La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2024 | FRANCE | N°23/01628

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-2, 21 mars 2024, 23/01628


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 82E



Chambre sociale 4-2



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 21 MARS 2024



N° RG 23/01628 -

N° Portalis DBV3-V-B7H-V5I6



AFFAIRE :



S.A. TATA CONSULTANCY SERVICES FRANCE



C/



COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE (CSE) DE LA SOCIETE TATA CONSULTANCY SERVICES FRANCE



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Mai 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE



N° RG : 23/00502









Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Mélina PEDROLETTI



Me Florence FEUILLEBOIS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 82E

Chambre sociale 4-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 MARS 2024

N° RG 23/01628 -

N° Portalis DBV3-V-B7H-V5I6

AFFAIRE :

S.A. TATA CONSULTANCY SERVICES FRANCE

C/

COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE (CSE) DE LA SOCIETE TATA CONSULTANCY SERVICES FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Mai 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE

N° RG : 23/00502

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Mélina PEDROLETTI

Me Florence FEUILLEBOIS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. TATA CONSULTANCY SERVICES FRANCE

[Adresse 1]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 et Me Benjamine FIEDLER de l'AARPI BIRD & BIRD AARPI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R255 substitué par Me Eugénie CHOAY, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE (CSE) DE LA SOCIETE TATA CONSULTANCY SERVICES FRANCE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Florence FEUILLEBOIS de la SELARL FEUILLEBOIS HENROT ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0463 substitué par Me Halim SAMOURA, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 Janvier 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,

Vu le jugement selon la procédure accélérée au fond du 18 mai 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre,

Vu la déclaration d'appel de la société Tata consultancy services France du 15 juin 2023,

Vu les conclusions de la société Tata consultancy services France du 31 octobre 2023,

Vu les conclusions du comité social et économique de la société Tata consultancy services France du 12 décembre 2023,

Vu l'ordonnance de clôture du 20 décembre 2023.

EXPOSE DU LITIGE

La société Tata consultancy services France, dont le siège social est situé [Adresse 1]), est spécialisée dans le conseil en systèmes et logiciels informatiques.

La convention collective nationale applicable est celle des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils dite Syntec.

Par résolution du 14 décembre 2022, le comité social et économique [ci-après : « le CSE »] de la société Tata consultancy services France a décidé de faire appel au cabinet Ecodia en qualité d'expert pour l'assister dans la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise.

Par acte du 14 février 2022, le CSE de la société Tata a fait assigner la société Tata consultancy services devant le tribunal judiciaire de Nanterre, selon la procédure accélérée au fond afin qu'il :

- enjoigne à la société Tata consultancy services de communiquer au cabinet Ecodia, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, les documents suivants :

- « extraits de base de données du personnel comprenant Notation (A, B, C, D, E) ; IPF (1, 2, 3, 4, 5) ; Grade (C1, C2, C3A, C3B, C4, C5, SP1, SP2A, SP3, SP4, S3, S2, D1, C, B, A) ; Filière d'emploi (cartographie d'emploi) ; Métier repère (cartographie d'emploi) ; Prime sur contrat / bonus effectivement versés ;

- « des extraits exploitables et complètes de base de données du personnel au 31 décembre sur les années 2019, 2020 et 2021, à savoir notamment : « Rôle » (selon nomenclature interne), L'ensemble des données sur les impatriés, Prime de vacances »,

- la prolongation du délai de consultation de deux mois,

- la condamnation de la société Tata consultancy services à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Tata consultancy services avait, quant à elle, conclu au rejet des demandes et sollicité que le délai de consultation du CSE soit prorogé au 24 mai 2023.

Par jugement contradictoire rendu le 18 mai 2023 selon la procédure accélérée au fond, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- enjoint à la société Tata consultancy services, dans un délai de quinze jours à compter de la signification du [présent] jugement et sous astreinte de mille euros par jour de retard, de communiquer à la société Ecodia Marquant un extrait anonymisé de la base de données du personnel faisant apparaître la notation, l'évaluation du facteur de performance individuelle (IPF) et le montant de la rémunération variable des salariés,

- prolongé de deux mois à compter de la signification du [présent] jugement le délai de consultation du comité social et économique de la société Tata consultancy services sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et d'emploi de l'entreprise,

- mis à la charge de la société Tata consultancy services une somme de 1 500 euros à payer au comité social et économique de la société Tata consultancy services en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté le comité social et économique de la société Tata consultancy services du reste de ses demandes,

- mis à la charge de la société Tata consultancy services les entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 15 juin 2023, la société Tata consultancy services France a interjeté appel de ce jugement.

