impossibilité et son caractère définitif, sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation,

- dit que l'expert devra déposer son rapport dans les 4 mois de l'avis de versement de la consignation qui lui sera transmis par le greffe,

- fixé la consignation à valoir sur la rémunération de l'expert à la somme de 1 500 euros, et dit que Mme [R] devra consigner cette somme à la régie de la cour de Versailles avant le 15 février 2020 à peine de caducité de la désignation de l'expert,

- sursis à statuer sur le surplus des demandes,

- réservé les dépens,

- rappelé que la CAMIEG, devra être assignée devant la cour.

Bien qu'assignée en intervention forcée, par acte du 14 mai 2020 remis à personne habilitée, la CAMIEG n'a pas constitué avocat.

Par arrêt du 3 mars 2022, la cour d'appel de Versailles a:

-ordonné un complément d'expertise confié à M. [I] [M], expert inscrit sur la liste de la Cour de cassation, [Adresse 3], [Localité 9] [Localité 14], Tél: [XXXXXXXX02]- Fax: [XXXXXXXX01] avec pour mission de :

*prendre connaissance des pièces communiquées par Mme [R] les 21 octobre, 6 novembre et 22 décembre 2020,

*donner un délai aux parties pour lui adresser un dire si elles le souhaitent,

*répondre aux dires éventuels et préciser si ceux-ci ainsi que les pièces communiquées sont de nature à modifier ses conclusions sur l'imputabilité de l'aggravation alléguée à l'accident survenu le 8 novembre 1975.

*dit que si l'expert conclut à l'imputabilité, partielle ou totale, de l'aggravation à l'accident du 8 novembre 1975, il lui appartiendra de répondre aux questions contenues dans l'arrêt du 19 décembre 2019.

-dit que l'expert devra déposer son complément d'expertise dans les 4 mois de sa saisine.

-dit qu'il est sursis à statuer sur le mérite des autres demandes.

-réservé les dépens.

Par dernières écritures du 5 juin 2023, la société Kravag Logistique Ag Insurance prie la cour de:

A titre principal :

-infirmer le jugement intervenu en première instance en ce qu'il a jugé que le droit à indemnisation de Mme [R] était entier suite à l'aggravation de ses préjudices subis du fait de l'accident du 8 novembre 1975 dans lequel est impliqué un véhicule assuré auprès de la société Kravag Logistique Ag Insurance et condamné la société Kravag Logistique Ag Insurance à réparer le préjudice corporel subi par Mme [R] ;

Statuant à nouveau

-juger que les pièces justificatives des demandes formulées par Mme [R] n'ont pas été communiquées par cette dernière, en dépit des sommations de communiquer délivrées par les concluantes et l'injonction donnée par le Juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Nanterre en première instance ;

-juger que Mme [R] ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité direct et certain, et donc d'une imputabilité, entre son accident du 8 novembre 1975 et l'aggravation alléguée de son état de santé ORL ;

En conséquence :

-débouter Mme [R] de sa demande de contre-expertise:

§ Subsidiairement, ordonner l'audition du docteur [I] [M] en présence de la société Kravag Logistique Ag, de Mme [R] et de la Camieg ;

§ Subsidiairement, en tout état de cause, rejeter la mission d'expertise proposée par Mme [R], celle-ci ne correspondant pas à la mission d'expertise ordonnée par la cour d'appel de céans dans son arrêt avant-dire droit du 19 décembre 2019.

-débouter Mme [R] de son appel incident et de l'intégralité de ses demandes formées contre la société Kravag Logistique AG Insurance;

-ordonner que l'ensemble des sommes que la société Kravag Logistique Ag Insurance a été contrainte de verser au titre de l'exécution provisoire du jugement déféré lui soient remboursées par Mme [R], avec intérêts de droit ;

A titre subsidiaire :

-infirmer le jugement intervenu en première instance en ce qu'il a condamné la société Kravag Logistique Ag Insurance à payer à Mme [R] les sommes suivantes, à titre de réparation de ses préjudices, déduction à opérer des provisions déjà allouées et non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour:

