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26/03/2024 | FRANCE | N°22/07235

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-2, 26 mars 2024, 22/07235


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 52Z



chambre 1 - 2



ARRET N°



BAIL RURAL



CONTRADICTOIRE



DU 26 MARS 2024



N° RG 22/07235 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VRPH



AFFAIRE :



M. [M], [V] [H]

...



C/



M. [Z], [G], [O] [D]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Novembre 2022 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de CHARTRES



N°RG : 51-20-00

18



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 26/03/24

à :



Me Mathieu KARM



Me Eliette SARKISSIAN





+ Parties







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SIX MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 52Z

chambre 1 - 2

ARRET N°

BAIL RURAL

CONTRADICTOIRE

DU 26 MARS 2024

N° RG 22/07235 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VRPH

AFFAIRE :

M. [M], [V] [H]

...

C/

M. [Z], [G], [O] [D]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Novembre 2022 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de CHARTRES

N°RG : 51-20-0018

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 26/03/24

à :

Me Mathieu KARM

Me Eliette SARKISSIAN

+ Parties

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [M], [V] [H]

né le 03 Juillet 1937 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Maître Mathieu KARM de la SCP MERY - RENDA - KARM - GENIQUE, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000040

Madame [L], [K] [Y] épouse [H]

née le 18 Juin 1941 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Maître Mathieu KARM de la SCP MERY - RENDA - KARM - GENIQUE, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000040

APPELANTS

****************

Monsieur [Z], [G], [O] [D]

né le 15 Avril 1963 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentant : Maître Eliette SARKISSIAN de la SELARL ELIETTE SARKISSIAN, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000046

INTIME

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue en audience publique, le 14 Novembre 2023, Monsieur Philippe JAVELAS, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique du 9 décembre 2003, M. [M] [H] et Mme [L] [Y], épouse [H], ont consenti un bail rural à long terme d'une durée de 18 ans à effet au 1er novembre 2003 à M. [Z] [D] et portant sur différentes parcelles pour une surface totale de 56 ha 27 a 82 ca.

Par acte d'huissier de justice du 26 mars 2020, les bailleurs ont fait signifier à leur preneur un congé avec refus de renouvellement du bail pour les motifs suivants :

- défaut d'habitation à proximité des terres n'en permettant pas l'exploitation directe et permanente,

- défaut de participation sur les lieux loués aux travaux de manière effective et permanente,

- agissements fautifs de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds.

Par requête du 10 juillet 2020, M. [D] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Chartes en annulation de ce congé.

Le tribunal paritaire des baux ruraux, par jugement contradictoire du 4 novembre 2022, a :

- annulé le congé litigieux,

- dit que le contrat de bail était renouvelé pour une durée de neuf ans à compter du 1er novembre 2021 pour se terminer le 31 octobre 2030,

- débouté les bailleurs de la totalité de leurs demandes,

- condamné ces mêmes bailleurs aux dépens et à payer à leur preneur une indemnité de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les bailleurs, qui ont relevé appel le 5 décembre 2022, prient la cour, dans leurs dernières conclusions remises et soutenues oralement à l'audience du 14 novembre 2023, de :

- réformer la décision déférée en toutes ses dispositions y compris les dépens et les frais irrépétibles,

statuant à nouveau

- dire M. [Z] [D] mal fondé en sa contestation du congé litigieux,

- lui refuser, en conséquence, le renouvellement du bail à long terme qui lui a été consenti le 9 décembre 2003

à titre subsidiaire

- prononcer la résiliation du bail aux torts exclusifs de M. [D],

- ordonner, en conséquence, son expulsion et celle de tous occupants de son chef et le condamner à déménager tout ce qui est entreposé sur les différentes parcelles, à rétablir les terres dans l'état où il les a prises, à procéder à la réimplantation des 82 bornes délimitant l'ensemble des parcelles, à rétablir la parcelle située sur la commune de [Localité 4] au lieudit ' [Localité 2]' dans ses limites originaires en supprimant tout empiétement sur le ou les fonds voisins y compris communaux (chemins ruraux),