Par avis du greffe du 5 septembre 2023, l'affaire a fait l'objet d'une fixation à bref délai.

Aux termes de ses conclusions en date du 31 octobre 2023, la société Tata consultancy services France demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'il a enjoint la société Tata consultancy services, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, de communiquer à la société Ecodia Marquant un extrait anonymisé de la base de données du personnel faisant apparaître la notation, l'évaluation du facteur de performance individuelle (IPF) et le montant de la rémunération variable,

- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'il a condamné la société Tata consultancy services au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence,

- juger qu'une base de données complète non nominative du personnel ne répond à aucune obligation légale ou règlementaire,

- juger que les notations (A, B, C, D), l'IPF et le montant de la rémunération variable effectivement perçue par individu, portant sur la performance individuelle des salariés, n'ont pas à être communiqués dans le cadre de la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise,

- débouter le CSE de l'ensemble de ses demandes au titre de la communication sous astreinte d'informations, documents et extraits de la base de données du personnel,

- débouter le CSE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le CSE de la société Tata consultancy services aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Me Mélina Pedroletti avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions en date du 12 décembre 2023, le comité social et économique de la société Tata consultancy services demande à la cour de :

- le juger recevable et bien fondé en ses demandes,

En conséquence,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre en date du 18 mai 2023 en ce qu'il a :

. enjoint à la société de communiquer, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard « un extrait anonymisé de la base de données du personnel faisant apparaître la notation, l'évaluation du facteur de performance individuelle (IPF) et le montant de la rémunération variable des salariés »,

. prolongé de deux mois à compter de la signification du présent jugement le délai de consultation du CSE,

. condamné la société à verser au CSE la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 [sic],

. condamné la société aux entiers dépens,

- infirmer le jugement en date du 18 mai 2023 en ce qu'il a débouté le CSE du reste de ses demandes, à savoir la communication des documents suivants :

. grade (C1, C2, C3A, C3B, C4, C5, SP1, SP2A, SP3, SP4, S3, S2, D1, C, B, A),

Statuant à nouveau,

- ordonner la communication, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, la communication des documents suivants :

. la définition et les critères des grades (C1, C2, C3A, C3B, C4, C5, SP1, SP2A, SP3, SP4, S3, S2, D1, C, B, A),

. l'extrait anonymisé de la base de données complété et comprenant :

. l'IPF (1, 2, 3, 4, 5),

. la notation band performance (A, B, C, D),

. le grade du collaborateur,

. le variable réellement versé,

- se réserver le contentieux de la liquidation de l'astreinte,

En tout état de cause,

- débouter la société Tata consultancy services de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la société Tata consultancy services à verser au CSE la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire au titre de l'article 559 du code de procédure civile,

- condamner la société Tata consultancy services à verser au CSE la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Tata consultancy services aux entiers dépens de l'instance, et éventuels frais d'exécution en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l'audience et rappelées ci-dessus.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- sur les demandes de communication de pièces

L'appelante soutient que les demandes de communication de pièces sont manifestement excessives ; que l'expert doit être en mesure de démontrer que les pièces qu'il réclame sont nécessaires et entrent dans le cadre de sa mission ; que la BDESE [base de données économiques, sociales et environnementales] a été régulièrement mise à jour, à laquelle l'expert a eu accès en décembre 2022 ; que la consultation sur la politique sociale de l'entreprise s'appuie sur les documents inclus dans la BDESE ; que cependant le CSE réclame la communication de données du personnel complètes comprenant des informations individuelles par matricule anonymisé ne figurant pas dans la BDESE ; que l'article R. 2312-9 du code du travail n'impose pas à l'employeur de fournir aux élus une liste de tous les postes et de toutes les rémunérations qui y sont attachées ; qu'elle a dû créer de toutes pièces des bases de données pour communiquer l'ensemble des éléments sollicités ; qu'elle a cependant refusé de communiquer la notation individuelle des collaborateurs, les IPF (Individual Performance Factor) de chaque collaborateur et le montant de la rémunération variable réellement perçue par chaque collaborateur car ces informations sont directement liées à la performance individuelle des salariés, nombre d'entre eux étant très facilement identifiables.

