La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/03/2024 | FRANCE | N°22/00807

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-1, 26 mars 2024, 22/00807


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



Code nac : 63B





ARRÊT N°





DU 26 MARS 2024



N° RG 22/00807

N° Portalis DBV3-V-B7G-U7XV





AFFAIRE :





[L] [IW]





Déférée à la cour :







Notifié le :

à



-M. LE PROCUREUR GENERAL



-M. [L] [IW],



M le Président du Conseil Régional de la Chambre des notaires de la Cour d'appel de Versailles



-la SELARL LEXAVOUE PA

RIS-VERSAILLES



- Me BREMOND





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







LE MARDI VINGT SIX MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,



Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avis...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 63B

ARRÊT N°

DU 26 MARS 2024

N° RG 22/00807

N° Portalis DBV3-V-B7G-U7XV

AFFAIRE :

[L] [IW]

Déférée à la cour :

Notifié le :

à

-M. LE PROCUREUR GENERAL

-M. [L] [IW],

M le Président du Conseil Régional de la Chambre des notaires de la Cour d'appel de Versailles

-la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

- Me BREMOND

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE MARDI VINGT SIX MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

DANS L'AFFAIRE

ENTRE :

LE PROCUREUR GENERAL

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

pris en la personne de M. Michel SAVINAS, Avocat général

APPELANT

ET :

Monsieur [L] [IW]

né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 9]

[Adresse 4]

[Localité 6]

présent et assisté de Me Christian BREMOND - Association BREMOND VAISSE RAMBERT & ASSOCIES, avocat - barreau de PARIS, vestiaire n° R038

ayant pour avocat postulant Me Martine DUPUIS - SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat - barreau de VERSAILLES, vestiaire n° 625

INTIMÉ

Monsieur [V] [C]

Président du Conseil Régional de la Chambre des Notaires de la Cour d'appel de VERSAILLES

[Adresse 3]

[Localité 5]

Présent

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue à l'audience solennelle du 13 Décembre 2023, la cour étant composée de :

Monsieur Jean-François BEYNEL, Premier Président,

Madame Anna MANES, Présidente de chambre,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Madame Hélène PRUDHOMME, Présidente honoraire,

Assistés de Madame Natacha BOURGUEIL, Greffier

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte d'huissier de justice délivré le 12 mai 2021, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Pontoise a fait assigner devant ce tribunal M. [IW], notaire, aux fins de prononcer sa destitution en application de l'article 3 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 et, dans l'hypothèse d'une sanction d'interdiction temporaire d'exercice ou de destitution, de désigner tel administrateur qu'il plaira en application de l'article 20 de l'ordonnance susmentionnée.

M. le procureur de la République a fait valoir une série de manquements à l'encontre de M. [IW] consistant, en particulier, en :

1. Des infractions aux règles comptables de la profession notariale comprenant :

* un retard constant et un manque de rigueur dans la tenue de la comptabilité de son office aboutissant à empêcher de garantir la sincérité et la réalité de la comptabilité de l'office et des fonds clients ;

* des écarts importants dans les états de rapprochements bancaires (ERB) ;

* un défaut de consignation des sommes détenues par l'étude dans le délai requis par les articles 13, 5°, 14, 2°, et 15 du décret n° 45-0117 du 19 décembre 1945 ;

* la persistance de l'ouverture de comptes clients multiples pour une même affaire en violation de la règle obligeant à ouvrir un compte par affaire ;

* un retard dans le paiement des cotisations professionnelles à la chambre des notaires ;

* des écritures comptables qui ne sont pas justifiées par des pièces ou qui ne sont pas en concordance avec les actes ;

* une 'taxation' des actes reçus tardive ;

* une perception d'honoraire en contravention avec les dispositions de l'article L.444-1 du code de commerce et l'article 9.1 du Règlement national sur la convention d'honoraires ;

* une absence de conservation des documents justifiant les diligences du notaire en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ;

* l'émission de chèques sur le compte des fonds de ses clients pour régler les cotisations professionnelles 2020 de son office ;

2. Des obstructions :

* une obstruction persistante aux missions de la chambre qui s'est en particulier manifestée à l'occasion des inspections annuelles de 2017, 2018, 2019, 2020 ;

* une obstruction à la mission de traitement des réclamations des clients ;

3. Un manquement récurrent au devoir du notaire envers ses clients - atteinte à l'image de la profession - refus d'exécuter une décision de justice ;

4. Un non respect constant des autorités de tutelle.

Par jugement rendu le 25 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Pontoise a :

- Débouté M. le procureur de la République de l'ensemble de ses demandes ;

- Laissé les dépens à la charge de l'Etat.

Le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Pontoise a interjeté appel de cette décision au greffe civil de la cour d'appel de Versailles par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 8 février 2022.

Par ordonnance rendue le 28 février 2022, M. le premier président de la cour d'appel de Versailles a fixé l'audience de plaidoiries au 15 juin 2022 ;

A cette audience, le ministère public a sollicité le renvoi de l'affaire pour pouvoir examiner les pièces produites par le tribunal de Pontoise. Il a été fait droit à cette demande et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 21 septembre 2022 pour une mise en état en vue des plaidoiries annoncées le 14 décembre 2022.

A l'audience de mise en état (MEE) du 21 septembre 2022, les parties demandent un nouveau programme car elles ne seront pas prêtes. L'audience du 14 décembre 2022 se transforme en audience de MEE pour des plaidoiries fixées au 5 mars 2023.

A l'audience de MEE du 14 décembre 2022, les parties disent qu'elles ne seront pas prêtes pour plaider le 5 mars 2023, la cour fixe l'audience de plaidoiries au 14 juin 2023.

Ce jour là, le 14 juin 2023, à l'audience qui devait être une audience de plaidoiries, l'avocat de M. [IW] demande le renvoi des plaidoiries car il n'a pas eu le temps suffisant pour discuter avec son client des conclusions du ministère public notifiées le 14 avril 2023. La cour indique que l'affaire est renvoyée au 20 septembre 2023 pour une MEE et fixe l'audience de plaidoiries au 13 décembre 2023 (c'est donc la 5ème fois que la cour modifie la date de l'audience de plaidoiries).

Le 20 septembre 2023, l'avocat de M. [IW] confirme que ses conclusions seront prêtes pour le 15 octobre 2023. Elles seront notifiées le 5 décembre 2023 et les pièces ne seront pas remises avant à la cour.

Par ses conclusions notifiées le 14 avril 2023, (39 pages de conclusions) reprises oralement, auxquelles il convient de se référer, M. le procureur général près la cour d'appel de Versailles invite cette cour à :

- Prononcer la nullité du jugement dont appel, rendu par le tribunal judiciaire de Pontoise le 25 janvier 2022 ; .

et, statuant à nouveau par l'effet dévolutif de l'appel :

- entrer en voie de sanction disciplinaire à l'encontre de Me [L] [IW] compte-tenu de ses manquements à ses obligations professionnelles tels qu'ils sont constitués au regard de l'ensemble des développements qui précèdent ;

- A titre principal, prononcer à son encontre la sanction de la destitution ;

- A titre subsidiaire, prononcer à son encontre la sanction de l'interdiction temporaire pour une période minimale de 10 années ;

- Désigner tel administrateur qu'il plaira dans l'hypothèse d'une sanction de destitution ou d'interdiction temporaire d'exercice ;

- Rappeler que l'arrêt à intervenir sera exécutoire par provision.

Le ministère public sollicite l'annulation du jugement en ce qu'il a enfreint les deux exigences de l'article 16 du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973, applicable aux faits de l'espèce :

* il n'a pas mentionné l'audition du président de la chambre régionale de discipline des notaires de la cour d'appel de Versailles, Me [AO] (à l'époque) ;

* il n'a pas mentionné que le notaire ou son défenseur a eu la parole en dernier.

L'annulation ayant été prononcée, le ministère public invite cette cour, par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur la procédure disciplinaire engagée contre M. [IW].

Sur le fond, après avoir rappelé le statut et les attributions de cet officier public ministériel, l'obligation fondamentale de cet officier public, à savoir conférer l'authenticité aux actes qu'il instrumente, qui s'applique également à la comptabilité, l'exigence de l'authenticité s'appliquant nécessairement à la comptabilité, le ministère public expose que le notaire est tenu à des règles comptables spécifiques et strictes en particulier s'agissant de la comptabilité 'clients'. Il fait valoir que le préambule de ses écritures est primordial car il démontre le poids du notaire dans la société et le grand nombre de ses obligations rigoureuses et le respect scrupuleux de celles-ci. Il insiste sur le fait que le notaire est détenteur d'une partie de la puissance publique et qu'il se doit de respecter avec la plus grande rigueur l'ensemble de ses obligations réglementaires et législatives ; que tout manquement à ces règles constitue une faute disciplinaire et il en découle une sanction disciplinaire.

Il rappelle que l'obligation fondamentale de l'officier public notarial est de conférer l'authenticité aux actes des ses clients (article 1er de l'ordonnance 45-2590 du 2 novembre 1945 ; que l'authenticité concernent tout autant les actes authentiques qu'il dresse pour ses clients que la comptabilité qui est le reflet exact et concomitant de la réalité de l'acte. Le ministère public explique qu'il existe deux comptabilités dans un office notarial : la comptabilité 'office', liée à la gestion de l'entreprise, et la comptabilité 'clients', traitement comptable des fonds des clients détenus par le notaire qui répond à des règles très strictes, spécifiques au notariat, justifiées par la nécessité de protéger ces fonds. Parmi ces règles spécifiques et rigoureuses figurent : 1) l'obligation de l'ouverture et de la clôture quotidienne des comptes. La comptabilité notariale est en effet journalière afin que le notaire puisse s'assurer que la couverture de 100% des fonds de ses clients est assurée. 2). Les comptes des fonds des clients sont nécessairement ouverts à la caisse des dépôts et consignations (article 15, alinéa 2, du décret 45-0117 du 19 décembre 1945. 3). Les notaires doivent appliquer un plan comptable spécifique, le plan comptable notarial (article 19-2 du décret précité). 4). Les fonds des clients doivent obligatoirement être consignés au bout de trois mois sur un compte spécifique afin qu'ils génèrent des intérêts au bénéfice du client et non plus du notaire (article 15, alinéa 3, du décret précité et R 444-66 du code de commerce). A cette fin, un outil comptable obligatoire, nommé MIFADO, indique chaque jour au notaire les fonds détenus depuis plus de trois mois qui doivent être consignés. S'il est constaté que des fonds de plus de trois mois ne sont pas consignés, cela signifie que le notaire a décidé de refuser la consignation empêchant sciemment la production d'intérêts au profit de ses clients. 5). Les notaires n'ont pas le droit d'avancer de l'argent à leurs clients (interdiction de comptes débiteurs) et ils doivent impérativement demander une provision au client avant d'engager des frais dans un dossier (article R 444-61 du code de commerce et 9.1 du règlement notarial).

Il ajoute que le notaire est seul responsable de la bonne tenue de cette comptabilité et il lui revient de mettre en place les moyens tant en personnel qu'en matériel nécessaire à la bonne tenue de celle-ci. Il précise que la comptabilité est authentique, qu'elle a le caractère d'écriture publique et son formalisme doit être strictement et rigoureusement respecté à défaut de quoi il pourra être poursuivi pour faux en écriture publique (Cour de cassation chambre criminelle 15 janvier 1985, n° 84-94.986 pièce 2).

Il souligne que compte tenu des enjeux attachés à la comptabilité notariale (protection des fonds des clients), le contrôle du respect des règles comptables par le notaire est placé sous la responsable du ministère public et de la chambre des notaires (article 4, 5°, de l'ordonnance précitée). C'est ainsi que le notaire doit transmettre mensuellement des données comptables au conseil supérieur du notariat et à la chambre des notaires ; que des inspections annuelles et occasionnelles des offices obligatoires sont organisées dans chaque étude notariale. Les inspections sont conduites par au moins deux inspecteurs, dont un notaire et une personne qualifiée en comptabilité, désignés par l'autorité prescriptrice. Les inspecteurs sont choisis parmi ceux qui ont été spécialement agréés chaque année par le procureur général et sont assermentés. L'inspection est inopinée et globale et le notaire se doit impérativement de collaborer à l'inspection, en lui facilitant l'exécution de cette mission, en transmettant tout élément demandé.

Il rappelle que la faute disciplinaire du notaire est entendue de manière large et conformément à l'article 2 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945, applicable à l'espèce, comme 'Toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout fait contraire à la probité, à l'honneur ou à la délicatesse commis par un officier public ou ministériel, même se rapportant à des faits extra professionnels, donne lieu à sanction disciplinaire.

L'officier public ou ministériel peut être poursuivi disciplinairement, même après l'acceptation de sa démission, si les faits qui lui sont reprochés ont été commis pendant l'exercice de ses fonctions. Si la sanction est prononcée, alors que la nomination de son successeur est déjà intervenue, celui-ci demeure titulaire de l'office quelle que soit la peine infligée.'

Il souligne que l'article 7 de l'ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels reprend quasiment à l'identique cette définition.

Autonome de la faute pénale, le ministère public expose que la faute disciplinaire ne nécessite pas la démonstration d'un élément intentionnel ; qu'elle est également autonome de la faute civile en ce qu'elle n'implique pas la démonstration d'un préjudice.

Le ministère public reproche au tribunal d'avoir répondu de manière superficielle voire d'avoir omis de répondre à certains griefs de la poursuite : en premier lieu, l'état de réitération dans lequel M. [IW] se trouvait, ayant fait l'objet de deux sanctions disciplinaires pour des faits similaires ; en deuxième lieu, la persistance démontrée de ces faits ; en troisième lieu, la motivation succincte du jugement qui se borne à reprendre les conclusions de M. [IW] sans procéder à l'analyse de l'ensemble des griefs de la poursuite et sans en tirer les conséquences légales des fautes avérées ; enfin, l'absence de prise en compte de la spécificité des obligations de cet officier public notarial.

Le ministère public expose ensuite les différentes infractions aux règles comptables de la profession notariale (I.) reprochées à M. [IW] :

1. Retard constant et manque de rigueur dans la tenue de la comptabilité de son office révélés par les rapports d'inspection de 2017 à 2020 et du rapport de l'inspection occasionnelle 2019 (pièces 9 à 13) ; ex. Le rapport d'inspection 2020 retient dans les états de rapprochements bancaires (ERB) des écarts importants (438 364,34 euros d'écart injustifié) ce qui prouve, selon le ministère public que la situation comptable ne reflète pas la réalité des sommes en dépôt sur ces fonds de tiers et sur les états comptables journaliers ;

2. Défaut de consignation des sommes détenues par l'étude dans le délai requis en contradiction des prescriptions des articles 13, 5°, 14, 2°, et 15 du décret 45-0117 du 19 décembre 1945 ;

3. Manquement aux diligences d'apurement des comptes au profit des clients lorsque l'affaire est terminée ;

4. Persistance de l'ouverture de comptes clients multiples pour une même affaire, pratique qui trouble la lecture comptable ;

5. Retards dans le paiement des cotisations professionnelles à la chambre des notaires ;

6. Ecritures comptables injustifiées par des pièces ou qui ne sont pas en concordance avec les actes ;

7. 'Taxation' des actes reçus tardive ;

8. Perception d'honoraires en contravention avec les dispositions de l'article L.444-1 du code de commerce et de l'article 9.1 du règlement national sur la convention d'honoraires ;

9. Absence de conservation des documents justifiant les diligences du notaire en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme en contravention avec les dispositions de l'article L. 561-12 du code monétaire et financier.