- dire que M. [D], faute d'avoir libéré les terres et exécuté l'ensemble des injonctions qui précèdent dans le mois du prononcé de l'arrêt à intervenir, sera redevable aux époux [H] d'une astreinte de 200 euros par jour de retard,

- dire que, le cas échéant, cette astreinte sera liquidée par la cour,

- condamner M. [D] au montant d'une indemnité d'occupation correspondant au double du montant du fermage du bail résilié jusqu'à la libération effective des lieux et l'exécution complète des obligations mises à sa charge,

- condamner M. [D] aux dépens et au paiement d'une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

M. [D], preneur intimé, dans ses conclusions remises et soutenues oralement à l'audience du 14 novembre 2023, prie la cour de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- condamner les époux [H] aux dépens et à lui payer une indemnité de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I) Sur la validité du congé avec refus de renouvellement du bail

Moyens des parties

Les bailleurs appelants font reproche aux premiers juges d'avoir annulé le congé délivré à leur preneur et poursuivent l'infirmation de ce chef du jugement en faisant valoir, à hauteur de cour et en reprenant les moyens soulevés en première instance, que leur preneur ne remplit pas les conditions exigées par l'article L. 411-46, alinéa 3, du code rural et de la pêche maritime et qu'il s'est rendu coupable d'agissements fautifs et nuisibles, en sorte qu'il ne peut prétendre au renouvellement de son bail, dès lors que :

- il est domicilié à environ 170 km des terres données à bail, ce qui l'empêche d'assurer une exploitation directe, effective et permanente des parcelles,

- il exploite à son domicile situé dans l'Orne, une superficie supplémentaire de plus de trente hectares, et se trouve accaparé par son mandat électif de maire de la commune de [Localité 6],

- depuis de nombreuses années, il délègue les travaux des terres à un entrepreneur de travaux agricole et à un autre agriculteur, M. [B], à qui il confie tous les cycles de la production du désherbage à l'épandage des engrais, aux semis et jusqu'à la récolte,

- les terres sont en mauvais état d'entretien général, ainsi qu'il a été constaté à plusieurs reprises par commissaire de justice les 11 octobre 2017 et 14 octobre 2019, 15 juillet et 18 août 2020, et encore 29 juin 2023 : parcelles en jachère complète, non-cultivées, non-déchaumées après les récoltes et envahies de plantes adventices à graines et le rapport d'un expert foncier rédigé en 2022 et produit par le preneur ne peut être pris en considération, dès lors que le juge doit se placer, pour apprécier les manquements reprochés au preneur, à la date de délivrance du congé et non à sa date d'effet,

- le défaut d'exploitation est, en outre, démontré par la baisse constatée des rendements pour le blé tendre, l'orge de printemps et les betteraves sucrières,

- la plupart des bornes délimitant les parcelles ont disparu, alors que les parcelles ont été louées bornées, et cette suppression des bornes leur cause un préjudice, obligés qu'ils sont de répondre des empiétements sur les terres des cultivateurs voisins et des chemins communaux, qu'elle ne manque pas d'engendrer,

- des ferrailles et du vieux matériel agricole sont entreposés sur certaines parcelles.

Le preneur intimé de répliquer que :

- toutes les terres qu'il exploite pour un total de 85 hectares, et notamment les parcelles litigieuses, sont situées à proximité immédiate et sur les mêmes communes en Eure-et-Loir, et le simple fait, pour un preneur, de ne pas habiter sur le fonds ou à proximité, n'est pas en lui-même constitutif d'un motif de résiliation sauf si l'absence du preneur met en péril l'exploitation; en l'espèce, lors de la signature du bail, il occupait déjà le même domicile, de sorte que ses bailleurs ne sauraient, vingt ans plus tard, lui reprocher l'éloignement de ce domicile. D'autant moins qu'il dispose d'un hébergement familial à [Localité 4], chez son père, qu'en polyculture, il n'est pas nécessaire d'être présent, chaque jour, sur l'exploitation, et que plusieurs témoignages attestent de sa présence régulière les terres objet du litige,

