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21/03/2024 | FRANCE | N°22/02255

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-5, 21 mars 2024, 22/02255


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 21 MARS 2024



N° RG 22/02255

N° Portalis DBV3-V-B7G-VKIT



AFFAIRE :



[F] [W]





C/

SAS IN EXTENSO ILE DE FRANCE











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Juin 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE-

BILLANCOURT

N° Section : ADr>
N° RG : 21/00785



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Maxime BAUDIN



la ASSOCIATION AVOCALYS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT ET UN MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 MARS 2024

N° RG 22/02255

N° Portalis DBV3-V-B7G-VKIT

AFFAIRE :

[F] [W]

C/

SAS IN EXTENSO ILE DE FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Juin 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE-

BILLANCOURT

N° Section : AD

N° RG : 21/00785

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Maxime BAUDIN

la ASSOCIATION AVOCALYS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [F] [W]

née le 03 Mai 1973 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3] / FRANCE

Représentant : Me Maxime BAUDIN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau d'ANGERS

APPELANTE

****************

SAS IN EXTENSO ILE DE FRANCE

N° SIRET : 449 259 860

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620

Représentant : Me Stanislas DUBLINEAU, Plaidant, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Février 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,

EXPOSE DU LITIGE.

Mme [F] [W] a été embauchée, à compter du 12 novembre 2014, selon contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet en qualité de chargée de dossiers (coefficient 260, niveau 4, statut employé) par la société IN EXTENSO Ile de France.

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes.

À compter d'avril 2017, le poste de Mme [W] a été intitulé 'responsable client'.

Par lettre du 27 janvier 2020, la société IN EXTENSO Ile de France a notifié un avertissement à Mme [W].

Par lettre envoyée le 19 juin 2020, la société IN EXTENSO Ile de France a convoqué Mme [W] à un 'entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement'.

Par lettre du 23 juillet 2020, la société IN EXTENSO Ile de France a notifié à Mme [W] son licenciement pour 'motif personnel'.

Au moment de la rupture du contrat de travail, la société IN EXTENSO Ile de France employait habituellement au moins onze salariés et la rémunération moyenne mensuelle de Mme [W] s'élevait à 3483,72 euros brut.

Le 15 juin 2021, Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt pour contester la validité, et subsidiairement le bien-fondé, de son licenciement et demander la condamnation de la société IN EXTENSO Ile de France à lui payer des dommages-intérêts à ce titre, outre diverses sommes à titre notamment de rappels de salaire pour heures supplémentaires, d'indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Par un jugement du 21 juin 2022, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de Mme [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société IN EXTENSO Ile de France à payer à Mme [W] les sommes suivante:

* 20'900 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision, avec capitalisation des intérêts ;

- débouté Mme [W] du surplus de ses demandes ;

- débouté la société IN EXTENSO Ile de France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- mis les dépens la charge de la société IN EXTENSO Ile de France.

Le 18 juillet 2022, Mme [W] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 14 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Mme [W] demande à la cour de

1) CONFIRMER le jugement en ce qu'il a :

- Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et

sérieuse ;

- Condamné la société IN EXTENSON Ile de France à lui payer :

* 20 900 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement avec capitalisation des intérêts ;

2) INFIRMER le jugement en ce qu'il l'a déboutée du surplus de ses demandes, ET, STATUANT A NOUVEAU :

- A TITRE PRINCIPAL

* Condamner la société IN EXTENSO Ile de France à lui payer la somme nette de

41.800 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul (12 mois de salaires).

- A TITRE SUBSIDIAIRE

* Condamner la société IN EXTENSO Ile de France à lui payer la somme nette de

20.900 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (6 mois de salaires).

- EN TOUT ETAT DE CAUSE

* Condamner la société IN EXTENSO Ile de France à lui payer la somme de

12.724,50 € outre les congés payés y afférent (10 %), soit la somme de 1.272,45 €.

* Condamner la société IN EXTENSO Ile de Franceà lui payer la somme nette de

20.900 € au titre de l'indemnité forfaitaire de l'article L. 8223-1 du Code du travail (6 mois de salaires).

* Dire que Mme [W] [W] aurait dû bénéficier du statut de Cadre à compter du 3

mai 2018.

* Condamner la société IN EXTENSO Ile de France à lui payer la somme de 3.483,72 € à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis, outre 348,37 € à titre de congés payés afférents.

