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26/03/2024 | FRANCE | N°22/02767

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-1, 26 mars 2024, 22/02767


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Chambre civile 1-1





ARRÊT N°







CONTRADICTOIRE

Code nac : 63B





DU 26 MARS 2024





N° RG 22/02767

N° Portalis DBV3-V-B7G-VEVM





AFFAIRE :



[X] [D]

C/

[A], [Z], [S] [E]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Février 2022 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 19/11504



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-Me Mathilde BAUDIN



-la SCP C R T D ET ASSOCIES





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SIX MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a re...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Chambre civile 1-1

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 63B

DU 26 MARS 2024

N° RG 22/02767

N° Portalis DBV3-V-B7G-VEVM

AFFAIRE :

[X] [D]

C/

[A], [Z], [S] [E]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Février 2022 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 19/11504

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-Me Mathilde BAUDIN

-la SCP C R T D ET ASSOCIES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [X] [D]

né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 7]

représenté par Me Mathilde BAUDIN, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 351

Me Alexis BAUDELIN, avocat - barreau de PARIS

APPELANT

****************

Monsieur [A], [Z], [S] [E]

né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 4]

représenté par Me Guillaume BOULAN de la SCP C R T D ET ASSOCIES, avocat postulant - barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 713 - N° du dossier 2220226

Me Marie BOURREL de l'ASSOCIATION VALERY-BOURREL, avocat - barreau de CAEN, vestiaire : 023

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Janvier 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [X] [D] est nu-propriétaire à [Localité 10] (Orne) d'un terrain cadastré C[Cadastre 5] grevé d'une servitude d'aqueduc au profit de plusieurs fonds voisins appartenant à différents propriétaires : M. [Y] [I], M. [T] [P], M. [H] [O] et Mme [V] [O] (ci-après, autrement nommés, 'les consorts [O]').

Par jugement du tribunal d'instance d'Argentan du 1er décembre 2004, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Caen du 20 avril 2006, M. [D] a été condamné à procéder à l'arrachage de tous les arbres ou arbustes se trouvant à moins de 15 m du passage de la canalisation, dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte de 15 euros par jour de retard.

Par jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Argentan du 25 mars 2015, partiellement confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Caen du 19 avril 2016, M. [D] a été condamné au paiement d'une astreinte de 250 euros par jour de retard, au titre de son obligation d'arrachage des arbres et arbustes, dans un périmètre de 15 m de chaque côté de la canalisation, passé le délai d'un mois après la signification de la décision, et pendant six mois à compter du jour où l'astreinte aura commencé à courir.

L'arrêt a été signifié le 6 mai 2016 et par jugement du 20 juillet 2017, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Argentan a condamné M. [D] à payer à M. [Y] [I], M. [T] [P], M. [H] [O] et Mme [V] [O] la somme de 20 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte pour la période du 7 juin au 7 décembre 2016, et a prononcé une nouvelle astreinte provisoire de 250 euros par jour à son encontre à compter de la signification du jugement au titre de son obligation d'arrachage des arbres et arbustes, dans un périmètre de 15 m de chaque côté de la canalisation et ce, jusqu'à exécution complète de son obligation.

M. [D] a mandaté M. [E], avocat, pour le défendre dans la procédure devant la cour d'appel et un appel a été interjeté, le 9 août 2017, à l'encontre du jugement du 20 juillet 2017.

Par ailleurs, des pourparlers visant à l'abandon de la servitude par ses bénéficiaires ont été engagés entre toutes les parties, le notaire des bénéficiaires de la servitude, M. [C], ayant été chargé de dresser l'acte constatant cet accord.

Par arrêt du 16 octobre 2018, la cour d'appel de Caen a confirmé le jugement du 20 juillet 2017 et la condamnation de M. [X] [D] au paiement de l'astreinte liquidée.

A la suite d'une nouvelle procédure en liquidation d'astreinte, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Argentan l'a condamné, le 29 juillet 2019, au paiement de la somme de 32 750 euros pour la période du 27 juillet 2017 au 13 mai 2019, somme qui venait s'ajouter aux condamnations antérieures.