- la pluri-activité ne saurait priver le preneur de son droit au renouvellement, et lors de la signature du bail en 2003, il était déjà maire de la commune de [Localité 6],

- il s'est personnellement impliqué dans l'exploitation du fonds : investissements afin de moderniser son matériel agricole, commande des semences, et s'il confie l'application des engrais à un entrepreneur, il conserve l'entière maîtrise des interventions de ce dernier,

- il a quitté ses fonctions de salarié de la coopérative Agrial le 12 février 2019, pour se consacrer pleinement à son exploitation, et son équipe municipale le remplace lors de ses déplacements réguliers sur son exploitation agricole,

- aucun agissement fautif ne peut lui être reproché, et les constats de commissaires de justice produits par ses bailleurs sont dénués de valeur probante, parce qu'ils ne comportent aucune appréciation agronomique au regard de la législation sur les jachères et les mauvaises herbes ; le rapport d'expertise qu'il produit permet, en revanche, de constater le bon entretien des terres; les bornes sont en place, ainsi qu'en attestent ses voisins, et le vieux matériel agricole a été enlevé.

Réponse de la cour

L'article L.411-50 du code rural et de la pêche maritime dispose :

'A défaut de congé, le bail est renouvelé pour une durée de neuf ans. Sauf conventions contraires, les clauses et conditions du nouveau bail sont celles du bail précédent'

L'article L.411-53 du même code précise :

' Nonobstant toute clause contraire, le bailleur ne peut s'opposer au renouvellement du bail que s'il justifie de l'un des motifs mentionnés à l' article L. 411-31 et dans les conditions prévues audit article'.

Enfin, l'article L. 411-31 prévoit que :

' I.-Sauf dispositions législatives particulières, nonobstant toute clause contraire et sous réserve des dispositions des articles L. 411-32 et L. 411-34, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s'il justifie de l'un des motifs suivants :

1° Deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance. Cette mise en demeure devra, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition ;

2° Des agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, notamment le fait qu'il ne dispose pas de la main-d'oeuvre nécessaire aux besoins de l'exploitation;

3° Le non-respect par le preneur des clauses mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 411-27.

Les motifs mentionnés ci-dessus ne peuvent être invoqués en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes.

II.-Le bailleur peut également demander la résiliation du bail s'il justifie d'un des motifs suivants :

1° Toute contravention aux dispositions de l' article L. 411-35 ;

2° Toute contravention aux dispositions du premier alinéa de l' article L. 411-38 ;

3° Toute contravention aux obligations dont le preneur est tenu en application des articles L. 411-37, L. 411-39, L. 411-39-1 si elle est de nature à porter préjudice au bailleur ;

4° Le non-respect par l'exploitant des conditions définies par l'autorité compétente pour l'attribution des biens de section en application de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales.

Dans les cas prévus aux 1° et 2° du présent II, le propriétaire a le droit de rentrer en jouissance et le preneur est condamné aux dommages-intérêts résultant de l'inexécution du bail'.

Les bailleurs reprochent, en premier lieu, à leur fermier de ne pas exploiter personnellement les terres en raison de l'éloignement de son domicile, d'une part, et de ses fonctions de maire, qui l'accaparent par ailleurs, d'autre part.

Il est établi et non contesté, en l'espèce, que M. [D] est domicilié, depuis qu'il a pris possession des terres en 2003, sur la commune de [Localité 6], dans le département de l'Orne, soit à quelque 170 kilomètres des parcelles qui lui ont été données à bail, et qu'il occupait déjà les fonctions de maire de cette petite commune de 147 habitants, depuis l'origine du bail.