* Condamner la société IN EXTENSO Ile de France à lui payer la somme de 10.000 € au titre de la perte des droits à la retraite en conséquence de la non-application de son statut cadre.

* Condamner la société IN EXTENSO Ile de France à lui payer la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

* Condamner la société IN EXTENSO Ile de France à lui payer la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

* Ordonner la remise des bulletins de paie conformes.

* Ordonner le paiement des sommes avec intérêts au taux légal.

* Condamner la société IN EXTENSO Ile de France aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 13 janvier 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société IN EXTENSO Ile de France demande à la cour de :

1) à titre principal :

- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [W] été dépourvu de cause réelle et sérieuse et statuant à nouveau, débouter Mme [W] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [W] à lui payer une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

2) à titre subsidiaire :

- confirmer intégralement le jugement attaqué ;

- condamner Mme [W] à lui payer une somme de 3500 euros titrent de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 23 janvier 2024.

SUR CE :

Sur les dommages-intérêts pour harcèlement moral :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'aux termes de l'article L. 1154-1 du même code : ' Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. / Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement./ Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles' ;

Qu'en l'espèce, Mme [W] invoque tout d'abord un entretien brutal avec son supérieur hiérarchique à son retour d'arrêt de travail pour maladie le 21 janvier 2020 au cours duquel lui a été proposé une rupture conventionnelle puis par la suite, une attitude brutale ainsi que des scènes d'humiliations de la part de ce dernier ; que toutefois, Mme [W] verse aux débats sur ce point des courriers adressés à la direction de l'entreprise ne contenant que ses propres allégations ; qu'elle ne présente donc pas des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral sur ce point;

Qu'elle invoque ensuite la suppression du 'nomadisme' ou télétravail en vue de dégrader ses conditions de travail ; que toutefois, le contrat de travail prévoit qu'il s'exécute au siège de l'entreprise ou chez des clients et Mme [W] n'invoque aucun accord contractuel sur la mise en place d'un télétravail ; qu'aucun droit au télétravail n'est donc établi ; que Mme [W] ne fournit non plus aucun élément sur les temps de trajets en résultant et sur une intention maligne de l'employeur contrairement à ce qu'elle prétend ; qu'elle ne présente donc pas des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral sur ce point ;

Qu'elle invoque ensuite la notification d'un avertissement injustifié le 27 janvier 2020 ; qu'il s'agit toutefois et en tout état de cause d'un fait unique impropre à caractériser l'existence d'un harcèlement moral ;

Que de plus en toute hypothèse, Mme [W] ne justifie d'aucun préjudice à ce titre ;

Qu'il y a donc lieu de confirmer le débouté de sa demande de dommages-intérêts à ce titre ;

Sur la nullité du licenciement et l'indemnité pour licenciement nul :

Considérant qu'en application de l'article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul ;

Qu'en l'espèce, ainsi qu'il est dit ci-dessus, aucun harcèlement moral ne ressort des débats ; que Mme [W] n'établit donc pas que son licenciement est la conséquence d'un harcèlement moral contrairement à ce qu'elle soutient ;

Qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il déboute Mme [W] de sa demande de nullité du licenciement et sa demande d'indemnité pour licenciement nul ;

Sur le bien-fondé du licenciement :

Considérant que la lettre de licenciement pour 'motif personnel' notifiée à Mme [W] est ainsi rédigée : ' Vous occupez le poste de Responsable Client au sein de notre Cabinet. Vous travaillez au sein d'une petite équipe dirigée par Monsieur [H]. Compte tenu du poste que vous occupez, nous attendions que vous assuriez, de manière autonome et efficace, la comptabilité des clients que nous vous avions confiés.

Malheureusement, nous sommes contraints de constater que vous n'avez jamais pris la

mesure des exigences de votre poste.

Pourtant, il y a plusieurs mois, nous vous avions demandé de vous investir davantage dans la

gestion de vos dossiers, notamment certains clients nous ont quitté en mettant directement en

cause votre investissement dans la gestion de leur dossier.

Votre désorganisation et votre manque d'implication sont tels que votre manager a été

contraint de réduire de manière significative le nombre de dossiers qui vous sont confiés.

Ainsi, vous gérez un portefeuille restreint générant 68.000 € de chiffre d'affaires. Pour rappel,

vous devriez générer un chiffre d'affaire minimum de 120.000 €.