- au titre de l'incidence professionnelle / perte de droits à la retraite:206 654,28 euros

- au titre du déficit fonctionnel temporaire: 4 591,40 euros

- au titre du déficit fonctionnel permanent: 7 200 euros

- au titre du préjudice d'agrément: 4 000 euros

Statuant à nouveau

-liquider comme suit le préjudice :

Préjudices extrapatrimoniaux:

- DFTT et DFTP: 4 174 euros tout au plus

- AIPP / DFP: 6 350 euros tout au plus

- Souffrances endurées: 3500 euros tout au plus

- Préjudice d'agrément: Rejet

Subsidiairement 2000 euros tout au plus

Préjudices patrimoniaux:

- Dépenses de santé actuelles : Néant

- Incidence professionnelle / perte de droits à la retraite : Rejet

-concernant ce poste de préjudice, juger qu'il n'est en rien démontré que Mme [R] aurait été inapte à toute activité professionnelle.

-juger que la preuve d'un lien de causalité direct et certain entre l'aggravation de l'état de santé de Mme [R] et son départ à la retraite anticipé n'est pas rapportée ;

-en conséquence, débouter Mme [R] de sa demande d'indemnisation au titre de sa mise à la retraite anticipée, infondée.

Total préjudices patrimoniaux : 0 euro

-débouter Mme [R] de ses demandes plus amples ou contraires;

A titre très subsidiaire,

-infirmer le jugement intervenu en première instance en ce qu'il a fixé le montant dû à Mme [R] au titre de l'incidence professionnelle / perte de droits à la retraite à la somme de 206654,28 euros.

Statuant à nouveau :

-juger que la méthode de calcul retenue par le Tribunal de grande instance de Nanterre dans le jugement déféré est infondée ;

-juger que le préjudice relatif à l'incidence professionnelle / perte des droits à la retraite subi par Mme [R] doit avoir comme base de calcul la différence entre la pension qu'elle aurait pu percevoir si elle avait travaillé jusqu'à la fin de l'année 2020 et celle qu'elle perçoit aujourd'hui, soit la somme de 6 571,78 euros par an;

-appliquer un coefficient de perte de chance de 50% à cette somme compte-tenu de l'absence de certitude que Mme [R] aurait, malgré le régime favorable de son régime de liquidation des droits à la retraite, souhaité poursuivre son activité professionnelle ;

-juger que la somme pouvant être capitalisée pour déterminer le préjudice de Mme [R] relatif à l'incidence professionnelle s'élève à 3 285,89 euros ;

-procéder, à titre principal, à la capitalisation de cette somme avec le barème tel que publié dans la Gazette du Palais en 2004 et juger que le préjudice de Mme [R] relatif à l'incidence professionnelle / perte des droits à la retraite s'élève à 56 001,42 euros ;

-procéder, subsidiairement, à la capitalisation de cette somme avec le barème tel que publié dans la Gazette du Palais en 2013 et juger que le préjudice de Mme [R] relatif à l'incidence professionnelle / perte des droits à la retraite s'élève à 70 452,77 euros ;

-procéder, à titre très subsidiaire, à la capitalisation de cette somme avec le barème BCRIV de 2018 et juger que le préjudice de Mme [R] relatif à l'incidence professionnelle s'élève à 76 298,37 euros ;

-procéder, à titre infiniment subsidiaire, à la capitalisation de cette somme avec le barème tel que publié dans la Gazette du Palais 2018 et juger que le préjudice de Mme [R] relatif à l'incidence professionnelle / perte des droits à la retraite s'élève à 78 844,93 euros.

