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21/03/2024 | FRANCE | N°23/05670

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-5, 21 mars 2024, 23/05670


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54B



Chambre civile 1-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 21 MARS 2024



N° RG 23/05670 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WAQP



AFFAIRE :



S.A.S. PRIMOBOIS





C/

[T] [P]

...







Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 20 Juillet 2023 par le Président du TJ de Versailles

N° RG : 23/00216



Expéditions exécutoires

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Copies

délivrées le : 21.03.2024

à :



Me Hélène FAUCONNIER, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Catherine CIZERON, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54B

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 MARS 2024

N° RG 23/05670 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WAQP

AFFAIRE :

S.A.S. PRIMOBOIS

C/

[T] [P]

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 20 Juillet 2023 par le Président du TJ de Versailles

N° RG : 23/00216

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 21.03.2024

à :

Me Hélène FAUCONNIER, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Catherine CIZERON, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. PRIMOBOIS

Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 533 270 328 - RCS de Brest

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Hélène FAUCONNIER, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 680 - N° du dossier E00028LG

Ayant pour avocat plaidant Me Alexandra DUPONT substituant Me Antoine MAUPETIT de la SARL CHROME AVOCATS, du barreau de NANTES, vestiaire : 322

APPELANTE

****************

Monsieur [T] [P]

né le 06 Janvier 1964 à [Localité 7] (Espagne)

[Adresse 1]

[Localité 6]

Madame [M] [L] épouse [P]

née le 30 Novembre 1970 à [Localité 8]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Catherine CIZERON de la SELARL DS L'ORANGERIE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.404 - N° du dossier 210192-1

Ayant pour avocat plaidant Me Georges FERREIRA de la SELARL DS L'ORANGERIE, du barreau de PARIS, vestiaire : 484

S.A. CGI BATIMENT

Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 432 14 7 0 49 - RCS de Paris

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 26241

Ayant pour avocat plaidant Me Daria BELOVETSKAYA substituée par Me Kubilay SARI du barreau de PARIS, vestiaire C0216

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Février 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas VASSEUR, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Mohamed EL GOUZI,

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte sous seing privé du 31 octobre 2017, Mme [M] [L] épouse [P] et M. [T] [P] ont conclu avec la société Primobois un contrat de construction d'une maison individuelle (ci-après le CCMI) sur une parcelle située au [Adresse 1], à [Localité 6] (Yvelines).

Le contrat a été conclu pour la somme de 419.077,00 euros TTC. La société Primobois a souscrit une garantie de livraison auprès de la société CGI Bâtiment. La durée prévue des travaux était de 12 mois et la déclaration d'ouverture du chantier a eu lieu le 4 juin 2018. À la suite de plusieurs avenants, le coût total de la construction a été porté à la somme de 473'612,56 euros TTC.

Un procès-verbal de réception de la maison, avec réserves, a été établi le 20 juillet 2021.

Exposant que les époux [P] se refusaient au paiement de plusieurs factures, la société Primobois les a fait assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Versailles en paiement de diverses provisions à ce titre.

Les époux [P] ont alors fait assigner la société CGI Bâtiment en intervention forcée et ont demandé la condamnation solidaire des sociétés Primobois et CGI Bâtiment au paiement de deux sommes provisionnelles, l'une au titre des travaux pris en charge par des tiers pour permettre l'achèvement de la maison et l'autre au titre des pénalités de retard qu'ils estimaient être contractuellement dues.

Par ordonnance rendue contradictoire le 20 juillet 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Versailles a :

- ordonné la jonction des procédures,

- rejeté l'ensemble des demandes des parties,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

Pour statuer comme il l'a fait, le juge des référés a relevé que 14 avenants avaient complété le CCMI, que des entreprises tierces, désignées par les époux [P], étaient intervenues en cours de chantier pour réaliser des prestations initialement dévolues à la société Primobois, de sorte qu'il convenait d'apprécier l'imputabilité des recours à l'une ou à l'autre des parties. Il a également relevé que de nombreux désaccords, concernant l'avancement des travaux et la réalisation de certains d'entre eux par les maîtres d'ouvrage, ont émaillé les relations des parties jusqu'à la réception de l'immeuble le 20 juillet 2021, de sorte qu'il existe une contestation sérieuse liée aux sommes dues par chacune d'elles, tant en leur principe qu'en leur montant.

