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25/03/2024 | FRANCE | N°22/00267

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-3, 25 mars 2024, 22/00267


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-3



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 MARS 2024



N° RG 22/00267 -

N° Portalis DBV3-V-B7G-U7AY



AFFAIRE :



S.A.R.L. PERASOL



C/



[O] [D]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Novembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARGENTEUIL

N° Section : I

N° RG : F21/00160
>

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS



Me Mahamoudou SIDIBE







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT CINQ MARS DEUX MILLE VINGT QU...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-3

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 MARS 2024

N° RG 22/00267 -

N° Portalis DBV3-V-B7G-U7AY

AFFAIRE :

S.A.R.L. PERASOL

C/

[O] [D]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Novembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARGENTEUIL

N° Section : I

N° RG : F21/00160

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS

Me Mahamoudou SIDIBE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.R.L. PERASOL prise en la personne de ses représentants légaux

N° SIRET : 510 555 006

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Sylvia GRADUS de la SELEURL SYLVIA GRADUS ASSOCIEE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0500

Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629

APPELANTE

****************

Monsieur [O] [D]

né le 15 Mai 1979 à PAKISTAN

de nationalité Pakistanaise

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Mahamoudou SIDIBE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 254

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/005240 du 14/11/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 31 Janvier 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Président,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseiller,

Madame Michèle LAURET, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

FAITS ET PROCÉDURE

La société à responsabilité limitée Perasol est une entreprise générale du bâtiment, qui comptait moins de onze salariés au moment de la relation de travail.

M. [D] a été engagé par la société Perasol en qualité de peintre et poseur de sol par contrat de travail à durée déterminée à temps partiel de 104 heures par semaine du 21 juin 2017 au 21 septembre 2017, en raison d'un accroissement temporaire d'activité, puis par contrat de travail à durée déterminée du 21 septembre 2017 jusqu'au 21 décembre 2017, pour le même motif.

La relation de travail s'est ensuite poursuivie sous contrat à durée indéterminée entre les parties, à temps complet selon contrat de travail à compter du 1er avril 2018, selon M. [D], et selon un avenant au contrat à temps partiel selon l'employeur, pour une durée de 104 heures, à compter du 1er janvier 2018.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective du bâtiment.

Par LRAR du 15 février 2019, la société Perasol a convoqué M. [D] à un entretien préalable à un licenciement, fixé au 28 février 2019 et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.

Par LRAR du 20 mars 2019, la société Perasol a notifié à M. [D] son licenciement pour faute grave en ces termes':

«'Monsieur,

A la suite de l'entretien préalable que nous avons eu le 28 février 2019, nous avons le regret de vous signifier par la présente votre licenciement pour faute grave.

Le motif invoqué à l'appui de cette décision tel qu'il vous a été exposé à cette occasion est, nous vous le rappelons, le suivant :

Votre absence injustifiée et ininterrompue depuis le 10 novembre 2018.

Cette absence met en cause la bonne marche de l'entreprise. Le service auquel vous appartenez ne peut continuer plus longtemps à fonctionner normalement en votre absence.

C'est ainsi notamment que du fait de vos absences injustifiées et imprévues, nous accusons des retards dans nos chantiers et avons dû réorganiser la répartition de notre personnel sur les différents lieux de travail.

Cette conduite met en cause le bon fonctionnement du service et les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 28 février 2019 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.

Compte tenu de la gravité des faits, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, y compris pendant la durée de votre préavis.

Votre licenciement, sans Indemnité de préavis ni de licenciement, prend donc effet immédiatement dès la première présentation de cette lettre par la Poste et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date. La période de mise à pied conservatoire vous sera pas rémunérée.

Vous pourrez vous présenter au service du personnel pour percevoir votre solde de tout compte et retirer votre certificat de travail et votre attestation Pôle Emploi.

Vous pouvez faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous avons la faculté d'y donner suite dans un délai de quinze jours après réception de votre demande, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement. (...)'».

Par requête introductive du 31 mai 2021, M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes d'Argenteuil.

