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26/03/2024 | FRANCE | N°22/05953

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-2, 26 mars 2024, 22/05953


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 52A



Chambre civile 1-2



ARRET N°



BAIL RURAL



CONTRADICTOIRE



DU 26 MARS 2024



N° RG 22/05953 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VN35



AFFAIRE :



Mme [M] [P] épouse [U]

...



C/



M.[E] [C]

...



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Septembre 2022 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de CHARTRES



N°RG : 51-20-0020
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Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 26/03/24

à :



Me Eliette SARKISSIAN



Me Jean-christophe TREBOUS



+



Parties







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SIX MARS DEUX MILLE VINGT QUAT...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 52A

Chambre civile 1-2

ARRET N°

BAIL RURAL

CONTRADICTOIRE

DU 26 MARS 2024

N° RG 22/05953 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VN35

AFFAIRE :

Mme [M] [P] épouse [U]

...

C/

M.[E] [C]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Septembre 2022 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de CHARTRES

N°RG : 51-20-0020

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 26/03/24

à :

Me Eliette SARKISSIAN

Me Jean-christophe TREBOUS

+

Parties

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [M] [P] épouse [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Présente à l'audience

Représentant : Maître Eliette SARKISSIAN de la SELARL ELIETTE SARKISSIAN, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000046

Monsieur [R] [U]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Présent à l'audience

Représentant : Maître Eliette SARKISSIAN de la SELARL ELIETTE SARKISSIAN, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000046

APPELANTS

****************

Monsieur [E] [C]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Maître Jean-christophe TREBOUS de la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS, avocat au barreau de BOURGES

Madame [J] [D] épouse [C]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Maître Jean-christophe TREBOUS de la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS, avocat au barreau de BOURGES

E.A.R.L. MONDETOUR

Prise en la personne de sa gérante

Madame [J] [C]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Maître Jean-christophe TREBOUS de la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS, avocat au barreau de BOURGES

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue en audience publique, le 16 Janvier 2024, Madame Anne THIVELLIER, conseillère, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN

EXPOSE DU LITIGE

M. [O] [P] et Mme [Z] [H] épouse [P], aujourd'hui décédés, ont consenti le 16 janvier 1992, pour une durée de 18 ans, un bail rural à long terme à prise d'effet au 1er décembre 1991 à M. [E] [C] et Mme [J] [D] épouse [C] et portant sur diverses parcelles pour une surface totale de 32ha 48a 53ca.

Ce bail rural a été tacitement reconduit le 1er décembre 2009, puis le 1er décembre 2018.

Les bailleurs ont fait donation en nue-propriété par moitié à leurs deux filles, dont Mme [M] [U], desdites parcelles par acte authentique en date du 15 septembre 1995.

Devenue pleinement propriétaire à la suite du décès de ses deux parents, Mme [M] [U] a fait donation en nue-propriété de la parcelle [Cadastre 7] à son fils, M. [R] [U], par acte authentique en date du 18 février 2019.

Le 30 août 2017, Mme [C] a constitué, avec ses fils, MM. [B] et [W] [C], l'EARL Mondétour.

Par requête en date du 28 août 2020, Mme [M] [P] épouse [U] et M. [R] [U] ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Chartres aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- prononcer la résiliation du bail portant sur la parcelle cadastrée [Cadastre 7] pour cession prohibée,

- condamner M. [E] [C] et Mme [J] [D] épouse [C] au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 2 septembre 2022, le tribunal paritaire des baux ruraux de Chartres a

- reçu l'intervention volontaire de l'EARL Mondétour,

- débouté M. et Mme [U] de l'ensemble leurs demandes,

- débouté M. et Mme [C] de leur demande reconventionnelle en remboursement de la somme principale de 20 845,88 euros,

- rejeté les demandes d'indemnités formulées par les parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. et Mme [U] aux entiers dépens,

- rappelé que la présente décision est immédiatement exécutoire.

Par déclaration reçue au greffe le 27 septembre 2022, M. et Mme [U] ont relevé appel de ce jugement.