Toutefois, et contrairement à ce que soutiennent les bailleurs, il n'est démontré, en l'espèce, que l'éloignement de son domicile et les fonctions électives qu'il exerce par ailleurs sont à même de préjudicier à la bonne exploitation du fonds, dès lors que M. [D] dispose d'un hébergement secondaire familial chez son père, qui habite lui-même sur les terres louées à [Localité 4], que les cultures céréalières et de betteraves sucrières qu'il pratique ne requièrent pas une présence journalière sur les terres, que des voisins agriculteurs - MM. [A] et [H] - attestent de sa présence régulière sur son exploitation, que s'il est amené à confier ponctuellement la réalisation de certains travaux à des prestataires extérieurs, il livre à ces derniers des instructions précises, et qu'enfin le premier adjoint de la petite commune dont il est maire, M. [U], témoigne qu'il est amené, par un système de délégations, à remplacer régulièrement le maire lorsque ce dernier est retenu par ses activités agricoles sur son exploitation.

Les bailleurs reprochent, en deuxième lieu, à M. [D] des agissements fautifs de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds : délaissement et mauvais entretien des terres entraînant une baisse notable des rendements agricoles, enlèvement de bornes entre les parcelles et entassement de vieux matériels agricoles et autres ferrailles sur certaines parcelles.

Et les bailleurs de produire moult constats de commissaires de justice à l'appui de leurs allégations.

Toutefois, ces constats réalisés les 11 octobre 2017 et 14 octobre 2019, 15 juillet et 18 août 2020, et, enfin, 29 juin 2023, même s'ils constatent l'existence de parcelles en jachère complète, et la présence de plantes adventices à graines, ne suffisent pas à emporter la conviction de la cour, d'une part, parce qu'étant établis par un commissaire de justice, ils ne comportent aucune appréciation agronomique au regard de la législation sur les jachères et les mauvaises herbes, et d'autre part, parce qu'ils sont combattus et contredits par le rapport d'un expert foncier, M. [N] [X], qui permet de constater que les parcelles exploitées par M. [D] sont parmi les champs les plus propres de la plaine et que la faiblesse des rendements, en ce qui concerne le blé tendre et les betteraves sucrières, n'est pas le résultat, comme le soutiennent les bailleurs, d'un mauvais entretien des terres, mais résulte d'un choix économique du chef d'entreprise tenant à une absence d'irrigation intensive, conjuguée avec ' une stratégie fongicide économe', la gestion des 'rives, chemins et jachères' par M. [D] étant qualifiée par l'expert d' 'environnementalement' vertueuse en ce qu'elle évite la destruction de la faune et des auxiliaires au printemps.

C'est en vain que les bailleurs soutiennent que ce rapport d'expertise serait dénué de toute valeur probante pour avoir été rédigé en 2022, et donc postérieurement à la date de délivrance du congé.

En effet, M. [X] précise avoir analysé les documents liés à l'assolement et au rendement et à l'itinéraire technique et cultural des trois dernières années, ce qui lui permet de constater une similarité entre l'année 2022 et les années précédentes en termes de 'salissement' et, à travers l'étude des rendements sur les trois dernières années, d'appréhender l'état d'entretien des terres sur cette même période, si bien que son rapport, même rédigé en 2022, permet de tirer des enseignements sur l'état d'entretien des terres et les raisons expliquant la présence sur certaines parcelles de ray-grass, de vulpin, de folle-avoine ou de chardons, pour les trois années antérieures.

Le compte rendu de visite de M. [X] est corroboré par l'attestation de M. [B], agriculteur qui indique ' J'atteste que M. [D] a des champs propres et bien entretenus car c'est moi qui lui fait sa récolte avec ma moissonneuse-batteuse depuis la récolte 2009".

Par ailleurs, et comme l'ont pertinemment relevé les premiers juges, la disparition des bornes n'est pas établie, non plus que les empiétements sur les propriétés des agriculteurs voisins, qui attestent ne pas rencontrer de problèmes de bornage (M. [A]), que le bornage mitoyen est respecté (M. [W]), ou encore que les bornes sont en place (M. [H]) ; le fait que M. [D] ait pu écrire dans un courrier en réponse adressé à ses bailleurs le 26 avril 2019, qu'il n'est pas toujours facile de conserver les bornes en place ni de savoir où elles se trouvent ne suffit pas à rapporter la preuve de leur disparition.