A ce stade, la comparaison entre votre situation et celle de vos collègues est sans appel : vous travaillez beaucoup moins et rendez votre travail dans des délais inacceptables.

A titre d'illustration, et sans être exhaustifs, nous sommes contraints de constater que :

- Vous ne gérez que 15 dossiers de TVA alors qu'un Responsable Client est supposé

en gérer au minimum une trentaine

- Sur un portefeuille de 135 clients, Monsieur [H] n'a été en mesure de vous

confier que 24 dossiers dont :

o 2 dont nous n'avons aucune nouvelle

o 2 clients qui vont quitter notre cabinet en raison de votre comportement (PJO

SPORTS et Centre Antoine Béclère)

Vous devez donc réaliser 20 bilans. Mme [W] [E] qui est également Responsable Client en gère, pour sa part, 35 dossiers c'est-à-dire 11 de plus que vous.

- Vous avez pris un retard inacceptable dans la clôture des comptes des dossiers que vous gérez puisque vous n'avez finalisé que 16 bilans. A titre de comparaison, notre collègue, Mme [W] [E] en a d'ores et déjà clôturé 20.

Au total, la comparaison avec les autres responsables clients démontre que vous avez beaucoup moins de dossiers que vos collègues et que vous clôturez tardivement les comptes qui vous sont confiés.

Ainsi, vous avez une charge de travail qui est très largement inférieure à celle de vos

collègues de travail. Une telle situation est le fruit de votre manque d'implication.

En conclusion, nous sommes contraints de constater que vous n'avez pas pris la mesure de votre poste de responsable client.

Vos manquements nuisent, par conséquent, à la bonne marche de notre cabinet. Nous ne pouvons débats, plus envisager sereinement la poursuite de notre collaboration.(...)' ;

Considérant que Mme [W] soutient que les faits reprochés ne sont pas établis et que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; qu'elle demande la confirmation de l'allocation d'une somme de 20'900 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, équivalent à six mois de salaire ;

Que la société IN EXTENSO Ile de France soutient que Mme [W] s'est totalement désinvestie dans son travail et qu'elle manquait d'implication, qu'elle était très désorganisée, qu'elle a refusé de prendre en charge un dossier et qu'elle travaillait de la sorte moins que ses collègues ; qu'elle en conclut que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et qu'il convient de débouter Mme [W] de sa demande d'indemnité à ce titre ;

Considérant qu'en application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; que, si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué ; que l'insuffisance professionnelle qui se manifeste par la difficulté du salarié à exercer correctement sa prestation de travail, quelle que soit sa bonne volonté, constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié ; que l'insuffisance professionnelle, sauf abstention volontaire ou mauvaise volonté délibérée du salarié, ne constitue pas une faute ;

Qu'en l'espèce, en premier lieu, il ressort des débats et des pièces versées que la société IN EXTENSO Ile de France a sanctionné la salariée par un avertissement du 27 janvier 2020 pour une erreur dans une déclaration de TVA et pour une accumulation de retards ; que la convocation à l'entretien préalable au licenciement fait état de l'engagement d'une procédure disciplinaire ; que la lettre de licenciement impute à Mme [W] un manque d'implication et des 'manquements' à ses obligations ; que la société IN EXTENSO Ile de France, dans ses conclusions, invoque un total désinvestissement de Mme [W] dans son travail et un refus de prendre en charge un dossier ; que ces éléments établissent que le licenciement pour 'motif personnel', ainsi que mentionné dans la lettre de rupture, est fondé, selon l'employeur, sur une abstention volontaire ou une mauvaise volonté délibérée de Mme [W] dans l'exécution de ces tâches ; qu'il s'agit donc d'un licenciement disciplinaire ;

Que la société IN EXTENSO Ile de France est à ce titre défaillante dans l'établissement de la preuve d'une telle abstention volontaire ou une mauvaise volonté délibérée de Mme [W] dans l'exécution de son contrat ; qu'elle se borne en effet à invoquer quelques courriers de reproches adressés unilatéralement par son supérieur sur des dossiers ponctuels, sans qu'ils ne soient corroborés par des éléments objectifs ; que le courriel de mécontentement adressé par un client à Mme [W] fait quant à lui état à titre principal d'une désorganisation générale de l'entreprise et n'en impute pas la responsabilité à la salariée ; qu'elle n'établit donc pas que Mme [W] s'est 'totalement désinvestie de ses fonctions' ;