Aux termes de leurs conclusions signifiées le 11 janvier 2024 et soutenues oralement, M. et Mme [U], appelants, demandent à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 2 septembre 2022 par le tribunal paritaire de baux ruraux de Chartres, en ce qu'il les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes et les a condamnés aux dépens à l'encontre de M. et Mme [C] et de l'EARL Mondétour,

Statuant à nouveau :

- déclarer M. et Mme [C] irrecevables et infondés en toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- les déclarer recevables et bien fondés en toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- prononcer la résiliation du bail rural à long terme du 16 janvier 1992 portant sur la parcelle de 15ha 94a 65ca, cadastrée [Cadastre 7] '[Localité 6]' commune d'[Localité 5] consenti à M. et Mme [C] tacitement renouvelé depuis,

- ordonner l'expulsion de M. et Mme [C], de l'EARL Mondétour et de tous occupants de leur chef y compris MM. [B] et [W] [C] et mobiliers en tout genre, avec au besoin le concours de la force publique, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner M. et Mme [C] et l'EARL Mondétour à leur verser solidairement une astreinte de 300 euros par jour de retard, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir jusqu'à totale libération des personnes et des biens sur l'intégralité des terres,

- dire que la cour d'appel de Versailles se réservera le droit de liquider l'astreinte ordonnée,

- condamner M. et Mme [C] et l'EARL Mondétour à leur verser solidairement une indemnité d'occupation équivalente à 1 000 euros mensuels jusqu'à totale libération des personnes et des biens sur l'intégralité des terres,

- désigner tout expert agricole et foncier pour établir les comptes de sortie de ferme tant en leur faveur que celle de M. et Mme [C],

- condamner M. et Mme [C] et l'EARL Mondétour à leur verser solidairement la somme de 4000 euros au titre de la procédure de première instance et 5 000 euros au titre de la procédure devant la cour d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens,

- rappeler que l'exécution provisoire est de plein droit.

Aux termes de leurs conclusions signifiées le 15 janvier 2024 et soutenues oralement, M. et Mme [C] et l'EARL Mondétour, intimés et appelants incidents, demandent à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement rendu le 2 septembre 2022 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Chartres en ce qu'il :

- a débouté M. et Mme [U] de l'ensemble de leurs demandes,

- rejeté les demandes d'indemnités formulées par M. et Mme [U] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. et Mme [U] aux entiers dépens,

A titre d'appel incident,

- infirmer le jugement rendu le 2 septembre 2022 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Chartres en ce qu'il les a déboutés de leur demande en remboursement de la somme en principale de 20 845,88 euros indirectement perçue par Mme [U],

Et statuant à nouveau

- condamner Mme [U] à leur restituer la somme de 20 845,88 euros en principal, majorée d'un intérêt calculé à compter du 26 décembre 1991 égal au taux de l'intérêt légal mentionné à l'article L. 313-2 du code monétaire et financier majoré de trois points,

- condamner M. et Mme [U] à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- rejeter toute autre prétention des appelants,

A titre subsidiaire et à défaut, en cas de résiliation du bail,

- désigner tout expert pour établir les comptes de sortie de ferme et notamment les indemnités dues à l'EARL Mondétour.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la résiliation du bail rural

Pour débouter M. et Mme [U] de leur demande en résiliation de bail, le tribunal paritaire des baux ruraux a considéré que la cession de bail rural intervenue le 31 août 2017 entre les preneurs et leurs fils était alors connue et acceptée par la bailleresse, de sorte qu'elle ne saurait être considérée comme prohibée au sens de l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime; et que la notification de cette cession en cours d'instance l'a rendue opposable aux bailleurs mais qu'ayant été connue et acceptée sans équivoque par les bailleurs au moment où elle est intervenue puis ultérieurement, ceux-ci ne sauraient se prévaloir du défaut de notification avant l'introduction de l'instance.

Le tribunal en a déduit que les descendants des preneurs se trouvaient alors bien titulaires de leurs droits de sorte que Mme [C] n'avait pas à demander l'autorisation de poursuivre l'exploitation à son seul nom au départ à la retraite de son époux intervenu à la même date.

Le tribunal a en outre considéré que la mise à disposition du bail rural à l'EARL Mondétour était connue des bailleurs sans opposition de leur part, de sorte qu'ils ne peuvent solliciter la résiliation du bail faute de préjudice allégué et prouvé.

