La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/03/2024 | FRANCE | N°23/05822

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-5, 28 mars 2024, 23/05822


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 30B



Chambre civile 1-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 28 MARS 2024



N° RG 23/05822 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WBBN



AFFAIRE :



[H] [J]

...



C/

Société AESTIAM PIERRE RENDEMENT









Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 02 Juin 2023 par le Président du TJ de VERSAILLES



Expéditions exécutoires

Expéditions

Cop

ies

délivrées le : 28.03.2024

à :



Me Ivan CORVAISIER, avocat au barreau de VERSAILLES,



Me Olivier ROUAULT, avocat au barreau de VERSAILLES







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT HUIT MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30B

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 28 MARS 2024

N° RG 23/05822 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WBBN

AFFAIRE :

[H] [J]

...

C/

Société AESTIAM PIERRE RENDEMENT

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 02 Juin 2023 par le Président du TJ de VERSAILLES

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 28.03.2024

à :

Me Ivan CORVAISIER, avocat au barreau de VERSAILLES,

Me Olivier ROUAULT, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [H] [J]

né le 14 Août 1977 à

de nationalité Tunisienne

[Adresse 2]

[Localité 8] / FRANCE

Monsieur [W] [X]

né le 04 Novembre 1970 à

de nationalité Tunisienne

[Adresse 4]

[Localité 6] / FRANCE

Monsieur [G] [I]

né le 24 Février 1981 à

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 9] / FRANCE

Représentant : Me Ivan CORVAISIER de la SELARL CORVAISIER AVOCATS ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 37 - N° du dossier 22.3221

Ayant pour avocat plaidant Me Olivier GROC, du barreau de Paris

APPELANTS

****************

Société AESTIAM PIERRE RENDEMENT

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

N° SIRET : 642 03 7 1 62

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentant : Me Olivier ROUAULT de la SELARL CONCORDE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 135 - N° du dossier 000639

Ayant pour avocat plaidant Me Didier NAKACHE, du barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Février 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 2 novembre 2016, la S.A.R.L. Foncière Massena, aux droits de laquelle vient la société Aestiam Pierre Rendement, a donné à bail à la S.A.R.L. La Tradition de [Localité 10] des locaux à usage commercial sis [Adresse 3] à [Localité 10] (Yvelines).

Le bail a été conclu pour une durée de neuf années et moyennant un loyer annuel de 110 000 euros, outre un dépôt de garantie de 27 500 euros correspondant à trois mois de loyer principal.

Par acte séparé du 2 novembre 2016, M. [H] [J], M. [W] [X] et M. [G] [I] se sont portés cautions solidaires des sommes dues par la société La Tradition de [Localité 10] au bailleur.

Des loyers sont demeurés impayés.

Par acte en date du 11 août 2021, un commandement de payer la somme de 107 881,38 euros a été délivré à la locataire.

Le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a rendu une ordonnance le 12 janvier 2023 constatant l'acquisition de la clause résolutoire, ordonnant l'expulsion de la locataire et la condamnant au versement d'une provision de 130 183, 69 euros au titre de l'arriéré locatif, outre une indemnité d'occupation mensuelle correspondant au montant du loyer et des charges.

Par jugement en date du 21 mars 2023, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société La Tradition de [Localité 10].

Par acte d'huissier de justice délivré le 27 mars 2023, la société Aestiam Pierre Rendement a fait assigner en référé M. [J], M. [X] et M. [I] aux fins d'obtenir principalement :

- leur condamnation solidaire au paiement de la somme provisionnelle de 284 719,80 euros arrêtée au mois de mars 2023 inclus, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation,

- leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- leur condamnation solidaire aux entiers dépens.

Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 2 juin 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Versailles a :

- condamné solidairement et à titre de provision, M. [J], M. [X] et M. [I] à payer à la société Aestiam Pierre Rendement la somme de 284 719,80 euros au titre des loyers, charges, taxes et indemnités d'occupation impayés de la société Tradition de [Localité 10] (échéance de mars 2023 incluse), avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

- condamné solidairement M. [J], M. [X] et M. [I] à payer à la société Aestiam Pierre Rendement la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement M. [J], M. [X] et M. [I] aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 3 août 2023, M. [J], M. [X] et M. [I] ont interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 19 janvier 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [J], M. [X] et M. [I] demandent à la cour, au visa des articles 905-2, 910-1 et 911 du code de procédure civile, L. 621-48, L. 626-11 et L. 631-19 du code de commerce et 1240 du code civil, de :

' - recevoir M. [H] [J], M. [W] [X] et M. [G] [I] en leur appel et les déclarer bien fondés,

- constater l'irrecevabilité des conclusions de l'intimée ;

- constater l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société La Tradition de [Localité 10]

en conséquence,

- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 2 juin 2023 par le président du tribunal judiciaire de Versailles en ce qu'elle a :

- condamné solidairement et à titre de provision, M. [H] [J], M. [W] [X] et M. [G] [I] à payer à la société Aestiam Pierre Rendement la somme de 284 719,80 euros au titre des loyers, charges, taxes et indemnités d'occupation impayés de la S.A.R.L. Tradition de [Localité 10] (échéance de mars 2023 incluse), avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision

- condamné solidairement M. [H] [J], M. [W] [X] et M. [G] [I] à payer à la société Aestiam Pierre Rendement la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement M. [H] [J], M. [W] [X] et M. [G] [I] aux dépens.

et, statuant à nouveau,

- déclarer irrecevables les demandes de la société Aestiam Pierre Rendement dirigées contre M. [H] [J], M. [W] [X] et M. [G] [I] ;

en conséquence,

- débouter la société Aestiam Pierre Rendement de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner la société Aestiam Pierre Rendement à payer à M. [H] [J] la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- condamner la société Aestiam Pierre Rendement à payer à M. [W] [X] la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- condamner la société Aestiam Pierre Rendement à payer à M. [G] [I] la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- condamner la société Aestiam Pierre Rendement à payer à M. [H] [J], M. [W] [X] et M. [G] [I] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Aestiam Pierre Rendement aux entiers dépens.'

Dans ses dernières conclusions déposées le 25 octobre 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Aestiam Pierre Rendement demande à la cour, au visa de l'article 835 du code de procédure civile, de :

'- confirmer l'ordonnance différé dans toutes ces dispositions (sic),

- condamner solidairement au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (sic),

- condamner M. [H] [J], M. [W] [X], M. [G] [I], à payer à la société Aestiam Pierre Rendement la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.'

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

sur la recevabilité des conclusions de la société Aestiam Pierre Rendement

Invoquant l'irrecevabilité des conclusions de l'intimée, M. [J], M. [X] et M. [I] affirment que celle-ci les a notifiées postérieurement au délai d'un mois qui lui était imparti.

La société Aestiam Placement Pierre ne conclut pas sur ce point.

Sur ce,

L'article 905-2 du code de procédure civile dispose que 'l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué'.

Les parties ne sont plus recevables à invoquer ce moyen après le dessaisissement du magistrat délégué sauf si sa cause ne survient ou n'est révélé postérieurement. Cependant, cette restriction ne fait pas obstacle à la faculté pour la cour de relever d'office cette fin de non-recevoir (2e Civ., 21 décembre 2023, pourvoi n° 21-25.887).

L'examen du RPVA démontre que M. [J], M. [X] et M. [I] ont signifié à la société intimée leurs conclusions le 13 septembre 2023, la signification ayant été faite à personne.

Par la suite, la société Aestiam Placement Pierre ayant constitué avocat le 22 septembre 2023, le conseil des appelants lui a notifié à nouveau ses conclusions par RPVA le 25 septembre 2023. Il convient cependant de préciser que cette notification, qui n'est pas prévue par les articles 905 et suivants du code de procédure civile, n'est pas de nature à faire courir un nouveau délai au profit de l'intimée.

