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28/03/2024 | FRANCE | N°22/02402

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-5, 28 mars 2024, 22/02402


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 28 MARS 2024



N° RG 22/02402

N° Portalis DBV3-V-B7G-VLBD



AFFAIRE :



S.A.S.U. MONDIAL PROTECTION





C/

[O] [I]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Juin 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : AD

N° RG : 20/01714
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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELARL MARJORIE SCHNELL AVOCAT



la SELARL BOURGEOIS MARIUS ASSOCIEES







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT HUIT MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 28 MARS 2024

N° RG 22/02402

N° Portalis DBV3-V-B7G-VLBD

AFFAIRE :

S.A.S.U. MONDIAL PROTECTION

C/

[O] [I]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Juin 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : AD

N° RG : 20/01714

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL MARJORIE SCHNELL AVOCAT

la SELARL BOURGEOIS MARIUS ASSOCIEES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S.U. MONDIAL PROTECTION

N° SIRET : 805 361 946

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Marjorie SCHNELL de la SELARL MARJORIE SCHNELL AVOCAT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de BORDEAUX, vestiaire : 712

APPELANTE

****************

Madame [O] [I]

née le 25 Novembre 1974 à [Localité 7]

de nationalité Camerounaise

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Lucie MARIUS de la SELARL BOURGEOIS MARIUS ASSOCIEES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Février 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,

EXPOSE DU LITIGE :

Dans le cadre d'un transfert de contrat de travail à durée indéterminée en application de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité, Mme [O] [I] a été embauchée à compter du 1er janvier 2020, avec reprise d'ancienneté au 2 mai 2013, en qualité 'd'agent de prévention et sécurité-agent des services de sécurité incendie' par la société MONDIAL PROTECTION ILE DE FRANCE.

Mme [I] était affectée à l'exécution d'un marché de sécurité au sein de la [5] à [Localité 6].

Par lettre du 5 mai 2020, la société MONDIAL PROTECTION ILE DE FRANCE a convoqué Mme [I] à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 12 juin 2020, la société MONDIAL PROTECTION ILE DE FRANCE a notifié à Mme [I] son licenciement pour faute grave tirée de faits de vol sur son lieu travail.

Au moment de la rupture du contrat de travail, la société MONDIAL PROTECTION ILE DE FRANCE employait habituellement au moins onze salariés et la rémunération moyenne mensuelle de Mme [I] s'élevait à 2 293,77 euros bruts.

Le 21 septembre 2020, Mme [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre pour contester la validité et subsidiairement le bien-fondé de son licenciement et demander la condamnation de la société MONDIAL PROTECTION ILE DE FRANCE à lui payer diverses sommes.

Par jugement du 17 juin 2022, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de Mme [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société MONDIAL PROTECTION ILE DE FRANCE à payer à Mme [I] les sommes suivantes :

* 4 587,55 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 458,75 euros bruts au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2020 ;

* 4 176,20 euros d'indemnité légale de licenciement avec intérêts au taux légal à compter

3 novembre 2020 ;

* 2 088,88 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire de 208,88 euros bruts au titre des congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2020 ;

* 15'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2022 ;

* 950 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2022 ;

- ordonné le remboursement par la société MONDIAL PROTECTION ILE DE FRANCE à Pôle emploi des allocations versées à Mme [I] du jour de son licenciement jusqu'au 17 juin 2022, dans la limite de six mois d'indemnités ;

- condamné la société MONDIAL PROTECTION ILE DE FRANCE à porter à Mme [I] une attestation de fin de contrat destiné à Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la décision ;

- débouté Mme [I] de ses autres demandes ;

- débouté la société MONDIAL PROTECTION ILE DE FRANCE de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles ;

- condamné la société MONDIAL PROTECTION ILE DE FRANCE aux dépens.

Le 27 février 2022, la société MONDIAL PROTECTION ILE DE FRANCE a interjeté appel de ce jugement.

En 2023, la société MONDIAL PROTECTION est venue aux droits de la société MONDIAL PROTECTION ILE DE FRANCE .