Selon le ministère public, l'ensemble de ces faits constitue des manquements aux règles de tenue de la comptabilité notariale et rend impossible un contrôle fiable de la couverture des fonds clients et de l'authenticité de la comptabilité. A l'appui de ses prétentions, de la matérialité des faits, le ministère public produits les rapports d'inspection 2017 à 2020.

Le ministère public développe les différents manquements ci-dessus mentionnés.

En particulier, il soutient que M. [IW] a omis de consigner les comptes clients non mouvementés depuis 3 mois et a perçu les intérêts en lieu et place de ses clients (1.).

Selon le ministère public, pour assurer le respect de cette obligation, le notaire doit obligatoirement utiliser l'outil Mifado qui signale chaque jour les fonds à consigner et le notaire doit effectuer une action de validation pour que la consignation se fasse ; si tel n'est pas le cas, c'est que le notaire s'est opposé volontairement à leur consignation et, dans ce cas, il ne peut invoquer une erreur ou une omission. Il produit les différents rapports d'inspection de 2017 à 2020 qui montrent que de nombreux comptes restaient à consigner, plus de trois par an. Il critique le jugement qui s'est borné à n'évoquer que le rapport d'inspection de 2020 qui contenait une erreur en page 20, mais dont les conclusions étaient exactes. Il ajoute que peu important que la preuve n'est pas rapportée que le notaire n'a pas perçu les intérêts, il suffit qu'il ait empêché les clients de les percevoir. Or, selon lui c'est bien démontré.

Le ministère public fait encore valoir que M. [IW] a manqué aux diligences d'apurement des comptes au profit de ses clients lorsque l'affaire est terminée (3.).

Il ajoute que les différents rapports d'inspection (2017 à 2020) soulignent le caractère récurrent de ce manquement. Le ministère public observe que le ratio des comptes clients non soldés par ce notaire est supérieur à la moyenne de la compagnie, qu'il se dégrade d'année en année malgré les observations des inspecteurs et qu'en 2020, il a atteint un taux record inacceptable de 5,17.

S'agissant de la persistance d'ouverture de comptes clients multiples pour la même affaire (4.) (Pages 19-20). Il produit des pièces et illustre son propos (ex. Succession [SU]). Il souligne que le jugement a ajouté au texte des exigences qu'il ne prévoit pas : une faute disciplinaire est caractérisée peu important que le notaire n'ait perçu aucun honoraire supplémentaire. La règle, selon le ministère public, a pour but d'assurer la lisibilité des comptes des clients et de faciliter leur contrôle par les autorités notariales.

S'agissant du retard dans le paiement des cotisations professionnelles appelées par la chambre, il fait grief au jugement de retenir l'existence de ce manquement et de le minimiser en soulignant qu'il ne s'est produit qu'une seule fois ce qui ne lui ôte pas pour autant, selon le ministère public, son caractère fautif.

S'agissant du paiement des cotisations professionnelles sur les fonds clients, le ministère public rappelle que M. [IW] a reconnu ces faits. Il souligne que l'absence de caractère intentionnel et la régularisation opérée n'ôte pas au manquement son caractère fautif. Au reste, selon lui, cela démontre la mauvaise tenue des comptes par M. [IW].

Le ministère public détaille les autres manquements susmentionnés.

Sur l'obstruction persistante aux missions de la chambre (II.) (Pages 28 à 31), le ministère public développe deux points : l'obstruction de M. [IW] aux inspections (absence ou retard aux demandes des inspecteurs) ainsi que l'obstruction de M. [IW] à la mission de vérification de la comptabilité.

Le ministère public fait encore valoir que l'étude de M. [IW] enregistre de manière récurrente un taux de réclamations particulièrement élevé de la chambre, signe manifeste d'un niveau anormal d'insatisfaction chez ses clients. Il relève que la lecture des réclamations éclaire sur le manque de diligences, la désinvolture, le manque de considération de ce notaire pour ses clients. Il précise que le comportement de M. [IW] envers ses clients porte en outre atteinte à l'image de la profession, fait pour lequel il a été sanctionné par la chambre de discipline dans sa décision du 11 mars 2017. Le ministère public souligne encore que non seulement il ne répond pas avec diligence aux réclamations de ses clients, obligeant la chambre à connaître de leurs plaintes, mais il répond encore avec retard à la chambre, l'obligeant à réitérer ses relances.

Enfin, le ministère public en conclut que tous ces faits démontrent que M. [IW] refuse systématiquement de se conformer aux rappels à l'ordre et que les autorités de tutelle sont continuellement contraintes de lui adresser (inspections annuelles, courriers de rappels à l'ordre, convocations du président, du premier syndic, du deuxième syndic de la chambre autant de violation aux dispositions du règlement national et de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945.

Pour toutes les raisons qui précèdent le ministère public demande en application de l'article 3, 6°, de l'ordonnance du 28 juin 1945 la destitution de M. [IW] en raison de la multitude des manquements et du fait qu'il a déjà été sanctionné pour des faits de même nature, par décisions du 16 octobre 2012 et du 7 mars 2017 de la chambre régionale de discipline du ressort de la cour d'appel de Versailles (dernière décision partiellement infirmée par la cour d'appel de Versailles et cassé par la Cour de cassation pour des raisons de pure forme).

Il ajoute, au vu des dernières écritures de M. [IW], qui seront reprises oralement, sur le respect du principe de proportionnalité de la sanction que la cour a un regard souverain d'appréciation sur celle-ci ; qu'il lui faudra apprécier la situation dans sa globalité et en tenant compte de la durée des manquements ; qu'il serait faux d'affirmer que les sanctions les plus graves ne sont prononcées qu'en cas de détournement ou de préjudices financiers à l'égard d'un tiers (1re Civ., 26 septembre 2012, pourvoi n° 11-15.263) alors que la simple attitude d'un notaire, constituant des manquements graves à la probité et à la délicatesse, peu important qu'aucun client de l'étude n'ait eu à souffrir quelque préjudice que ce soit des irrégularités relevées contre lui, peu important l'absence de détournement de fonds, permettait de prononcer sa destitution (1re Civ., 27 mai 1998, pourvoi n° 96-16.586). Le ministère public insiste sur le fait que ce ne sont pas uniquement des dissimulations financières qui sont de nature à entraîner la sanction la plus grave que constitue la destitution.

Il souligne que c'est sans fondement que M. [IW] met en doute la véracité et l'honnêteté des rapports financiers alors qu'ils respectent les règles comptables de la profession, qu'ils sont rédigés par des spécialistes des études notariales dont ils connaissent le fonctionnement, le vocabulaire et les pratiques. Au reste, il observe que M. [IW] tient une position ambiguë à l'égard de ces rapports, approuvant ce qui abonde dans son sens, décriant ce qui le contrarie.

Selon lui, l'inspection de 2023 dont se prévaut M. [IW] est inopérante dans la mesure où elle concerne des faits postérieurs à la saisine de la procédure disciplinaire, donc hors champ de la saisine de la cour.

Le ministère public souligne que les faits dénoncés par M. [IW], selon lesquels il aurait été mis au ban de sa profession, ne sont pas justifiés par des éléments tangibles, qu'il ne s'agit que du ressenti subjectif de l'intéressé. Ainsi, s'agissant du recrutement de son épouse comme notaire salariée, M. l'avocat général indique que les délais pris pour son recrutement ne sont pas inhabituels ; que l'avis défavorable émis avant 2016 en raison de son manque d'expérience n'a rien d'extraordinaire ; qu'il ne faut y voir ni un signe de défiance envers M. [IW] ni la preuve de son ostracisation.

Un jour avant l'audience de plaidoiries, soit le 12 décembre 2023, M. [IW] a déposé de nouvelles conclusions Sur les limites de l'appel et à titre liminaire,

L'appelant poursuit l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions.

L'intimé poursuit la confirmation du jugement et observe qu'outre le fait que son adversaire ne parvient pas à prouver l'existence d'une faute de sa part de nature à engager sa responsabilité, il ne se livre pas à la démonstration d'un préjudice indemnisable qui lui serait directement imputable. Il rappelle que seul un préjudice certain, réel et actuel en lien causal avec la faute du notaire pourrait ouvrir droit à réparation.

Il en déduit que les demandes de l'appelant seront nécessairement rejetées.

L'article 954 du code de procédure civile dispose que les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée ; que les conclusions comprennent une discussion des prétentions et des moyens ; que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il s'ensuit qu'une partie qui énonce des demandes au dispositif de ses conclusions sans développer aucun moyen de fait et de droit au soutien de celles-ci, sans produire aucune preuve de nature à en justifier le bien-fondé, ne sauraient prétendre à ce qu'elles soient accueillies.

A cet égard, la cour rappelle que non seulement les exigences récapitulées à l'article 954 du code de procédure civile le commandent, mais aussi celles des principes directeurs du procès civil, en particulier la loyauté des débats, la contradiction, plus généralement le droit à un procès équitable. Chaque demande doit en effet pouvoir être discutée, les parties doivent pouvoir comprendre les raisons pour lesquelles leur adversaire sollicite leur condamnation, il leur faut impérativement pouvoir débattre de tous les éléments de droit, de fait, de preuve invoqués au soutien de ces prétentions pour pouvoir y répondre efficacement.

Les conclusions notifiées le 5 décembre (85 pages) se sont enrichies de 7 pages supplémentaires) et de six nouvelles pièces.

Par ses conclusions notifiées le 12 décembre 2023, (91 pages de conclusions, 224 pièces) reprises oralement, auxquelles il convient de se référer, M. [IW] invite cette cour à :

- Confirmer le jugement ;

- Débouter le ministère public ;

- Juger qu'il n'y a pas lieu à sanction ;

- Juger que les dépens seront à la charge de l'Etat.

Sur la nullité du jugement, M. [IW], se fondant sur les dispositions de l'article 459 du code de procédure civile, soutient que le plumitif de l'audience démontre que le président de la chambre régionale de discipline des notaires de la cour d'appel de Versailles, Me [AO] (à l'époque) a été entendu et qu'il est patent que la parole a été donnée en dernier au notaire ou son défenseur. Il s'en déduit que le jugement n'encourt pas l'annulation.

Sur le fond, M. [IW] fait d'abord valoir que la sanction sollicitée par le parquet général est contraire au principe de proportionnalité. Il avance que les deux arrêts invoqués par ce dernier sont inopérants dans la mesure où ces arrêts concernent des manquements à la probité ce qui n'est nullement son cas. S'agissant des rapports d'inspection, il souligne qu'aucun reproche n'a été formulé à son encontre relativement aux maniements des fonds par le notaire ; que les mentions y figurant sous la rubrique 'à améliorer' ne peuvent être lues comme des absences de conformité.

Il invoque la survenance d'un fait nouveau depuis le début de la procédure, à savoir la réalisation à la demande de M. [C], le président de la chambre de discipline, d'une inspection secondaire avec des appréciations de la part des inspecteurs des actes accomplis durant l'exercice 2021/2022 qui concluaient à l'absence d'irrégularité.

Il précise qu'il a produit 224 pièces pour démontrer le caractère 'impressionniste' des griefs qui lui sont reprochés.

1. Retard constant et manque de rigueur dans la tenue de la comptabilité de son office.

M. [IW] souligne que le ministère public ne développe ce grief (indépendamment des ERB) qu'à l'occasion des décisions antérieures et de l'inspection occasionnelle 2019, mais que les inspections annuelles ne lui en font pas grief. Selon lui, son accident et son absence prolongée expliquent ses retards.

S'agissant des griefs de retards relatifs aux ERB, il sollicite la confirmation du jugement et des motifs exacts qui y figurent.

2. Défaut de consignation des sommes détenues par l'étude dans le délai requis en contradiction des prescriptions des articles 13, 5°, 14, 2°, et 15 du décret 45-0117 du 19 décembre 1945. Selon M. [IW], la citation faite par le ministère public du rapport est partielle car le rapport d'inspection de 2020 montre qu'il y a eu un effort très important pour l'exécution de l'obligation de consignation MIFADO. Il conteste les arguments du ministère public et prétend que le ratio moyen des produits financiers des études ayant au 31 décembre 2019 une encaisse est bon et celui de 2020 encore meilleur. Il souligne que le rapport d'inspection de 2020 fait fi de la crise sanitaire. Il précise que la consignation des comptes non mouvementés depuis 3 mois n'est pas toujours possible pour des raisons indépendantes de la volonté du notaire.

3. Manquement aux diligences d'apurement des comptes au profit des clients lorsque l'affaire est terminée. M. [IW] conteste l'existence de ce manquement en invoquant différentes raisons :

- il s'attache en priorité à la bonne gestion des comptes débiteurs qui sont interdits,

- les rapports ne précisent pas si l'affaire était terminée de sorte que la preuve de l'existence de manquement fait défaut,

- la non pertinence de la méthode statistique,

- c'est un problème récurrent à toutes les études de notaires,

- la prise en compte de la crise sanitaire pour expliquer les délais dans l'accomplissement des diligences.

4. Persistance de l'ouverture de comptes clients multiples pour une même affaire, pratique qui trouble la lecture comptable. Selon M. [IW], le ministère public ne verse toujours pas aux débats des éléments de preuve de ce manquement.

5. Retards dans le paiement des cotisations professionnelles à la chambre des notaires ;

le grief est unique et ne justifie pas la sanction sollicitée.

De même, il soutient que le paiement de ces cotisations professionnelles sur les fonds clients constitue un manquement infondé. Il ajoute qu'il s'est trompé de chéquier et a immédiatement procédé à des virements à partir du compte office pour corriger l'erreur. Cette anomalie n'est donc pas, selon lui, significative.

6. Ecritures comptables injustifiées par des pièces ou qui ne sont pas en concordance avec les actes : M. [IW] conteste le bien fondé de ce grief. Il soutient qu'une phrase sibylline du rapport d'inspection 2020 doit être à l'origine de ce grief du parquet, en page 24 du rapport, mais cette observation est juridiquement fausse.

7. 'Taxation' des actes reçus tardive ;

Il observe que le ministère public se garde de citer le texte qui imposerait le respect de cette règle. Il souligne que ce grief rejoint celui de la question de l'organisation de l'étude, mais démontre également l'absence de volonté pernicieuse ou perverse de l'intéressé ou une complaisance dans le fait de mal s'organiser, mais bien une difficulté qu'il combat et dont il est le premier à subir le préjudice.

8. Perception d'honoraires en contravention avec les dispositions de l'article L.444-1 du code de commerce et de l'article 9.1 du règlement national sur la convention d'honoraires ;

Il soutient que les pièces produites par le ministère public démontrent que les clients ont signé ainsi que lui-même les conventions et aucun manquement ne peut lui être reproché, sachant qu'elles portent sur des opérations hors tarif des notaires.

9. Absence de conservation des documents justifiant les diligences du notaire en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme en contravention avec les dispositions de l'article L. 561-12 du code monétaire et financier.

Il prétend que les rapports d'inspection ne mentionnent pas qu'il a commis un manquement à ce titre mais qu'un conseil lui a été donné et ne vise pas une obligation non respectée.

Sur l'obstruction persistante aux missions de la chambre (II.)

Il soutient que la preuve n'est pas rapportée d'une obstruction volontaire aux opérations d'inspection.

Sur le taux de réclamations particulièrement élevé, M. [IW] le conteste et commente chaque élément invoqué par le ministère public à l'appui de ce grief.