Par déclaration reçue au greffe le 27 juillet 2023, la société Primobois a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, sauf celui ayant ordonné la jonction des procédures RG n°23/216 et RG23/372.

Dans ses dernières conclusions déposées le 29 décembre 2023, auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Primobois demande à la cour, au visa de la loi du 16 juillet 1971 et des articles 455, 458 et 835 du code de procédure civile, L. 231-3 et R. 231-7 du code de la construction et de l'habitation, 1103 et 1792-6 du code civil et L. 443-1 du code des assurances, de :

'à titre principal,

- annuler l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Versailles du 20 juillet 2023 ;

à titre subsidiaire,

- infirmer l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Versailles du 20 juillet 2023 en ce

qu'elle a :

- rejeté l'ensemble des demandes des parties,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens. ;

statuant à nouveau,

- dire et juger la société Primobois recevable et bien fondée en son action ;

- débouter les époux [P] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- débouter la société CGI Bâtiment de sa demande subsidiaire d'appel en garantie formée à l'encontre de la société Primobois ;

- condamner Mme et M. [P], in solidum, à payer à la société Primobois la somme provisionnelle de 94 774,87 euros ;

- condamner Mme et M. [P], in solidum, à payer à la société Primobois la somme provisionnelle de 23 431,88 euros ;

- condamner Mme et M. [P], in solidum, à payer à la société Primobois la somme provisionnelle de 38 857,70 euros ;

- condamner Mme et M. [P], in solidum, à payer à la société Primobois la somme provisionnelle de 7 420,44 euros ;

- condamner Mme et M. [P], in solidum, à payer à la société Primobois la somme de 5.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme et M. [P], in solidum, aux entiers frais et dépens de l'instance.'

Au soutien de sa demande d'annulation de l'ordonnance de première instance, la société Primobois soulève, en visant l'article 455 du code de procédure civile, ce qu'elle considère être l'insuffisance de la motivation du juge des référés, qui tient en une phrase et qui fait mention aux « pièces du dossier » sans procéder à leur analyse, même sommaire, et sans répondre aux arguments des parties.

S'agissant de ses demandes de provision, la société Primobois fait valoir l'obligation à paiement, pesant sur les époux [P], portant sur deux factures, ainsi que sur les intérêts de retard correspondant.

En premier lieu, elle invoque la facture n° 6 du 12 mars 2020, en faisant valoir que 95 % du prix convenu est exigible à l'achèvement des travaux d'équipement, de plomberie, de menuiserie, de chauffage et de revêtements extérieurs. Elle indique que ces travaux étaient terminés au moment de l'émission de la facture et que l'existence de réserves, au moment de la réception des travaux, est sans incidence sur son règlement, qui ne correspond pas au stade de la levée des réserves, d'autant que celles qui sont listées dans le procès-verbal de réception n'ont aucun lien avec les travaux d'équipement, de plomberie, de menuiserie et de chauffage.

En deuxième lieu, elle invoque la facture n° 7 du 30 novembre 2020 et elle indique que les époux [P], en leur qualité de maîtres de l'ouvrage, n'ayant pas, en violation des dispositions de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1971, consigné le solde du prix, ils doivent lui régler le solde des travaux, nonobstant l'absence de levée de l'ensemble des réserves. La société Primobois expose que ces deux factures ont généré des intérêts de retards de 38'857,70 euros et de 7.420,44 euros.

La société Primobois ajoute que les sommes qui lui sont dues ne peuvent faire l'objet d'une compensation avec celles qui sont invoquées par les époux [P] dès lors que la demande que ceux-ci formulent au titre des travaux de réalisation des ouvrages nécessaires au drainage des eaux est mal fondée, les époux [P] ayant initialement fait le choix de se réserver l'exécution des travaux d'assainissement ; elle considère qu'il ne peut y avoir davantage de compensation avec les sommes sollicitées par les époux [P] au titre des travaux de reprise de malfaçons avant réception dès lors que s'ils étaient mécontents des travaux réalisés, il leur incombait d'en faire état dans le cadre des réserves lors de la réception : ainsi, les installations de la pompe à chaleur, de la porte du garage, du garde-corps et des portes intérieures devaient être réalisées par elle-même, et le choix des époux [P], en cours de chantier, de faire appel à cet égard à des prestataires extérieurs ne lui est pas imputable. De même, la société Primobois considère que les demandes des époux [P] au titre des pénalités de retard ne sont pas non plus fondées dès lors notamment que les 14 avenants qui ont été conclus entre les parties ont nécessairement engendré une prolongation du délai d'exécution, que l'intervention d'entreprises tierces mandatées par les époux [P] l'a elle-même empêchée de réaliser sereinement son travail et que les pénalités de retard supposent de prendre en compte les intempéries.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 15 décembre 2023, auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. et Mme [P] demandent à la cour de :