Estimant M. [E], avocat, responsable de l'échec de la conciliation avec les propriétaires des fonds dominants, M. [D] l'a fait assigner, par acte introductif d'instance du 28 novembre 2019, devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins d'engager sa responsabilité civile professionnelle et d'obtenir dédommagement des préjudices subis qu'il allègue.

Par jugement contradictoire rendu le 3 février 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- Rejeté l'intégralité des demandes de M. [X] [D] ;

- Rejeté les demandes des parties en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné M. [X] [D] à supporter les entiers dépens de l'instance.

M. [D] a interjeté appel de ce jugement le 20 avril 2022 à l'encontre de M. [E].

Par ordonnance d'incident du 30 novembre 2023, la cour d'appel de Versailles a :

- Ordonné à M. [E] de communiquer à M. [D] les pièces annexées à ses conclusions du 15 janvier 2018 déposées devant la cour d'appel de Caen ;

- Dit que ces pièces devront être communiquées dans le délai d'un mois à compter de la signification de cette ordonnance ;

- Condamné M. [E], passé ce délai en cas de non-exécution, à payer à M. [D] une somme de 50 euros par jour de retard jusqu'à la communication effective de ces pièces et ce pour une durée de six mois ;

- Rejeté pour le surplus la demande de communication ;

- Rejeté les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné M. [E] aux dépens de l'incident.

Par ses dernières conclusions notifiées le 15 décembre 2023, M. [X] [D] demande à la cour, au fondement des articles 1103, 1194, 1231-1 et suivants du code civil, 700 et 908 du code de procédure civile, de :

M. [X] [D], appelant, demande à la Cour d'appel de Versailles de :

- Le déclarer recevable et bien fondé en son appel ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré M. [E] fautif dans l'exécution de sa mission, dans la mesure où il ne l'a pas suffisamment informé du déroulement de la procédure d'appel et des événements l'ayant ponctuée, ne s'assurant pas auprès de lui qu'il n'entendait pas apporter de réponse ou communiquer de nouvelles pièces à la suite de la signification de leurs écritures par les intimés, postérieures au 15 décembre 2017, et qu'il ne devait accomplir aucune diligence ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré M. [E] fautif concernant ses obligations de communication d'éléments procéduraux ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré M. [E] non fautif concernant son obligation de diligences et de conseils afin de parvenir à la régularisation d'un acte notarié d'abandon de servitude au bénéfice de M. [D].

Et statuant à nouveau,

- Dire que M. [E] a engagé sa responsabilité civile professionnelle en manquant à ses obligations de diligences et de conseils, lui occasionnant ainsi une perte de chance de parvenir à la régularisation d'un acte notarié d'abandon de servitude à son bénéfice ;

- Dire que M. [E] a omis de communiquer tant au notaire M. [C] qu'à son client qu'un accord était intervenu avec les consorts [O] conditionnant la finalisation de l'acte d'abandon de servitude, y faisant ainsi échec ;

- Condamner M. [E] à lui payer les sommes de :

* 23.500 euros au titre du préjudice financier ;

* 15 000 euros au titre du préjudice moral ;

* 3 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 19 septembre 2022, M. [A] [E] demande à la cour de :

- Confirmer purement et simplement le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre.

- Condamner M. [D] à lui verser la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner M. [D] aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 21 décembre 2023.

SUR CE, LA COUR,

Sur les limites de l'appel et à titre liminaire,

M. [E] poursuit la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

Il ressort des conclusions de l'appelant, bien que le dispositif de ses dernières conclusions apparaisse incomplet, que M. [D] sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il rejette l'ensemble de ses demandes.

Sur la mission de M. [E]

- Moyens des parties

Selon M. [D], un mandat ad litem a été confié à M. [E] dans le cadre de la procédure d'appel interjeté contre le jugement du 20 juillet 2017 rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Argentan. Ceci n'est pas contesté par M. [E].