L'intimé fait valoir que la BDESE était incomplète, que l'employeur s'est engagé à transmettre l'extraction de la base de données en décembre 2022 puis s'est refusé à le faire en janvier 2023 au motif que le document n'existait pas alors que depuis 2017, le rapport d'expertise sur la BDES [à l'époque] soulignait la nécessité de documents exploitables ; que sans l'action engagée par le CSE, l'expert n'aurait pas été en mesure de rendre son rapport ; qu'il y a toujours des éléments manquants concernant la définition des grades et que la communication effectuée concernant la base de données ne contient pas les informations complètes relatives à l'IPF, à la notation band performance, au grade du collaborateur et à la rémunération variable réellement versée ; que les éléments communiqués sont insuffisants pour comprendre la politique de rémunération de la société ; que s'agissant de la mission de l'expert, celui-ci ne peut se voir opposer le caractère confidentiel des documents sollicités, étant tenu à une obligation de secret et de discrétion ; que le refus de communication des documents a placé le CSE dans l'impossibilité de rendre un avis motivé et éclairé.

L'article L. 2312-26 du code du travail, dans sa version applicable à la présente espèce, dispose que :

'I.-La consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi porte sur l'évolution de l'emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l'employeur, l'apprentissage, les conditions d'accueil en stage, les actions de prévention en matière de santé et de sécurité, les conditions de travail, les congés et l'aménagement du temps de travail, la durée du travail, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les modalités d'exercice du droit d'expression des salariés dans les entreprises non couvertes par un accord sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie et des conditions de travail contenant des dispositions sur ce droit.

Le comité peut se prononcer par un avis unique portant sur l'ensemble des thèmes énoncés au premier alinéa ou par des avis séparés organisés au cours de consultations propres à chacun de ces thèmes.

II.-A cette fin, l'employeur met à la disposition du comité, dans les conditions prévues par l'accord mentionné à l'article L. 2312-21 ou à défaut d'accord au sous-paragraphe 4 :

1° Les informations sur l'évolution de l'emploi, des qualifications, de la formation et des salaires, sur les actions en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés, sur le nombre et les conditions d'accueil des stagiaires, sur l'apprentissage et sur le recours aux contrats de travail à durée déterminée, aux contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire ou aux contrats conclus avec une entreprise de portage salarial ;

2° Les informations et les indicateurs chiffrés sur la situation comparée des femmes et des hommes au sein de l'entreprise, mentionnés au 2° de l'article L. 2312-36, ainsi que l'accord relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes issu de la négociation mentionnée au 2° de l'article L. 2242-1 ou, à défaut, le plan d'action mentionné à l'article L. 2242-3 ;

3° Les informations sur le plan de développement des compétences du personnel de l'entreprise;

4° Les informations sur la mise en 'uvre des contrats de professionnalisation et du compte personnel de formation ;

4° bis Les informations sur la mise en 'uvre des entretiens professionnels et de l'état des lieux récapitulatifs prévus à l'article L. 6315-1 ;

5° Les informations sur la durée du travail portant sur :

a) Les heures supplémentaires accomplies dans la limite et au-delà du contingent annuel applicable dans l'entreprise ;

b) A défaut de détermination du contingent annuel d'heures supplémentaires par voie conventionnelle, les modalités de son utilisation et de son éventuel dépassement dans les conditions prévues aux articles L. 3121-28 à L. 3121-39 ;

c) Le bilan du travail à temps partiel réalisé dans l'entreprise ;

d) Le nombre de demandes individuelles formulées par les salariés à temps partiel pour déroger à la durée hebdomadaire minimale prévue au premier alinéa de l'article L. 3123-7 et aux articles L. 3123-19 et L. 3123-27 ;

e) La durée, l'aménagement du temps de travail, la période de prise des congés payés prévue aux articles L. 3141-13 à L. 3141-16, les conditions d'application des aménagements de la durée et des horaires prévus à l'article L. 3121-44 lorsqu'ils s'appliquent à des salariés à temps partiel, le recours aux conventions de forfait et les modalités de suivi de la charge de travail des salariés concernés ;

6° Les informations sur les mesures prises en vue de faciliter l'emploi des accidentés du travail, des invalides de guerre et assimilés, des invalides civils et des travailleurs handicapés, notamment celles relatives à l'application de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés;

7° Les informations sur l'affectation de la contribution sur les salaires au titre de l'effort de construction ainsi que sur les conditions de logement des travailleurs étrangers que l'entreprise se propose de recruter ;

8° Les informations sur les modalités d'exercice du droit d'expression des salariés prévues à l'article L. 2281-11 ;

9° Les informations relatives aux contrats de mise à disposition conclus avec les entreprises de travail temporaires, aux contrats d'accompagnement dans l'emploi, aux contrats initiative emploi et les éléments qui l'ont conduit à faire appel, au titre de l'année écoulée, et qui pourraient le conduire à faire appel pour l'année à venir, à des contrats de travail à durée déterminée, à des contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire ou à des contrats conclus avec une entreprise de portage salarial.'