***

Poursuivant l'infirmation du jugement, M. et Mme [U] soutiennent que les défaillances imputables au preneur doivent être appréciées au jour de la demande en justice, soit en l'espèce le 20 février 2020, sans pouvoir tenir compte des événements survenus après l'introduction de l'instance. Ils affirment qu'à cette date, ils n'avaient pas reçu notification d'une quelconque cession de bail laquelle n'a de surcroît jamais existé, ce qui justifie leur action en résiliation du bail.

Ils font valoir que l'absence d'opposition de Mme [U] à la cession retenue par le tribunal est imprécise et a été signée sur ordre des preneurs, alors que la jurisprudence s'attache à ce qu'il s'agisse d'actes non équivoques manifestant que le bailleur a véritablement agréé le cessionnaire quand bien même aucune condition de forme de l'acte n'est exigée.

Ils affirment que si la cour venait à considérer l'accord de la bailleresse à la cession de bail comme acquise, ce qu'ils contestent, il faudrait alors examiner à quel moment le contrat de cession aurait été réellement conclu entre le cédant et les cessionnaires.

Ils affirment que cette cession est nulle en raison de la violation des articles 1216 et suivants du code civil que le tribunal paritaire des baux ruraux n'a même pas examinés et qui prévoient tant une condition de validité qui impose un écrit sous peine de nullité, qu'une condition d'opposabilité sous la forme d'une notification ou d'une prise d'acte.

Ils soutiennent que les premiers juges n'ont pas remis en cause la date de l'acte de cession du bail du 31 août 2017 alors que cet acte n'a pas été enregistré et que sa notification aux bailleurs n'est intervenue que le 2 mars 2022, soit 5 ans plus tard; que dans les faits, les cessionnaires n'ont pas respecté la cession de bail avant la notification notamment quant au paiement des fermages que Mme [C] a réglés seule ou avec son époux; et que les soi-disant cessionnaires ne sont pas intervenus à l'instance.

Les appelants contestent que la cession eût été connue et acceptée sans équivoque par eux alors que la non-opposition de Mme [U] est intervenue avant la cession, sans information sur l'identité des cessionnaires ni de la date de la cession.

Ils en déduisent qu'en l'absence de cession de bail, il revient à la cour d'examiner la situation des parties et du bail au 31 août 2017, date de la constitution de l'EARL Mondétour et de l'arrêt d'activité de M. [C], copreneur.

Ils reconnaissent que l'absence d'information du bailleur de la cessation d'exploitation d'un copreneur ne constitue plus une infraction aux dispositions de l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime de nature à permettre la résiliation du bail. Mais ils soutiennent que cette jurisprudence concerne uniquement des baux qui n'ont pas été mis à disposition d'une société après le retrait de l'un des copreneurs, sous peine de constituer une cession prohibée du bail comme en l'espèce.

Ils affirment qu'en application de l'article L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime, la faculté de mettre les terres louées à la disposition d'une société à objet principalement agricole impose, en cas de pluralité de preneurs, que ceux-ci soient tous associés et participent à l'exploitation des terres louées et qu'à défaut, la résiliation du bail doit être prononcée pour cause de cession illicite.

Ils soutiennent que de manière incontestable, le bail a été mis à disposition dès la création de l'EARL Mondétour entre Mme [C] et ses fils et que du fait de la cessation complète d'activité de M. [C] qui n'a jamais été associé de l'EARL Mondétour, les premiers juges auraient dû prononcer la résiliation du bail sans qu'il puisse leur être opposé de ne pas avoir apporté la preuve de leur préjudice.

M. et Mme [C] et l'EARL Mondétour, qui poursuivent la confirmation du jugement, répliquent que :

- la faute justifiant la résiliation du bail est la cession illicite et non l'absence de notification de l'acte de cession, de sorte qu'en l'absence de cession de bail illicite, la résiliation ne peut être prononcée même si l'acte de cession est intervenue après la demande de résiliation.