Il souligne que le développement des réclamations contre les notaires est une réalité. Il fait valoir qu'il n'a pas de sinistre à ce jour. Malgré des réclamations, aucune faute n'a été retenue contre lui.

A l'audience de plaidoiries qui s'est tenue le 13 décembre 2023, M. l'avocat général indique abandonner sa demande d'annulation du jugement dont appel, au motif que les écritures adverses et les pièces produites en appui, emportent sa conviction sur le caractère infondé des moyens qu'il développait au soutien de cette demande.

Il demande donc l'infirmation du jugement ; à titre principal, le ministère public invite cette cour à prononcer à l'encontre de M. [IW] la sanction de la destitution ; à titre subsidiaire, celle de l'interdiction temporaire pour une période minimale de 10 années ; dans les deux cas, il invite la cour à désigner tel administrateur qu'il plaira.

M. [IW] a été informé de son droit de se taire sur les manquements qui lui sont reprochés.

Conformément aux dispositions des articles 16, 31 et 37 du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics ou ministériels, le président de la chambre de discipline a présenté ses observations, lesquelles, formulées, en qualité de sachant, ont un caractère technique et visent à informer le juge sur les spécificités de la profession de notaire et de son exercice.

Dans la mesure où l'intimé souhaitait développer de longues observations, l'audience a été suspendue et s'est poursuivie après la pause méridienne. M. [IW] a ainsi eu la parole en dernier.

SUR CE, LA COUR,

A titre liminaire,

Conformément aux dispositions de l'article 40 de l'ordonnance relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels du 13 avril 2022 et 96 du décret du 17 juin 2022 relatif à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels et de l'article 96 du décret du 17 juin 2022 relatif à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels, les nouveaux textes n'entrent en vigueur qu'à compter du 1er juillet 2022 de sorte que la présente procédure est régie par les dispositions de l'ordonnance 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat et de son décret d'application n°45-0117 du 19 décembre 1945.

Sur les manquements allégués contre M. [IW]

1. Les infractions aux règles comptables de la profession

a) Retards constants et manque de rigueur dans la tenue de la comptabilité entraînant des écarts importants dans les états de rapprochements bancaires (ERB)

Dans le rapport d'inspection de 2017, les inspecteurs signalent que si les ERB ont été apurés de toutes écritures antérieures, le compte 414100000 'clients comptes à régulariser' présente une somme au 19 avril 2017 à rejeter, que deux sommes restituées par l'enregistrement doivent être pointées.

D'autres irrégularités sont dénoncées comme :

* le compte 44212000 'enregistrement clients compte à régulariser' qui présente un solde récurrent de 300 euros à apurer ;

* le compte 44220000 'hypothèques' qui présente un solde créditeur de 9 641,83 euros non justifié ;

* la lecture des comptes clients fait toujours ressortir des virements de compte (à) compte et des écritures imputées sur un compte client sans rapport avec l'affaire ;

* la taxe des déclarations d'option qui est erronée.

Les inspecteurs qualifient cette comptabilité de 'brouillonne, tant au niveau des écritures que des justifications formelles des mouvements comptables'. Ils recommandent impérativement à M. [IW] de 'ouvrir un compte par dossier, de faire attention à imputer les écritures sur le compte du dossier, d'obtenir une justification écrite et signée du client pour tout mouvement comptable ayant pour objet le versement ou la réception des fonds (...) rejeter les demandes visant à payer les dettes d'un tiers (par exemple les droits de succession) lorsqu'il n'est pas justifié d'une donation ou d'un prêt enregistré'.

Dans celui de 2018, les inspecteurs soulignent que si M. [IW] a toujours effectué les rapprochements bancaires, en revanche des écritures n'ont pas été pointées depuis 2009 et que le compte 414100000 est utilisé de manière injustifiée. 

Les inspecteurs constatent encore que la part des comptes en attente de consignation est de 39% ; que les consignations ne sont pas régulièrement réalisées.

Ils rappellent leurs recommandations antérieures qui n'ont pas été suivies d'effet.

Le rapport de 2019 précise que le 'compte 414100000 est utilisé sans avoir fait l'objet d'un apurement, que le délai de rejet est dépassé et que M. [IW] valide seul les virements'.

Les inspecteurs soulignent que les consignations des comptes clients non mouvementés depuis 3 mois doivent être réalisées conformément à la réglementation tous les jours ; que la règle du plafond des 3 000 euros n'est pas respectée pour les encaissements des chèques liés à des actes publiés. Ils constatent que de nombreux comptes présentent un solde injustifié (44212000 'enregistrement/paiement sur état' ; fournisseurs liés aux clients 40112) que des comptes ne sont pas apurés (comptes 4081 CB, comptes 461 'confrères') ; que 'la taxation des actes est tardive, de fait les déclarations TVA et CRPCEN (cotisations sociales) sont erronées'.

Ils en concluent que la comptabilité doit être plus rigoureuse, que les remarques des années précédentes doivent être suivies et les écritures comptables doivent être plus détaillées pour plus de clarté.

Le rapport de 2020 mentionne que les ERB testés 'Office' et 'Clients' ne sont pas apurés et que, sur les 2 ERB sur les comptes de disponibilités courantes des notaires (DCN) testés, un écart de 438 364,34 euros d'écritures non pointées a été constaté. Il précise que la même pratique a été relevée sur les ERB relatifs aux comptes achats ventes (CAV) pour un montant de 21 420,05 euros. Selon les inspecteurs, de telles écritures comptables, irrégulières, non justifiées par le notaire, ne reflétant pas la réalité des sommes en dépôt sur ces fonds de tiers et sur les états comptables journaliers, constituent une altération significative de l'information comptable.

De ces constatations, il découle que les informations fournies par cette comptabilité ne sont pas fiables et ne reflètent pas la réalité des sommes détenues en dépôt. Or, un officier public doit instrumenter de manière sure et fiable de sorte que pareil comportement fait nécessairement courir un risque à sa clientèle.

Les inspecteurs constatent encore que :

* de nombreux comptes présentent un solde injustifié, à savoir les comptes 511000 et 541200 'chèques à encaisser', 15 comptes 442 SPF présents à la balance du 3 septembre 2020, 40112 'comptes fournisseur liés aux clients',

* les cotisations 'chambre' pour l'année 2020 sont comptabilisés au 31/12/2020 mais non réglées à cette date comme confirmé par le service Comptable de la chambre par message du 28 janvier 2021.

Les explications de M. [IW] - portant sur l'absence prolongée du comptable, son accident en avril 2019, le fait que les comptes ont par la suite été apurés comme l'atteste la société Fiducial en 2021 (pièce 14 qu'il produit) - ne sont pas de nature à écarter l'existence des manquements reprochés par le ministère public tant il est établi que la comptabilité de M. [IW], dans la période concernée, manque de rigueur et s'avère incompatible avec ce qui est attendu d'une comptabilité authentique. Elle ne permet pas tant aux chambres de discipline qu'au ministère public d'exercer, sur des gestions intéressant l'ordre public, d'assurer le contrôle et la surveillance de l'office concernée de manière efficace, conformément au corpus de règles strictes édictées en la matière. L'objectif poursuivi par les textes instituant ces registres de comptabilité notariale est dès lors difficile à atteindre.

Il s'ensuit qu'en ne répondant pas à ces prescriptions, de manière qui plus est habituelle, malgré les mises en garde réitérées qui lui ont été adressées, M. [IW] a effectivement manqué aux obligations qui lui incombent à ce titre.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il retient que ce manquement n'est pas constitué.

b) Défaut de consignation des sommes détenues par l'étude dans le délai requis de 3 mois entraînant la perception des intérêts par le notaire en lieu et place du client

L'article 13, 5° du décret n°45-0117 du 19 décembre 1945, précité, précise qu'il est interdit aux notaires, soit par eux-mêmes, soit par personnes interposées, soit directement, soit indirectement, de recevoir ou conserver des fonds, à charge d'en servir l'intérêt.

Selon l'article 14, 2°, de ce décret, il leur est également interdit de retenir, même en cas d'opposition, les sommes qui doivent être versées par eux à la caisse des dépôts et consignations dans les cas prévus par les lois, décrets ou règlements.

L'article 15 du même décret indique 'Les notaires ne peuvent conserver en espèces, dans leur étude, pendant plus de deux jours ouvrables, une somme supérieure à un chiffre fixé par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, après avis du conseil supérieur du notariat, sans que cette somme puisse excéder 5 % du montant total des fonds dont ils sont détenteurs à quelque titre que ce soit.

Sauf en cas de décision de gel des avoirs prise en application du chapitre II du titre VI du livre V du code monétaire et financier, les sommes détenues par les notaires pour le compte de tiers à quelque titre que ce soit, autres que celles qui sont conservées dans la limite prévue à l'alinéa précédent, sont déposées sur des comptes de disponibilités courantes ouverts à la Caisse des dépôts et consignations, par l'intermédiaire des comptables de la direction générale des finances publiques agissant en qualité de préposés de cet établissement. Seuls des fonds de tiers peuvent être déposés sur ces comptes. Ces derniers ne peuvent faire l'objet de mouvements en débit que pour le règlement des affaires qui sont à l'origine des dépôts.

Les sommes déposées sur des comptes de disponibilités courantes qui restent détenues à l'issue d'un délai de trois mois sont transférées par les notaires sur des comptes dits de dépôts obligatoires ouverts à la Caisse des dépôts et consignations. Ces comptes ne peuvent faire l'objet de mouvements, en débit et en crédit, qu'avec les comptes de disponibilités courantes. Ces mouvements sont identifiés affaire par affaire.

Un arrêté conjoint du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du garde des sceaux, ministre de la justice, précise les modalités selon lesquelles les mouvements sur les comptes de disponibilités courantes et sur les comptes de dépôts obligatoires sont opérés.'

L'article 3.2.1 du règlement national du notariat indique (souligné par la cour) que 'Le notaire doit à sa clientèle sa conscience professionnelle, ses égards, l'impartialité, la probité et l'information la plus complète.

L'intérêt du client prime toujours le sien.

Il doit choisir les moyens les plus appropriés pour parvenir au résultat désiré par le client, en conformité avec la loi.

Il est interdit aux notaires, soit par eux-mêmes, soit par personnes interposées, soit directement, soit indirectement de se livrer ou de s'intéresser à aucune des opérations

prohibées par l'article 13 du décret n° 45-0117 du 19 décembre 1945.'

Dans le rapport de 2017, page 20, les inspecteurs énoncent que le nombre des comptes clients créditeurs non mouvementés depuis plus de trois mois, en incluant les comptes consignés, s'élève à 961 ; que le pourcentage de consignation moyen depuis le début de l'année représente 40%  ; que la part des comptes en attente de consignation est de 60% non réalisée régulièrement.

En conclusion du rapport (page 25), ils mentionnent que la part des comptes en attente de consignation (à la fin de chaque mois) évolue de la façon suivante : 2014 : 86%, 2015 : 88%, 2016 : 89%, 2017 : 62% ; que les consignations des comptes clients ne sont pas réalisées régulièrement.

Dans le rapport de 2018, page 20, les inspecteurs énoncent que le nombre des comptes clients créditeurs non mouvementés depuis plus de trois mois, en incluant les comptes consignés, s'élève à 1294 ; que le pourcentage de consignation moyen depuis le début de l'année représente 61 %  ; que la part des comptes en attente de consignation est de 39 % non réalisée régulièrement.

En conclusion du rapport (page 25), ils mentionnent que la part des comptes en attente de consignation (à la fin de chaque mois) évolue de la façon suivante  : 2014 : 86%, 2015 : 88%, 2016 : 89%, 2017 : 62% , 2018 : 39,39% ; que les consignations des comptes clients ne sont pas réalisées régulièrement ; que (souligné par cette cour) 'il faut appliquer l'obligation de consigner tous les jours les comptes créditeurs datant de plus de trois mois'.

Dans le rapport de 2019, page 20, les inspecteurs énoncent que le nombre des comptes clients créditeurs non mouvementés depuis plus de trois mois, en incluant les comptes consignés, s'élève à 1597 ; que le pourcentage de consignation moyen depuis le début de l'année représente 59 %  ; que la part des comptes en attente de consignation est de 41 % non réalisée régulièrement.

En conclusion du rapport (page 25), ils mentionnent que les consignations ne sont pas réalisées dans le respect des règles.

Le rapport d'inspection de 2020 énonce qu'au 31 décembre 2020, le retard pris sur la consignation MIFADO des comptes clients n'a pu être rattrapé ; qu'au tableau de bord, 47 comptes clients restaient à consigner pour un montant de 135 283,43 euros ; que les éléments statistiques mensuels comptables n'étaient toujours pas transmis à la chambre ; que le ratio des comptes débiteurs était important et les comptes sondés n'étaient pas clôturés.

Contrairement à ce qu'indique M. [IW], la page 20 du rapport 2020 qu'il invoque pour écarter la matérialité du manquement qui lui est reproché contient une erreur manifeste de plume quand il y est indiqué que 'les consignations sont régulièrement réalisées, la part des comptes en attente de consignation est donc égale à 0 %'. En effet, comme le souligne exactement le ministère public, le tableau de bord de synthèse 2020 de l'étude de M. [IW] (page 6 de la pièce 16 du ministère public) mentionne expressément que 44 comptes clients créditeurs d'une valeur totale de 135 281,65 euros ne sont pas mouvementés entre 3 mois et un an.

Il s'ensuit que les éléments recueillis par les inspecteurs et figurant en page 6 du rapport 2020, troisième partie intitulée 'vérifications à effectuer sur place', régularité de la comptabilité et respect de la couverture des fonds détenus, rubrique 'observations sur les vérifications des rapprochements bancaires et examen des écritures de mises à jour', corroborés par les éléments récapitulés dans le tableau de bord journée comptable du 31 décembre 2020 (pièce 16, page 6, produite par le ministère public) seront retenus comme exacts.

En outre, les arguments avancés par M. [IW] selon lesquels pour les comptes non mouvementés depuis trois mois, un report de la consignation pour une durée maximale de 90 jours sur l'encaissement des intérêts revenant aux clients est admise, la pièce 17 qu'il invoque, n'apparaît pas de nature à dispenser un notaire de l'obligation qui pèse sur lui et qui résulte de l'article 15 du décret n°45-0117 du 19 décembre 1945. Cette disposition précise en effet que 'Les sommes déposées sur des comptes de disponibilités courantes qui restent détenues à l'issue d'un délai de trois mois sont transférées par les notaires sur des comptes dits de dépôts obligatoires ouverts à la Caisse des dépôts et consignations.'

Si la pièce 17 invoquée par M. [IW] permet effectivement à la cour de constater que la mise en dépôt obligatoire (DO) automatiquement réalisée concernant les comptes sur lesquels il n'y a eu aucun mouvement depuis plus de trois mois peut être évitée par le notaire par une opération manuelle, donc volontaire, M. [IW] n'énonce pas le fondement juridique constituant l'exception à la règle impérative édictée par l'article 15 précité. Au reste, le rapport d'inspection annuelle, composée d'experts en matière de comptabilité notariale, ne précise ni ne conclut à la possibilité de déroger à cette obligation.

Quant aux bugs allégués par M. [IW] qui justifieraient, selon lui, l'absence de consignation dans les délais requis, il sera observé que les pièces 208 à 211 ne permettent pas à la cour de s'assurer qu'elles sont opérantes au regard des manquements précis qui lui sont reprochés. En effet, par exemple, les pièce 208-2, 208-3, 208-4 sont constituées d'un courriel émanant de M. [IW] adressé à la société Fiducial suivi d'une copie d'écran énumérant une liste de virements préparés en attente de validation sans qu'il puisse être compris de quels comptes il s'agit, ou encore depuis quand ces virements auraient dû être effectués pour respecter les prescriptions de l'article 15 précité.