En conséquence, la société Aestiam Placement Pierre ayant notifié ses conclusions le 25 octobre 2023, soit après l'expiration du délai d'un mois qui lui était imparti, il convient en application de l'article 905-2 du code de procédure civile de déclarer d'office irrecevables les conclusions de la société Aestiam Placement Pierre et les pièces communiquées au soutien de ces conclusions.

sur la provision

Se fondant sur les dispositions de l'article L 621-48 du code de commerce, M. [J], M. [X] et M. [I] affirment que la demande en paiement de la société Aestiam Placement Pierre devait être déclarée irrecevable et ils concluent en conséquence à l'infirmation de l'ordonnance déférée.

Sur ce,

En vertu des dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce, applicable au redressement judiciaire par l'effet de l'article L. 631-14 du même code,'le jugement d'ouverture suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. Le tribunal peut ensuite leur accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans.'

Dès lors que la société La Tradition de [Localité 10] a bénéficié d'un redressement judiciaire suivant jugement rendu le 21 mars 2023 par le tribunal de commerce de Versailles, c'est à juste titre que les appelants font valoir que l'action de la société Aestiam Placement Pierre à leur encontre est suspendue.

Il convient en conséquence de dire n'y avoir lieu à référé sur les demandes provisionnelles de la société Aestiam Placement Pierre à l'encontre de M. [J], M. [X] et M. [I] et l'ordonnance querellée sera infirmée de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

M. [J], M. [X] et M. [I] soutiennent que l'avocat de la société Aestiam Placement Pierre était informé de la procédure de redressement judiciaire ouverte au bénéfice de la société La Tradition de [Localité 10] lorsqu'il a engagé la procédure à leur encontre, ce qui justifie selon eux l'octroi de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur ce,

M. [J], M. [X] et M. [I] versent aux débats le courriel adressé le 22 mars par l'avocat de la société La Tradition de [Localité 10] d'une part au commissaire de justice chargé de l'exécution de l'ordonnance de référé du 12 janvier 2023 et d'autre part à l'avocat de la société Aestiam Placement Pierre, les informant de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire intervenue le 21 mars.

Dès lors, il convient de dire que le fait pour la société Aestiam Placement Pierre, dûment instruite de l'existence de cette procédure collective, non seulement d'avoir engagé le 27 mars 2023 une action en référé à l'encontre des trois cautions personnelles de la société, nonobstant les dispositions de l'article L. 622-28 susvisé mais surtout de n'en avoir pas informé le premier juge lors de l'audience du 20 avril 2023, manquant ainsi de la loyauté procédurale minimale attendue d'une partie au procès, constitue un abus de son droit d'ester en justice.

Il convient de souligner sur ce point que, si la partie qui a eu gain de cause en première instance, fût-ce partiellement, échappe en principe à toute condamnation pour procédure abusive, il ne saurait en être de même pour celle qui n'a obtenu satisfaction devant le premier juge qu'en raison de ses manoeuvres frauduleuses, caractérisées en l'espèce par son abstention fautive d'indiquer les éléments procéduraux en sa possession.

L'intimée sera en conséquence condamnée à verser à chacun des 3 appelants la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre.

sur les demandes accessoires

M. [J], M. [X] et M. [I] étant accueillis en leur recours, l'ordonnance sera également infirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, la société Aestiam Placement Pierre ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et devra en outre supporter les dépens de première instance et d'appel.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à M. [J], M. [X] et M. [I] la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. L'intimée sera en conséquence condamnée à leur verser une somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Déclare irrecevables les conclusions de la société Aestiam Placement Pierre notifiées le 25 octobre 2023 et les pièces communiquées au soutien de ces conclusions ;

Infirme l'ordonnance querellée ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision formée par la société Aestiam Placement Pierre à l'encontre de M. [H] [J], M. [W] [X] et M. [G] [I] ;

Condamne la société Aestiam Placement Pierre à verser à M. [H] [J], M. [W] [X] et M. [G] [I], chacun, la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la société Aestiam Placement Pierre à verser à M. [H] [J], M. [W] [X] et M. [G] [I], ensemble, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Aestiam Placement Pierre aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-5
Numéro d'arrêt : 23/05822
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;23.05822 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award