- en application de l'article 1216 du code civil, la cession du bail a bien été constatée dans un écrit du 31 août 2017 dont les appelants ne démontrent pas son inexistence ni sa nullité alors que la charge de la preuve leur appartient. Ils ajoutent qu'en application de l'article 1172 du code civil, si la date de l'acte constatant la cession devait être remise en cause, il a été régularisé à titre rétroactif; que la cession avait bien été constatée par un acte à la date de la demande de résiliation, quand bien même celui-ci n'avait pas donné lieu à notification.

- le fait qu'ils aient omis, par ignorance, de procéder à la notification de la cession ne la rend pas nulle. Ils soutiennent que l'absence de notification a seulement eu pour conséquence que cette cession, bien qu'autorisée expressément par Mme [U], ne lui était pas officiellement opposable jusqu'en février 2022 mais qu'elle l'est devenue depuis. Ils ajoutent qu'au vu de leurs pièces, elle ne peut prétendre qu'elle ignorait la survenance de cette cession.

Ils en concluent que M. [C] n'était plus titulaire du bail depuis le mois d'août 2017 et que le fait de ne pas être associé de l'EARL Mondétour est donc sans incidence sur la validité du bail dont il n'est plus titulaire.

A titre subsidiaire, si la cour venait à déclarer nulle ou inopposable cette cession, ils soutiennent qu'elle ne pourra que constater que le bail est au nom de Mme [C], toujours exploitante agricole, qui était seule titulaire du bail lors du renouvellement du bail le 1er décembre 2018, ce que les appelants reconnaissent, de sorte que:

- il ne peut être reproché à Mme [C] de ne pas avoir usé de la faculté de demander la poursuite du bail à son seul nom et qu'il importe peu qu'elle ait donc mis ce bail à la disposition de l'EARL Mondétour dont elle est associée exploitante.

- le fait que M. [C] ne soit pas associé de l'EARL Mondétour n'a aucune incidence sur la validité du bail dont il n'est plus titulaire.

Sur ce,

L'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime dispose que sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et nonobstant les dispositions de l'article 1717 du code civil, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés. A défaut d'agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire.

(...)

Lorsqu'un des copreneurs du bail cesse de participer à l'exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom. Le propriétaire ne peut s'y opposer qu'en saisissant dans un délai fixé par décret le tribunal paritaire, qui statue alors sur la demande. Le présent alinéa est applicable aux baux conclus depuis plus de trois ans, sauf si la cessation d'activité du copreneur est due à un cas de force majeure.

A peine de nullité, la lettre recommandée doit, d'une part, reproduire intégralement les dispositions du troisième alinéa du présent article et, d'autre part, mentionner expressément les motifs allégués pour cette demande ainsi que la date de cessation de l'activité du copreneur.

(...)

Les dispositions du présent article sont d'ordre public.

En application de l'article 1216 du code civil, un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l'accord de son cocontractant, le cédé.

Cet accord peut être donné par avance, notamment dans le contrat conclu entre les futurs cédant et cédé, auquel cas la cession produit effet à l'égard du cédé lorsque le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu'il en prend acte.

La cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité.

L'article L411-37 du code rural et de la pêche maritime dispose que:

I.-Sous réserve des dispositions de l'article L. 411-39-1, à la condition d'en aviser le bailleur au plus tard dans les deux mois qui suivent la mise à disposition, par lettre recommandée, le preneur associé d'une société à objet principalement agricole peut mettre à la disposition de celle-ci, pour une durée qui ne peut excéder celle pendant laquelle il reste titulaire du bail, tout ou partie des biens dont il est locataire, sans que cette opération puisse donner lieu à l'attribution de parts. (...)

L'avis adressé au bailleur mentionne le nom de la société, le tribunal de commerce auprès duquel la société est immatriculée et les parcelles que le preneur met à sa disposition. Le preneur avise le bailleur dans les mêmes formes du fait qu'il cesse de mettre le bien loué à la disposition de la société ainsi que de tout changement intervenu dans les éléments énumérés ci-dessus. Cet avis doit être adressé dans les deux mois consécutifs au changement de situation.

Le bail ne peut être résilié que si le preneur n'a pas communiqué les informations prévues à l'alinéa précédent dans un délai d'un an après mise en demeure par le bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La résiliation n'est toutefois pas encourue si les omissions ou irrégularités constatées n'ont pas été de nature à induire le bailleur en erreur.