L'article R. 2312-20 du même code, dans sa version applicable à la présente espèce, prévoit qu''en l'absence d'accord prévu à l'article L. 2312-19, dans les entreprises d'au moins trois cents salariés, l'employeur met à disposition du comité social et économique en vue de la consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi, les informations prévues aux rubriques 1° A, 2°, 4°, et 5° de la base de données prévues à l'article R. 2312-9.'

Les éléments visés au tableau de l'article R. 2312-9 doivent se retrouver dans la BDESE prévue à l'article L. 2312-18 du code du travail.

Aux termes de l'article L. 2312-15 du code du travail,'le comité social et économique émet des avis et des v'ux dans l'exercice de ses attributions consultatives.

Il dispose à cette fin d'un délai d'examen suffisant et d'informations précises et écrites transmises ou mises à disposition par l'employeur, et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations.

Il a également accès à l'information utile détenue par les administrations publiques et les organismes agissant pour leur compte, conformément aux dispositions légales relatives à l'accès aux documents administratifs.

Le comité peut, s'il estime ne pas disposer d'éléments suffisants, saisir le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, pour qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments manquants [...]'

Selon l'article L. 2315-87 du code du travail, le comité social et économique peut décider de recourir à un expert-comptable en vue de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi prévu au 3° de l'article L. 2312-17, lequel expert dispose de larges pouvoirs d'investigations, l'employeur devant lui fournir les informations nécessaires à l'exercice de sa mission. L'expert est tenu aux obligations de secret et de discrétion, de sorte qu'il ne peut lui être opposé la nature confidentielle des informations demandées.

Cependant, l'expert ne peut exiger la production de documents n'existant pas et dont l'établissement n'est pas obligatoire pour l'entreprise (Soc., 9 mars 2022 n°20-18166). De même en cas de communication qu'il estime incomplète ou parcellaire, il incombe à l'expert de préciser les raisons pour lesquelles il considère que le document ou le type de document réclamé lui est nécessaire.

En l'espèce, l'expert a été mandaté dans le cadre de la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise au 31 décembre 2022, portant sur les trois années précédentes.

Il résulte des pièces en présence que la première demande d'informations de l'expert à l'entreprise date du 19 décembre 2022, soit une liste d'une quarantaine de pièces (pièce n°3 intimé).

A la date du 13 février 2023, soit la veille de la délivrance de l'assignation, la mise à jour de la demande d'informations de l'expert produite par l'intimée (sa pièce n°17) laissait apparaître une communication de la majeure partie des pièces demandées dès les 22, 23, 26, 28 et 30 décembre 2022, puis les 1er et 10 février 2023.

Le document de mise à jour mentionne principalement que les extraits de base de données du personnel anonymisés au 31 décembre (contrats locaux et impatriés) 2019, 2020 et 2021 (point 9) sont inexploitables car les deux extraits de base ne peuvent être rapprochés, du fait d'un matricule pivot différent.

Le message adressé par l'expert en date du 8 février 2023 à la société indique effectivement la réception des extraits de deux bases distinctes de données, l'une sur les caractéristiques de l'effectif, l'autre avec des éléments de salaire, inexploitables en l'état, du fait de l'impossibilité de rapprocher les deux extractions en l'absence d'un pivot commun, de l'absence de certaines informations, de certaines caractéristiques de l'effectif communiquées uniquement au 31 décembre 2022 (pièce n°7 intimé).

Cependant, à la date du 20 mars 2023, la nouvelle mise à jour des informations demandées par l'expert montre que les extraits de base de données du personnel (point 9) sont désormais exploitables, la société ayant dû cependant créer un fichier 'en collectant des informations qui sont historisées (ou pas) dans de multiples bases de données maintenues parfois manuellement' (pièce n°14 appelante).

Néanmoins, comme le relève justement l'intimé, certains éléments demandés auraient dû être accessibles sur la BDESE dont l'expert Access, fin 2021, mentionnait déjà qu'elle était incomplète, l'expert Ecodia dans son rapport du 10 novembre 2022 indiquant de même.

Sur la mise à jour du 20 mars 2023, restent uniquement en attente la notation (A, B, C, D, E), l'IPF (grade) (1 à 5), le 'nombre de bénéficiaires d'un entretien professionnel' pour 2019 et 2021.

Or, s'agissant de la notation et de l'IPF, l'échange de messages entre Mme [V] des ressources humaines de la société Tata consultancy services et M. [O] de la société d'expertise comptable Ecodia du 20 mars 2023, démontre que l'entreprise a estimé, dès le 14 février 2023, que les éléments (bonus réellement perçus, notation, grades) étaient 'hors scope de l'expertise' (pièce n°14 appelante).