Par jugement du 24 novembre 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes d'Argenteuil a :

- Dit que le licenciement de M. [D] [O] intervenu le 20 mars 2019 est sans cause réelle et sérieuse.

- Dit que le travail dissimulé est caractérisé.

- Condamné la S.A.R.L. PERASOL prise en la personne de son représentant légal à verser à M. [D] [O] les sommes suivantes :

* 3 003,52 euros (trois mille trois euros et cinquante-deux centimes) au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

* 688,31 euros (six cent quatre-vingt-huit euros et trente-et-un centimes) au titre de l'indemnité légale de licenciement.

* 1 501,76 euros (mille cinq cent un euros et soixante-seize centimes) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

* 9 010,56 euros (neuf mille dix euros et cinquante-six centimes) au titre l'indemnité pour travail dissimulé.

* 600 euros (six cents euros) au titre de l'indemnité de congés payés

* 1.500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Ordonné à la S.A.R.L. Perasol, en la personne de son représentant légal, de remettre à M. [D] [O] les documents suivants conformes à la présente décision sous astreinte de 50 Euros (cinquante euros) par jour de retard et par document à compter du 21ème jour suivant la notification de la présente décision : L'attestation Pôle Emploi'; Les Bulletins de paie.

- Dit que le Bureau de jugement se réservera le droit de liquider l'astreinte s'il y a lieu.

- Ordonné l'exécution provisoire sur le tout.

- Débouté M. [D] [O] pour le surplus des demandes.

- Débouté la S.A.R.L. Perasol de sa demande reconventionnelle.

- Fixé la moyenne des salaires à 1.501,76 euros (mille cinq cent un euros et soixante-seize centimes) bruts.

- Met les dépens à la charge de la S.A.R.L. Perasol prise la personne de son représentant légal y compris l'intégralité des frais d'exécution par voie d'huissier s'il y a lieu.

- Prononcé par mise à disposition du jugement au greffe du conseil, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

La société Perasol a interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel au greffe du 26 janvier 2022.

Par ordonnance du 11 septembre 2023, le conseiller de la mise en état a':

- dit irrecevables les conclusions de M. [D] remises au greffe le 19 juin 2023 à 8h33,

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion du délai d'appel soulevée par M. [D],

- dit n'y avoir lieu à radiation de l'affaire du rôle,

- condamné M. [D] à payer à la société Perasol la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens de l'incident suivront le sort des dépens au principal.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 24 janvier 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 9 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Perasol demande à la cour de':

- Juger la Société Perasol recevable et bien fondée en son appel du jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Argenteuil le 24 novembre 2021,

Y faisant droit,

- Infirmer le dit jugement sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [D] de sa demande de condamnation de la société Perasol au paiement de la somme de 7.508,80 euros à titre de rappel de salaires,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Sur le licenciement :

- Juger fondé le licenciement de Monsieur [D] pour faute grave et le débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- Subsidiairement, juger que le licenciement de Monsieur [D] repose sur une faute qui lui confère une cause réelle et sérieuse,

- Juger, dans cette hypothèse, que les sommes auxquelles Monsieur [D] pourrait prétendre ne sauraient dépasser, sur la base de la moyenne des salaires bruts des 12 derniers mois précédant la rupture du contrat de travail, fixée à la somme de 694,41 euros :

' Indemnité de licenciement : 303,80 euros

' Indemnité de préavis : 1.043,12 euros

' Indemnité de congés payés sur préavis : 104,31 euros

- Et le débouter du surplus de ses demandes, notamment de celle formulée au titre des congés payés à hauteur de la somme de 600,00 euros dont il ne justifie pas,

- A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait juger le licenciement de Monsieur [D] sans cause réelle et sérieuse, juger que le montant des dommages et intérêts ne saurait être supérieur à un mois de salaire brut calculé sur la moyenne des douze derniers mois précédant le licenciement, soit la somme de 694,41 euros,

Sur le travail dissimulé :