Subsidiairement, si la cour d'appel de céans venait à retenir la méthode de calcul du Tribunal de grande instance de Nanterre :

-juger que la somme de 206 654,28 euros octroyée à Mme [R] résulte d'un calcul erroné ;

-si la cour d'appel de céans décidait de se placer dans les mêmes conditions que celles du Tribunal de Grande Instance de Nanterre au jour où il a rendu sa décision, juger que le préjudice de Mme [R] relatif à l'incidence professionnelle s'élève à 195 496,226 euros;

-juger qu'en tout état de cause, le montant de 232 822,58 euros réclamé par Mme [R] au titre de l'indemnisation de la perte de ses droits à la retraite n'est pas justifié et l'en débouter ;

-débouter Mme [R] de sa demande subsidiaire d'indemnisation de ce poste de préjudice à hauteur de 206 654,28 euros ;

-débouter Mme [R] de toute prétention plus ample ou contraire ;

En tout état de cause :

-infirmer le jugement intervenu en première instance en ce qu'il a condamné la société Kravag Logistique Ag Insurance:

- à payer à Mme [R] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- aux entiers dépens qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par Me Marc Forin

-infirmer le jugement intervenu en première instance en ce qu'il a dit que les intérêts échus pour une année entière à compter du jugement du 29 mars 2018 produiraient eux-mêmes des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil tel qu'issu de l'ordonnance du 10 février 2016.

Statuant à nouveau,

-débouter Mme [R] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner Mme [R] à payer à la société Kravag Logistique Ag Insurance une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner Mme [R] aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Martine Dupuis, Avocat, dans les termes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières écritures du 23 mars 2023, Mme [R] prie la cour de:

-débouter la société Kravag Logistique Ag Insurance de l'intégralité des fins de son appel relevé à l'encontre du jugement entrepris,

-confirmer la décision du Tribunal en ce qu'il a fixé à la somme de 4 591,40 euros l'indemnisation de Mme [R] au titre du déficit fonctionnel temporaire,

-confirmer la décision du Tribunal en ce qu'il a fait droit à la demande de capitalisation des intérêts de Mme [R] dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil tel qu'il suit de l'ordonnance du 10 février 2016,

-recevoir Mme [R] en son appel incident,

-l'y dire bien fondé,

Et statuant à nouveau,

-voir allouer à Mme [R] :

- à titre d'indemnisation de l'incidence professionnelle de l'aggravation des conséquences dommageable de l'accident du 8 novembre 1975 causant la perte des droits à la retraite en application de la dernière table de capitalisation 2018 publiée par la Gazette du Palais la somme de232 822,58 euros

et à titre subsidiaire confirmer l'évaluation de son préjudice par le tribunal à la somme de206 654,28 euros

- en réparation du préjudice au titre des souffrances endurées la somme de 5000 euros

- en réparation de son préjudice au titre du déficit fonctionnel permanent la somme de 8 500 euros

- au titre de son préjudice d'agrément la somme de 10 000 euros

-confirmer la décision du Tribunal en ce qu'il a alloué à Mme [R] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

-condamner les appelantes à la somme supplémentaire de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

-condamner l'appelante en tous les dépens dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

-déclarer le jugement commun à la Camieg.

Subsidiairement,

Avant dire droit,

-ordonner une contre-expertise confiée à un collège d'experts qu'il plaira à la cour de désigner la mission suivante :

*se faire communiquer par Mme [R], ou par un tiers avec l'accord de l'intéressée ou de ses ayants-droits, tous documents utiles à sa mission,

*fournir le maximum de renseignements sur l'identité de Mme [R], ses conditions d'activités professionnelles et de vie, son niveau scolaire, son statut exact, sa formation,

*entendre contradictoirement les parties, leurs conseils convoqués ou entendus (ceci dans le respect des règles de déontologie médicale ou relatives au secret professionnel),

*recueillir toutes informations orales ou écrites des parties : se faire communiquer puis examiner tous documents utiles et notamment le dossier médical et plus généralement tous documents médicaux relatifs au fait dommageable dont Mme [R] a été victime initialement, et à l'aggravation alléguée,

*à partir des déclarations de Mme [R] imputables au fait dommageable et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions, les modalités du traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d'hospitalisation et, pour chaque période d'hospitalisation, la nature et nom de l'établissement, le ou les services concernés et la nature des soins,

*indiquer la nature de tous les soins et traitements prescrits imputables au fait dommageable et, si possible, la date de la fin de ceux-ci,

