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21/03/2024 | FRANCE | N°23/04863

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-5, 21 mars 2024, 23/04863


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 51A



Chambre civile 1-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 21 MARS 2024



N° RG 23/04863 - N° Portalis DBV3-V-B7H-V7YE



AFFAIRE :



[C] [I]





C/

[B] [V] [Z] épouse [R]









Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 23 Juin 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de COLOMBES

N° RG : 22-000052



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 21.03.2024

à :



Me Frégiste Bernard NIAT, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE



Me Sonia KEPES, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUP...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51A

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 MARS 2024

N° RG 23/04863 - N° Portalis DBV3-V-B7H-V7YE

AFFAIRE :

[C] [I]

C/

[B] [V] [Z] épouse [R]

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 23 Juin 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de COLOMBES

N° RG : 22-000052

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 21.03.2024

à :

Me Frégiste Bernard NIAT, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE

Me Sonia KEPES, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [C] [I]

né le 28 Novembre 1978 à [Localité 3], de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

Ayant pour avocat plaidant Me Frégiste Bernard NIAT, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 155 - N° du dossier [I]

APPELANT

****************

Madame [B] [V] [Z] épouse [R]

née le 9 novembre 1943 à [Localité 5], de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Ayant pour avocat plaidant Me Sonia KEPES de la SELARL KEPES SONIA, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 54

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Février 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas VASSEUR, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Mohamed EL GOUZI,

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte sous seing privé du 1er mai 2010, Mme [Z] épouse [R] a consenti à M. et Mme [I] un bail d'habitation sur un logement situé au [Adresse 4] à [Localité 3] (Hauts-de-Seine), moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 610 euros, outre 90 euros de provision sur charges.

Par acte du 21 janvier 2022, Mme [R] a fait assigner en référé M. et Mme [I] afin que soit constatée l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail.

Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 23 juin 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Colombes, statuant en référé, a :

- constaté la résiliation du bail à la date du 20 décembre 2021,

- condamné à titre provisionnel et solidairement M. et Mme [I] à payer à Mme [R] une indemnité d'occupation d'un montant équivalent à celui des loyers et charges qui auraient été dus en cas de non-résiliation du bail à compter de la résiliation du bail jusqu'à la libération effective des lieux,

- condamné à titre provisionnel et solidairement M. et Mme [I] à payer à Mme [R] la somme de 9 032,91 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation dus, terme avril 2022 inclus,

- ordonné l'expulsion de M. et Mme [I] et de celle de tous occupants de leur chef, avec l'assistance de la force publique si besoin est suivant les modalités et les délais prévus par les articles L. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

- dit que concernant le sort des meubles, il sera procédé selon les dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

- dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes,

- condamné solidairement M. et Mme [I] aux dépens de l'instance, qui comprendront notamment les frais du commandement de payer,

- rappelé que l'ordonnance est exécutoire à titre provisoire, frais et dépens compris.

Par déclaration reçue au greffe le 13 juillet 2023, M. [I] a interjeté appel de cette ordonnance en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire, fixé une indemnité d'occupation et une somme provisionnelle au titre de l'arriéré locatif et ordonné l'expulsion ainsi que le séquestre des meubles.

Dans cette déclaration d'appel, M. [I] n'indique comme seule intimée que Mme [R], Mme [I] ne l'étant quant à elle pas.

Dans ses dernières conclusions remises le 12 janvier 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [I] demande à la cour, au visa des articles 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, 1104 et 1719 du code civil, de :

'- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 23 juin 2023 par le tribunal de proximité de Colombes

rejugeant à nouveau

- constater que le logement dont s'agit est impropre à l'habitation du fait des désordres incriminés.

- constater que la bailleresse n'a effectué que partiellement de légers travaux de remise en état malgré injonctions (remplacement de la conduite défectueuse).

- constater que la locataire - après avoir suspendu le paiement des loyers pour contraindre la bailleresse à effectuer les travaux, a finalement payé l'intégralité des loyers et frais réclamés soit 9 515,50 euros.