Le manquement reproché à M. [IW] est dès lors constitué. Le jugement en ce qu'il a retenu que ce manquement n'était pas constitué parce qu'aucune pièce versée aux débats ne démontrait que M. [IW] avait encaissé les intérêts dus à son client sera infirmé. En effet, comme indiqué précédemment ce manquement est constitué dès lors que l'obligation n'est pas respectée, peu important l'absence de démonstration d'un préjudice subi par un client.

c) Manquement de diligences d'apurement des comptes au profit des clients lorsque l'affaire est terminée

Selon l'article 21 du règlement national (souligné par cette cour), 'Dès que les formalités consécutives à un acte sont accomplies, le notaire adresse au client, le relevé de compte et l'état détaillé des frais.

Au plus tard à l'apurement des comptes, il lui adresse les pièces lui revenant.

En cas de concours ou de participation, ces envois sont faits au notaire participant ou concourant pour le compte de son client.'

L'emploi du présent de l'indicatif ainsi que de la conjonction simple 'dès que' indique très clairement qu'il s'agit d'une obligation pour le notaire à accomplir sans délai. Ce texte lui impose donc de restituer les fonds restants à son client, lui transmettre un relevé de compte, l'état détaillé des frais et les pièces lui revenant, pour celles-ci au plus tard à l'apurement des comptes.

Le traitement des soldes de comptes est mesuré par un indicateur et le ratio des comptes clients non soldés rapportés au nombre d'actes de l'année antérieure figure dans chaque rapport d'inspection en page 19 de la partie normalisée du rapport d'inspection.

Comme le relève exactement le ministère public, la lecture des rapports des inspections de 2017 à 2020 démontre que M. [IW] persiste à ne pas respecter l'obligation de l'article 21 précité et que le montant des ratios des comptes clients s'aggrave d'année en année malgré les observations des inspecteurs et accuse un niveau de très loin supérieur à la moyenne de la compagnie.

montant du ratio à l'inspection de 2017

* ratio de l'année :

N - 2 :1,55

N - 1 : 2,10

* à la date de l'inspection (commencée en septembre et achevée en décembre 2017) : 2,67

Observations : à la fin juin 2017 la moyenne de la compagnie : 1,32

Très mauvais ratio

montant du ratio à l'inspection de 2018

* ratio de l'année :

N - 2 : 2,10

N - 1 : 2,35

* à la date de l'inspection (commencée en septembre et achevée en janvier 2019) : 3,30

Observations : à la fin septembre 2018 la moyenne de la compagnie : 1,31

Très mauvais ratio

page 25 : Le ratio moyen des comptes créditeurs est trois fois supérieur à la norme permise. Il faut solder d'urgence tous les comptes de plus d'un an.

Page 26 : M. [IW] s'est engagé à apurer les comptes des clients sous 3 mois.

montant du ratio à l'inspection de 2019

* ratio de l'année :

N - 2 : 2,86

N - 1 : 4,31

* à la date de l'inspection (commencée en septembre et achevée en novembre 2019) : 4,49

Observations : à la fin décembre 2018 la moyenne de la compagnie : 1,36

Très mauvais ratio

Page 26 au titre des recommandations (dans la conclusion générale) il faut mettre en place une procédure pour les soldes de comptes clients

montant du ratio à l'inspection de 2020

* ratio de l'année :

N - 2 : 4,31

N - 1 : 4,54

* à la date de l'inspection (commencée en mars et achevée en février 2021) : 5,17

Observations : à la fin décembre 201 la moyenne de la compagnie : 1,48

Très mauvais ratio

Les arguments de M. [IW] ne convainquent pas. En effet, le fait que ces ratios concernent des comptes clients créditeurs, que les ratios des comptes débiteurs soient très bons n'est nullement pertinent pas plus que ne le sont les critiques de M. [IW] sur la méthode statistique employée, la comparaison d'activités différentes entre les études notariales. Au reste, c'est de manière pertinente que le ministère public observe que M. [IW] n'hésite pas à invoquer les constatations et conclusions des rapports d'inspection quand elles lui sont favorables (par exemple sur les ratios des comptes débiteurs) et de les écarter quand elles lui sont défavorables.

En outre, l'écart entre les ratios de son étude est celles de la moyenne de la compagnie est suffisamment significatif pour retenir que M. [IW] ne respecte pas ses obligations. De plus, en indiquant qu'il demande à ses clients de reprendre contact avec l'étude dans les 6 mois de la signature de l'acte pour organiser la clôture du dossier et solder les comptes, il admet finalement le bien-fondé du grief reproché. Ainsi, il reconnaît ne pas opérer cette restitution spontanément, mais attendre la demande de ses clients. Le fait qu'aucune doléance de ses clients ne porte sur le règlement des soldes de compte ne l'exonère pas de ses obligations. Le seul manquement à cette obligation, sans préjudice en résultant, suffit à retenir l'infraction à l'article 21 précité.

Enfin, c'est de manière infondée que M. [IW] soutient que les rapports d'inspection ne sont pas probants dès lors qu'ils ne précisent pas si les comptes sondés correspondent à des dossiers terminés. En effet, les observations énoncées dans les rapports et mentionnées dans le tableau précédent, démontrent qu'il s'agit bien de dossiers terminés et M. [IW] ne le conteste pas sérieusement dès lors qu'il s'est engagé à apurer ces comptes et qu'il explique lui-même qu'il recommande à ses clients de se mettre en rapport avec lui dans les six mois qui suivent la signature d'un acte.

Le manquement ainsi reproché à M. [IW] est dès lors constitué.

d) La persistance à l'ouverture de comptes clients multiples pour une même affaire

Le ministère public précise que la règle qui sert de fondement au manquement allégué est issue du manuel de comptabilité notariale Defrénois rappelée par le tribunal.

Selon le tribunal, ce manuel édicte les règles suivantes en la matière (souligné par cette cour) :

'Il doit être ouvert un compte par affaire.

Il doit être ouvert autant de comptes que d'intérêts représentés au sens du règlement national, sauf si certains intérêts sont représentés par un même notaire.

Dans le cas où il existe plusieurs parties ayant un même intérêt, il y a lieu de s'interroger sur la solidarité de celles-ci en cas d'opposition'.

Le règlement national précise, sous les articles 60.1.2 et 60.1.3, que par 'intérêts', il faut entendre les intérêts pécuniaires exprimés dans l'acte et s'appréciant par rapport à l'objet et à la valeur de la convention ; que sont considérés comme ayant un même intérêt, en particulier, plusieurs héritiers à réserve, héritiers non réservataires, légataires et donataires universels, légataires et donataires à titre universel, légataires et donataires à titre particulier, exécuteurs testamentaires avec ou sans saisine.

Le rapport d'inspection de 2017 mentionne, en page 26, que 'il est impératif d'ouvrir un compte par dossier et faire attention à imputer les écritures sur le compte du dossier' ce qui signifie donc que M. [IW] a enfreint cette règle. Le ministère public précise que le dossier en cause concerne la succession [SU] [S] pour laquelle trois comptes clients ont été ouverts.

Il résulte des productions du ministère public que M. [IW] a effectivement ouvert trois comptes clients '[S] [SU]', '[U] [SU]', '[K] [P]' alors qu'ils étaient représentés par le même notaire ce que les règles de la comptabilité notariale, qui s'impose à M. [IW], n'autorise pas.

Il s'ensuit que la preuve de la constitution de ce manquement est rapportée. Le jugement qui a écarté ce manquement sera infirmé.

e) Le retard dans le paiement des cotisations professionnelles appelées par la chambre

L'article 12 du décret n° 45-0117 du 19 décembre 1945 pris pour l'application du statut du notariat indique que 'Il est pourvu aux dépenses de la compagnie sur une bourse commune, dans laquelle doivent être versées les sommes nécessaires tant aux dépenses spontanément votées par l'assemblée générale qu'à celles qui sont mises à sa charge par le conseil régional pour subvenir au fonctionnement des organismes professionnels et des oeuvres sociales du notariat.

Les dépenses entraînées par le fonctionnement du conseil supérieur sont réparties entre les conseils régionaux proportionnellement aux produits des études de leur ressort ; les dépenses afférentes au fonctionnement des conseils régionaux sont prises en charge, pour chacun d'eux, par les compagnies qui en relèvent, proportionnellement aux produits réalisés par les études de leurs ressorts respectifs.

Ces produits sont constitués par le total des émoluments, droits et honoraires prévus par le tarif et dus pour tous les actes reçus, tous les services rendus, entre le 1er janvier et le 31 décembre de l'année précédente, même s'ils n'ont pas été effectivement encaissés.

L'assiette et le taux des cotisations sont, dans le ressort de chaque chambre décidés sur proposition de cette chambre, par l'assemblée générale de mai, le rôle dressé en conséquence est rendu exécutoire par le premier président de la cour d'appel sur l'avis du procureur général. Si l'assemblée générale de mai n'a pas fixé la répartition, le conseil régional ou, à défaut, le conseil supérieur, décide à sa place.

Le conseil supérieur du notariat, le conseil régional et la chambre des notaires peuvent, chacun pour la part de cotisations servant à couvrir ses dépenses, décider d'exonérer totalement ou partiellement du versement de cette part les titulaires des offices dont le produit annuel serait inférieur à un chiffre déterminé.'

M. [IW] ne conteste pas avoir réglé avec retard les cotisations professionnelles prévues par cette disposition.

Il explique que ce retard correspond à des ordonnances prises pour la période de la crise sanitaire du 1er trimestre 2020 et qu'il avait pendant plus de 12 années réglé régulièrement les cotisations dues.

La lettre qu'il produit du 17 septembre 2020 (pièce 219) est claire en ce qu'elle précise qu'il s'agit d'une relance au titre des frais exceptionnels de secrétariat 1er trimestre 2020 :

* 'annule et remplace notre courrier du 10/09/2020',

* 'votre étude est redevable, au titre du premier trimestre de l'année 2020, de la somme de 3 353,90 euros',

* 'vous m'obligeriez en effectuant votre versement dès à présent, et, en tout état de cause, avant le 20 octobre 2020 '.

De même, il est démontré (pièce 15 du parquet général) qu'était réclamée à M. [IW] au titre des cotisations professionnelles pour l'année 2020 la somme totale de 32 712,62 euros, dont le détail lui était donné ; il était également rappelé que plusieurs relances lui avaient été adressées en décembre 2020 et en janvier 2021. Il s'agissait donc de la troisième relance en février 2021 (pièce 15 précitée).

Il est également établi que le 5 février 2021, M. [IW] s'est acquitté du paiement des cotisations en souffrance, soit 36 066,52 euros, au moyen d'un chèque issu du 'compte client' et non de celui émanant du 'compte office'.

Lors de l'audience de plaidoiries, il a été confirmé que les deux chéquiers 'client' et 'office' sont de couleur différente de sorte que l'erreur n'apparaît pas crédible. Certes, M. [IW] n'a fait aucune difficulté pour établir son paiement au moyen du chéquier office dès que l'ordre lui en a fait la demande.

Il n'en demeure pas moins que les manquements allégués, paiement des cotisations avec retard, sont constitués.

C'est donc à tort que le jugement écarte ces manquements.

f) Les écritures comptables non justifiées par des pièces ou qui ne sont pas en concordance avec les actes

Certes, aucun texte n'est invoqué à l'appui de ce manquement. Cependant, il est constant qu'une écriture comptable, a fortiori, celle d'un officier ministériel sur qui pèse des obligations très strictes et dont la comptabilité a le caractère d'écritures publiques, doit être justifiée par les pièces à l'appui. Du reste, tout contrôleur, fiscal ou ordinal, solliciterait la pièce justificative à l'appui d'une écriture comptable pour approuver l'opération afférente.

Or, le rapport d'inspection de 2017 mentionne en page 10 que l'office de M. [IW] ne justifie pas par les pièces, à savoir les relevés reçus des Conservations, le solde créditeur de 9 641,83 euros, du compte 'hypothèques'n° 44220000.

Le rapport d'inspection de 2019 mentionne encore sous cette même rubrique que les comptes 4422 SFP ne sont ni pointés ni apurés et que l'obligation de justifier le solde de ces comptes 'hypothèques' avec les reçus pertinents émanant des Conservations n'est pas satisfaite.

Le rapport d'inspection de 2020 mentionne toujours en page 10 que les soldes de 15 comptes 'hypothèques', 442 SPF, présents à la balance du 3 septembre 2020 ne sont pas justifiés par l'office de M. [IW] avec les relevés des Conservations ce qui éclaire la signification du terme 'à améliorer' figurant à la rubrique des conclusions des inspecteurs. Il ne s'agit pas comme M. [IW] le prétend de simples recommandations faites par les inspecteurs, mais bien des manquements retenus par eux. A cet égard, cette rubrique conclusive, se présente comme suit : dans un premier temps, les inspecteurs énumèrent les 'conformités', puis les manquements qu'ils énoncent sous un titre 'à améliorer', mais la lecture de ce sous titre 'à améliorer' enseigne qu'il s'agit bien de manquements constatés et non de recommandations. En effet, il peut y être lu que :

* 'les comptes 511000 et 541200 'chèques à encaisser' ne présentent pas de soldes justifiés ;

* les comptes 408 'factures non parvenues' ne sont toujours pas soldés et les charges ou frais non constatés dans la comptabilité,

* il y a 15 comptes 442 SFF présents à la balance du 3 septembre 2020 dont les soldes ne sont pas justifiés,

* les comptes 40112 'fournisseurs liés aux clients' ne présentent pas des soldes justifiés,

* les cotisations 'chambre' pour l'année 2020 sont comptabilisées au 31/12/2020 mais non réglées comme indiqué par le service Comptable de la chambre par mail du 28/01/2021...

Ainsi, par 'à améliorer', les inspecteurs ne se bornent pas à faire des 'recommandations' à M. [IW], mais lui expliquent très clairement que sa comptabilité ne reflète pas la situation réelle de son office, la réalité des actes accomplis ou leur partie financière.

C'est donc à tort que le jugement retient que cette observation 'à améliorer' ne permet pas d'affirmer que des écritures comptables ne sont pas justifiées par des pièces.

Les manquements allégués par le ministère public sont donc constitués.

g) La taxation tardive des actes reçus

L'article 287, 2°, du code général des impôts dispose que 'Les redevables soumis au régime réel normal d'imposition déposent mensuellement la déclaration visée au 1 indiquant, d'une part, le montant total des opérations réalisées, d'autre part, le détail des opérations taxables. La taxe exigible est acquittée tous les mois.

Ces redevables peuvent, sur leur demande, être autorisés, dans des conditions qui sont fixées par arrêté du ministre de l'économie et des finances, à disposer d'un délai supplémentaire d'un mois.'

Lorsque le chiffre d'affaires annuel hors taxe (CAHT) est supérieur à 254 000 euros, c'est le régime réel normal qui s'applique.

L'article 384 bis A, annexe III du code général des impôts précise que 'Les droits éventuellement exigibles sur les actes visés à l'article 245 sont versés au service des impôts compétent dans les vingt premiers jours du mois suivant celui de la rédaction des actes. A l'appui de ce versement, les notaires déposent, en double exemplaire, un état comportant les indications suivantes :

Mois auquel se rapporte le versement ;

Pour chaque taux ou nature de droits, nombre d'actes rédigés pendant le mois considéré et total des droits correspondants ;

Montant global des droits payés sur états.