*recueillir les doléances de Mme [R] en l'interrogeant sur les conditions d'apparition, l'importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle et leurs conséquences, en s'attachant à distinguer les séquelles initiales de celles imputées à l'aggravation alléguée,

*décrire l'état résultant de l'accident de 1975 en interrogeant Mme [R] et en citant les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles, et décrire les manifestations de l'aggravation alléguée, en situer le début et la date de consolidation,

*dire si l'aggravation alléguée est ou non imputable à l'accident de 1975,

*procéder à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la partie demanderesse,

*déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire imputable à l'aggravation,

*chiffrer, par référence au "Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun" le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent (incapacité permanente) imputable à l'aggravation,

*dire si l'état de la victime lors de sa mise à la retraite lui interdisait l'activité professionnelle précédemment exercée, lui imposait une reconversion, ou rendait impossible toute activité professionnelle,

*décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées pendant la maladie traumatique (avant consolidation) du fait de l'aggravation alléguée. Les évaluer selon échelle habituelle de sept degrés,

*préciser du fait de l'aggravation de l'état de la victime :

-la nécessité de l'intervention d'un personnel spécialisé : médecins, kinésithérapeutes, infirmiers (nombre et durée moyenne de leurs interventions),

- la nature et le coût des soins susceptibles de rester à la charge de la victime en moyenne annuelle,

- le matériel susceptible de lui permettre de s'adapter à son nouveau mode de vie ou de l'améliorer ainsi, s'il y a lieu, que la fréquence de son renouvellement,

-dire que, pour exécuter la mission, l'expert sera saisi et procédera conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284 du code de procédure civile,

-dire que l'expert s'assurera, à chaque réunion d'expertise, de la communication aux parties des pièces qui lui sont remises, dans un délai permettant leur étude, conformément au principe de la contradiction ; que les documents d'imagerie médicale pertinents seront analysés de façon contradictoire lors des réunions d'expertise,

-dire que l'expert devra convoquer toutes les parties par lettre recommandée avec accusé de réception et leur avocat par lettre simple, les avisant de la faculté qu'elles ont de se faire assister par le médecin-conseil de leur choix,

-dire que l'expert procédera à l'examen clinique, en assurant la protection de l'intimité de la vie privée de la personne examinée et le secret médical pour des constatations étrangères à l'expertise ; qu'à l'issue de cet examen, en application du principe du contradictoire il informera les parties et leurs conseils de façon circonstanciée de ses constatations et de leurs conséquences,

-dire que l'expert pourra recueillir les informations orales, ou écrites, de toutes personnes susceptibles de l'éclairer,

-dire que l'expert devra :

*en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations à l'issue de la première réunion d'expertise ; l'actualiser ensuite dans le meilleur délai,

- en les informant de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ou son projet de rapport,

*adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception (par exemple : réunion de synthèse, communication d'un projet de rapport) dont il s'expliquera dans son rapport, et arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations : fixant, sauf circonstance particulière, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse, lesquelles disposeront d'un délai de quatre à cinq semaines à compter de la transmission du rapport,

*fixer le montant de la provision à valoir sur les frais d'expertise qui devra être consignée par Mme [R] à la régie d'avances et de recettes de la cour d'appel de Versailles,

-désigner le magistrat chargé du contrôle des expertises de la chambre pour contrôler les opérations d'expertise,

-débouter la société Kravag Logistique Ag Insurance de toutes demandes, fins ou conclusions contraires

-surseoir à statuer sur le surplus des demandes,

La société Kravag logistique Ag Insurance a fait signifier à la Caisse d'Assurance des Industries Électriques et Gazeuses (CAMIEG) la déclaration d'appel par acte du 14 mai 2021 remis à personne morale, ainsi que ses dernières conclusions par acte du 7 juin 2023 remis selon les mêmes modalités. Cette intimée n'a pas constitué avocat.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 juillet 2023.

A la suite d'un changement de dénomination sociale, la Kravag-Logistic Ag Insurance est devenue Kravag-Logistic Versicherungs-Aktiengesellschaft.