- constater qu'un arrêté municipal de reprise du paiement des loyers est intervenu le 20/11/2023.

- constater que M. [I] a repris le paiement des loyers à compter de décembre 2023 conformément à l'arrêté précité.

- constater qu'une régularisation des charges a été faite en décembre 2023 d'un montant de 1 997,61 euros,

- constater qu'un accord a été convenu entre les parties pour que cette régularisation de charges soit payer en 11 mensualités de 200 euros,

en conséquence,

- débouter Mme [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- donner acte à M. [I] du paiement de l'intégralité des loyers et les frais réclamés par chèque bancaire d'un montant de 915,50 euros,

- homologuer l'accord intervenu entre les parties pour le paiement de la régularisation des charges de 1 997,61 euros en 11 mensualités de 200 euros,

- condamner Mme [R] à effectuer les travaux de remise en état sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,

- condamner Mme [R] à servir à M. [I] la somme de 15 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation des préjudices de trouble de jouissance subis,

- la condamner à servir au locataire la somme 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de la présente instance qui seront recouvrés par Maître Frégiste Bernard Niat, avocat au barreau des Hauts de Seine.'

Au soutien de son appel, M. [I] indique avoir régulièrement payé les loyers convenus sans aucun incident du mois de mai 2010 à celui de juin 2021, mais qu'à partir du mois de mars 2021, il a informé la bailleresse de l'existence de nombreux désordres rendant le logement impropre à sa destination, parmi lesquels une fuite des eaux usées provenant des WC des voisins du dessus, se déversant dans sa cuisine. Il fait valoir que le maire de [Localité 3] a pris un arrêté le 27 avril 2022, mettant en demeure le propriétaire et le syndic de rechercher les réseaux fuyards et de reprendre le mur de la cuisine de l'appartement ; M. [I] expose que les travaux ne sont cependant pas exécutés à ce jour et que seule a été remise en place une fenêtre qui s'était désolidarisée du mur. Indiquant que l'humidité est de 100 % dans la quasi-totalité des pièces du logement et qu'il demeure une fuite des eaux usées dans la cuisine provenant des WC des voisins du dessus, M. [I] indique vivre dans un logement impropre à l'habitation et insalubre. Il expose également que, par un procès-verbal de constat établi le 31 août 2023, un huissier de justice a relevé divers désordres puis il indique que la bailleresse ayant effectué partiellement les travaux de remise en état, il a lui-même consenti à payer l'intégralité des loyers ; à ce titre, il a adressé un chèque de banque d'un montant de 9.515,55 euros au conseil de la bailleresse, l'agence ORPI qui gère l'appartement l'ayant informé qu'elle n'était plus le mandataire de la bailleresse. Il indique que ce chèque a été encaissé sur le compte personnel de Mme [R] le 12 octobre 2023 mais qu'il n'a pas été tenu compte de ce paiement dans le décompte arrêté au 31 janvier 2024. Il indique également qu'à la suite des travaux de gros 'uvre effectués par la bailleresse, le maire de [Localité 3] a pris un arrêté le 20 novembre 2023 indiquant que les loyers et indemnités d'occupation seront à nouveau dus à compter du mois de décembre 2023. M. [I] fait également valoir qu'il a conclu un accord avec Mme [R] pour que la somme sollicitée au titre de la régularisation des charges, à hauteur de 1.997,61 euros, soit réglée par mensualités de 200 euros. Il considère qu'il lui est due la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour les troubles de jouissance qu'il a subis en raison des désordres de l'appartement.

Dans ses dernières conclusions déposées le 5 janvier 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [R] demande à la cour de :

'- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance en date du 23 juin 2023 ;

- condamner M. [I] à payer la somme de 5 000 euros à Mme [R] à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- condamner M. [I] à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.'