(...)

III.-En cas de mise à disposition de biens dans les conditions prévues aux I ou II, le preneur qui reste seul titulaire du bail doit, à peine de résiliation, continuer à se consacrer à l'exploitation de ces biens, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation.

En l'espèce, les intimés versent aux débats :

- un contrat de cession de bail à ferme (pièce 9) daté du 31 août 2017 à effet au jour même, conclu entre M. et Mme [C], d'une part, et MM. [B] et [W] [C], leurs fils, d'autre part, portant sur la parcelle [Cadastre 7] de la commune d'[Localité 4] La Petite par lequel les preneurs ont cédé et transmis tous les droits qu'ils tiennent de ce bail, pour le temps qu'il reste à courir. Il y est mentionné que 'par courrier recommandé du 20 février 2017, Mme [M] [U] leur a confirmé par écrit ne pas s'opposer à cette cession'.

- ce courrier de Mme [M] [U] (pièce 6) daté et signé le 20 février 2017 dans lequel elle déclare 'ne pas s'opposer à la cession du bail rural entre les consorts [C] aux enfants ou à l'un d'entre eux ainsi qu'à toute cession à descendant et/ou époux'. M. et Mme [U] ne peuvent utilement soutenir que ce courrier aurait été dicté par les preneurs alors que les intimés produisent le courrier du notaire de Mme [U] du 16 février 2017 (pièce 19) la priant de trouver les documents à signer à retourner à M. [C] avec écrit de la main de la bailleresse: '[J] et [E]- Comme convenu pour suite à donner Courrier signé suivant les directive du notaire [I] qui gère mes affaires - bien amicalement'.

- le bulletin de mutation de terres signé par Mme [U] le 20 février 2017 (pièce 7) et par les trois preneurs ainsi que la lettre d'information destinée au propriétaire des biens à reprendre informant Mme [U] de la demande de l'EARL de Mondétour d'autorisation d'exploiter les parcelles lui appartenant et précédemment exploitée par M. [C] [E] signée la bailleresse (pièce 8).

Il ressort de ces éléments que Mme [M] [U] a, en sa qualité de bailleresse usufruitière et suivant les directives de son notaire, expressément donné son accord à la cession du bail au profit des descendants des preneurs, sans qu'il puisse être argué d'une imprécision quant à cette absence d'opposition dans la mesure où elle est rédigée dans des termes clairs, sans ambiguïté sur les cessionnaires agréés étant ajouté qu'il est constant que les deux familles, depuis la conclusion du bail initial, avaient noué des relations amicales et se connaissaient bien.

Il apparaît ainsi que cette cession de bail n'est pas prohibée au sens de l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime comme justement retenu par le tribunal paritaire des baux ruraux.

Le contrat de cession respecte par ailleurs les dispositions de l'article 1216 du code civil en ce qu'il a été formalisé par écrit sans que les appelants démontrent que cet acte serait entaché de nullité ni que sa date serait erronée, le seul fait qu'il n'ait été notifié aux bailleurs qu'a posteriori, par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 mars 2022, ou que des fermages aient été payés postérieurement par Mme [C] et/ou M. et Mme [C], voire l'EARL Mondétour, étant insuffisant à l'établir.

Il n'est pas contesté que cette cession n'a pas été notifiée à Mme [U] avant l'introduction de la demande de même qu'il ne résulte pas des pièces du dossier une acceptation non équivoque de cette cession par la bailleresse qui doit être établie postérieurement à celle-ci, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal. En effet, les seuls courriers datant de février / avril 2019 entre les notaires des parties par lesquels Mme [U] proposait aux fils de Mme [C] un bail de 25 ans sont insuffisants à l'établir.

Ainsi, au jour de la demande, date à laquelle le juge doit effectivement apprécier les manquements du preneur pour se prononcer sur la résiliation du bail, si la validité de cette cession était alors établie, elle n'était cependant pas opposable aux bailleurs qui n'en avait pas reçu notification.