SUR QUOI,

Sur l'acquiescement au principe des demandes indemnitaires de Mme [R]

La société Kravag conclut à titre principal à l'infirmation du jugement critiqué et réfute la thèse de Mme [R] selon laquelle elle aurait acquiescé au principe de ses demandes indemnitaires.

Rappelant la motivation contenue dans l'arrêt du 3 mars 2022 sur ce point, elle conteste avoir reconnu l'existence d'un droit à indemnisation de l'intimée et souligne qu'en tout état de cause, son éventuel acquiescement aurait été vicié par les conclusions erronées des Docteurs [D], [C] et [J] qui n'étaient pas en possession de l'ensemble des pièces médicales du dossier de Mme [R].

Mme [R] considère à l'inverse que la société Kravag par l'intermédiaire de la société Van Ameyde, a reconnu l'imputabilité de l'aggravation invoquée et ainsi son droit à indemnisation.

Elle rappelle les courriers de la société Van Ameyde manifestant selon elle la volonté de payer une indemnité en réparation du préjudice allégué, seule l'évaluation du préjudice d'incidence professionnelle étant discutée.

L'intimée conteste que l'offre d'indemnisation de l'assureur ne pourrait l'engager que si elle est acceptée par la victime et soutient que l'assureur ne peut revenir sur son engagement quant au principe de l'indemnisation.

Sur ce,

En vertu des dispositions de l'article L. 211-9 du code des assurances, «quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n'est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.

Une offre d'indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident. En cas de décès de la victime, l'offre est faite à ses héritiers et, s'il y a lieu, à son conjoint. L'offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'un règlement préalable.

Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s'applique.

En cas de pluralité de véhicules, et s'il y a plusieurs assureurs, l'offre est faite par l'assureur mandaté par les autres.»

L'offre d'indemnisation, tant en ce qui concerne l'étendue du droit à réparation que le montant des indemnités proposées, ne peut engager l'assureur que si elle est acceptée par la victime ou ses ayants droit (Civ 2è, 8 juin 2017, 16-17.767).

Dès lors, quelles qu'aient pu être les prises de position de la société Kravag ou de sa délégataire la société Van Ameyde au cours de la phase amiable, il convient de dire qu'elles ne peuvent être opposées à l'assureur dès lors que Mme [R] a refusé l'offre qui lui avait été faite en application de l'article L. 211-9 susvisé et aucun acquiescement ne peut donc être invoqué sur ce fondement.

A titre surabondant, c'est à juste titre que la société Kravag indique que certaines pièces de son dossier médical n'ont été transmises par Mme [R] qu'à l'expert judiciaire et que les médecins qui se sont prononcés antérieurement n'en avaient pas connaissance, ce qui était de nature à vicier sa proposition d'indemnisation.

Sur l'absence de pièces justificatives

La société Kravag, arguant de la violation des dispositions de l'article 1353 du code civil, sollicite le débouté de Mme [R] de ses demandes au motif que celle-ci ne produit pas les pièces justificatives nécessaires à l'examen du préjudice allégué malgré les sommations de communiquer qui lui ont été faites.

Mme [R] soutient avoir communiqué l'ensemble des pièces justificatives qu'elle estimait pertinentes et soutient que ce motif ne peut justifier le rejet de ses demandes.

Sur ce,

En vertu de l'article 9 du code de procédure civile, «il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.»

Dès lors, et ainsi qu'il l'a déjà été indiqué par la cour dans l'arrêt du 19 décembre 2019, si l'éventuelle carence de Mme [R] dans l'administration de la preuve peut justifier le rejet de ses demandes au fond, la circonstance qu'elle n'ait pas déféré aux sommations de communiquer qui lui ont été notifiées, à la supposer établie, n'est pas de nature à entraîner ipso facto son débouté à ce stade du raisonnement.

Sur l'absence d'aggravation imputable à l'accident

La société Kravag affirme que l'aggravation correspond à l'existence d'un préjudice nouveau ou la majoration d'un préjudice préexistant qui n'a fait l'objet d'aucune évaluation et indemnisation et dont le lien direct et certain avec le fait générateur de responsabilité est établi.