Pareillement, il apparaît que M. [D] a retiré le matériel agricole entreposé sur les parcelles louées en juin 2021, comme il l'annonçait à ses bailleurs dans une correspondance datée du 26 avril 2019.

Il résulte de ce qui précède que les griefs invoqués par les bailleurs à l'encontre de leur preneur ne sont pas fondés.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont annulé le congé délivré à M. [D] le 16 mars 2020.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

II) Sur la demande subsidiaire de résiliation du bail renouvelé sur le fondement de l'article 1766 du code civil et la jurisprudence afférente

Moyens des parties

Les bailleurs exposent à la cour que les défaillances imputables au preneur et appréciées au jour de la demande de résiliation - présence de plantes adventices, absence de déchaumage et d'entretien des jachères, modification de la parcelle dite de ' [Localité 2]' sans l'accord des bailleurs - compromettent la bonne exploitation du fonds, ont une incidence importante sur les rendements, violent les stipulations contractuelles qui prévoient que le preneur ne pourra faire aucun changement dans les biens loués sans l'accord exprès des bailleurs, et devra jouir des biens loués en fermier soigneux, et justifient pleinement la résiliation du bail rural consenti à M. [D].

M. [D] rétorque que seuls des manquements d'une particulière gravité sont de nature à justifier la résiliation de son bail, qu'au cas d'espèce, les bailleurs ne démontrent nullement la gravité des faits qu'ils lui reprochent ni le préjudice qui en aurait résulté pour eux.

Réponse de la cour

L' article 1766 du Code civil, auquel renvoie l' article L. 411-27 du Code rural et de la pêche maritime, dispose que " si le preneur d'un héritage rural ne le garnit pas des bestiaux et des ustensiles nécessaires à son exploitation, s'il abandonne la culture, s'il ne cultive pas en bon père de famille, s'il emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, ou, en général, s'il n'exécute pas les clauses du bail, et qu'il en résulte un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail ".

Cependant les manquements du preneur aux obligations visées par l'article 1766 du Code civil ne peuvent entraîner la résiliation du bail que s'ils ont compromis la bonne exploitation des biens loués (3e Civ., 13 juin 2012, pourvoi n° 10-25.498). Il n'existe donc pas d'autonomie de l'article 1766 du code civil, quant aux motifs de résiliation qu'il mentionne, par rapport à l'article L.411-31- 2° du code rural et de la pêche maritime.

Au cas d'espèce, et comme il a été dit auparavant, il n'est pas établi que les agissements reprochés à M. [D] et consistant en l'existence de parcelles en jachère complète, et en la présence de plantes adventices à graines, aient compromis la bonne exploitation du fonds, nonobstant la baisse des rendements à l'hectare constatés, dès lors qu'ils relèvent d'un choix économique du fermier et d'une gestion des 'rives, chemins et jachères' qui peut être qualifiée, d''environnementalement' vertueuse, en faisant un usage raisonnable des pesticides et de l'irrigation des terres.

En outre, la modification alléguée de la parcelle dite de '[Localité 2]' n'est pas établie, non plus que les manquements invoqués aux clauses du bail pour les motifs invoqués ci-avant.

Par suite, le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a débouté les bailleurs de leurs demandes subsidiaires de résiliation du bail renouvelé.

III) Sur les demandes accessoires

Les bailleurs appelants, qui succombent, seront condamnés aux dépens, les dispositions du jugement querellé relatives aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles non compris dans ces mêmes dépens étant, par ailleurs, confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions

Y ajoutant

Déboute M. [M] [H] et Mme [L] [Y], épouse [H], de la totalité de leurs demandes ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [M] [H] et Mme [L] [Y], épouse [H], à payer à M. [Z] [D] une indemnité de 4 000 euros ;

Condamne M. [M] [H] et Mme [L] [Y], épouse [H], aux dépens de la procédure d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-2
Numéro d'arrêt : 22/07235
Date de la décision : 26/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-26;22.07235 ?
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