'- confirmer l'ordonnance du 20 juillet 2023 en ce que la société Primobois et la sa CGI Bâtiment ont été déboutés de leurs demandes ;

- réformer l'ordonnance du 20 juillet en ce les intimés ont été déboutés de leurs demandes de condamnation solidaire de la société Primobois et la CGI Bâtiment à titre de provision à payer à Mme et M. [P] :

- la somme de 93 481,31 euros TTC au titre des travaux pris en charge pour permettre l'achèvement de la maison ;

- la somme de 102 200,12 euros au titre de la pénalité de retard contractuellement due ;

statuant à nouveau,

- condamner solidairement la société Primobois et la CGI Bâtiment à titre de provision à payer à Mme et M. [P] la somme de 93 481,31 euros TTC au titre des travaux pris en charge pour permettre l'achèvement de la maison ;

- condamner solidairement la société Primobois et la CGI Bâtiment, à titre de provision, à payer à Mme et M. [P] la somme de 102 200,12 euros au titre de la pénalité de retard contractuellement due ;

- condamner solidairement la société Primobois et la CGI Bâtiment à payer à Mme et M. [P] la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux dépens de l'instance'

Les époux [P] ne formulent pas d'observation sur la demande d'annulation de l'ordonnance formée par la société Primobois.

S'agissant de la demande de provision formée par la société Primobois, les époux [P] indiquent qu'aucune des deux factures de travaux produites n'est due, en raison de l'inexécution par la société Primobois de ses obligations. Indiquant que les règles de la loi du 16 juillet 1971 au titre des retenues de garantie dans les marchés de travaux privés ne sont pas applicables aux contrats de construction de maison individuelle, les époux [P] font valoir qu'en application de l'article R. 231-7 du code de la construction et de l'habitation, le solde du prix n'est exigible que dans les huit jours qui suivent la remise des clés consécutives à la réception, si aucune réserve n'a été formulée ou, dans l'hypothèse où des réserves ont été formulées, à la levée de celles-ci. Or, le procès-verbal de réception mentionne des défauts de finition et des réserves affectant l'ouvrage, qui n'ont pas été repris dans l'année de parfait achèvement. Ils invoquent une créance, ayant vocation à venir en compensation avec celle des factures, tenant à ce que la société Primobois devait prendre en charge la réalisation d'une étude de sol de laquelle elle devait retirer toutes les prescriptions techniques au titre de la réalisation de l'implantation ainsi que du drainage de la parcelle et que les prescriptions techniques qu'elle a recommandées se sont avérées inadaptées aux caractéristiques du terrain, ce qui a nécessité, pour les époux [P], de recourir à l'intervention d'une entreprise pour réaliser un bassin d'infiltration, pour un montant TTC de 42'688 euros, ainsi qu'à une entreprise autre pour la reprise des malfaçons du drainage du vide sanitaire, pour un montant TTC de 9450 euros ; ils exposent également avoir subi un dégât des eaux consécutifs à un manquement de la société Primobois dans la pose d'un robinet de puisage, ce qui a également entraîné d'autres frais. Ils énumèrent encore d'autres frais tenant à la porte du garage qui était défectueuse, à un garde-corps qui n'a pas été installé, ainsi qu'à la pose de portes intérieures, qui ont entraîné des frais que la société Primobois elle-même avait envisagé de régler au titre de ce qu'elle indiquait être un avenant de régularisation.

En outre, les époux [P] invoquent une créance au titre des pénalités de retard, dès lors que le chantier aurait dû être terminé le 4 juin 2019 et que la réception n'est intervenue que plus de trois années après. À cet égard, ils indiquent que les avenants, contrairement à ce que soutient la société Primobois, n'entraînent pas automatiquement une prorogation pour l'achèvement du chantier, d'autant que les premiers avenants sont intervenus avant même le commencement des travaux ; de même, ils indiquent que la société Primobois ne leur avait jusqu'à présent jamais fait état d'interruptions des travaux pour cause d'intempéries.