Vu l'article L.8221-5 du Code du Travail,

Vu les articles 287 et suivants du Code de Procédure Civile,

- Juger que le contrat de travail du 1er avril 2018 dont se prévaut Monsieur [D] est un faux,

- Procéder à la vérification d'écriture apposée sur ce contrat de travail, spécifiquement, de la signature apposée en fin de texte pour le compte de la société Perasol,

- Juger que la signature apposée au nom de la société Perasol n'est pas celle de Monsieur [T] [Y] qui était gérant de la société le 1er avril 2018,

- En conséquence, écarter ce contrat de travail des débats,

- Juger que l'infraction de travail dissimulé n'est pas caractérisée ni dans son élément matériel, ni dans son élément intentionnel et débouter Monsieur [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

A titre reconventionnel :

- Condamner Monsieur [D] à payer à la société Perasol la somme de 693,18 euros à titre de remboursement du trop-perçu pour le mois de novembre 2018, ladite somme majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2021, date de la demande,

- Ordonner la capitalisation des intérêts,

- Débouter Monsieur [D] du surplus de ses demandes, fins et prétentions,

- Condamner Monsieur [D] à payer à la société Perasol somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 16 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [D] demande à la cour de':

- Débouter la SARL Perasol de toutes ses demandes;

- Confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions.

En tout état de cause,

- Condamner la société Perasol à payer la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

MOTIFS

Sur l'indemnité de congés payés

Vu l'article L. 3141-3 du code du travail et l'article 1315, devenu 1353, du code civil';

Aux termes du premier de ces textes, le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur. La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables.

Aux termes de l'article 1315, devenu 1353, du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En application de ces dispositions, il appartient à l'employeur, débiteur de l'obligation de paiement de l'intégralité de l'indemnité due au titre des jours de congés payés, qui en conteste le nombre acquis, d'établir qu'il a exécuté son obligation.

En l'espèce, les premiers juges ont condamné l'employeur à payer une somme de 600 euros au salarié à titre d'indemnité de congés payés, sans précision sur la période de travail effectif afférente en relevant que «'la société ne conteste pas devoir cette somme à M. [D]'».

En appel, le salarié sollicite la confirmation de ce chef du jugement, tandis que la société conteste devoir cette somme, en indiquant que le salarié ne donne aucune précision ni justificatif sur les congés payés qui étaient dus.

Si la charge de la preuve du congé accordé au salarié repose sur l'employeur, il incombe au salarié de préciser la période au cours de laquelle il n'a pas bénéficié de son droit à congé, au soutien de sa demande d'indemnité, afin de permettre à la société Perasol de justifier qu'elle s'en est libérée.

M. [D] n'apportant aucun élément de fait à ce titre, il convient de le débouter de sa demande d'indemnité de congés, par voie d'infirmation du jugement déféré.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé':

La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L.8221-5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

'

En application de l'article L 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits visés à l'article L 8221-5, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

La charge de la preuve des éléments matériels et intentionnels de la dissimulation d'emploi de salarié incombe au salarié.

En l'espèce, M. [D] indique qu'à la suite de deux contrats de travail à durée déterminée à temps partiel de 104 heures par semaine conclus pour la période allant du 21 juin 2017 au 21 septembre 2017, puis du 21 septembre 2017 jusqu'au 21 décembre 2017, il a ensuite été embauché le 1er avril 2018 par la société Perasol selon contrat à durée indéterminée à temps complet pour un salaire mensuel brut de 1 501,76 euros, qu'il produit aux débats.

Il soutient que son employeur a mentionné sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué de 104 heures, qu'il a versé le salaire afférent à ce temps partiel, et que la société Samma Bat, qui ne l'a pas déclaré, lui a payé le complément sur son compte bancaire, justifiant de deux virements, de 1 200,13 euros le 27 août 2018 et de 8 octobre 2018 de 1 165,90 euros.