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par le RPVA le 17 janvier 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société MONDIAL PROTECTION venant aux droits de la société MONDIAL PROTECTION ILE DE FRANCE demande à la cour de :

- infirmer le jugement attaqué sur le licenciement, les condamnations prononcées à son encontre, le débouté de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles, les dépens et statuant à nouveau sur les chefs infirmés, débouter Mme [I] de ses demandes ;

- confirmer le jugement attaqué sur le débouté des demandes de Mme [I] ;

- débouter Mme [I] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [I] à lui payer une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par le RPVA le 29 janvier 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Mme [I] demande à la cour de :

1) INFIRMER le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre du harcèlement, de la discrimination, de l'obligation de sécurité, du préjudice distinct et de l'annulation de la mesure de licenciement ;

2) Le CONFIRMER à titre subsidiaire en ce qu'il a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement et a condamné la société à lui verser des sommes au titre de l'indemnité de licenciement, de préavis et de congés payés afférents, de la période de mise à pied conservatoire, des congés payés afférents et de l'indemnité pour licenciement sans cause et en ce qu'il a condamné la société au remboursement du Pôle Emploi ;

3) STATUANT A NOUVEAU :

- Condamner la société MONDIAL PROTECTION à lui payer 10.000 euros de dommages et intérêts pour discrimination en raison de sa condition de femme ;

- Condamner la société MONDIAL PROTECTION à lui payer 10.000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement ;

- Condamner la société MONDIAL PROTECTION à lui payer 5.000 euros au titre du manquement à l'obligation de sécurité ;

- Sur la rupture du contrat, à titre principal dire nul le licenciement intervenu en représailles de la dénonciation de faits de harcèlement et condamner la société MONDIAL PROTECTION à verser une indemnité pour licenciement nul de 27.525,24 euros et subsidiairement, dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et Condamner la société MONDIAL PROTECTION à lui verser la somme de 18.350,16 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la société MONDIAL PROTECTION à lui payer la somme de 4.587,55 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 458,75 euros de congés payés afférents ;

- Condamner la société MONDIAL PROTECTION à lui payer la somme de 4.180,22 euros d'indemnité légale de licenciement ;

- Condamner la société MONDIAL PROTECTION à lui payer 2.088,88 euros de rappels de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire injustifiée, outre 208,88 euros de congés payés afférents ;

- Condamner la société MONDIAL PROTECTION à lui payer la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct causé par le caractère vexatoire de la rupture ;

- ORDONNER la communication des documents de fin de contrat rectifiés de la salariée ;

- Le tout avec intérêt légal à compter du jour de l'introduction de la demande.

- Condamner la société MONDIAL PROTECTION à verser à Mme [I] [I] 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société MONDIAL PROTECTION aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 6 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur les dommages-intérêts pour discrimination et pour harcèlement moral :

Mme [I] soutient qu'elle a été victime d'un harcèlement moral à compter de janvier 2020 de la part de son supérieur hiérarchique, lequel est de surcroît discriminatoire en ce qu'il est fondé sur son sexe, ayant crée un climat hostile et dégradé son état de santé, et constitué par :

- le fait d'avoir été la seule salariée à se voir confier en sus des tâches de ménage et de désinfection pendant la crise sanitaire liée à la Covid-19 ;

- des insultes telles que 'chienne' et 'pauvre fille' ;

Elle réclame en conséquence l'allocation d'une somme de 10'000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et une somme de 10'000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination fondée sur le sexe.

La société MONDIAL PROTECTION conclut au débouté des demandes.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aux termes de l'article L. 1154-1 du même code :

' Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. / Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement./ Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'.

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige : 'Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif local, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français'. En application de l'article L. 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de ces dispositions, il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que les mesures prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination

En l'espèce, Mme [I] verse aux débats :

- un courrier de dénonciation de faits de harcèlement moral daté du 3 février 2020 rédigé à l'intention de son employeur, sans preuve d'un envoi et d'une réception par ce dernier, et ne contenant en toutes hypothèses que ses propres allégations ;

- un courriel du directeur de la sécurité de la Cité de l'[5] qui ne fait en rien ressortir qu'elle était le seul agent de sécurité en charge du nettoyage et de la désinfection du poste de sécurité ;

- le compte-rendu d'entretien préalable au licenciement qui ne contient aucun élément sur le harcèlement allégué ;

- une attestation imprécise d'une ancienne salariée de la société MONDIAL PROTECTION ILE DE FRANCE se bornant à indiquer que l'intéressée subissait 'beaucoup d'acharnement' et un harcèlement et qu'elle avait été menacée de licenciement, laquelle n'est corroborée par aucun autre élément objectif ;

- un certificat médical d'un médecin généraliste établi le 7 juillet 2020, postérieurement au licenciement, et se bornant à reprendre les dires de la salariée sur une origine professionnelle d'un 'problème anxio-dépressif' ;

Dans ces conditions, Mme [I] ne présente pas des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral ni d'une discrimination directe ou indirecte à raison de son sexe.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le débouté de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour discrimination illicite.