Elle soutient qu'en l'espèce le docteur [M] a conclu à l'absence de tout lien de causalité certain entre les doléances de Mme [R] et l'accident de 1975 et souligne que les contestations de l'analyse du docteur [M] par Mme [R] sont infondées.

L'appelante en déduit qu'à défaut de rapporter la preuve de ce lien de causalité et donc d'une imputabilité entre son accident survenu le 8 novembre 1975 et l'aggravation alléguée, Mme [R] doit être déboutée de ses demandes d'indemnisation.

S'agissant de la demande de contre-expertise formulée par Mme [R], la société Kravag fait valoir d'une part que la décision d'ordonner une nouvelle expertise ou une expertise complémentaire relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, et d'autre part qu'une telle décision n'a pas lieu d'être ordonnée lorsque les conclusions du premier rapport d'expertise sont claires et précises et que les éléments médicaux communiqués postérieurement au dépôt du rapport de l'expert ne sont pas de nature à modifier les conclusions contenues dans le rapport d'expertise.

Elle rappelle au visa des articles 245 et 283 du code de procédure civile que la juridiction s'estimant insuffisamment informée peu inviter l'expert à compléter, préciser ou expliquer par écrit ou à l'oral ses constatations ou conclusions.

Mme [R] conteste le rapport d'expertise dressé par le docteur [M] et demande une contre-expertise contradictoire en expliquant notamment que les affirmations péremptoires de l'expert quant à l'impossibilité qu'une surdité traumatique puisse évoluer sont démenties par d'autres avis médicaux.

Elle précise que plusieurs médecins ont constaté une facture du rocher à l'occasion de l'accident initial, soutient que le rapport est incomplet puisque l'expert mentionne que le phénomène d'hyperacousie douloureuse doit être «discuté dans un autre cadre» et en déduit que l'aggravation de son état peut donc être imputable à l'accident de 1975.

Sur ce,

En vertu des dispositions de l'article 1240 du code civil, «tout fait de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer».

Si le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation ne peut par principe se dégager de son obligation d'indemnisation que s'il établit que cet accident est sans relation avec le dommage, cette présomption ne joue pas en l'espèce en raison de l'écoulement du temps entre l'accident et le dommage invoqué par Mme [R] et il appartient en conséquence à l'intimée de démontrer que l'aggravation de son état ORL est imputable à l'accident de 1975.

Le Dr [M], expert désigné par la cour, indique dans son rapport du 20 octobre 2020: «on ne peut en rigueur retenir de relation de causalité directe, certaine, unique entre des plaintes actuelles avec l'accident causal du fait:

- de l'absence de suivi entre 1975 et 2002: aucun audiogramme n'a pu être fourni

-qu'en 2022 il est bien établi qu'une surdité brusque de l'oreille gauche (lésée précédemment) a eu lieu,

-à la question posée à l'expert par Mme [R] sur le pourquoi de l'atteinte gauche en l'espèce, l'expert ne peut y répondre avec toute certitude diagnostique en l'état actuel de la science médicale, il lui est impossible d'affirmer ou d'infirmer un lien quelconque,

-pour le phénomène d'hyperacousie douloureuse: la sensation du moindre bruit insupportable, il est en rigueur possible d'affirmer qu'aucun test ne permet d'objectiver la sensation acouphénique ni l'hypersensibilité douloureuse alléguée. Ces sensations n'ont pas de corrélation linéaire avec l'intensité d'une perte auditive. Ces troubles doivent être discutés dans un autre cadre que celui de l'ORL.

Ainsi pour l'expert, il ne peut s'agir de l'aggravation des séquelles de l'accident de 1975, l'expert s'interroge sur les expertises réalisées préalablement depuis 2008, très favorables à une victime on le conçoit parfaitement mais qui ne remplissent pas les critères objectifs de l'imputabilité du fait de la non-relation directe, certaine, unique.»