L'un des exemplaires de l'état est conservé au bureau ; l'autre est rendu au déposant après avoir été revêtu des références de la recette.'

Les actes visés à l'article 245 susvisé concernent certains actes notariés.

* Les exercices 2017 et 2018

Dans le rapport d'inspection de 2017, il est mentionné en page 24 que :

* 'la taxe des déclarations d'option est erronée' ;

* 'l'émolument de consentement à l'adoption n'est dû qu'une fois' ce qui signifie donc que les inspecteurs ont constaté que tel n'était pas le cas ;

* un classeur est dédié au recueil des taxations, mais ils constatent encore que la date des taxations n'y figure pas.

Cependant, M. [IW] produit une attestation de la DGFIP du Val d'Oise (pièce 29) du 20 juin 2019 qui indique avoir procédé à la vérification de la comptabilité de l'intéressé au titre des exercices clos en 2016 et 2017 engagée par avis de vérification du 20/12/2018 et conclut que le contrôle s'est achevé sans rectification.

M. [IW] produit encore le compte rendu de la CRPCEN (pièce 30) du 11 octobre 2019 qui portait sur le contrôle des émoluments et salaires des périodes allant de janvier 2017 à décembre 2018 et qui conclut qu'aucune irrégularité n'a été constatée.

Il s'ensuit les griefs du ministère public au titre de l'exercice 2017 ne sont pas suffisamment établis de sorte que sa demande au titre de cet exercice ne saurait prospérer.

Le rapport d'inspection de 2018 précise que la taxation est conforme au tarif pour les actes sondés. Les inspecteurs ne constatent, par sondage, aucune irrégularité.

* Les exercices 2019 et 2020

Le rapport de 2019 mentionne que la taxation des actes est tardive et que, de fait, les déclarations TVA et Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN) sont erronées. Ce rapport précise encore que l'émolument de formalités 219 (consultation BODACC) ne peut être taxé qu'une seule fois par dossier ce qui signifie donc que les inspecteurs ont pu constater que cette taxation, au titre des sondages effectués, a été opérée à plusieurs reprises. Les inspecteurs observent encore que l'émolument de formalités 219 'consultation Fichier central des dispositions de dernières volontés' (FCDDV) a été omis pour les actes de notoriétés.

Le rapport de 2020 fait encore état d'une taxation des actes extrêmement tardive, c'est à dire régulièrement plus d'un mois entre la date de l'acte et les écritures de taxe, parfois même le droit sur état.

Les rapports d'inspection de 2019 et 2020 attestent de la constatation de déclarations erronées, de taxations tardives au-delà d'un mois entre la date de l'acte et les écritures de taxe, constatations touchant parfois même le droit sur état, donc des manquements aux dispositions tant de l'article 287, 2°, du code général des impôts que de l'article 384 bis A, annexe III précité.

C'est donc de manière inopérante que M. [IW] prétend qu'il lui est reproché de ne pas se soumettre à une taxation au jour le jour puisqu'il est question de déclarations erronées et de taxations au-delà d'un mois entre la date de l'acte et les écritures de taxe.

En outre, la pièce 30-1 invoquée par M. [IW] n'est pas pertinente dans la mesure où il ne s'agit que d'une lettre de mission de la société Fiducial et en aucun cas des constatations effectuées par cet expert comptable.

La pièce 31 en revanche est constituée d'une attestation émanant de Fiducial établie en juillet 2021 qui fait état d'une nette amélioration de la tenue de cette comptabilité, en particulier les comptes 'office'. Si cette attestation indique que sa mission ne portait pas sur le contrôle des comptes bancaires clients, ce qui relativise sa portée, néanmoins, Fiducial précise s'être assurée de l'existence d'un rapprochement de banque sur ces comptes et de la présence d'un état détaillé des écritures non pointées ou autres écarts constatés. Elle mentionne encore que les écarts présents au 31 décembre 2020 sur le compte Caisse des dépôts et consignations Clients pour la somme de 438 577,21 euros (compte 542100) ont également été rapprochés ; que ces écarts n'affectaient pas la véracité du solde bancaire, ni la cohérence de la couverture client. En conclusion, les auteurs de cette attestation encouragent M. [IW] 'à poursuivre les efforts initiés dans la bonne tenue de sa comptabilité ce qui (leur) permettra de poursuivre (leur) mission dans les meilleures conditions'.

Cette attestation n'est cependant pas de nature à contredire les constatations des inspecteurs au cours de leurs missions relatives aux exercices 2019 et 2020, mais au contraire, elle confirme que la comptabilité de M. [IW] n'était pas bien tenue et les termes mêmes de cette attestation souligne la fragilité du redressement opéré dans la tenue de cette comptabilité notariale. Au reste, le rapport d'inspection du 26 juillet 2023 (pièce 205) que M. [IW] a d'initiative versé aux débats et sur lequel il s'appuie pour souligner qu'il poursuit ses efforts ne confirme cependant pas ses affirmations.

En effet, les conclusions de ce rapport d'inspection occasionnelle daté du 26 juillet 2023 indiquent ce qui suit (souligné par cette cour) : 'la difficulté d'analyse des dossiers qui se reflète dans les commentaires des inspecteurs ayant réalisé l'inspection annuelle de l'année 2021 est notamment due, considérant les écritures et les actes contrôlés dans le cadre de notre mission, à :

- la difficulté d'obtenir des pièces précises qu'il faut sans cesse réclamer car elles ne figurent pas dans les dossiers,

- la grande quantité de virements de compte à compte qui interviennent dans la composition des capitaux nécessaires à la réalisation d'une opération. La compréhension de l'opération dans globalité et le contrôle de l'origine des fonds est complexe.

- le fait que les libellés des écritures comptables sont souvent imprécis, incomplets et n'explicitent pas les conventions de l'acte.

De manière générale, les inspecteurs considèrent que l'étude souffre d'un désordre généralisé tant dans la tenue physique et informatiques des dossiers, que dans celle des bureaux, des minutes et des écritures comptables. C'est ce désordre qui, au sens des inspecteurs, explique en grande partie la sévérité des rapports précédents.

Notre conclusion est qu'une remise à plat globale de l'organisation de l'étude et de ses process de travail, au besoin avec l'aide d'un notaire plus expérimenté, ainsi que l'obligation de suivre des formations comptables s'imposent rapidement.'

Le rapport d'inspection de 2021 n'est pas produit, mais il ne concerne pas les exercices objet de la présente procédure. Le rapport de 2023 n'est pas plus pertinent pour établir la réalité des manquements poursuivis par le ministère public au titre de la présente saisine de la cour. Cependant, produit par M. [IW] dans le but de démontrer qu'il s'est amélioré et que les insuffisances et griefs qui lui sont reprochés ne sont plus d'actualité, il ne pourra qu'être retenu que l'intéressé ne démontre nullement que les griefs appartiennent au passé tant il est manifeste que les affirmations de M. [IW] sont démenties par les faits. En effet, les inspecteurs, en 2023, vont jusqu'à suggérer des mesures d'accompagnement, l'aide d'un notaire expérimenté, ainsi que l'obligation faite à M. [IW] de suivre des formations comptables et ce rapidement.

Par ses productions, le ministère public justifie que, sur la période concernée, soit les exercices 2019 et 2020, la taxation est erronée, non respectueuse des délais prescrits par les textes, donc de nature à fausser la lisibilité de la comptabilité de M. [IW] et de porter atteinte à ses obligations fiscales. A cet égard, c'est de manière pertinente que le ministère public indique que la facturation avec retard des émoluments et honoraires fausse le chiffre d'affaires et donc automatiquement l'assiette de calcul des charges fiscales et sociales ce qui n'est nullement neutre dans la déclaration et le paiement de la TVA due mensuellement si les déclarations ne sont pas faites chaque mois ainsi qu'au titre de l'obligation mensuelle de payer le droit sur état et les cotisations sociales.

Les manquements dénoncés par le ministère public au titre des exercices 2019 et 2020 concernant la taxation tardive des actes reçus sont par voie de conséquence établis et le jugement qui a retenu le contraire ne saurait être confirmé.

h) La perception d'honoraires en contravention avec l'article L. 444-1 du code de commerce et l'article 9.1 du règlement national sur la convention d'honoraires entraînant la perception d'honoraires sans réel accord préalable du client

L'article 9.1 du règlement national, approuvé par arrêté de la garde des sceaux, ministre de la justice, du 22 mai 2018, qui a donc une force coercitive, précise que 'le notaire ne peut percevoir d'honoraire que pour une prestation détachable de l'acte selon les termes d'une lettre de mission et d'une convention d'honoraires préalable approuvées par le client ou sauf disposition spécifique du tarif'.

L'article L.444-1 du code de commerce, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, dispose que (souligné par cette cour) 'Sont régis par le présent titre les tarifs réglementés applicables aux prestations des commissaires-priseurs judiciaires, des greffiers de tribunal de commerce, des huissiers de justice, des administrateurs judiciaires, des mandataires judiciaires et des notaires. Sont également régis par le présent titre les droits et émoluments de l'avocat en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires mentionnés à l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

Sauf disposition contraire, lorsqu'un professionnel mentionné au premier alinéa du présent article est autorisé à exercer une activité dont la rémunération est soumise à un tarif propre à une autre catégorie d'auxiliaire de justice ou d'officier public ou ministériel, sa rémunération est arrêtée conformément aux règles dudit tarif. Les prestations accomplies par les personnes mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 811-2 et au premier alinéa du II de l'article L. 812-2 sont rémunérées conformément aux tarifs réglementés applicables aux administrateurs et mandataires judiciaires.

Sauf disposition contraire, les prestations que les professionnels mentionnés au premier alinéa du présent article accomplissent en concurrence avec celles, non soumises à un tarif, d'autres professionnels ne sont pas soumises à un tarif réglementé. Les honoraires rémunérant ces prestations tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par les professionnels concernés, de leur notoriété et des diligences de ceux-ci. Les professionnels concernés concluent par écrit avec leur client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.'

L'article R 444-13, II, du code de commerce indique que (souligné par la cour) 'II.-Il leur est également interdit de demander ou de percevoir en raison des prestations mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 444-1 une somme en dehors des honoraires stipulés dans la convention d'honoraires prévue par ce texte.'

Selon l'article R 444-14 du même code (souligné par la cour), 'La perception par le professionnel d'une somme en méconnaissance de l'article précédent l'oblige à restitution, sans préjudice d'éventuelles sanctions disciplinaires.'

Conformément aux dispositions de l'article R 444-16 de ce code, 'Hormis ceux dus au titre d'un mandat de justice, les honoraires perçus en application du troisième alinéa de l'article L. 444-1 sont fixés librement entre le professionnel et le client, dans les conditions et selon les modalités prévues par ce texte et sous le contrôle de l'instance professionnelle désignée pour chaque profession par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. En cas de contestation, ces honoraires sont fixés par le juge chargé de la taxation.'

Il résulte de ces dispositions que le notaire qui accomplit des prestations non soumises à un tarif réglementé doit conclure au préalable une convention d'honoraires avec son client qui précise notamment le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. La perception par le notaire d'une somme en méconnaissance des termes de cette convention l'expose à d'éventuelles sanctions disciplinaires et en tout état de cause l'oblige à restitution.

Ainsi, les sanctions disciplinaires afférentes aux dispositions susvisées supposent que le notaire ait sollicité des honoraires non prévus par la convention conclue avec son client.

Le rapport d'inspection de 2017 indique que les conventions d'honoraires sont désormais classées dans un classeur dédié, mais ajoute 'toutefois le classement reste à améliorer (par date de taxation). Par ailleurs, ces conventions d'honoraires doivent être précédées d'une lettre de mission'.

Contrairement à ce que soutient le ministère public, ces mentions ne suffisent pas à établir que M. [IW] n'a pas respecté les textes susvisés. En effet, le rapport mentionne que des conventions d'honoraires figurent apparemment sans lettre de mission. Toutefois, faute de production de ces éléments, la cour est dans l'incapacité de retenir que M. [IW] a réclamé des honoraires hors consentement préalable du client. Il sera souligné que les textes exigent la conclusion de 'convention d'honoraires', pas de 'lettre de mission' préalable à celle-ci. En d'autres termes, le notaire peut dans un même document, la convention d'honoraires, expliciter l'objet de sa prestation, son coût précis, et la soumettre à son client pour signature. Il n'apparaît pas indispensable que deux documents concrétisent l'accord des parties sur la chose et sur le prix. Donc à défaut de production des conventions d'honoraires en cause, la cour est dans l'incapacité de vérifier que le manquement est constitué ou pas.

Il s'ensuit que le rapport d'inspection de 2017 est inopérant.

Le rapport d'inspection de 2019 (page 11) répond par l'affirmative à la question 'les prescriptions relatives à la perception des honoraires sont-elles respectées' et ajoute que le formalisme est 'à améliorer'. Contrairement à ce que soutient le ministère public ces énonciations, au reste contradictoires, sont insuffisantes pour établir l'existence du manquement allégué.

Le rapport d'inspection de 2020 (page 24) mentionne ce qui suit 'toute taxe d'honoraire doit faire l'objet d'une convention signée par le client, le paragraphe de l'acte ne saurait l'en dispenser. Le formalisme des conventions d'honoraires peut être amélioré'. Le ministère public complète le grief invoqué par les inspecteurs dans leur rapport par la production de plusieurs pièces (17 à 21).

S'agissant du dossier SCI Lilas (pièce 17), le 1er février 2020, M. [IW] écrit à la société Lilas que 'dans le cadre de l'affaire citée en référence, je vous propose de fixer les honoraires de l'étude à la somme de sept cents euros hors taxe, soit la somme de huit cent quarante euros toutes taxes comprises. Les débours sont en sus. Afin de me faire part de votre accord, je vous remercie de signer et de me retourner le double de la présente lettre'. L'objet de la mission n'est explicité que par un renvoi 'en référence', en marge gauche de la lettre, on peut lire 'Ref. / Dissolution de la société Lilas'. Sur la fiche de compte en euro, on peut lire que la dissolution de la SCI Lilas a été effectuée le 3 février 2020 et que cette prestation a été réglée au montant de 840 euros.

Certes, le montant des débours en sus n'est pas explicité. Certes, M. [IW] ne démontre pas que cette prestation a été acceptée pour ce prix par sa cliente début février 2020. Mais les pièces postérieures tendent à démontrer que la SCI a, le 22 février 2020, élargi la mission confiée à M. [IW] et qu'il devait non seulement dissoudre, mais aussi liquider cette société pour le coût total de 1 440 euros toutes taxes comprises sans les débours. La fiche de compte en euro produite par le ministère public démontre que M. [IW] a perçu deux sommes l'une de 840 euros, l'autre de 600 euros soit le total de 1440 euros pour la dissolution de cette société conformément à la lettre de mission du 22 février 2020, signée entre les parties. Ces pièces ne sont donc pas de nature à démontrer que M. [IW] a sollicité et perçu des honoraires non prévus par les conventions d'honoraires conclues avec son client.

S'agissant du dossier client IDE -Vente Accipe/Ide (pièce 18) du ministère public, la lettre de mission ou convention d'honoraires précise seulement que les honoraires de l'étude s'élèveront pour la mission 'compromis de vente' la somme de 400 euros hors taxes, soit 440 euros toutes taxes comprises. En revanche, ce contrat ne précise nullement que cette somme sera conservée par le notaire en cas de non régularisation de l'acte authentique, ni, en outre, que des honoraires supplémentaires d'un montant de 143,33 euros hors taxes, soit 172 euros toutes taxes comprises devront être versés par le client. C'est pourtant ce qui s'est produit (pièce 18).