M. [D] soutient en outre que M. [E] a été chargé de finaliser la signature de l'acte de renonciation à servitude en accord avec le notaire rédacteur et qu'il s'est déchargé sur cet avocat pour mener à bien cette mission comme le démontrent les pièces 9 et 10 produites par ses soins.

M. [E] admet avoir failli dans sa mission ad litem en ce qu'il n'a pas transmis les dernières conclusions de ses adversaires à M. [D], mais soutient que ce manquement n'a aucun lien causal avec les préjudices allégués, que ce manquement n'a eu aucune incidence sur l'arrêt de la cour d'appel de Caen rendu le 16 octobre 2018. Il demande dès lors la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

Il conteste avoir été mandaté pour finaliser l'accord invoqué par M. [D]. Selon lui, M. [D] lui a seulement demandé de temporiser la procédure devant la cour d'appel de Caen afin de lui permettre de finaliser l'accord initié bien avant son intervention et que c'est bien pour cette raison qu'il a sollicité un sursis à statuer dans l'attente de l'accord à intervenir, accord dont la finalisation était entre les mains du notaire, M. [C].

A titre subsidiaire, il fait siens les motifs du jugement qui considère que l'avocat a oeuvré le plus complètement possible, de la manière la plus diligente qui soit pour parvenir à finaliser l'accord.

' Appréciation de la cour

L'existence d'un mandat ad litem confié à M. [E] en vue de mener à bien la procédure d'appel susvisé ne fait pas débat.

En outre, les productions de M. [E] enseignent qu'il a également été chargé de rechercher avec les intimés une solution transactionnelle au litige, donc pour conseiller, accompagner M. [D] dans le cadre de pourparlers transactionnels avec les propriétaires des fonds dominants. La pièce 2 qu'il produit est particulièrement éloquente. Aux termes de ce document, une lettre qu'il adresse à M. [D] le 14 août 2017, il rend compte de cette mission en ces termes 'J'ai pu avoir une longue conversation avec mon confrère Mme [W] (avocate des intimés). Elle doit interroger ses clients sur le point de savoir si ceux-ci sont d'accord pour reprendre les pourparlers. Je ne manquerai pas de vous tenir informé. Entre temps, je sollicite de M. [C], notaire associé à [Localité 9], la communication du projet d'acte qu'il avait préparé sans que celui-ci ait été régularisé par les parties. Je ne manquerai pas de reprendre contact dès mon retour.'

Il s'ensuit que c'est par d'exacts motifs, particulièrement pertinents et circonstanciés, adoptés par cette cour, que le premier juge a retenu que M. [E] était non seulement chargé d'un mandat ad litem en vue de mener à bien la procédure d'appel susvisé, mais également de rechercher avec les intimés une solution transactionnelle au litige.

Sur les fautes de M. [E]

' Moyens des parties

M. [D] fait valoir que c'est à tort que le tribunal retient que M. [E] n'a commis aucun manquement au titre de sa mission portant sur la recherche d'une solution transactionnelle avec ses adversaires.

Il indique à cet égard que :

* il disposait de tous les éléments utiles à cette mission dès le 11 août 2017, y compris le projet d'accord de 2017,

* le 17 octobre 2017, 'M. [E] a vraisemblablement reçu du notaire l'avant projet de 2016' (souligné par cette cour) qu'il lui a adressé à la mauvaise adresse en lui annonçant que son adversaire ne serait pas opposé à la reprise des négociations (pièce 17) ; cette transmission était cependant inutile puisque l'avant projet de 2016 était obsolète depuis l'existence du projet de 2017 ;

* les deux autres courriels lui sont adressés par M. [E], toujours à la mauvaise adresse, du 25 octobre, reçu le 10 novembre 2017, et du 17 novembre 2017, reçu le 30 août 2018, qui sollicitent son accord pour la signature de l'acte (pièce 19) ;

* il lui répond le 14 novembre 2017 et confirme son accord (pièce 10) ;