Dans ses dernières conclusions déposées le 8 janvier 2024, auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société CGI Bâtiment demande à la cour, au visa des articles 835 du code de procédure civile et L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation, de :

'à titre principal :

- confirmer en totalité l'ordonnance de référé rendue le 20 juillet 2023 ;

en cas d'annulation ou d'infirmation de l'ordonnance entreprise :

- constater l'inapplicabilité de la garantie de livraison ;

en conséquence

- débouter toute partie de leur demande de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions

formées à l'encontre de CGI Bâtiment ;

à titre subsidiaire :

- prendre acte de la franchise à hauteur de 20 953,85 euros opposable aux consorts [P] et en déduire le montant de toute éventuelle condamnation mise à la charge de CGI Bâtiment ;

- condamner la société Primobois à relever et garantir intégralement la CGI Bâtiment de toute éventuelle condamnation mise à sa charge au profit des consorts [P] ;

en tout état de cause :

- condamner tout succombant à verser à CGI Bâtiment une indemnité de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de la présente instance ;

- condamner les consorts [P] ou tout succombant aux entiers dépens de l'instance dont le montant sera recouvré par Maître Mélina Pedroletti , avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile '

La société CGI Bâtiment soutient à titre principal que la garantie de livraison est inapplicable dès lors que le constructeur ne se trouve pas en liquidation judiciaire. La société Primobois étant in bonis et étant intervenue pour reprendre des réserves, la mobilisation de la garantie n'est pas justifiée. En outre, la société CGI Bâtiment expose que les travaux que les maîtres de l'ouvrage se sont réservés ont reporté de 32 jours l'expiration du délai d'exécution et que de nombreux avenants relatifs à la réalisation de travaux complémentaires ont également été une cause de rallongement des délais. Elle énumère à cet égard les 14 avenants intervenus entre les parties, les époux [P] n'ayant eu de cesse de modifier leurs choix sur les ouvrages à réaliser, comme l'illustrent les agrandissements du jardin et du garage ainsi que le remplacement de nombreux équipements. Elle ajoute qu'en l'absence de règlement des factures n° 6 et 7, le constructeur est en droit d'opposer aux époux [P] leur propre défaillance comme cause de prolongation des travaux et que la crise sanitaire ainsi que les intempéries sont également des facteurs d'allongement des délais. Rappelant que la garantie de livraison est cantonnée aux prestations convenues dans le contrat originaire, la société CGI Bâtiment indique que cette garantie ne peut en tout état de cause être retenue au titre des travaux de drainage, qui étaient à la charge des maîtres de l'ouvrage ; à cet égard, elle indique que le seul courriel de la société Stal produit par les époux [P] ne permet pas d'apporter la preuve de l'inexactitude des prestations techniques de la société Primobois. Elle ajoute que la facture de la société DSA Maçonnerie produite par les époux [P] au soutien de leurs propres demandes indique que les travaux réalisés sont des « reprises de malfaçons constatées sur place », de sorte que la cause de cette dépense procède des défauts des travaux que les époux [P] ont eux-mêmes fait réaliser. Enfin, la société CGI Bâtiment indique que rien ne permet de retenir que le dégât des eaux est imputable à la société Primobois et que les travaux de remplacement de la porte de garage, de l'installation d'un garde corps, des portes intérieures et de la pompe à chaleur procèdent des choix propres des époux [P] alors qu'ils auraient pu les laisser à la charge de la société Primobois.

À titre subsidiaire, la société CGI Bâtiment expose qu'elle est en droit d'opposer une franchise de 5 % du prix convenu et que si sa garantie devait être mobilisée, elle serait en droit de se retourner contre la société Primobois.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'annulation de l'ordonnance, formée à titre principal par la société Primobois :

L'article 455 du code de procédure civile dispose que le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, cet exposé pouvant revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date, et que le jugement doit être motivé.

En l'espèce, pour concise qu'elle soit, la motivation de l'ordonnance de première instance n'est pas inexistante et le fait que le juge des référés en première instance n'ait pas décrit de manière détaillée chacune des pièces invoquées au soutien des prétentions respectives ne procède pas, en soi, d'une méconnaissance de la disposition précitée.

Aussi convient-il de rejeter la demande d'annulation formée par la société Primobois.