Qu'en outre, Mme [W] fait valoir à juste titre que la société IN EXTENSO Ile de France n'établit en rien que les objectifs mentionnés dans la lettre de licenciement ont été à un quelconque moment été assignés ; que l'employeur n'est donc pas fondé à invoquer de mauvais résultats ;

Que le grief tiré d'un refus de prendre en charge un dossier ne figure pas quant à lui dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige de cette rupture disciplinaire, comme le soutient à juste titre également la salariée ;

Qu'il résulte de ce qui précède, que le licenciement de Mme [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse comme l'ont justement estimé les premiers juges ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ce point ;

Que Mme [W] est donc fondée à demander l'allocation d'une indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse d'un montant compris entre trois et six mois de salaire brut eu égard à son ancienneté de cinq années complètes dans l'entreprise ; qu'eu égard à son âge (née en 1973), à sa rémunération, à sa situation postérieure au licenciement (chômage jusqu'en août 2021), il y a lieu de confirmer l'allocation d'une somme de 20'900 euros à ce titre ;

Sur le rappel de salaire pour heures supplémentaires :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés ; que selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié ; que la nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire ;

Qu'enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail ' en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable' ;

Qu'il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées ; qu'après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant ;

Qu'en l'espèce, Mme [W] verse aux débats, pour la période de juillet 2018 jusqu'à la rupture du contrat de travail, un décompte mentionnant jour par jour les horaires de travail revendiqués, ainsi que des courriers professionnels horodatés ; qu'en revanche, elle ne verse pas le moindre élément pour la période courant de septembre 2017 à juin 2018 ;

Qu'elle présente ainsi, seulement pour la période de juillet 2018 jusqu'à la rupture, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur de produire ses propres éléments ; qu'elle sera donc déboutée du surplus de la demande ;

Que pour sa part, la société IN EXTENSO Ile de France verse aux débats des données issue d'un 'logiciel de gestion des temps' 'incrémentées' par la salariée ; que toutefois, il ressort des tableaux produits, confirmés par des attestations d'anciens salariés versés aux débats par Mme [W], que ce logiciel n'a pour objet que d'enregistrer les temps de travails qui sont facturés au client de la société IN EXTENSO Ile de France et non d'enregistrer la totalité du temps de travail des salariés ; que cela est d'ailleurs corroboré indirectement par la société IN EXTENSO Ile de France qui fait valoir que, selon les données issues de ce logiciel, Mme [W] n'aurait en fait travaillé en moyenne que 21 heures par semaine pour l'année 2017, 24 heures en moyenne pour l'année 2018,18 heures en moyenne pour l'année 2019 et 20 heures en moyenne pour l'année 2020, ce qui est dénué de tout sérieux de la part d'une entreprise commerciale qui rémunère sa salariée pour un temps complet ; qu'ainsi, la cour estime que l'employeur n'apporte pas d'éléments fiables sur le temps de travail de Mme [W] ;

Que dans ces conditions, il y a lieu de retenir l'accomplissement d'heures supplémentaires par Mme [W] et de fixer la créance salariale en résultant à la somme de 8 483 euros brut, outre 848,30 euros brut au titre des congés payés afférents ; que le jugement sera infirmé sur ce point;

Sur l'indemnité pour travail dissimulé :

Considérant qu'aux termes de l'article L.8221-5 du code du travail, 'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales ' ;

Qu'en l'espèce, Mme [W] ne démontre en rien que le défaut de mention sur les bulletins de salaire des heures supplémentaires mentionnées ci-dessus est intentionnel de la part de la société IN EXTENSO Ile de France ;

Qu'il y a donc lieu de confirmer le débouté de la demande d'indemnité pour travail dissimulé ;

Sur le repositionnement au statut de cadre, coefficient 330 à compter du 3 mai 2018 et les demandes subséquentes :

Considérant que Mme [W] soutient qu'elle accomplissait en réalité des tâches complexes relevant du coefficient 330 de la catégorie cadre prévu par la convention collective ; qu'elle réclame en conséquence un complément d'indemnité compensatrice de préavis eu égard à une durée de préavis qui aurait pu être portée, selon elle, à trois mois et des dommages-intérêts pour perte de droits à la retraite afférents à une rémunération de cadre ;