Sur les dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité :

Mme [I] soutient que la société employeuse a manqué à son obligation de sécurité à son égard en ce que :

- elle n'a pas réagi à sa dénonciation de harcèlement moral contenue dans un courrier du 3 février 2020 ;

- elle n'a pas fourni le matériel de protection nécessaires dans le cadre de la pandémie de la Covid-19.

Elle réclame en conséquence l'allocation d'une somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts.

La société MONDIAL PROTECTION conclut au débouté de la demande.

L'employeur est tenu d'une obligation de sécurité envers ses salariés en application de l'article L. 4121-1 du code du travail qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs et ne méconnaît cependant pas son obligation légale l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les article L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

En l'espèce, en premier lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mme [I] ne justifie pas de l'envoi et de la réception par l'employeur de la lettre de dénonciation de faits de harcèlement moral en date du 3 février 2020 qu'elle verse aux débats.

En deuxième lieu, si la société MONDIAL PROTECTION ne justifie pas avoir mis en 'uvre à l'égard de la salariée toutes les mesures de protection de sa santé et de sa sécurité dans le cadre de la crise sanitaire liée à la Covid-19, Mme [I] pour sa part n'établit ni même n'allègue l'existence d'un préjudice à ce titre.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le débouté de la demande indemnitaire à ce titre.

Sur la nullité du licenciement et l'indemnité pour licenciement nul :

Aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail : 'Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés'. En application de l'article L. 1152-3 toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En l'espèce, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mme [I] ne justifie pas de l'envoi et de la réception par l'employeur de la lettre de dénonciation de faits de harcèlement moral en date du 3 février 2020 qu'elle verse aux débats.

Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à invoquer la protection prévue par les dispositions mentionnées ci-dessus et à ainsi soutenir que son licenciement est nul pour être une mesure de rétorsion à une dénonciation d'un harcèlement moral.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il déboute Mme [I] de sa demande de nullité du licenciement et de sa demande d'indemnité à ce titre.

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences :

La lettre de licenciement pour faute grave, notifiée à Mme [I] qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée : ' (...) dans le cadre de vos fonctions d'agent des services de sécurité incendie, vous intervenez principalement sur le site de la [5]. Notre client nous a alerté sur les faits de vol dont vous vous êtes rendue coupable au cours de votre vacation du 30 avril 2020. En effet, accompagnée d'un complice -en l'espèce votre collègue Monsieur [G] vous avez procédé au vol de plusieurs flacons de gel hydroalcoolique, qui étaient stockés dans la réserve exclusivement destinée à la société ELIOR en charge de l'entretien du site.

L'examen attentif des éléments de vidéo protection fait apparaître que vous pénétrez dans ce local où vous n'aviez aucune raison de vous rendre à 15h40 que vous en ressortez et lourdement chargée à 15h48.

Vous avez reconnu les faits lors de l'entretien préalable.

Vos agissement sont d'une particulière gravité, tant au regard de la situation conjoncturelle liée à la crise sanitaire engendrée par la Covid-19 que par le manquement total de la plus élémentaire probité dont chaque agent de sécurité doit faire montre en permanence. Ils démontrent l'absolu mépris que vous portez à votre fonction ainsi que notre société. Dans ces conditions, face à une telle attitude, la poursuite de votre contrat de travail s'avère parfaitement impossible (...)'.

Mme [I] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs que les faits de vol mentionnés dans la lettre de licenciement ne sont pas établis et qu'elle s'est bornée à récupérer, à l'invitation de son supérieur hiérarchique, dans le local de ménage de la société Elior, dans lequel il etait commun de se servir en produits ménagers, un pot de gel hydroalcoolique d'un litre afin d'assurer la désinfection de ses vêtements de travail. Elle ajoute qu'en tout état de cause, la société employeuse ne justifie pas avoir rempli son obligation de sécurité en mettant à sa disposition du gel hydroalcoolique lors des faits en cause, ce qui justifie son geste. Elle réclame en conséquence une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des indemnités de rupture et un rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire et les congés payés afférents.