Sur les demandes de provision formées par la société Primobois et par les époux [P] :

En application de l'article 835, alinéa 2ème, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.

A titre introductif, les créances que la société Primobois et les époux [P] font mutuellement valoir procèdent de l'exécution du même contrat pour lequel ils ont chacun été défaillants. Ainsi, non seulement les créances qu'ils invoquent respectivement font l'objet de contestations sérieuses mais quand bien même seraient-elles rapportées, la compensation dont elles pourraient chacune faire l'objet supposerait d'établir les comptes entre les parties dans le cadre d'une évaluation d'ensemble qui n'est elle-même pas portée devant la juridiction de céans avec l'évidence requise en matière de référé.

Sur les contestations sérieuses relatives aux demandes de la société Primobois :

Les deux factures, n° 6 et 7, des 12 mars et 30 novembre 2020, établies bien avant le procès-verbal de réception, ont immédiatement fait l'objet de contestations circonstanciées. La société Primobois indique, s'agissant de la facture n° 6, que l'existence de réserves n'a aucune incidence sur le règlement de celle-ci dès lors que les réserves figurant au procès-verbal de réception n'ont aucun lien avec les travaux d'équipement, de plomberie, de menuiserie et de chauffage dont le simple achèvement détermine la date du paiement. Cependant, cette facture, après avoir listé les 14 avenants apportés au CCMI, indique simplement la mention suivante : « achèvement des travaux d'équipement », sans autre précision. Or, ces travaux d'équipement eux-mêmes faisaient l'objet d'une contestation de la part de M. [P] dès le mois de juin suivant l'émission de la facture : ainsi, dans un courriel du 22 juin, celui-ci mentionnait des problèmes s'agissant de l'installation de la chaudière ou de la porte du garage. Le 2 octobre 2020, un procès-verbal de constat établi par huissier de justice à la demande des époux [P] relatait notamment la défectuosité de la porte de garage, maintenue en position fermée à l'aide de deux cales en bois.

La facture n° 7 ne comporte quant à elle aucune précision et le fait que les époux [P] n'aient pas consigné, au moment de la réception intervenue plusieurs mois plus tard, le 20 juillet 2021, une somme égale à la retenue effectuée, en application de l'article 1er de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 tendant à réglementer les retenues de garantie en matière de marchés de travaux définis par l'article 1779-3° du code civil, n'implique pas, avec l'évidence requise en matière de référé, que la société Primobois doive être, comme elle le prétend, être réglée pour le solde des travaux, nonobstant l'absence de levée de l'ensemble des réserves : en effet, le recours à la retenue de garantie dans un marché de travaux privé réglementé par la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971, à laquelle la société Primobois entend expressément se référer, implique que le contrat s'y réfère expressément (Civ., 3ème, 7 octobre 2009, n° 08-70.030). En l'espèce, l'application de cette loi est contestée par les époux [P]. Le CCMI contient certes une clause qui stipule que « dans le cas où des réserves auraient été formulées lors de la réception ou dans le délai de huit jours, une somme au plus égale à 5 % du prix convenu, est consignée jusqu'à la levée de ces réserves entre les mains d'un consignataire accepté par les deux parties ou à défaut, désigné par le président du tribunal de grande instance. » Mais cette stipulation ne se réfère pas expressément à la loi du 16 juillet 1971 précitée et la question de la sanction à appliquer dès lors que cette consignation n'aurait pas été effectuée procède en l'espèce d'une interprétation du contrat qui échappe, comme telle, au juge des référés. En l'état de ces contestations sérieuses, les deux demandes relatives aux intérêts de retard calculés sur ces deux factures se heurtent elles-mêmes à une contestation sérieuse.