M. [IW] ne convainc pas lorsqu'il indique (page 52 de ses écritures) que cette somme de 172 euros ne correspond pas à proprement parler à des 'honoraires' et que 'tous les logiciels de rédaction d'acte le prévoient'. Les textes légaux et réglementaires précités énoncent très clairement que le notaire ne peut solliciter des honoraires non prévus par la convention conclue avec son client. Or, il est établi que M. [IW] au titre de cette vente n'a pas informé préalablement son client qu'il lui faudrait verser à titre d' 'honoraires sur contrat non réalisé' (c'est bien le libellé de cette prestation facturée par M. [IW] à ce client) la somme de 172 euros toutes taxes comprises.

Le manquement allégué par le parquet au titre de cette vente est donc fondé.

Au titre des dossiers de ventes [R]/[T] et [TC]/[A] (pièce 19 du parquet), M. [IW] ne produit pas les conventions d'honoraires mais des mandats exclusifs de négocier une vente (numéros de mandats 57 et 66, pièce 19 précitée).

Le premier mandat, conclu avec M. [N] [TC], en son nom personnel et ès qualités de mandataire de Mme [Y] [TC] et M. [E] [TC], le 28 novembre 2019, porte sur un bien situé sur le territoire de la commune de [Localité 10] et il est expressément indiqué qu'en cas de réalisation de la vente par l'intermédiaire de M. [IW], le notaire aura droit à un honoraire de négociation correspondant à 6% du prix net vendeur à la charge du vendeur.

Le second mandat, conclu avec Mme [R] le 24 janvier 2020, porte sur un bien situé sur le territoire de la commune de [Localité 8] et prévoit qu'en cas de réalisation de la vente par l'intermédiaire de M. [IW], 'le notaire aura droit à un honoraire de négociation de 19 800 euros à la charge du vendeur'.

Outre qu'effectivement, M. [IW] ne justifie pas avoir conclu une convention d'honoraires formalisée au sens des dispositions précitées, surtout les fiches de compte en euros et les factures produites ne correspondent pas aux montants sollicités dans le corps des mandats.

M. [IW] explique que les honoraires ont été comptabilisés en deux folios suite à une erreur dans le premier folio, mais que le total facturé était bien conforme aux mandats.

Cependant, la cour constate que les deux factures ( C2000393 et C2000499) du 4 février 2021 n'identifient pas l'immeuble objet du mandat, mais de manière générale font référence à la 'succession [TC] [H], [O], [JE], [Z], [X]', à des 'Honoraires' (facture C2000393) et à des 'honoraires de négociation d'immeubles' (facture C2000499). Or, les mandats ont été conclus à chaque fois avec une partie des héritiers, portaient sur des biens distincts et surtout les sommes figurant sur ces factures ne sont pas celles prévues aux mandats. La première facture s'élève à 17 943 hors taxes, soit 21 531,60 euros toutes taxes comprises, la seconde à 3 557 euros hors taxes soit, 4 268,40 euros toutes taxes comprises. Le prix de vente du bien situé sur le territoire de la commune de [Localité 10] n'est pas connu de la cour. Il lui faut donc 'croire sur parole' M. [IW] lorsqu'il prétend que 'le total facturé est conforme au mandat'. En outre, la somme totale de 19 800 euros ne fait pas l'objet d'une facture distincte.

Il s'ensuit que M. [IW] ne justifie pas avoir sollicité des honoraires conformes aux conventions d'honoraires que lui imposaient les textes susvisés.

Le manquement allégué par le ministère public au titre des dossiers de ventes [R]/[T] et [TC]/[A] est donc établi.

Au titre du client société CSGT (pièce 20 du ministère public), la cour constate que la convention d'honoraires précise qu'elle a pour objet des 'conventions d'honoraires cadre pour les actes relatifs aux licences de taxi à compter du 1er janvier 2017' liant M. [IW] à la société CSGT et que les tarifs proposés sont les suivants :

* 300 euros hors taxes pour les résolutions de contrat,

* 1250 euros hors taxes pour les promesses unilatérales de cession,

* 1500 euros hors taxes pour les promesses unilatérales d'achat avec par acte séparé promesse unilatérale de cession au profit de CSGT ;

- qu'il conviendra d'ajouter la taxe sur la valeur ajoutée au taux actuellement en vigueur et que les frais d'enregistrement sont en sus ;

- que les émoluments dus au titre de la convention de prêt qui sera incluse dans les actes s'imputeront sur les honoraires des frais de promesse.

Cette convention a été signée électroniquement par M. [M].

Les fiches de compte euro produites par le ministère public enseignent ce qui suit :

* la somme de 1 800 euros figure au débit du compte de la société CSGT au titre d'une 'promesse d'achat et prêt El Fkieh 12/03/2020 C2000190';

* la somme de 1 800 euros figure au débit du compte de la société CSGT au titre d'une 'promesse d'achat et prêt El Fkieh 12/03/2020 C2000188';

* la facture correspondante à l'écriture précédente, il peut être constaté que le montant total réclamé au titre de cette prestation est de 1 500 euros, dont 672,84 euros d'honoraires perçus par l'étude au titre de la 'promesse d'achat', somme à laquelle s'ajoute 300 euros de taxe sur la valeur ajoutée, le montant réclamé est donc de 1 800 euros toutes taxes comprises.

Contrairement à ce que soutient le ministère public, les dispositions susvisées n'interdisent pas une convention d'honoraires cadre, pour peu que le client sache à l'avance le montant des honoraires qui lui seront réclamés et qu'aucune somme ne soit réclamée au titre de prestation non prévue ou non tarifée dans la convention passée avec le notaire.

En l'espèce, la cour ne retiendra pas l'existence d'un manquement au titre de ce dossier car il n'est pas établi que M. [IW] ait sollicité et/ou perçu des honoraires non prévus par la convention conclue avec son client, la société CSGT.

Au titre de la vente [G]/[JM] (pièce 21 du ministère public), la lettre de mission ou convention d'honoraires du 17 janvier 2020 précise que les honoraires de l'étude s'élèveront pour la mission 'compromis de vente', 'avenant au compromis de vente' au coût global de 600 euros hors taxes soit 720 euros toutes taxes comprises. Une seconde lettre de mission du 5 février 2020 indique que le coût global pour un acte de dédit s'élèvera à la somme de 250 euros hors taxes soit 300 euros toutes taxes comprises et que les frais d'enregistrement sont en sus.

En revanche, ce contrat ne précise nullement que la somme de 400 euros sera acquise au notaire rédacteur en cas de non régularisation de l'acte authentique. Certes, cette disposition figure sur la promesse de vente, mais le fait qu'elle ne soit pas expressément indiquée dans la convention d'honoraires et surtout que les sommes réclamées par M. [IW] ne correspondent pas aux stipulations de celle-ci conduit la cour à retenir que les prescriptions de l'article L 444-1 du code de commerce n'ont pas été respectées.

En effet, la cour constate que M. [IW] a sollicité non seulement la somme de 720 euros au titre de sa mission 'compromis de vente', 'avenant au compromis de vente' , mais encore 425 euros au titre de l'exercice de la faculté de dédit alors que la convention du 5 février 2020 prévoyait le paiement de la somme totale de 300 euros toutes taxes comprises, et encore la somme de 172 euros d'honoraires pour contrat non réalisé qui n'était pas prévue à la convention d'honoraires.

M. [IW] ne convainc toujours pas lorsqu'il indique (page 53 de ses écritures) que cette somme de 172 euros ne correspond pas à proprement parler à des 'honoraires' et que 'tous les logiciels de rédaction d'acte le prévoient'. Les textes légaux et réglementaires précités énoncent très clairement que le notaire ne peut solliciter des honoraires non prévus par la convention conclue avec son client. Or, il est établi que M. [IW] au titre de cette vente n'a pas informé préalablement son client qu'il lui faudrait verser à titre d' 'honoraires sur contrat non réalisé' (c'est bien le libellé de cette prestation facturée par M. [IW] à ce client) la somme de 172 euros toutes taxes comprises.

Le manquement allégué par le parquet au titre de cette vente est donc établi.

En résumé, au titre de ce chef de poursuite, sur les huit dossiers dénoncés par le parquet, la cour retient que trois manquements sont établis (vente Accipe/Ide ; vente [TC]/[A] vente [R]/[T] ; vente [G]/[JM]).

i) L'absence de conservation des documents justifiant les diligences du notaire en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme

L'article L. 561-12 du code monétaire et financier dispose que 'Sous réserve de dispositions plus contraignantes, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 conservent pendant cinq ans à compter de la clôture de leurs comptes ou de la cessation de leurs relations avec eux les documents et informations, quel qu'en soit le support, relatifs à leurs relations d'affaires ou clients occasionnels, ainsi qu'aux mesures de vigilance mises en 'uvre. Elles conservent également, dans la limite de leurs attributions, pendant cinq ans à compter de leur exécution, quel qu'en soit le support, les documents et informations relatifs aux opérations faites par ceux-ci, ainsi que les documents consignant les caractéristiques des opérations mentionnées à l'article L. 561-10-2.'

Selon l'article 4, 10°, de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, dans sa rédaction applicable à la cause, 'La chambre des notaires a pour attributions :

...

10° De vérifier le respect par les notaires de leurs obligations prévues par le chapitre Ier du titre VI du livre V du code monétaire et financier en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et de se faire communiquer, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les documents relatifs au respect de ces obligations.'

En page 26 du rapport d'inspection de 2020, les inspecteurs ont mentionné ce qui suit 'conservez le détail des mouvements financiers entrants sur la CDC pour justifier de l'origine des fonds lorsque les banques ne retournent pas les attestations demandées'.

Toutefois, en pages 12 à 14 de ce rapport, les inspecteurs ont détaillé leur contrôle au titre de cette obligation pesant sur les notaires et à la question :

* des fiches de contrôles sont-elles établies au titre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme' La réponse est 'OUI fiches quasi toutes présentées pour les actes sondés' ;

* les éléments concernant l'identité du client sont-ils conservés dans le dossier (carte d'identité ou passeport en cours de validité) ' La réponse est oui.

* le notaire a-t-il eu connaissance de l'origine des fonds' La réponse est : l'origine est demandée.

* La destination des fonds est-elle aussi mentionnée ' La réponse est OUI les fonds ont été remis au vendeur conformément aux dispositions de l'acte.

* L'étude a-t-elle fait durant l'année écoulée des déclarations TRACFIN ' La réponse est oui Sur déclaration du titulaire.

Les mentions figurant en page 26 du rapport d'inspection de 2020 doivent donc être lues à la lumière de la réponse à la première question ci-dessus retranscrite. Les inspecteurs ont relevé que des fiches manquaient, mais ils ont estimé que cela n'était pas probant d'un manquement à cette obligation. Au reste, compte tenu de la qualité très insuffisante de la tenue des dossiers, la réponse affirmative à l'absence d'infraction aux dispositions de l'article L. 561-12 du code monétaire et financier s'est imposée. En revanche, ils ont entendu faire une recommandation claire dans leurs conclusions. En tout état de cause, le doute sur l'existence de ce manquement ne permet pas de retenir le grief du parquet.

Le manquement dénoncé à l'encontre de M. [IW] par le ministère public au titre des diligences du notaire en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme n'est donc pas établi.

C'est donc exactement que le jugement écarte ce grief.

2. L'obstruction persistante aux missions de la chambre interdépartementale des notaires

a) Obstruction aux inspections annuelles obligatoires par une absence de transmission des documents sollicités par les inspecteurs alors que le notaire doit fournir quasi immédiatement les documents demandés (dans la demi-heure)

L'article 4, 5°, de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 précitée impartit aux chambres des notaires le soin de vérifier la tenue de la comptabilité dans les études de notaires.

Selon l'article 19 du décret n° 74-737 du 12 août 1974 relatif aux inspections des études de notaire, ' Chaque étude fait l'objet, à des dates variables, d'au moins une inspection annuelle, organisée à l'initiative de la chambre des notaires. Toutefois, l'inspection des études des présidents et premiers syndics des chambres départementales est organisée à l'initiative du conseil régional dont elles relèvent et celle des études des présidents des conseils régionaux, à l'initiative du conseil supérieur du notariat.'

L'article 4 du décret précité précise que 'Les inspections sont faites par des notaires ou anciens notaires choisis en dehors du département où exerce le notaire inspecté, et par des personnes qualifiées en comptabilité.'

Selon l'article 10 du décret précité, 'Toute inspection a lieu de façon inopinée.'

L'article 11 de ce décret prévoit que 'Les inspecteurs ont les droits de recherche, de communication et de vérification les plus étendus sur les minutes, répertoires, registres, titres, valeurs, espèces, comptes bancaires ou postaux, pièces comptables, documents de toute nature dont ils jugent la représentation utile à leur mission.

Le notaire inspecté doit déférer aux demandes des inspecteurs.

Il est tenu, sur la réquisition d'un inspecteur, de donner à tous établissements habilités à effectuer des opérations de banque l'ordre de communiquer à cet inspecteur le relevé de ces opérations réalisées pour son compte ou à sa demande ainsi que les justifications y afférentes.

Le personnel de l'étude inspectée doit répondre aux questions qui lui sont posées par les inspecteurs et doit leur fournir toutes informations utiles à l'accomplissement de leur mission.'

Il résulte encore des articles 4.5.1 à 4.5.3 du règlement national que :

* le contrôle du notaire par ses confrères est assuré afin de veiller à la garantie des droits et des intérêts de la clientèle ;

* le notaire inspecté doit faciliter la tâche des inspecteurs, qu'ils soient ou non notaires, et doit les recevoir personnellement avec la même courtoisie que les inspecteurs lui doivent.

Il résulte du rapport d'inspection 2017 que :

* M. [IW] n'a pas transmis aux inspecteurs les lettres de demande auprès de la Caisse des dépôts et consignations (page 5) ;

*M. [IW] n'a pas transmis les photocopies des chèques demandés (page 5) ;

* M. [IW] n'a pas présenté le document sollicité par les inspecteurs au titre des consignations libératoires réalisées par l'office au regard des bordereaux de consignation (page 21) ;

* M. [IW] n'a pas présenté aux inspecteurs le document sollicité au titre des demandes de déconsignations au cours de la période vérifiée (page 21) ;

* les inspecteurs notent que le délai de communication lors de l'inspection reste toujours très lent et montre une organisation notamment de classement à améliorer (page 26).

M. [IW] démontre effectivement que la Caisse des dépôts et consignations a bien adressé aux inspecteurs le 27 novembre 2017 le relevé de compte des opérations de consignation et de déconsignation, donc avant la fin des opérations d'inspection (pièce 35 de M. [IW]). Cependant, il ne justifie pas avoir transmis les photocopie des chèques demandés.

Il s'ensuit que les griefs au titre de l'inspection de 2017 apparaissent établis.

Il ressort du rapport d'inspection de 2018 que :

* M. [IW] n'a pas transmis aux inspecteurs qui en avaient fait le demande dans les

dix jours les ajustements bancaires à la date de l'arrêté de comptabilité : les inspecteurs mentionnent en effet en page 2 de leur rapport 'non reçu sur place' ;

* sur l'organisation de l'office, les inspecteurs notent que les délais de transmission des documents demandés lors de l'arrêté de comptabilité ne sont pas respectés (page 25) ;

* les RIB des actes sondés n'ont pas tous été présentés ; qu'ils sont généralement non signés ; que les avis d'opérés n'ont pas été produits pour l'inspection ; que les pièces justificatives sont les relevés de compte (page 25).