Aux termes de l'article L. 411-46, alinéa 2, du code rural et de la pêche maritime, en cas de départ de l'un des conjoints ou partenaires d'un pacte civil de solidarité copreneurs du bail, le conjoint ou le partenaire qui poursuit l'exploitation a droit au renouvellement du bail.

Il s'en déduit que, lorsqu'en application de ce texte, le bail s'est renouvelé de plein droit au seul nom du copreneur qui a poursuivi l'exploitation, celui-ci ne peut être cessionnaire irrégulier du droit de son conjoint, ce qui exclut que son bail puisse être résilié pour manquement à l'obligation d'information du propriétaire en cas de cessation d'activité de l'un des copreneurs (Civ. 3, 6 juillet 2022, n°21-12.833).

En l'espèce, dans la mesure où le bail litigieux s'est renouvelé tacitement le 1er décembre 2018 soit postérieurement au départ à la retraite de M. [C], copreneur du bail, le 31 août 2017, il convient de dire que le bail s'est renouvelé de plein droit le 1er décembre 2018, au seul nom de Mme [C], qui avait toujours la qualité d'exploitante agricole, même en l'absence d'information de la bailleresse.

Le bail ne peut donc être résilié pour manquement de Mme [C] à son obligation d'information de la bailleresse de la cessation d'activité de M. [C], ce que ne soutiennent plus les appelants en cause d'appel. De même qu'il ne saurait être reproché à M. [C] de ne pas être associé de l'Earl Mondétour et de ne pas exploiter le fonds personnellement, ce qui caractériserait une cession prohibée du bail, alors qu'au jour de la demande de résiliation pour ce motif, il n'était plus copreneur du bail en cours.

Il convient en conséquence de confirmer, par substitution de motifs, le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. et Mme [U] de leur demande en résiliation du bail et de leurs demandes subséquentes.

Sur la demande reconventionnelle en restitution de la somme de 20 845,88 euros

Le tribunal paritaire des baux ruraux a débouté M. et Mme [C] de leur demande de remboursement par Mme [U] de la somme de 20 845,88 euros versée lors de la conclusion du bail à la SCEA de la Vallée dont elle était associée, au motif que les défendeurs ne démontraient pas que Mme [U] avait perçu une quelconque somme à titre personnel et indue, même indirectement en sa qualité d'associée ou autre, ni le montant des sommes qu'elle aurait perçues.

* Sur la recevabilité de l'appel

M. et Mme [U] soutiennent que l'appel des intimés de ce chef du jugement doit être déclaré irrecevable car, au vu de leur propre déclaration d'appel, la dévolution ne s'est pas opérée pour l'ensemble du jugement et qu'il n'existe aucun lien de dépendance entre leurs demandes de résiliation du bail et cette demande reconventionnelle.

M. et Mme [C] et l'EARL Mondétour ne répondent pas sur ce point.

Sur ce,

En application de l'article 548 du code de procédure civile, l'appel peut être incidemment relevé par l'intimé tant contre l'appelant que contre les autres intimés.

M. et Mme [C] demandent l'infirmation du chef du jugement ayant rejeté leur demande reconventionnelle en remboursement, de sorte qu'il s'agit d'un appel incident devant être déclaré recevable.

* Sur la recevabilité de la demande

M. et Mme [C] et l'EARL Mondétour soutiennent que la SCEA de la Vallée, constituée exclusivement du bailleur dont Mme [U], a obtenu de leur part, lors de la conclusion du bail, le paiement de sommes injustifiées, dont ils demandent le remboursement sur le fondement de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, soit:

- 106 740 francs (16 272,41 euros) de la vente d'un drainage au motif que ce type d'installation, intégré au sol, ne peut être cédé qu'avec la vente du terrain,

- 30 000 francs (4 573,47 euros) de la vente d'améliorations du fonds aux motifs qu'elles sont injustifiées et ne peuvent être cédées sans le terrain.

Ils précisent que leur action est dirigée contre Mme [U] en sa qualité de bailleresse en relevant qu'en sa qualité d'associée de la SCEA qui a perçu les sommes litigieuses avant d'être liquidée, il est incontestable qu'elle en a indirectement bénéficié. Ils ajoutent que cette action est recevable pendant toute la durée du bail initial et de ses baux renouvelés, de sorte qu'elle n'est pas prescrite.