Sur les contestations sérieuses relatives aux demandes des époux [P] :

À titre d'appel incident, les époux [P] sollicitent une somme de 93'481,31 euros pour des travaux qu'ils indiquent avoir pris en charge afin de permettre l'achèvement de la maison mais cette demande elle-même se heurte à plusieurs contestations sérieuses. Ainsi, la somme réclamée au titre de la charge des ouvrages nécessaires au drainage des eaux correspond à des travaux dont les époux [P] se sont réservés l'accomplissement et le point de savoir si les préconisations techniques de la société Primobois, pour ces travaux dont elle n'avait pas la charge, étaient ou non adaptées procède d'un débat technique pour lequel les éléments parcellaires et non objectifs produits par chacune des parties ne permettent pas de tirer une conclusion avec l'évidence requise en matière de référé. D'ailleurs, la facture établie par la société DSA Maçonnerie et produite par les époux [P] en pièce n° 30, sur laquelle ils s'appuient pour former leur demande, décrit en premier lieu une « reprise des malfaçons constatées sur place » ; il en résulte, comme le soulève à juste titre la société CGI Bâtiment, que ces travaux dont ils se sont réservés la charge ont eux-mêmes été réalisés de manière déficiente, ce qui ne peut pas être imputable à la société Primobois.

De même, le dégât des eaux que les époux [P] indiquent résulter d'un manquement de la société Primobois dans la pose d'un robinet de puisage ne fait l'objet d'aucun élément probant quant à son imputabilité à la société Primobois, les époux [P] se contentant à cet égard de renvoyer à un courrier qu'ils ont adressé au constructeur et à une facture de réparation, ces seuls éléments ne permettant aucunement de connaître la cause du dégât allégué.

S'agissant de la porte de garage, son remplacement est intervenu à l'initiative des époux [P] sans que le dysfonctionnement qu'ils allèguent n'ait été mentionné dans le procès-verbal de réception des travaux du 20 juillet 2021, ainsi que le souligne la société Primobois. De même, l'installation du garde-corps et la pose des portes intérieures a été voulue par les époux [P], mais dès avant la réception, de sorte que le point de savoir si ces derniers sont fondés à solliciter l'indemnisation de ces travaux, inclus dans le CCMI, se heurte à une contestation sérieuse.

La question des pénalités de retard sollicitées par les époux [P] ne fait pas davantage l'objet de l'évidence requise en matière de référé : certes, la réception est intervenue plus de trois années après la date de livraison prévue mais pour autant, la question du calcul de ces pénalités implique de prendre en compte la part de responsabilité des époux [P] eux-mêmes dans ce retard. De fait, les très nombreux changements voulus par eux et qui ont conduit à ce que pas moins de 14 avenants soient apportés au contrat initial, induisent un débat sur les responsabilités respectives des parties dans le retard pris par le chantier, débat qui ne peut être tranché par le juge des référés avec les éléments épars qui lui sont soumis. Le point de savoir si l'absence de règlement des factures n° 6 et 7, qui ont déjà été évoquées au titre de l'appel principal, peut elle-même être opposée au cas d'espèce par la société Primobois comme une cause de prolongation des travaux est un sujet qui ne relève pas du juge des référés.

Au-delà même des contestations sérieuses que chaque partie oppose aux éléments de créances de son adversaire, le règlement de la situation des parties suppose une appréciation autrement plus objective et globale que les allégations soutenues dans le cadre des présents débats et qui ne procèdent à l'évidence pas d'un litige pouvant être tranché en matière de référé.

Les demandes des époux [P] étant rejetées, les demandes subsidiaires formées par la société CGI Bâtiment, tendant à ce que soit constatée la franchise qu'elle invoque et à être relevée indemne de toute condamnation par la société Primobois, sont sans objet.

Aussi est-ce à bon droit que le juge de première instance a rejeté l'ensemble des demandes des parties et son ordonnance sera confirmée dans son intégralité.

Sur les mesures accessoires :

Si chacune des parties succombe en ses demandes, il convient de relever que le présent appel a été interjeté par la société Primobois, partie succombante au principal et qui aurait été mieux fondée, à l'issue de la première instance, de considérer que le litige ne relevait pas de la matière des référés.

Aussi convient-il de la condamner aux dépens d'appel ainsi qu'à une indemnité au titre des frais irrépétibles à l'égard des époux [P], la demande formée à ce titre par la société CGI Bâtiment étant quant à elle rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Rejette la demande d'annulation de l'ordonnance entreprise, formée par la société Primobois ;

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Déclare sans objet les demandes subsidiaires de la société CGI Bâtiment ;

Condamne la société Primobois aux dépens ;

Autorise Me Pedroletti à recouvrer directement les dépens d'appel dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision ;

Condamne la société Primobois à verser aux époux [P] la somme globale de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Thomas VASSEUR, président, et par Monsieur Mohamed EL GOUZI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-5
Numéro d'arrêt : 23/05670
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;23.05670 ?
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