* le tribunal commet une erreur d'appréciation en jugeant que M. [E] n'a pas manqué à son devoir de conseil envers son client, en le relançant pour la signature de l'avant projet de 2016 obsolète sans évoquer à aucun moment la finalisation du projet d'accord de 2017, car non seulement aucune relance pour le projet de 2016 ne s'imposait et seule la signature de l'accord de 2017 était pertinente et consistait précisément à ce qui était attendu de M. [E] ;

* les conclusions des consorts [O] devant la cour d'appel de Caen (pièce 20) démontre que l'accord a été obtenu en tout début de procédure au moins le 16 novembre 2017 et en page 9, il était indiqué, 'il suffit que M. [D] signe l'acte...' ;

* M. [E] accuse réception du courriel du 14 novembre 2017 par mail du 17 novembre 2017 (Pièce 19) reçu par l'appelant le 30 août 2018 'je dispose de l'ensemble des échanges relatifs à l'abandon de la servitude. Je vous remercie simplement de me confirmer que votre mère et vous-même êtes disposés à signer l'acte préparé par M. [C], notaire' (pièce 19) ; ce message étant étonnant selon M. [D] puisque dans l'avant projet de 2016 joint à ce mail, auquel se réfère M. [E], la mère de M. [D] est indiquée 'décédée depuis' (page 7) alors qu'elle était vivante (pièce 5) ; cela montre, selon M. [D], que M. [E] faisait référence au projet obsolète de 2016 et non à celui pertinent de 2017 ;

* son message du 14 novembre 2017 est sans ambiguïté, ses adversaires sont d'accord pour signer ; cependant, cette information ne lui est jamais parvenue puisque son avocat s'est trompé d'adresse et qu'il n'a finalement reçu cette information capitale que le 30 août 2018 (pièce 19) ;

* il relève que M. [E] ne démontre pas plus avoir communiqué au notaire l'information selon laquelle les parties étaient d'accord pour signer le projet de 2017 ; il est en revanche démontré que M. [E] ne lui a communiqué ni ses conclusions déposées le 15 janvier 2018, ni les conclusions adverses numérotées 2, 3 et 4 des 16 novembre 2017, 19 janvier 2018 et 6 juin 2018 de sorte qu'il est établi que l'appelant a été empêché de conclure l'accord en raison de la carence de son conseil (pièce 20, 21, 22 et 23) ; c'est, toujours selon lui, ce qui ressort en outre du message du 30 août 2018 (pièce 11).

Il s'ensuit, selon l'appelant, que l'absence de communication entre novembre 2017 et août 2018, l'absence de transmission des conclusions adverses de janvier 2018 et juin 2018, le fait que M. [E] en soit resté à ses écritures de janvier 2018 sont à l'origine du défaut de signature de l'accord de 2017.

M. [E] s'approprie les motifs du tribunal et soutient donc qu'il est démontré qu'aucune faute ne peut être retenue contre lui à ce titre.

Il admet l'absence de communication des éléments procéduraux à son client, à savoir les conclusions prises en réplique devant la cour d'appel de Caen notifiées par les propriétaires des fonds dominants. Il soutient cependant que cette faute est sans rapport de causalité avec les préjudices allégués par M. [D].

' Appréciation de la cour

C'est par d'exacts motifs, particulièrement pertinents et circonstanciés, que le premier juge a écarté l'existence de manquements imputables à M. [E] dans la mission qui lui a été confiée par M. [D] de rechercher avec les intimés une solution transactionnelle au litige, donc pour conseiller et accompagner M. [D] dans le cadre de pourparlers transactionnels avec les propriétaires des fonds dominants.

Il conviendra d'ajouter que c'est sans la moindre preuve que M. [D] prétend que M. [E] s'est fondé sur le mauvais accord, celui de 2016, obsolète, pour négocier avec ses adversaires alors qu'il devait retenir le projet de 2017.