La société Perasol soutient pour sa part que M. [D] a exercé une activité à temps partiel sur la totalité de la relation de travail, puisque, après exécution des deux contrats de travail à durée déterminée, il a été conclu un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel pour une durée de 104 heures et un salaire mensuel brut de 1 015,04 euros à compter du 1er janvier 2018. L'employeur indique que le contrat de travail versé par le salarié est un faux, ce qui a justifié un dépôt de plainte devant le Procureur de la République, elle souligne sur ce point les nombreuses incohérences y figurant, et en particulier le fait que la signature de la société ne corresponde pas à celle du gérant, et sollicite qu'il soit procédé à une vérification d'écriture à ce titre.

****

Si le salarié se prévaut du contrat de travail à durée indéterminée du 1er avril 2018 à temps complet afin de démontrer la dissimulation d'heures travaillées par la société Perasol, cette dernière soulève à juste titre les incohérences de cette pièce versée aux débats par le salarié (pièce 3). En effet, en premier lieu, alors que M. [D] a été engagé en CDD sous la qualification de peintre et poseur de sol, qualification ouvrier de niveau 1, coefficient 150, qui correspond à la mention figurant sur l'intégralité des bulletins de salaire établis par l'employeur, le CDI dont il se prévaut mentionne une qualification distincte de niveau II et un coefficient de 185, qui ne sont confirmés par aucune autre pièce.

En deuxième lieu, alors qu'il est indiqué une durée du travail de 152 heures, soit 35 heures par semaine, les horaires indiqués sur le contrat ne correspondent pas à une durée de 35 heures par semaine (lundi au jeudi de 9h00 à 12h00 et de 13h00 à 17h00, et le vendredi de 13h00 à 12h00), étant précisé en outre qu'une modification manuscrite figure sur le chiffre 9, tandis que la plage horaire précisé pour le vendredi est manifestement incohérente.

En troisième lieu, et sans qu'il soit nécessaire de réaliser une vérification d'écriture, la signature qui est apposée sur le contrat pour la société Perasol n'est pas la même que celle du gérant, Monsieur [T] [Y], figurant sur la lettre de licenciement ou sur l'un des chèques produits par le salarié.

Enfin, le temps de travail à temps plein qui est allégué par le salarié n'est pas conforme aux bulletins de salaire, qui mentionnent une durée du travail de 104 heures, correspondant au contrat de travail à temps partiel de janvier 2018 produit par l'employeur, qui s'inscrit dans la suite des précédentes fonctions. Sur ce point, si M. [D] indique que le complément du salaire lui était versé par la société Samma Bat, il convient de relever d'abord qu'il produit ses relevés de compte où figurent deux virements qui, ajoutés aux sommes réglées par la société Perasol, ne correspondent pas au montant de la rémunération mensuelle indiquée au contrat. Ensuite, les attestations produites par l'employeur précisent que M. [D] était régulièrement absent des chantiers, ce qui est confirmé par les bulletins de salaire qui mentionnent un nombre important de jours d'absence non rémunérées, ce qui lui permettait d'effectuer des missions pour d'autres entreprises.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. [D] n'établit pas que la société Perasol dissimulait une partie des heures travaillées, et qu'elle les faisait régler par une société tierce, la société Saama Bat, la cour considérant que le contrat de travail du 1er avril 2018 produit par le salarié n'est pas probant, compte tenu des nombreuses incohérences qu'il contient.

L'élément matériel du travail dissimulé n'étant pas démontré par M. [D], il convient de le débouter de sa demande formulée sur ce fondement, par voie d'infirmation du jugement entrepris.

Sur la faute grave

Il résulte de l'article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.

L'article L. 1235-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Enfin, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et qui justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis. La charge de la preuve pèse sur l'employeur.

En l'espèce, la société Perasol reproche au salarié son absence injustifiée et ininterrompue depuis le 10 novembre 2018.

L'employeur, à qui incombe exclusivement la charge de la preuve de la faute grave alléguée, ne produit aucune pièce probante aux débats permettant de la caractériser.

En effet, les deux attestations mentionnant les absences répétées de M. [D] ne précisent pour l'une pas les périodes d'absence du salarié, et pour l'autre indique uniquement que 'les derniers moments il ne venait plus du tout et il a quitté son poste définitivement'.