Mme [R] indique qu'à partir du mois de mai 2022, M. [I] bénéficiait d'une exonération des loyers qui s'est prolongée jusqu'à la mainlevée de l'arrêté, dont elle n'indique pas la date. Elle expose que M. [I] a procédé au paiement, en cours de procédure, de la somme de 9.515,55 euros, correspondant aux loyers impayés compris entre le mois de juin 2021 et celui d'avril 2022. Elle fait valoir qu'elle n'était pas la seule décisionnaire et qu'il lui a fallu obtenir l'accord du syndicat des copropriétaires afin d'entreprendre les diligences nécessaires pour mettre fin aux désordres. Ainsi, s'agissant des travaux privatifs dont la mise en oeuvre lui incombait à elle seule, elle indique qu'ils ont été exécutés selon la facture du 27 mai 2022, avec célérité dès lors que le rapport de visite datait quant à lui du mois de novembre 2021 ; elle considère que le délai de traitement d'intervention de la ville de [Localité 3], entre la date de réalisation des travaux et le prononcé de l'arrêté n'a pas à être supporté par elle, d'autant que M. [I] a fait obstacle à la réalisation des travaux en temps utile. Mme [R] indique que M. [I] reste redevable des charges dues entre mai 2022 et novembre 2023, pour un montant de 1.710 euros, ainsi que de la taxe d'ordures ménagères 2023, d'un montant de 91,16 euros et qu'il n'existe aucun accord avec elle pour un règlement de l'arriéré des charges par des versements mensuels de 200 euros. S'agissant des travaux collectifs qui ne lui incombent pas, et qui nécessitent le remplacement de trois colonnes d'eau, Mme [R] indique qu'ils ont été réalisés au mois d'avril 2023 et qu'il appartient à M. [I] de se retourner contre le syndicat des copropriétaires s'il s'estime lésé. Elle expose qu'en tout état de cause, l'arrêté du maire de [Localité 3], du 27 avril 2022, est postérieur à la résiliation du bail, en date du 29 décembre 2021, de sorte que M. [I] ne peut en tout état de cause pas se maintenir dans les lieux et que le bail ayant été résilié dès avant l'arrêté, il ne peut être fait droit aux demandes reconventionnelles de M. [I] au titre du préjudice de jouissance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la résiliation du bail

L'article 24 I de la loi du 6 juillet 1989 dispose, dans sa rédaction applicable en l'espèce, que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

Faute d'avoir payé ou contesté les sommes visées au commandement dans le délai imparti, le locataire ne peut remettre en cause l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail sauf à démontrer la mauvaise foi du bailleur lors de la délivrance du commandement.

Au cas présent, le bail, produit en pièce n° 1 par Mme [R], comprend bien une clause résolutoire.

Le commandement de payer visant la clause résolutoire date du 29 octobre 2021 et il est constant que la somme réclamée au titre de l'arriéré locatif dans cet acte, d'un montant de 4.424,91 euros, n'a pas été réglée dans le délai de deux mois imparti pour ce faire.

Si M. [I] fait état de sa propre bonne foi, il n'invoque pas la mauvaise foi de la propriétaire ; sans se fonder expressément sur une exception d'inexécution, il indique que compte-tenu des manquements du bailleur à délivrer un logement en bon état d'usage et à en assurer la jouissance paisible, le défaut de paiement par le locataire ne revêt pas une gravité suffisante pour justifier la résiliation du bail. Cependant, sauf impossibilité d'exercer son droit de jouissance qui s'analyse comme une impossibilité totale d'utiliser les lieux loués conformément à leur destination, le locataire ne peut opposer l'exception d'inexécution au bailleur qui n'exécute pas correctement ses obligations (Civ. 3ème, 16 février 2000, n° 98-12.435 et 8 mars 2005, n° 03-20.028).

En l'espèce, le logement litigieux a fait l'objet d'un arrêté dit de mise en sécurité ordinaire par le maire de [Localité 3] le 27 avril 2022 en raison de deux désordres : « un délitement du mur de la cuisine sur environ 1 m 50 par excès d'humidité » et « des fuites en provenance du piquage présent dans la cuisine sur la descente d'eau usée ou vannes situées dans les WC d'un appareil situé dans l'appartement au-dessus ». Il a été mis fin à cette procédure de mise en sécurité ordinaire par un nouvel arrêté du maire de [Localité 3] en date du 20 novembre 2023.