Ils soutiennent que M. et Mme [U] persistent à ne pas communiquer les éléments relatifs à la part dont elle a réellement bénéficié lors de la liquidation de la SCEA et qu'ils sont ainsi dans l'impossibilité de cantonner leur demande à cette part.

M. et Mme [U] s'opposent à cette demande en faisant valoir que M. et Mme [C] doivent établir cumulativement un paiement effectué lors de la conclusion d'un bail consécutif à un changement d'exploitant et que l'action en répétition doit être dirigée contre celui qui a reçu le versement de la somme injustement versée.

Ils soutiennent que les intimés ne justifient pas que les sommes versées en 1991 auraient été indues alors qu'elles relèvent d'opérations encore courantes à ce jour.

Ils ajoutent qu'en tout état de cause, elles ont été versées au preneur sortant alors que Mme [U] n'avait pas la qualité de bailleresse; que la facture a été réglée à la SCEA de la Vallée en sa qualité de preneur sortant et non de bailleur et que si la qualité de preneur sortant pouvait être reprochée à Mme [U], cette action est prescrite en raison de la prescription quinquennale. Ils ajoutent qu'il est impossible de la poursuivre en paiement au prorata de sa participation alors que la société a cessé d'exister depuis le 25 décembre 1991 et que la clôture de sa liquidation a été enregistrée le 22 février 1994.

Sur ce,

L'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime dispose que sera puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30 000 euros ou de l'une de ces deux peines seulement, tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura, directement ou indirectement, à l'occasion d'un changement d'exploitant, soit obtenu ou tenté d'obtenir une remise d'argent ou de valeurs non justifiée, soit imposé ou tenté d'imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci.

Les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition. Elles sont majorées d'un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux pratiqué par la caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme.

En cas de reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci, l'action en répétition peut être exercée dès lors que la somme versée a excédé ladite valeur de plus de 10 %.

L'action en répétition exercée à l'encontre du bailleur demeure recevable pendant toute la durée du bail initial et des baux renouvelés qui lui font suite ainsi que, en cas d'exercice du droit de reprise, pendant un délai de dix-huit mois à compter de la date d'effet du congé.

En l'espèce, il résulte de la pièce n°3 des intimés que les sommes dont ils demandent le remboursement ont été réglées par M. et Mme [C] à la SCEA de la Vallée, dont Mme [U] était associée, en sa qualité de preneur sortant.

C'est donc en tant qu'associée de cette SCEA que Mme [U] aurait pu indirectement bénéficier des sommes litigieuses, ce que reconnaissent les intimés, et non en sa qualité de bailleresse.

Ainsi, l'action engagée par M. et Mme [C] contre Mme [U] en sa qualité de bailleresse et non contre le preneur sortant qui a reçu l'indemnité réclamée, doit être déclarée irrecevable (3ème civ., 4 juillet 2012, n°10-21.249), étant au surplus ajouté qu'ils ne démontrent pas que les sommes dont ils demandent le remboursement auraient été indûment versées ni que Mme [U] les aurait personnellement perçues.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. et Mme [C] de leur demande.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

M. et Mme [U], qui succombent à titre principal, seront condamnés aux dépens d'appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens de premières instance étant confirmées.

Ils seront condamnés à verser à M. et Mme [C] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la demande d'exécution provisoire

Le présent arrêt n'étant susceptible que d'un pourvoi non suspensif, il n'y a pas lieu de rappeler que l'exécution provisoire est de droit comme le demandent les appelants.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe

Déclare recevable l'appel incident de M. et Mme [C] ;

Confirme, par substitution de motifs, le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. et Mme [C] de leur demande reconventionnelle en remboursement de la somme de 20 845,88 euros,

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Déclare irrecevable la demande reconventionnelle de M. et Mme [C] en remboursement de la somme de 20 845,88 euros ;

Condamne Mme [M] [P] épouse [U] et M. [R] [U] à payer à M. [E] [C] et Mme [J] [D] épouse [C] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [M] [P] épouse [U] et M. [R] [U] aux dépens d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-2
Numéro d'arrêt : 22/05953
Date de la décision : 26/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-26;22.05953 ?
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