Que la société IN EXTENSO Ile de France conclut au débouté ;

Considérant qu'en cas de différend sur la catégorie professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, ce dernier doit établir la nature de l'emploi effectivement occupé et la qualification qu'il requiert ;

Que la convention collective définit ainsi les emplois de cadre, coefficient 330 : ' Complexité des tâches et responsabilité : occupe une fonction de cadre le salarié apte à définir un programme de travail dans le respect des orientations qui sont données par un membre de l'ordre des experts-comptables ou de la compagnie des commissaires aux comptes ou un responsable hiérarchique. Il anime et coordonne une équipe restreinte ou supervise l'activité des salariés des entreprises clientes. Peut également occuper une fonction de cadre, le salarié dont la formation technique spécifique lui permet d'exercer des missions requérant la mise en 'uvre de ses connaissances de façon autonome et responsable (exemples : diplômes d'école d'ingénieurs, des facultés de droit, de sciences économiques, des écoles supérieures de commerce ...). Il rend compte de façon permanente et régulière de l'état d'avancement des travaux.

Formation initiale master ou équivalent.

Expérience : outre la formation initiale, ce poste requiert une expérience professionnelle préalable, en cabinet ou en entreprise' ;

Qu'en l'espèce, Mme [W] se borne à soutenir qu'elle devait réaliser des 'tâches d'une complexité technique allant bien au-delà du poste de simples responsables client' ; qu'elle verse sur ce point deux courrielss ponctuels relatifs à un calcul d'indemnité de fin de carrière et à un contrôle fiscal d'une société cliente ; qu'elle verse également quelques mails ponctuels et abscons relatifs à 'une saisie de TNT', à un 'retrait du bordereau' ou à un 'rendez-vous avec Monsieur [G]' ;

Qu'elle ne démontre ainsi pas que, conformément aux stipulations de la convention collective auxquelles elle se réfère, elle définissait un programme de travail dans le respect des orientations qui sont données par sa hiérarchie ou qu'elle bénéficiait d'une formation technique spécifique lui permettant d'exercer des missions requérant la mise en 'uvre de ses connaissances de façon autonome et responsable ;

Qu'il y a donc lieu de confirmer le débouté de la demande de repositionnement à la catégorie de cadre, coefficient 330 et de ses demandes subséquentes ;

Sur la remise de documents sociaux :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu d'ordonner à la société IN EXTENSO Ile de France de remettre à Mme [W] un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent arrêt ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;

Sur les intérêts légaux et la capitalisation :

Considérant qu'il y lieu de rappeler que les sommes allouées portent intérêts légaux à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes pour ce qui est des créances de nature salariale et à compter du jugement en ce qui concerne les créances de nature indemnitaire ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;

Qu'il y a lieu en outre de confirmer la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

Sur le remboursement des indemnités de chômage par l'employeur :

Considérant qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner d'office le remboursement par la société IN EXTENSO Ile de France aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à Mme [W] du jour de son licenciement au jour du jugement attaqué et ce dans la limite de six mois d'indemnités ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il statue sur ces deux points ; qu'en outre, la société IN EXTENSO Ile de France sera condamnée à payer à Mme [W] une somme de 2 000 euros titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel ainsi qu'aux dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il statue sur le rappel de salaire pour heures supplémentaires et les congés payés afférents, la remise de documents sociaux, les intérêts légaux,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société IN EXTENSO Ile de France à payer à Mme [F] [W] une somme de 8 483 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et une somme de

848,30 euros brut au titre des congés payés afférents,

Rappelle que les sommes allouées à Mme [F] [W] portent intérêts légaux à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes pour ce qui est des créances de nature salariale et à compter du jugement attaqué en ce qui concerne les créances de nature indemnitaire,

Ordonne à la société IN EXTENSO Ile de France de remettre à Mme [F] [W] un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent arrêt,

Ordonne d'office le remboursement par la société IN EXTENSO Ile de France aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à Mme [F] [W] du jour de son licenciement au jour du jugement attaqué et ce dans la limite de six mois d'indemnités,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société IN EXTENSO Ile de France à payer à Mme [F] [W] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure pour la procédure suivie en appel,

Condamne la société IN EXTENSO Ile de France aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-5
Numéro d'arrêt : 22/02255
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;22.02255 ?
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