Ainsi, M. [I] est fondé à se prévaloir d'une contestation sérieuse s'agissant de l'exigibilité des loyers, à raison d'une exception d'inexécution, pour la période comprise entre le 27 avril 2022 et le 20 novembre 2023. Au demeurant, Mme [R] indique elle-même (en 3ème page de ses conclusions) que M. [I] a bénéficié d'une exonération des loyers à compter du mois de mai 2022, jusqu'à la mainlevée de l'arrêté.

Cette période ayant commencé postérieurement à l'expiration du délai de deux mois ayant suivi la délivrance, le 29 octobre 2021, du commandement de payer, c'est à bon droit que le juge de première instance a retenu que la clause résolutoire était acquise.

Cependant, ce commandement ayant été délivré le 29 octobre 2021, c'est à compter du 29 décembre 2021, et non pas du 20 décembre 2021 comme l'indique l'ordonnance de première instance, que la clause résolutoire est acquise, étant rappelé que le délai de deux mois prévu à l'article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 n'a été réduit à six semaines que par la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023, postérieure à ce commandement.

Aussi convient-il de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire, sauf à corriger la date à laquelle ladite clause était acquise.

Sur le montant de l'arriéré locatif :

Mme [R] sollicite, dans le dispositif de ses conclusions, la confirmation de l'ordonnance entreprise, qui a fixé à la somme de 9.032,91 euros le montant de l'arriéré locatif incluant le terme du mois d'avril 2022. Elle ne formule aucune demande de réactualisation de cet arriéré locatif. Cependant, dans la partie de ses conclusions relatives à la discussion des moyens, Mme [R] reconnaît (en 3ème page de ses conclusions) que M. [I] lui a bien adressé un chèque en cours de procédure correspondant à cette somme et elle indique plus loin (en 6ème page de ses conclusions) que M. [I] ne reste devoir que les sommes de 1.710 euros au titre des charges du mois de mai 2022 à novembre 2023, et de 91,16 euros au titre de la taxe d'ordures ménagères 2023.

M. [I] pour sa part justifie de l'envoi, le 12 octobre 2023, d'un chèque de banque de 9.515,55 euros.

Ainsi, les causes de l'ordonnance de première instance ont bien été apurées. Mme [R] ne sollicite pour sa part aucune réactualisation des sommes dues au titre de l'arriéré locatif et les charges dont elle évoque, sans le demander dans le dispositif de ses écritures, le règlement, courant du mois de mai 2022 à novembre 2023, correspondent à la période durant laquelle le logement litigieux a fait l'objet d'un arrêté dit de mise en sécurité ordinaire et pour laquelle Mme [R] elle-même a indiqué qu'il convenait d'appliquer une exonération de loyers.

Ainsi, il convient, en réactualisant le montant de l'arriéré locatif, de dire que plus aucune provision n'est due à ce titre.

Sur la suspension des effets de la clause résolutoire

L'article 24 V et VII de la loi du 6 juillet 1989 permet au juge d'accorder des délais de paiement dans la limite de trois années au locataire en situation de régler sa dette locative, les effets de la clause de résiliation étant suspendus durant le cours des délais ainsi accordés. Si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.

M. [I] n'étant plus débiteur d'une quelconque somme au titre de l'arriéré locatif, il convient de lui accorder des délais de paiement en les faisant rétroagir au 5 octobre 2023 et d'en fixer le terme au 5 décembre 2023.

L'arriéré locatif ayant été apuré à cette date, il convient de constater que la clause résolutoire est réputée ne pas avoir joué et qu'il n'y a pas lieu à expulsion de M. [I] ni aux autres mesures subséquentes.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de la réparation des préjudices du trouble de jouissance :

Si le juge des référés peut, en application de l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile allouer une provision à une partie faisant état d'une obligation non sérieusement contestable, il ne peut en revanche allouer de dommages-intérêts autres que ceux sanctionnant l'abus du droit d'ester en justice, sauf à excéder ses pouvoirs (Civ. 2ème, 11 décembre 2008, n° 07-20.255).