Au reste, M. [D] n'apparaît pas assuré sur ce point puisqu'il explique en page 5 de ses conclusions que le notaire lui a 'vraisemblablement' adressé l'accord de 2016. Surtout, les termes de la réponse de M. [E] du 17 novembre 2017 (pièce 19 de l'appelant) conforte la thèse selon laquelle c'est bien le projet de transaction de 2017 qu'il retient pour accomplir sa mission puisque, dans cette lettre, il invite M. [D] et sa mère à signer cet acte. Or, comme le rappelle M. [D] lui-même, seul le projet de 2017 (pièce 7) prévoit l'accord de M. [D], nu propriétaire de la parcelle C [Cadastre 6], fonds servant, et de Mme [N], veuve [D], sa mère, nue propriétaire de la parcelle C [Cadastre 6], fonds servant alors que celui de 2016 indiquait expressément, à tort, que Mme [N], veuve [D], était décédée (pièce 5, produite par l'appelant, page 7). De plus, à aucun moment, dans les échanges de M. [D], il n'évoque ses doutes sur le fait que M. [E] ne se réfère pas au dernier accord, de 2017 ou/et qu'il tienne compte d'un accord obsolète, celui de 2016. Enfin, il ne démontre pas que M. [E] lui aurait fait savoir, en particulier en lui adressant en pièce jointe d'un de ses messages, que c'était l'accord de 2016 qu'il retenait comme base de négociations ou d'accord.

C'est tout autant de manière injustifiée que M. [D] prétend avoir reçu le message du 17 novembre 2017, le 30 août 2018, au reste c'est par d'exacts motifs (page 4 du jugement), pertinents et circonstanciés, adoptés par cette cour, que le premier juge retient que M. [D] a bien reçu ce message du 17 novembre 2017, en novembre 2017 et pas tardivement en août 2018. Par ce message, M. [E] invitait donc M. [D] et sa mère à signer l'accord et ajoutait 'vos adversaires ne croient pas à votre volonté de transiger dans les conditions qui ont été envisagées'.

Il est de même établi que M. [D] a reçu le 10 novembre 2017 la lettre de M. [E] du 25 octobre 2017 par laquelle il l'informait que ses adversaires ne seraient pas opposés à reprendre les discussions d'accord.

Il est encore établi (pièce 9 de l'intimé) que M. [D] a eu connaissance du courriel de M. [E] (pièce 6) du 25 octobre 2017 au moins en novembre 2017, courriel l'invitant ainsi que sa mère à répondre à la question suivante (souligné par la cour) 'êtes-vous d'accord pour apposer votre signature sur ce document et pour que celle de votre mère le soit également''

Or, pour toute réponse M. [D] indique ce qui suit (pièce 9 de l'intimé, courriel de M. [D] du 14 novembre 2017, souligné par la cour) 'le notaire n'a jamais répondu à mes observations, qu'il avait sollicitées, ni produit l'acte amendé. Je me tiens, si besoin, à votre disposition pour faire le point via une attache téléphonique'.

Ainsi, M. [D] ne répond pas à la question essentielle qui porte sur le point de savoir s'il accepte de signer l'accord de 2017. Car il s'agit bien de cet accord dont il est question, ainsi qu'il l'a été précédemment retenu. L'appelant n'a jamais répondu à son conseil sur cette question somme toute simple et binaire, oui ou non souhaite-t-il ainsi que sa mère signer cet accord. A aucun moment M. [D] ne dit clairement qu'il souhaite signer l'accord de 2017. Il ne répond pas. Son conseil l'expose très clairement à deux reprises en août 2018 :

* le 29 août 2018 (pièce 12 de l'intimé, reçu par M. [D] qui y répond dès le 30 août 2018, pièce 14 de l'intimé, souligné par la cour)'Je suis sans nouvelle de vous, depuis mon courriel du 15 décembre 2017. Comme vous le savez désormais, votre dossier sera plaidé devant la cour d'appel de Caen à l'audience du 6 septembre prochain. Je considère regrettable qu'aucun accord n'ait pu être trouvé, ce qui supposait que l'acte préparé par M. [C], notaire, soit régularisé. Il est possible qu'il ait été signé en l'étude du Notaire, sans que vous m'en ayez informé. J'en serais ravi, mais j'en doute. Je vous remercie de vos éléments de réponse' ;