Dans son rapport complémentaire du 12 juillet 2022, en réponse aux dires du conseil de Mme [R], le Dr [M] indique que:

«une surdité traumatique survient d'emblée et n'évolue jamais,

- un suivi ORL n'est pas équivalent à plusieurs consultations ORL entre 1976 et 2022,

-une corrélation n'est pas une conséquence (')

-le saignement de l'oreille sans constat d'une déchirure du tympan peut être bien des choses' ce n'est pas obligatoirement le signe d'une fracture de l'os rocher auquel cas nous aurions eu en plus une atteinte de la motricité faciale,

-la survenue d'une surdité brusque en 2022 est à ce jour inexpliquée (')

-un scanner crânien a été réalisé le 25 avril 1996 à [Localité 11] et il était normal ('),

-l'hyperacousie douloureuse et l'acouphène sont des manifestations en effet identiques. La communauté ORL n'a pas dégagé de consensus à propos de l'hyperacousie dont il est difficile d'expliquer la physiopathologie (le mécanisme de survenue). L'expert indique de plus que cette plainte est de survenue tardive. L'origine cochléaire (de l'oreille interne) est actuellement déniée en faveur d'une origine corticale (le cerveau),

-que l'on envisage une sapitation pour évaluer acouphène et hyperacousie est tout simplement hors de propos puisqu'il s'agit précisément de mon domaine de compétence (')

-s'il était possible que le dommage allégué depuis la survenue de la surdité brusque et rattaché à un accident de 1975 ne soit pas d'origine ORL alors la raison de la mission d'expertise n'est plus du domaine ORL mais plutôt de la neuropsychiatrie (ce que je ne crois pas) et changerait la nature même du dommage.»

Il convient de souligner que l'avis du docteur [C] du 17 juin 2008, intégralement repris par le docteur [J] dans son rapport d'expertise du 29 septembre 2008, confirme d'ailleurs les conclusions du docteur [M] puisqu'il indique: «L'état ORL actuel de Mme [R] est-il une conséquence directe et certaine de son état antérieur séquellaire de l'accident de 1975' Il n'existe pas dans l'état actuel de nos connaissances de possibilité d'infirmer cette conclusion. Dans le cadre du droit à l'indemnisation il me semble que l'état ORL actuel de Mme [R] doit être considéré comme une conséquence directe séquellaire de l'accident de 1975.», reconnaissant ainsi que sa proposition d'indemniser Mme [R] procède d'une volonté explicite d'opter pour l'option la plus favorable à la victime et non d'une certitude médicale.

L'argumentation de Mme [R] ne procède d'aucun élément médical qui n'ait été soumis à l'expert, étant au surplus souligné qu'en raison de l'ancienneté de l'accident originel, aucune nouvelle pièce ne peut être retrouvée et les allégations relatives à l'existence d'une fracture du rocher avancées par Mme [R], qui ne sont pas mentionnée dans les compte-rendus de l'époque, ne peuvent donc être vérifiées.

En outre, il n'est pas contesté que le phénomène d'hyperacousie dont se plaint Mme [R] ne peut être mesuré objectivement et aucune mesure d'instruction ne peut donc être utilement ordonnée sur ce point.

Dès lors, aucun élément ne justifie l'organisation d'une contre-expertise et il convient de dire que Mme [R] ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre le dommage allégué et son accident de 1975. L'intimée doit donc être déboutée de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts sur ce fondement et le jugement déféré sera infirmé.

Sur les demandes accessoires

Le jugement attaqué sera également infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, Mme [R] ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens de première instance et d'appel avec application au profit de l'avocat qui le demande des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile pour les dépens d'appel.

En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt réputé contradictoire rendu en dernier ressort,

Infirme le jugement attaqué ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Mme [O] [L] épouse [R] de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation formées à l'encontre de la société Kravag Logistic Versicherungs Aktiengesellschaft ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Déclare le présent arrêt commun et opposable à la CAMIEG;

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne Mme [O] [L] épouse [R] aux dépens de première instance et d'appel avec distraction, pour les dépens d'appel, au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame F. PERRET, Président et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-3
Numéro d'arrêt : 18/03360
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;18.03360 ?
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