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21/03/2024 | FRANCE | N°22/02303

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-5, 21 mars 2024, 22/02303


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 21 MARS 2024



N° RG 22/02303

N° Portalis DBV3-V-B7G-VKRR



AFFAIRE :



Société TCT MOBILE EUROPE







C/

[O] [I]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Juin 2022 par le Conseil de Prud'hommes de MANTES LA JOLIE

N° Section : E

N° RG : F21/00024

>
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-

REIMS



la SELARL Arst Avocats







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT ET UN MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 MARS 2024

N° RG 22/02303

N° Portalis DBV3-V-B7G-VKRR

AFFAIRE :

Société TCT MOBILE EUROPE

C/

[O] [I]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Juin 2022 par le Conseil de Prud'hommes de MANTES LA JOLIE

N° Section : E

N° RG : F21/00024

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-

REIMS

la SELARL Arst Avocats

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société TCT MOBILE EUROPE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - Substitué par Me Layla HAMERY, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Monsieur [O] [I]

né le 23 Juillet 1964 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Chaouki GADDADA de la SELARL Arst Avocats, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C739

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Février 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,

EXPOSE DU LITIGE.

M. [O] [I] a été embauché à compter du 1er mai 2017, avec reprise d'ancienneté au 8 novembre 2012, selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de responsable comptable Europe (statut de cadre) par la société TCT Mobile Europe.

Par lettre du 29 août 2019, la société TCT Mobile Europe a convoqué M. [I] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Par lettre du 23 septembre 2019, la société TCT Mobile Europe a notifié à M. [I] son licenciement pour faute grave.

Au moment de la rupture du contrat de travail, la société TCT Mobile Europe employait habituellement au moins onze salariés et la rémunération moyenne mensuelle de M. [I] s'élevait à 5504,47 euros brut.

Le 19 janvier 2021, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Mantes-La-Jolie pour contester le bien-fondé de son licenciement et demander la condamnation de la société TCT Mobile Europe à lui payer des indemnités de rupture, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Par un jugement du 13 juin 2022, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de M. [I] est sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société TCT Mobile Europe à payer à M. [I] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2021, date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation par la défenderesse :

* 33'026,82 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 3 302,68 euros au titre des congés payés afférents ;

* 9 403,46 euros d'indemnité légale de licenciement ;

- condamné la société TCT Mobile Europe à payer à M. [I] les sommes suivantes :

* 28'000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 5 505 euros à titre d'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- ordonné à la société TCT Mobile Europe de rembourser à Pôle emploi le montant des allocations de chômage perçu par M. [I] dans la limite de six mois ;

- ordonné à la société TCT Mobile Europe de remettre à M. [I] une attestation pour Pôle emploi, un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte conformes à la décision, sous astreinte de 20 euros par jour de retard et par document, à l'issue d'un délai de 15 jours à compter de la date de la notification, en se réservant le droit de liquider l'astreinte ;

- condamné la société TCT Mobile Europe à payer à M. [I] une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la société TCT Mobile Europe aux dépens.

Le 20 juillet 2022, la société TCT Mobile Europe a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 12 avril 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société TCT Mobile Europe demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué sur le licenciement et les condamnations prononcées à son encontre de sa demande et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés, de :

- dire que le licenciement repose sur une faute grave ;

- débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [I] à lui payer une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 13 janvier 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. [I] demande à la cour de confirmer le jugement attaqué, sauf en ce qu'il statue sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant, de :

- condamner la société TCT Mobile Europe à lui payer les sommes suivantes :

* 38'531,28 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 11'008,94 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

* 2500 euros l'article 700 du code de procédure civile.

Une ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 23 janvier 2024.

SUR CE :

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences :

Considérant que la lettre de licenciement pour faute grave notifiée à M. [I], qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée : ' (...) Comme vous en avez été informé, la société TCT Mobile Europe a été confrontée à de réelles difficultés économiques nécessitant notamment la mise en 'uvre d'un plan social.

La situation est donc particulièrement difficile n'a pas permis d'accorder, de manière générale, d'augmentation individuelle à nos salariés.

En dépit de cette situation, et conscient de votre investissement, votre manager est toutefois venu à votre encontre pour vous annoncer, de manière informelle, la société TCT Mobile Europe avait décidé de vous accorder exceptionnellement, une augmentation salariale de 3 %.

Ce geste était destiné à vous encourager.

Contre toute attente, vous êtes venu, en date du 29 août, dans le bureau de votre manager, le bulletin de paie en main, particulièrement mécontent de cette augmentation pourtant exceptionnelle. Vous avez alors, pour faire part de votre colère, tapé du poing sur la table, et vous êtes mis à crier, reprochant la société TCT Mobile Europe ce geste pourtant destiné à valoriser votre travail.

Tous les membres de l'openspace présents ont été interpellés par votre comportement et ont été dérangé par votre attitude, laquelle, en dépit de nos efforts, ne s'est pas calmée.

Plus grave encore, la société TCT Mobile Europe devait rencontrer des clients qui ont été témoins de votre attitude inappropriée.