Ainsi, en dehors de ces éléments, la société avait communiqué la majeure partie des pièces réclamées par l'expert.

Le premier juge dans sa décision du 18 mai 2023, a effectivement relevé que les informations réclamées avaient été communiquées, à l'exception de celles relatives à la notation, à l'évaluation de l'IPF et au montant de la rémunération variable des salariés, dont il a enjoint sous astreinte la communication à l'expert.

Il souligne à juste titre que ces informations ne sont pas seulement en lien avec la performance individuelle de chaque salarié mais également nécessaires à la compréhension de la politique sociale de l'entreprise et en particulier de la politique suivie par la direction en matière d'évaluation et de rémunération du personnel.

L'appelante ne peut soutenir, pour contester l'obligation mise à sa charge par le tribunal de communiquer ces éléments à l'expert, qu'il s'agit de données confidentielles lesquelles même anonymisées, permettraient d'identifier les salariés concernés.

En effet, l'expert est tenu au secret des informations qu'il reçoit. L'action engagée par le CSE avait pour finalité de permettre à l'expert qu'il avait mandaté d'obtenir les éléments que ce dernier estimait nécessaire pour accomplir sa mission et permettre au CSE de donner un avis éclairé.

En conséquence le refus catégorique de la société de fournir les éléments demandés (bonus réellement perçus, notation, grades) ne pouvait se justifier par la confidentialité des données - en outre anonymisées - transmises à l'expert, lequel aurait restitué dans son rapport la politique sociale de l'entreprise.

Le jugement sera donc confirmé.

L'intimé fait grief au premier juge de l'avoir débouté de sa demande relative aux grades et réclame la définition et les critères des grades, l'extrait anonymisé de la base de données complété et comprenant, l'IPF, la notation band performance, le grade du collaborateur et le variable réellement versé.

En l'état, le jugement dans son dispositif ne fait pas mention d'un débouté d'une demande du CSE et vise expressément l'IPF, la notation et le variable versé.

Il résulte du message de l'expert en date du 15 juin 2023 que celui-ci a bien reçu les informations complémentaires lesquelles sont exploitables (pièce n°24 intimée).

En exécution du jugement, l'expert a été en mesure d'établir un rapport précis de 116 pages le 23 août 2023 sur la politique sociale, l'emploi et les conditions de travail arrêtée au 31 décembre 2022, puis un rapport de 68 pages sur les orientations stratégiques et leurs conséquences.

Dans le cadre de la consultation annuelle portant sur les années 2019 à 2021, le CSE a rendu un avis négatif sur la politique sociale de l'entreprise, dans le délai supplémentaire accordé par le tribunal.

L'action engagée par le CSE en février 2023 avait pour but d'obtenir la communication à l'expert - et non à lui-même - des documents qu'il réclame encore aujourd'hui mais à son profit.

L'expert ayant rendu son rapport et le CSE un avis négatif, la procédure de consultation sur la politique sociale engagée en 2022 sur les trois années précédentes est achevée.

Il ne peut donc être fait droit à la demande du CSE de communication de documents sous astreinte, dans ce cadre.

L'intimé sera débouté de sa demande à ce titre.

2- sur la demande de dommages-intérêts

Le CSE réclame dans le dispositif de ses écritures des dommages-intérêts pour procédure abusive et dilatoire et au titre de l'article 559 du code de procédure civile.

Cependant, il n'explicite pas sa demande dans les motifs de ses conclusions de sorte que, conformément à l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour n'est pas saisie de cette demande.

3- sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

La société Tata consultancy services sera condamnée à payer au CSE de la société Tata consultancy services la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel.

Elle sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement, rendu selon la procédure accélérée au fond, par le tribunal judiciaire de Nanterre en date du 18 mai 2023,

Y ajoutant,

Déboute le comité économique et social de la société Tata consultancy services France de sa demande relative à la communication sous astreinte des documents suivants :

'- la définition et les critères des grades (C1, C2, C3A, C3B, C4, C5, SP1, SP2A, SP3, SP4, S3, S2, D1, C, B, A),

- l'extrait anonymisé de la base de données complété et comprenant :

- l'IPF (1, 2, 3, 4, 5),

- la notation band performance (A, B, C, D),

- le grade du collaborateur,

- le variable réellement versé',

Condamne la société Tata consultancy services France à payer au comité économique et social de la société Tata consultancy services France la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure civile,

Déboute la société Tata consultancy services France de sa demande à ce titre,

Condamne la société Tata consultancy services France aux dépens d'appel et autorise Me Florence Feuillebois, avocat, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens d'appel dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-2
Numéro d'arrêt : 23/01628
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;23.01628 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award