L'employeur ne justifie pas avoir invité M. [D] à reprendre son poste de travail, ni lui avoir adressé un courrier de mise en demeure aux fins de réintégration de son emploi. Sur ce point, le mail du 22 septembre 2021 établi par la société Perasol, et sur lequel ne figure pas le destinataire ni le nom de M. [D], est inopérant à établir la preuve de la faute grave reprochée au salarié.

Ainsi, l'employeur ne rapportant pas la preuve du grief allégué, tant à l'appui de la faute grave, qu'à titre subsidiaire, au titre de la cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a décidé que le licenciement de M. [D] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement

En l'absence de faute grave retenue par la cour, la demande de la société Perasol visant à condamner le salarié à rembourser le trop-perçu du mois de novembre 2018 découlant de son absence injustifiée n'est pas fondée, et elle sera rejetée, par voie de confirmation de la décision entreprise.

En application des dispositions de l'article X-1 de la convention collective applicable, le salarié a droit à une indemnité compensant un préavis d'un mois au vu de son ancienneté comprise entre six mois et deux ans, calculée sur la base du salaire brut que le salarié aurait perçu s'il avait travaillé pendant ce délai-congé.

La cour retient, sur la base de la rémunération mensuelle brute figurant sur l'avenant n°1 au contrat de travail à temps partiel du 2 janvier 2018 (pièce 3 employeur), et de la proposition formulée par l'employeur, une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 1 043,12 euros, outre 104,31 euros de congés payés.

Le salarié, qui sollicite ensuite une indemnité légale de licenciement à hauteur de 688,31 euros, et non sur le fondement des dispositions conventionnelles plus favorables, il lui sera alloué la somme sollicitée, par voie de confirmation du jugement entrepris.

Enfin, selon l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur.

La société Perasol employant habituellement moins de onze salariés, le montant de l'indemnité minimale pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est d'un demi mois de salaire brut pour un an d'ancienneté complète.

En l'espèce, au regard de son âge au moment du licenciement, de son ancienneté d'un an dans l'entreprise, du montant de la rémunération brut figurant au contrat du 2 janvier 2018, il convient d'allouer à M. [D] une indemnité de 2 055,04 euros brute, et d'infirmer le jugement entrepris s'agissant du quantum alloué.

Sur la remise de documents

Il convient d'ordonner à l'employeur de remettre au salarié une attestation France Travail, et des bulletins de salaire conformes au présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte à ce titre, le jugement entrepris étant sur ce point partiellement infirmé.

Sur les intérêts

Les créances de nature salariale porteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et les créances à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt,

Les intérêts échus des capitaux porteront eux-mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus pour une année entière.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'employeur sera condamné aux dépens, par voie de confirmation en première instance, et en cause d'appel.

En outre, il convient de confirmer le jugement entrepris au titre des frais irrépétibles et de condamner sur ce même fondement la société Perasol à payer à M. [D] la somme de 1 500 euros en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes d'Argenteuil du 24 novembre 2021, mais seulement en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [D] intervenu le 20 mars 2019 était sans cause réelle et sérieuse, qu'il a condamné la société Perasol à payer à M. [D] la somme de 688,31 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement et 1 500 euros au titre des frais irrépétibles, et mis les dépens à la charge de la société Perasol,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Y ajoutant,

Déboute M. [D] de ses demandes au titre de l'indemnité de congés payés et l'indemnité pour travail dissimulé,

Condamne la société Perasol à verser à M. [D] les sommes suivantes':

- 2 055,04 euros brute au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 043,12 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 104,31 euros de congés payés afférents,

Dit que les créances de nature salariale porteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et les créances à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

Ordonne à la société Perasol de remettre au salarié une attestation France Travail, et des bulletins de salaire conformes au présent arrêt,

Rejette la demande d'astreinte,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Perasol à payer à M. [D] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la société Perasol aux dépens de l'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Laurence SINQUIN, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-3
Numéro d'arrêt : 22/00267
Date de la décision : 25/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-25;22.00267 ?
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