Vous comprendrez aisément que outre votre comportement très éloigné de nos attentes légitimes, nous sommes particulièrement choqués par votre manque de retenue, surtout s'agissant d'une augmentation, quelle qu'elle soit.

Dans ces conditions, et pour tenter d'apaiser la situation, nous vous avons notifié dispense d'activité rémunérée, le temps que vous puissiez réfléchir à vos gestes et à votre attitude.

Cette mesure, une fois encore très bienveillante, n'a de toute évidence pas fait son effet puisque lors de l'entretien préalable, n'avait pas semblé regretter votre geste, lequel pouvait se justifier selon vous en dépit de ses conséquences.

Vous avez donc créé, volontairement, situation de blocage inextricable, votre comportement et vos justifications ne permettant pas d'envisager un retour serein au sein de nos locaux.

Dans ces conditions, et le maintien de votre contrat de travail s'avérant impossible, nous n'avons eu d'autres choix que celui de vous notifier votre licenciement pour faute grave (...)' :

Considérant que la société TCT Mobile Europe soutient que les faits reprochés sont établis et constitutifs d'une faute grave ; qu'elle conclut donc à l'infirmation du jugement attaqué et au débouté des demandes d'indemnités de rupture et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formées par M. [I] ;

Que M. [I] soutient que les faits reprochés ne sont pas établis ; qu'il demande la confirmation du jugement sur les indemnités de rupture, l'infirmation du jugement sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse et sa fixation à une somme équivalente à sept mois de salaire ;

Considérant que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et implique son éviction immédiate ; que la charge de la preuve de cette faute incombe à l'employeur qui l'invoque ;

Qu'en l'espèce, alors que M. [I] admet seulement avoir eu, le 29 août 2019, une 'forte discussion' avec son supérieur hiérarchique et relative non à son salaire mais à des irrégularités comptables, la société TCT Mobile Europe ne verse pas le moindre élément sur la discussion en cause et le comportement de M. [I] à cette occasion, alors que le lettre de licenciement mentionne l'existence de plusieurs témoins ;

Que l'employeur ne verse non plus aucun élément sur le déroulement de l'entretien préalable et sur le fait que M. [I] aurait estimé que le comportement en litige était justifié ;

Que dans ces conditions, la réalité des faits reprochés à M. [I] n'est pas établie ;

Qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Qu'en conséquence, il y a lieu tout d'abord de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il statue sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents et sur l'indemnité légale de licenciement, étant précisé que les montants ne sont pas discutés par l'employeur ;

Qu'il y a lieu ensuite d'allouer à M. [I] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant compris entre trois et sept mois de salaire brut eu égard à son ancienneté de six années complètes, en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail ; qu'eu égard à son âge (né en 1964), à sa rémunération, à sa situation professionnelle postérieure au licenciement (reprise d'emploi salarié en janvier 2020), il y a lieu d'allouer une somme de 34'000 euros à ce titre ; que le jugement sera infirmé sur ce point;

Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Considérant que M. [I] soutient à ce titre qu'il a été obligé de procéder à des déclarations comptables irrégulières par son employeur, ce qui a généré pour lui une grande situation de stress ;

Que toutefois, M. [I] ne démontre pas la réalité de ces manquements qui ne reposent que sur ses propres allégations contenues dans des courriers adressés à son employeur et dans une lettre de dénonciation au procureur de la République dont les suites ne sont pas connues ;

Que de plus et en toutes hypothèses, M. [I] ne justifie d'aucun préjudice à ce titre ;

Qu'il y a donc lieu de débouter M. [I] de cette demande indemnitaire ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;

Sur les intérêts légaux :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur les intérêts légaux relatifs à l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents et à l'indemnité légale de licenciement ;

Que s'agissant de la créance d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle portera intérêts à compter du présent arrêt ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;

Sur la remise de documents sociaux sous astreinte :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris sur ces points ; qu'il y a lieu d'ordonner à la société TCT Mobile Europe de remettre à M. [I] une attestation pour Pôle emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte conformes au présent arrêt ; que, par ailleurs, il y a lieu de débouter M. [I] de sa demande d'astreinte à ce titre, une telle mesure n'étant pas nécessaire ;

Sur le remboursement des indemnités de chômage :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris sur ce point ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il statue sur ces deux points ; qu'en outre, la société TCT Mobile Europe sera condamnée à payer à M. [I] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel ainsi qu'aux dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il statue sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et les intérêts légaux afférents, les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, la remise de documents sociaux sous astreinte,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société TCT Mobile Europe à payer à M. [O] [I] une somme de

34'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Rappelle que les intérêts légaux sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse courent à compter du présent arrêt,

Ordonne à la société TCT Mobile Europe de remettre à M. [O] [I] une attestation pour Pôle emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte conformes au présent arrêt,

Condamne la société TCT Mobile Europe à payer à M. [O] [I] une somme de

2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société TCT Mobile Europe aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-5
Numéro d'arrêt : 22/02303
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;22.02303 ?
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