La société MONDIAL PROTECTION soutient que du gel hydroalcoolique était mis à disposition des salariés au PC de sécurité et qu'il n'y avait donc pas besoin de prendre du gel dans le local de la société de nettoyage Elior, l'autorisation de cette dernière étant de surcroît requise pour y pénétrer. Elle ajoute que Mme [I] a reconnu avoir pris un bidon d'un litre et l'avoir mis dans son casier. Elle en conclut que les faits de vol sont établis et constitutifs d'une faute grave. Elle demande donc le débouté des demandes subséquentes de la salariée.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et implique son éviction immédiate. La charge de la preuve de cette faute incombe à l'employeur qui l'invoque.

En l'espèce, il ressort tout d'abord des débats que la société appelante n'établit en rien, contrairement à ce qui est reproché dans la lettre, la soustraction de huit de bidons de gel hydroalcoolique appartenant à la société Elior, les enregistrements de videosurveillance invoqués n'étant pas produits.

Ensuite, il ressort des débats et des pièces versées, et notamment du compte-rendu d'entretien préalable au licenciement et d'une réunion avec le CSE de la Cité de l'[5] que Mme [I] indique qu'elle a pris un bidon d'un litre de gel hydroalcoolique dans le local de la société Elior pour procéder à la désinfection de ses vêtements professionnels.

Si Mme [I] ne produit pas d'éléments justifiant une autorisation de son supérieur, la société MONDIAL PROTECTION ne produit quant à elle aucun élément établissant une interdiction pour les salariés de prendre du gel dans le local de la société Elior sans autorisation préalable, cette société étant alors le fournisseur de ce gel au sein du site en cause.

De plus et en toutes hypothèses, la société MONDIAL PROTECTION ne justifie pas avoir rempli son obligation de sécurité vis-à-vis de Mme [I] en établissant que le jour des faits en cause du gel hydroalcoolique était effectivement mis à sa disposition à des fins prophylactiques dans le cadre de la crise liée à la Covid-19, étant précisé que Mme [I] ne fait aucun aveu judiciaire sur ce point contrairement à ce qui est prétendu. Le fait d'avoir pris un bidon individuel de gel hydroalcoolique pour un usage sur le lieu de travail est ainsi justifié par des impératifs de sécurité, ce qui avait d'ailleurs été préconisé par le CSE de la Cité de l'[5] à l'issue d'une visite du site le 24 avril 2020.

Enfin, il est constant que la valeur du bidon de gel en cause est dérisoire, qu'aucune plainte n'a été formulée par quiconque, et notamment pas par la société Elior, et que Mme [I] n'avait aucun passé disciplinaire.

Dans ces conditions, aucune faute grave ni aucune cause réelle et sérieuse de licenciement ne sont établies.

Par conséquent, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il dit que le licenciement de Mme [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Par suite, il y a lieu également de confirmer le jugement en ce qu'il alloue à Mme [I] les sommes suivantes :

- 4 587,55 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 458,75 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 4 176,20 euros à titre d'indemnité légale de licenciement

- 2 088,88 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire et 208,88 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Il y a lieu également allouer à Mme [I] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant compris entre trois et huit mois de salaire brut eu égard à son ancienneté de sept années complètes au moment du licenciement, en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail. Eu égard à son âge (née en 1974), à sa rémunération, à sa situation postérieure au licenciement (reprise d'emploi salarié en décembre 2021), il y a lieu de confirmer l'allocation d'une somme de 15 000 euros à ce titre.

Sur les dommages-intérêts pour le caractère vexatoire de la rupture :

En l'espèce, Mme [I] se borne à ce titre à critiquer l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement et le prononcé d'une mise à pied à titre conservatoire. De plus et en toute hypothèse, elle ne justifie d'aucun préjudice à ce titre. En conséquence, il y a lieu de confirmer le débouté de cette demande.

Sur les intérêts légaux :

Eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué sur ce point.

Sur la remise de documents sociaux de fin de contrat :

Eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué sur ce point.

Sur le remboursement des indemnités de chômage par l'employeur :

Eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué sur ces deux points.

En outre, la société MONDIAL PROTECTION, qui succombe en appel, sera condamnée à payer à Mme [I] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel ainsi qu'aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société MONDIAL PROTECTION, venant aux droits de la société MONDIAL PROTECTION ILE DE FRANCE, à payer à Mme [O] [I] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société MONDIAL PROTECTION, venant aux droits de la société MONDIAL PROTECTION ILE DE FRANCE, aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Monsieur LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-5
Numéro d'arrêt : 22/02402
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;22.02402 ?
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