M. [IW] ne le conteste pas, mais fait valoir que des points positifs ont cependant été notés par les inspecteurs ce que le ministère public ne relève pas. Ainsi, les inspecteurs ont noté que le compte n° 01546 'mainlevées diverses' a été clôturé à la suite de leur premier passage.

Il résulte de ce qui précède que M. [IW] a manqué à ses obligations en ne facilitant pas la mission d'inspection annuelle de 2018 ce qu'il ne conteste pas sérieusement, même s'il tente de minimiser la portée de ce manquement.

Concernant l'inspection de 2019, il sera observé que :

*M. [IW] n'a pas transmis aux inspecteurs qui en avaient fait le demande dans les

dix jours les ajustements bancaires à la date de l'arrêté de comptabilité : les inspecteurs mentionnent en effet en page 2 de leur rapport 'non reçu sur place' ;

* il n'a pas transmis dans le délai de dix jours suivant la date de l'arrêté de comptabilité les rapprochements bancaires ; les inspecteurs mentionnent que les ERB du 14/09/19 ont été récupérés sur place (page 6) ;

* il est recommandé à M. [IW] de respecter les délais de transmission des documents demandés lors de l'arrêté de comptabilité ; que les informations mensuelles dématérialisées ne sont pas transmises tous les mois auprès du CSN (page 25).

Il ressort encore des productions du ministère public que, au titre de l'inspection 2019, le service Inspection de la chambre a été contraint d'annuler l'arrêté de comptabilité déclenché le 9 septembre à 16 heures 10, en raison d'un défaut de réponse complète de M. [IW] dans un délai satisfaisant (pièce 22 produite par le parquet). Comme l'observe très exactement le ministère public, l'arrêté de comptabilité doit être produit quasi immédiatement après la demande formulée par téléphone ou courriel de façon inopinée. Or, en l'espèce, 2 heures après le courriel de la chambre, M. [IW] n'avait toujours pas transmis l'ensemble des éléments de contrôle demandés. Le fait qu'il ait transmis des documents incomplets à 17h09 n'est pas de nature à démentir la carence dénoncée par l'inspection. En outre, les pièces que M. [IW] produits (pièces 190 et 191) ne sont pas pertinentes. La première (190) ne démontre pas que le répertoire n'était pas disponible (M. [IW] se borne à demander l'envoi du répertoire, sans faire état de difficulté particulière) ; la seconde est trop imprécise pour justifier la carence dénoncée par l'inspection.

Les développements de M. [IW] sur son absence de mauvaise volonté à se soumettre à l'inspection ou/et le fait qu'il se trouvait pris par un rendez-vous extérieur ne sauraient constituer des excuses valables. Il sera rappelé que ce manquement lui a déjà valu une sanction prononcée de manière irrévocable (décision de la chambre régionale de discipline du 16 octobre 2012) et déjà, à cette occasion, il invoquait l'absence de mauvaise volonté, l'absence d'intention de sa part ('je n'ai pas refusé l'inspection, mais lorsque l'inspecteur comptable est venu à l'étude, il n'y avait qu'une stagiaire qui aurait été incapable de trouver les pièces demandées. Ce n'est pas un refus intentionnel'). Une deuxième poursuite pour des manquements similaires a donné lieu à une décision de cette instance disciplinaire le 7 mars 2017, non encore irrévocable.

Au titre de l'inspection de 2020, il résulte du rapport de l'inspection de la chambre que :

* M. [IW] n'a pas transmis aux inspecteurs qui en avaient fait le demande dans les

dix jours les ajustements bancaires à la date de l'arrêté de comptabilité : les inspecteurs mentionnent en effet en page 2 de leur rapport 'pris sur place lors du 1er passage' ;

* il est mentionné 'les inspecteurs ont-ils reçu les situations de comptes directement des établissements dépositaires ' Oui - Attestation de la CDC reçue par mail le 7septembre 2020 après 1er passage pour des soldes au 11 mars 2020 (page 5) ;

* les inspecteurs n'ont pas reçu dans le délai de dix jours suivant la date de l'arrêté de comptabilité les rapprochements bancaires, mais les ont pris sur place (page 6) ;

* ils invitent M. [IW] à préparer tous les documents comptables préalablement à la venue des inspecteurs comptables, d'autant plus que le 1er passage de l'inspecteur a été annulé à la demande de l'office (page 25) ;

* ils recommandent à M. [IW] d'être plus réactif pour fournir les éléments demandés pour l'inspection : le registre des plaintes et des rejets/refus n 'ont pu être contrôlés (page 26).

M. [IW] ne conteste pas efficacement ces manquements. Le fait que d'autres points ont été améliorés et qu'il a tenu compte de certaines remarques est inopérant. Son affirmation selon laquelle il apporte sa parfaite collaboration aux inspecteurs est démentie par les constatations des inspecteurs.

Il découle des développements qui précèdent que les manquements allégués au titre du point 2.a) susmentionné sont établis.

b) Obstruction à la mission de vérification de la comptabilité

L'article 4, 5°, de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 précitée impartit aux chambres des notaires le soin de vérifier la tenue de la comptabilité dans les études de notaires.

L'article 6.2 du règlement national indique que 'le notaire a l 'obligation de respecter les circulaires, chartes, conventions et guides émanant du Conseil supérieur du notariat'.

Conformément aux circulaires n° 2012-7 du 25 juillet 2012 du président du Conseil supérieur du notariat (pièce 3 du ministère public), n° 2-2015 du 22 janvier 2015, n° 52-2015 du 15 juillet 2015, n° 2019 du 18 janvier 2019 et n° 21-2020 du 15 avril 2020 du président de la chambre interdépartementale des notaires de Versailles (pièce 4 du ministère public), chaque office doit transmettre, chaque mois, son tableau de bord au Conseil supérieur du notariat par voie dématérialisée.

Il résulte des productions du ministère public (pièce 23) que la chambre est régulièrement contrainte de réclamer des documents à M. [IW] :

* le 20 août 2018, les éléments statistiques des mois de mai, juin, juillet, 2018 (tableau de bord, balance des comptes généraux hors comptes soldés sous format EXCEL et en mode comptabilité et non lecture seule, le dernier numéro d'acte inscrit au répertoire ;

* le 7 mai 2018, le dernier numéro d'acte inscrit au répertoire officiel, pour les mois de novembre 2017, février et mars 2018, les balances des comptes généraux en format EXCEL, pour les mois de février et mars 2018, le tableau de bord ;

* le 25 février 2020, les données mensuelles de l'office de M. [IW] des mois de novembre 2019, décembre 2019, janvier 2020, les balances des comptes généraux en format EXCEL de fin novembre 2019, fin décembre 2019 et fin janvier 2020, les tableaux de bord correspondants, les nombres d'actes inscrits au répertoire au 30/11/2019, 31/12/2019, 31/01/2020 ;

* le 26 juin 2020, les éléments comptables de cette étude pour les mois d'avril et mai 2020, le tableau de bord, la balance des comptes généraux hors comptes soldés sous format EXCEL le dernier numéro d'acte inscrit au répertoire ;

* les mêmes demandes sont faites le 18 décembre 2020 et le 17 mars 2021.

Les rapports d'inspection de la chambre dénoncent les mêmes manquements :

* Inspection de 2018 (page 26, conclusion générale, recommandations office), 'il faut envoyer les informations mensuelles (tableau de bord, balance des comptes généraux sous fichier Excel et nombre d'actes) à l'adresse suivante : [Courriel 12]' ;

* inspection de 2019 :

- ' Les informations mensuelles dématérialisées ne sont pas transmises tous les mois auprès du CSN.' (Page 25, organisation de l'office - points négatifs).

- 'Il faut envoyer les informations mensuelles (tableau de bord, balance des comptes généraux sous fichier Excel et nombre d'actes) à l'adresse suivante : [Courriel 12].'

- 'Veillez à transmettre les informations mensuelles dématérialisées tous les mois auprès du CSN.' (Page 26, conclusion générale - recommandations faites à 1'office) ;

* inspection 2020 :

- 'Les informations mensuelles dématérialisées ne sont pas transmises tous les mois auprès du CSN (décembre -2020). Constatation d'un envoi groupé le 04/09/20 lors du 1er passage comptable de janvier à août 2020' (page 25, organisation de l'office - points négatifs) ;

- 'Les éléments statistiques mensuels ne sont pas toujours transmis à la Chambre.' (page 26, conclusion générale - suite donnée aux observations formulées les années précédentes).

M. [IW] conteste le caractère obligatoire de cet envoi voire la légalité de cette obligation et invoque un arrêt du Conseil d'Etat du 24 mai 2017 (pièce JCP 25).

Cependant cet arrêt est inopérant. En effet, à cette occasion, le Conseil d'Etat a jugé que 'que, les requérants sont fondés à soutenir qu'en prévoyant que ces informations peuvent être transmises aux ministres de la justice et de l'économie et à l'Autorité de la concurrence par l'intermédiaire de ces instances professionnelles et en se bornant à renvoyer à un " arrêté conjoint " la définition des modalités de cette transmission sans l'assortir de garanties, l'article R. 444-21 du code de commerce porte au secret industriel et commercial de ces professions une atteinte disproportionnée ; que cette disposition est divisible des autres dispositions du décret attaqué ; que, par suite, le décret attaqué doit être annulé en tant qu'il a introduit dans le code de commerce l'article R. 444-21'.

En l'espèce, les informations ne sont pas destinées à être transmises aux ministres de la justice et de l'économie et à l'Autorité de la concurrence par l'intermédiaire de ces instances professionnelles et l'article R. 444-21 du code de commerce n'est ni invoqué ni applicable à la présente espèce.

Il découle des développements qui précèdent que les manquements allégués au titre du point 2.b) susmentionné sont établis.

3. Le manquement au devoir du notaire envers ses clients : les réclamations des clients

a) Le devoir du notaire envers ses clients et l'article 3.2.1 du règlement national

L'article 3.2.1 du règlement national prévoit que ' Le notaire doit à sa clientèle sa conscience professionnelle, ses égards, l'impartialité, la probité et l'information la plus complète.

L'intérêt du client prime toujours le sien.

Il doit choisir les moyens les plus appropriés pour parvenir au résultat désiré par le client, en conformité avec la loi.'.

Les productions du ministère public démontrent que M. [IW] enregistre de manière récurrente un taux de réclamations très élevé émanant de ses clients et que la comparaison du ratio 'nombre de dossiers de plaintes / mille actes effectués' de son office au ratio moyen concernant l'ensemble des offices des départements du Val-d'Oise et des Yvelines telle qu'elle ressort des différents rapports d'inspection est particulièrement éloquent :

* Ratio 2016 de 31,3 pour mille actes contre 3,6 pour mille actes pour l'ensemble des offices dépendant de la chambre, donc 8,7 fois plus que la moyenne enregistrée pour l'ensemble de la chambre (rapport d'inspection 2017, page 4) ;

* Ratio 2017 de 35,8 pour mille actes contre 3,7 pour mille actes pour l'ensemble des offices dépendant de la chambre, donc 9,6 fois plus que la moyenne enregistrée pour l'ensemble de la chambre (rapport d'inspection 2018, page 4) ;

* Ratio 2018 : 72,1 pour mille actes contre 4,67 pour mille actes pour l'ensemble des offices dépendant de la chambre, donc 15 fois plus que la moyenne enregistrée pour l'ensemble de la chambre (rapport d'inspection 2018, page 4) ;

* Ratio 2019 : 74,6 pour mille actes contre 3,1 pour mille actes pour l'ensemble des offices dépendant de la chambre, donc 24 fois plus que la moyenne enregistrée pour l'ensemble de la chambre (rapport d'inspection 2020, page 4).

Le pourcentage de ces réclamations, comparé à l'ensemble de la chambre est significatif de l'insatisfaction de ses clients (pièces 24 à 40), conséquence de la désorganisation chronique de cet office, stigmatisée de manière récurrente par les inspections successives. Les explications de M. [IW] tenant à l'absence prolongée de son comptable, ses problèmes de santé, ceux de son épouse, le refus d'accueillir la demande de son épouse d'être nommée notaire salariée au sein de l'étude ne sont pas pertinentes. En effet, il lui revenait de mettre en place l'organisation nécessaire pour faire face à ces aléas (recrutement d'un personnel qualifié, mise en place d'outils de gestion, demande d'aide auprès de ses pairs, d'un notaire très expérimenté...).

Le fait qu'aucune faute de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle n'ait été établie contre lui n'est pas de nature à écarter l'existence des manquements aux règles de sa profession, à sa déontologie.

La lecture des pièces produites par le parquet (24 à 40) démontre que M. [IW] ne se montre pas diligent, délicat, consciencieux envers sa clientèle, qu'il ne l'informe pas de l'état d'avancement des dossiers, en particulier des successions qui lui sont confiées, comme l'article 3.2.1 du règlement national le lui impose. A cet égard, pour ne citer qu'une partie des réclamations de sa clientèle, il sera relevé :

* pièce 24, lettre d'un avocat, Mme [KD] à la chambre des notaires 'malgré de multiples appels téléphoniques, deux courriers, l'intervention d'une notaire locale STRICTEMENT aucune nouvelle de ce notaire' (pour le règlement de la succession de la grand-mère de ses clients) ;

* pièce 27, réclamation de Mme [W], absence de réponse à ses demandes, mensonge sur l'envoi d'un projet de partage ;

* pièce 28, réclamation du conseil d'un syndicat des copropriétaires sur l'absence de réponse de M. [IW] à ses multiples demandes relatives à la distribution du prix à la suite de la vente des biens et droits immobiliers situés dans le Val d'Oise...

Il découle de ce qui précède que le manquement reproché à M. [IW] au regard des exigences de l'article 3.2.1 du règlement national est établi.

b) L'inertie du notaire vis-à-vis de sa chambre et le non respect constant des autorités de tutelles

L'article 4, 4° (aujourd'hui abrogé, mais applicable à la procédure de M. [IW]) de

l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 dispose que 'La chambre a pour attributions :

4° d'examiner toutes réclamations de la part des tiers contre les notaires à l'occasion de l'exercice de leur profession' et son dernier alinéa, qui prévoit que 'la chambre des notaires est chargée en outre d'assurer dans le département l'exécution des décisions prises par le conseil supérieur et le conseil régional'.

Selon l'article 43.2, alinéa 3, du règlement national, 'La chambre connaît également des plaintes et réclamations des clients à l'encontre des notaires. Ces derniers doivent répondre à la chambre dans le délai de quinze jours sous peine de sanction disciplinaire.'

L'article 1.2, alinéa 3, du même règlement précise que chaque notaire doit 'faire les efforts nécessaires pour améliorer la qualité de ses services et s 'assurer de la satisfaction du client en s 'attachant a ce que les réclamations qui pourraient parvenir à son office soient traitées avec efficacité, rapidité et transparence'.

L'article 4.1 de ce règlement indique que 'Le notaire se doit d'avoir en toutes circonstances à l'égard de ses confrères un comportement conforme à la probité, à l'honneur et à la délicatesse.

Les notaires se doivent mutuellement respect, conseil et assistance.'.

Selon son article 6.1, 'Les Présidents de chambre [...] peuvent à tout moment inviter un notaire, après l'avoir entendu, à se conformer aux règles statutaires de la profession et notamment au présent règlement'.