M. [I] sollicitant une somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts, sans indiquer ni dans la partie relative à la discussion de ses moyens ni dans le dispositif de ses conclusions, qu'il s'agirait d'une demande provisionnelle, sa demande est irrecevable.

Au demeurant, quand bien même cette demande aurait-elle été recevable en étant formée à titre provisionnel, elle se serait heurtée à une contestation sérieuse, dès lors que M. [I] fait état de troubles de jouissance en raison du mauvais entretien de l'appartement, mais sans indiquer en quoi ceux-ci justifieraient l'allocation d'une provision alors que ces mêmes troubles ont permis, durant la période pendant laquelle ils ont été caractérisés, une exonération des loyers, de sorte que l'existence d'une obligation non sérieusement contestable à indemniser le trouble de jouissance se heurterait en tout état de cause à une contestation sérieuse.

Sur la demande d'homologation d'un accord pour le paiement des charges de 1.997,61 euros en 11 mensualités :

M. [I] sollicite que soit homologué un accord qu'il indique être intervenu entre les parties afin que le paiement de la régularisation des charges, à hauteur de 1.997,61 euros, interviennent en 11 mensualités de 200 euros.

Mme [R] indique pour sa part (en 6ème page de ses conclusions) qu'un tel accord n'existe pas. Au demeurant, elle ne sollicite elle-même aucune condamnation à ce titre.

Aussi n'y a-t-il pas lieu d'homologuer un accord qui est contesté par une partie et qui porte qui plus est sur une somme ne faisant l'objet d'aucune demande.

Sur la demande, formée par M. [I], tendant à la condamnation de Mme [R] à effectuer les travaux de remise en état :

Si M. [I] invoque de nombreux désordres concernant le logement, il ne les énumère pas au soutien d'une demande de remise en état, qui ne fait au demeurant, en tant que telle, l'objet d'aucun développement dans la partie des conclusions relative à la discussion des moyens. Au surplus, alors que l'arrêté de mise en sécurité ordinaire pris par le maire de [Localité 3] le 27 avril 2022 en raison de deux désordres précis a été levé le 20 novembre 2023, les éléments qu'il verse aux débats ne permettent pas de déterminer quels travaux resteraient à accomplir par rapport aux désordres initialement allégués.

Sur les mesures accessoires :

Les parties étant chacune partiellement déboutées de leurs demandes respectives, il convient de leur laisser la charge des dépens qu'elles ont respectivement exposés dans le cadre de la première instance et de celle d'appel.

Corrélativement, elles seront toutes deux déboutées de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Constate la résiliation du bail à la date du 29 décembre 2021 ;

Accorde à M. [I] des délais de paiement qui de manière rétroactive courront à compter du 5 octobre 2023 et prendront fin le 5 décembre 2023 ;

Ordonne en conséquence la suspension des effets de la clause résolutoire jusqu'à l'expiration de ces délais de paiement ;

Constate qu'au 5 décembre 2023, M. [I] s'est libéré de sa dette locative ;

Dit que dès lors la clause résolutoire est réputée ne pas avoir joué ;

Dit n'y avoir lieu à paiement d'une indemnité d'occupation ni à l'expulsion de M. [I] et à la séquestration de ses meubles ;

Déclare irrecevable la demande indemnitaire formée par M. [I] ;

Dit n'y avoir lieu à accueillir la demande de M. [I] tendant à l'homologation d'un accord pour le paiement de la régularisation des charges ;

Déboute M. [I] de sa demande de condamnation de Mme [R] à effectuer des travaux de remise en état ;

Dit que les parties conserveront chacune la charge des dépens afférents à la première instance et la présente instance d'appel qu'elles ont respectivement exposés ;

Rejette les demandes de chacune des parties formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Thomas VASSEUR, président, et par Monsieur Mohamed EL GOUZI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-5
Numéro d'arrêt : 23/04863
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;23.04863 ?
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