* celui du 31 août 2018 (pièce 16 de l'appelant, reçu par M. [D] qui y répond dès le 3 septembre suivant, souligné par la cour) par lequel M. [E] indique très clairement que son client ne répond pas à la question essentielle 'Vous ne répondez pas à mes questions, en ne m'indiquant pas les raisons pour lesquelles vous n'avez réservé aucune suite à la régularisation du protocole d'accord chez M. [R], notaire. C'est là une question essentielle. Comme vous l'aurez constaté, les intimés vous reprochent d'avoir toujours été d'accord pour transiger, avant même que la procédure soit engagée. Force est de constater qu'ils n'ont pas tort puisque, même en cours de procédure, vous n'avez pas donné suite, alors que j'avais même relancé le Notaire et mon confrère et obtenu leur accord pour que la transaction puisse encore être régularisée. Si cette issue reste d'actualité, je peux tenter de solliciter un report, sans pour autant que la cour l'accepte. Mon confrère ne manquera pas de faire valoir que vous disposiez du temps pour transiger sans que vous l'ayez utilisé à cette fin'.

Il sera observé que dans son courriel du 5 septembre 2018 (pièce 16 de l'intimé), M. [D] ne répond toujours pas à cette question, se bornant à inviter son conseil de solliciter le rabat de la clôture parce qu'il n'a pas pu suivre le déroulement de la procédure alors que son conseil lui a très clairement exposé que seule l'existence d'un accord conclu entre les parties lui permettrait d'être efficace et faire obtenir satisfaction à son client devant la cour d'appel de Caen.

Il s'ensuit que c'est en vain que M. [D] fait grief au jugement de retenir que M. [E] n'a pas manqué à ses obligations à l'occasion de sa mission portant sur la recherche d'une solution transactionnelle avec ses adversaires.

Sur le lien de causalité entre la faute retenue contre M. [E] et les préjudices allégués par M. [D]

C'est par d'exacts motifs particulièrement pertinents et circonstanciés que le premier juge a débouté M. [D] de ses demandes.

Il suffira d'ajouter que M. [E] a suffisamment informé son client sur le fait que l'issue de la procédure dans un sens favorable à ses intérêts dépendait uniquement de sa signature à l'accord de 2017 et que M. [D] n'a pas répondu à cette question ; qu'en définitive, il apparaît qu'il n'entendait pas y donner une suite favorable. Il sera rappelé que la procédure devant la cour d'appel de Caen ne portait que sur la liquidation de l'astreinte à laquelle M. [D] avait été condamné par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Argentan pour ne pas avoir exécuté ses obligations en sa qualité de propriétaire d'un fonds servant. Dès lors, il est vain pour lui de soutenir que l'absence de communication des écritures de ses adversaires lui a fait perdre une chance de gagner son procès. Refusant de signer l'accord, tergiversant sur les termes de l'accord qu'il entendait donner, il ne peut nullement prétendre que s'il avait disposé des conclusions de ses adversaires il aurait gagné son procès qui se résume en réalité à obtenir une diminution du montant de l'astreinte, car le fond du litige avait été tranché bien avant l'intervention de M. [E].

La faute de son conseil ne lui a donc fait perdre aucune chance.

Le jugement en ce qu'il rejette les demandes de M. [D] sera dès lors confirmé.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

M. [D], partie perdante, supportera les dépens d'appel. Par voie de conséquence, ses demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

L'équité commande à hauteur d'appel d'allouer la somme de 2500 euros à M. [E]. M. [D] sera condamné au paiement de cette somme.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

CONFIRME le jugement ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [D] aux dépens d'appel ;

CONDAMNE M. [D] à verser à M. [E] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-1
Numéro d'arrêt : 22/02767
Date de la décision : 26/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-26;22.02767 ?
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