Conformément à son article 6.2, 'Le notaire a l'obligation de respecter les circulaires, chartes, conventions et guides émanant du Conseil supérieur du notariat'.

L'article 43.1, relatif à l'autorité de la chambre précise que 'Tout notaire est tenu, sous peine de sanctions disciplinaires, de se présenter à toutes convocations du Président ou sur son ordre, devant lui ou devant la chambre.

Aucune excuse n 'est admise sauf maladie grave ou absence dûment justifiée'.

S'agissant de la réclamation de M. [J], il résulte des productions du ministère public (pièce 25) ce qui suit :

* M. [J] a adressé sa réclamation à la chambre le 13 mars 2019 pour lui faire que M. [IW] était en charge du règlement de la succession de [VZ] [B], décédée le [Date décès 1] 2017 à [Localité 7], que les meubles avaient été partagés entre les héritiers, l'appartement vendu, les droits de succession acquittés, le passif réglé, les assureurs-vie s'étaient acquittés des sommes dues aux héritiers directement, que ces derniers avaient reçu chacun un virement de 50 000 euros en juillet 2018 et que depuis cette date et malgré de nombreuses demandes des héritiers, le restant des sommes dues n'avaient pas été versées ; que le 6 février 2019, il avait recontacté par courriel M. [IW] pour lui demander de s'exécuter, sans succès ; que le 20 février suivant, il avait adressé une lettre recommandée avec accusé de réception, restée sans réponse (les preuves des demandes faites à M. [IW] étaient jointes à la réclamation du 13 mars 2019) ;

* la chambre adressait une demande à M. [IW] le 19 mars 2019, puis un rappel le 3 avril, puis un deuxième rappel le 9 avril 2019 ;

* M. [IW] répondait le 11 avril suivant imputant des négligences à la nièce du réclamant, notaire assistante, qui travaillait dans son étude et qui avait été chargée de ce dossier ; il indiquait avoir repris le dossier récemment et qu'il ferait le nécessaire pour la clôture de l'inventaire au cours du mois, information ayant été donnée à certains des héritiers demeurant à proximité de l'étude,

* parallèlement, le procureur de la République a été saisi par M. [J] le 13 mars 2019 sur le fondement de l'article 45 de la loi du 20 avril 1810 ;

* la chambre sollicitait M. [IW] le 18 juin 2019 sur la réponse à donner au ministère public, l'avisait que Mme [I], notaire à [Localité 11], avait été désignée, qu'il s'exposerait à devoir régler une participation financière du coût du traitement de cette réclamation et à une convocation devant la chambre sans réponse de sa part dans les 10 jours par mail ;

* le 28 juin 2019, Mme [I] sollicitait les explications de M. [IW] sur la situation de ce dossier afin qu'elle informe le ministère public ; elle rappelait M. [IW] le 2 juillet 2019 toujours par courriel, ce dernier ne répondant pas ;

* le 4 juillet 2019, un dernier rappel avant convocation à la chambre était adressé à M. [IW] par email ;

* le 4 juillet 2019, M. [IW] répondait que la lettre de M. [J] au parquet procédait d'une intention de nuire puisque la chambre avait répondu à sa réclamation du 19 mars 2019 dès le 12 avril faisant ainsi suite aux explications qu'il avait fournies le 11 avril, selon lesquelles la clôture d'inventaire devait être régularisée pour terminer ce dossier, que cette procédure était particulière et nécessitait le recueil d'une prestation de serment reçue devant un notaire et non une procuration ; M. [IW] s'étonnait de la démarche de M. [J], avocat, sur la persistance de sa position, malgré ses explications, ce qui, selon lui, 'révèlent une ignorance et une incompréhension des textes applicables à l'inventaire' ; il ajoutait avoir organisé le transfert du dossier chez un confrère de Bretagne à qui 'je viens d'envoyer un courrier avec les fonds, après avoir reçu un courriel ci-joint me déchargeant de toute responsabilité pour la suite' ;

* la chambre fournissait au procureur de la République de Pontoise, par lettre du 11 juillet 2019, les explications de M. [IW] sur ce dossier.

Il est ainsi patent que M. [IW] ne répond pas avec toute la diligence nécessaire à la chambre, que celle-ci est obligée de le relancer. Si effectivement, il a répondu à la chambre sur cette réclamation, un mois après la première demande, ce n'est qu'à la suite de trois relances ; que, entre avril et juillet, il n'a pas répondu à la chambre ni ne l'a informée du suivi de la réclamation. Au regard des réponses de M. [IW], il apparaît en outre qu'il n'a pas fait preuve de la délicatesse nécessaire envers son client, M. [J], et ne lui a pas fourni les informations utiles et complètes sur l'état d'avancement de son dossier, ni sur l'ampleur des actes qu'il lui restait à accomplir.

Les pièces produites par le ministère public (pièces 36, 37, 38, 39, 40) confirment l'attitude désinvolte de M. [IW] à l'égard de sa chambre.

Ainsi :

* en janvier 2017, la chambre avise M. [IW] que sa demande relative à la réclamation de Mme [JV] est restée lettre morte et qu'il est convoqué le 23 février suivant avec l'obligation de présenter les pièces attestant que l'ensemble des pièces qu'elle réclamait lui avaient été adressées ;

* en juin 2017, la chambre rappelle à M. [IW] que ses demandes sur la réclamation de Mme [F] [US] [D] des 21 avril 2017, 22 mai et 7 juin 2017 sont restées sans réponse et qu'elle attend ses explications sous 48 heures par fax ou courrier et en sus l'invite à se présenter devant elle le 22 juin 2017 à 11 heures.

De même, en 2019, (pièce 38), il ressort des pièces du ministère public que M. [IW], sans justification, ne se présente pas à une convocation du 21 février pour le 14 mars et prévient le jour même de son absence ; que la chambre est obligée de le relancer, de l'informer qu'elle ne différera plus les dates de convocation, sans cas de force majeure dûment justifié.

Les mêmes relances et convocations de la part de la chambre sont produites par le ministère public pour l'année 2020 (pièce 39) et l'année 2021 (pièce 40).

Il ressort en outre de ces productions que la chambre a convoqué M. [IW] parce qu'il n'apporte aucune réponse sur les réclamations dont de nombreux clients saisissent la chambre.

Selon M. [IW], les difficultés d'organisation de son office expliquent les délais pris à répondre à ces multiples demandes de la chambre et dont celle-ci, selon lui, serait responsable en raison de l'entrave orchestrée par l'institution locale dans la nomination d'un notaire salarié au sein de son étude, nécessaire pour accompagner son développement et ce en contravention avec toutes les règles professionnelles. Il soutient que l'institution locale dans son oeuvre de déstabilisation de son étude a contribué directement à sa surcharge de travail et donc à son retard. Il ajoute que le ministère public ne démontre pas le caractère intentionnel des fautes qui lui sont reprochées de sorte que c'est à bon droit que le premier juge a retenu que le manquement au devoir de M. [IW] à l'égard de sa clientèle et de son ordre n'était pas caractérisé.

Ces explications ne sont pas satisfaisantes dès lors qu'il lui revient de mettre en place au sein de son entreprise l'organisation nécessaire pour assurer les obligations qui sont les siennes en sa qualité d'officier public, investi d'une mission de l'Etat, pour laquelle il jouit en retour d'un monopole et d'un tarif protégé par la loi.

Les convocations et demandes multiples de la chambre sont motivées par les nombreuses réclamations de ses clients, insatisfaits de l'absence de réponse à leur demande. Il ne démontre pas, par ses productions, l'existence d'une entrave orchestrée contre lui par l'institution locale. Il ressort de ses explications orales que le dossier de son épouse, en qualité de notaire salariée, a tardé à être transmis à la chancellerie et que c'est avec elle qu'il souhaitait travailler. Le président de la chambre de discipline a répondu que Mme [IW] ne justifiait pas de l'ancienneté nécessaire pour que cette demande soit accueillie. En tout état de cause, il ressort des productions que le ministère de la justice a nommé son épouse selon arrêté du 10 novembre 2016. Ses explications ne sont donc plus pertinentes en l'espèce puisque l'essentiel des manquements qui lui sont reprochés a été commis postérieurement à cette nomination. En outre, il sera encore rappelé que M. [IW] est investi d'une mission particulière, qu'il dispose de prérogatives de puissance publique, qu'il ne peut se retrancher derrière des excuses injustifiées pour ne pas organiser son office de manière à respecter ses obligations ordinales.

En outre, la preuve du caractère intentionnel des manquements aux obligations susvisées n'a pas à être rapportée. Il est suffisamment établi par les nombreux exemples susvisés que M. [IW] ne respecte pas les obligations qui sont les siennes tant à l'égard de ses clients que des autorités de tutelle et que celles-ci déplorent à juste titre que ce comportement porte atteinte à l'image de la profession.

Il découle de ce qui précèdent que les manquements aux obligations imposées par les dispositions susvisées sont établis.

En définitive, sur les treize manquements dénoncés par le ministère public, douze sont établis.

Sur la sanction

L'article 2 de l'ordonnance du 28 juin 1945 dispose que ' Toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout fait contraire à la probité, à l'honneur ou à la délicatesse commis par un officier public ou ministériel, même se rapportant à des faits extra professionnels, donne lieu à sanction disciplinaire.

L'officier public ou ministériel peut être poursuivi disciplinairement, même après l'acceptation de sa démission, si les faits qui lui sont reprochés ont été commis pendant l'exercice de ses fonctions. Si la sanction est prononcée, alors que la nomination de son successeur est déjà intervenue, celui-ci demeure titulaire de l'office quelle que soit la peine infligée.'

L'article 3, 6°, de l'ordonnance du 28 juin 1945, dans sa rédaction applicable en l'espèce, dispose que :

'Les peines disciplinaires sont :

1° Le rappel à l'ordre ;

2° La censure simple ;

3° La censure devant la chambre assemblée ;

4° La défense de récidiver ;

5° L'interdiction temporaire ;

6° La destitution.'

L'article 4 de cette ordonnance précise que 'Les peines énumérées ci-dessus sous les numéros 1 à 4 peuvent être accompagnées de la peine complémentaire de l'inéligibilité temporaire, pendant dix ans au plus, aux chambres, organismes et conseils professionnels.

L'interdiction et la destitution entraînent, à titre accessoire, l'inéligibilité définitive aux chambres, organismes et conseils professionnels.'

Les faits reprochés à M. [IW], établis pour la plupart, constituent des violations des dispositions susmentionnées et caractérisent un non respect des règles comptables de la profession, un non respect de ses confrères, des autorités de tutelle et de ses clients.

Ils justifient donc le prononcé d'une sanction.

Afin de sanctionner ces agissements, de manière juste, dans le respect du principe de proportionnalité de la peine, il doit être tenu compte de leur gravité, de leur accumulation, de leur caractère répété, mais aussi de la personnalité de l'auteur.

Sur les treize manquements dénoncés par le ministère public, douze ont été retenus comme fondés.

Il résulte en outre de la procédure que les règles qui gouvernent la profession de M. [IW] ont été enfreintes de manière réitérée et sur une très longue période ce qui caractérise sa méconnaissance flagrante et délibérée de celles-ci, en particulier les manquements aux obligations de délicatesse, de respect des autorités de tutelle ainsi que de conscience professionnelle, d'égards, d'information due à sa clientèle.

M. [IW] minimise la portée des manquements dont il se rend coupable depuis des années, en particulier au titre de la tenue de sa comptabilité qui doit être authentique et, de ce fait, doit être le reflet exact et concomitant de la réalité de l'acte. Il n'apparaît pas avoir pris la mesure des obligations qui sont les siennes en sa qualité d'officier ministériel, bénéficiant d'un statut particulier privilégié, jouissant d'un monopole pour l'établissement des actes authentiques.

De plus, comme indiqué précédemment, les conclusions du rapport d'inspection occasionnelle du 26 juillet 2023 que M. [IW] a versé aux débats pour justifier qu'il poursuit ses efforts et que la situation de désorganisation de son office est en voie de résolution, ne confirme nullement ses affirmations. L'état de santé de son épouse, invoquée par l'intéressé, qui n'apparaît pas justifié par les pièces produites, ne saurait cependant le dispenser de respecter ses obligations envers les autorités de tutelle et ses clients.

M. [IW] a déjà été condamné de manière irrévocable le 16 octobre 2012 à la peine de la censure simple assortie d'une inéligibilité aux chambres, organismes et conseils professionnels durant trois ans pour avoir fait obstacle au bon déroulement de l'inspection annuelle de son office en ne remettant pas en temps et en heure les pièces demandées.

Il a encore été condamné par décision du 7 mars 2017 par la chambre régionale de discipline des notaires de la cour d'appel de Versailles à la peine de la censure devant la chambre assemblée assortie d'une inéligibilité aux chambres, organismes et conseils professionnels pour une durée de six années, au titre de retard dans la tenue de la comptabilité, défaut de consignation, imputation de chèques périmés, encaissement différé de chèques, obstruction aux inspections au titre des exercices 2012 à 2014, obstruction à la mission de vérification de la comptabilité, obstruction à la mission de la chambre de traitement des réclamations des clients. M. [IW] a interjeté appel de cette décision et la cour d'appel de Versailles, par arrêt rendu le 22 octobre 2019, a ramené la sanction prononcée contre M. [IW] en 2017 à la peine de la censure simple assortie d'une inéligibilité aux chambres, organismes et conseils professionnels durant trois ans. Sur pourvoi de M. [IW], la Cour de cassation a, le 8 septembre 2021, cassé cet arrêt, pour des questions de forme, sauf en ce qu'il déclare recevable le recours. Elle a dès lors remis, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles autrement composée. En septembre 2023, soit deux années après la décision de la Cour de cassation, par deux déclarations, M. [IW] a saisi la cour d'appel de Versailles désignée comme cour de renvoi. Ces dossiers sont enregistrés à la cour d'appel de Versailles sous les numéros de répertoire général 23/6347 et 23/6431.

La persistance des manquements commis par M. [IW] après les décisions du 16 octobre 2012, irrévocable, et du 7 mars 2017, non irrévocable, l'ensemble des éléments précédemment exposés justifie l'infirmation du jugement déféré et le prononcé de la sanction de destitution.

Conformément aux dispositions de l'article 20 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945, le prononcé de cette peine d'interdiction à l'encontre de cet officier ministériel emporte obligation de désigner un administrateur pour le remplacer.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pontoise le 25 janvier 2022 ;

Statuant à nouveau,

DÉCLARE infondés les griefs tenant à :

* la taxation tardive des actes reçus au titre de l'exercice 2017 ;

* la perception d'honoraires en contravention avec l'article L. 444-1 du code de commerce et l'article 9.1 du règlement national sur la convention d'honoraires entraînant la perception d'honoraires sans réel accord préalable du client au titre des rapports d'inspection de 2017 et 2019 ;

* l'absence de conservation des documents justifiant les diligences du notaire en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ;

DÉCLARE fondés les autres griefs poursuivis par le ministère public ;

PRONONCE à l'encontre de M. [IW], notaire, la peine de destitution ;

RAPPELLE que cette peine entraîne, à titre accessoire, l'inéligibilité définitive aux chambres, organismes et conseils professionnels ;

ENJOINT la Chambre interdépartementale des notaires des Yvelines et du Val d'Oise de prendre toutes dispositions utiles à l'administration de l'étude ;

CONDAMNE M. [IW] aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Monsieur Jean-François BEYNEL, premier président, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Premier Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-1
Numéro d'arrêt : 22/00807
Date de la décision : 26/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-26;22.00807 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award