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20/03/2024 | FRANCE | N°21/02352

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-4, 20 mars 2024, 21/02352


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-4



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 MARS 2024



N° RG 21/02352

N° Portalis DBV3-V-B7F-UU2J



AFFAIRE :



[F] [U]



C/



Société MASTER LOCK EUROPE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le

4 juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F 19/0142

0



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Chantal DE CARFORT



Me Valérie MASSET



Copie numérique adressée à:



FRANCE TRAVAIL







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT MARS DEUX MI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-4

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 MARS 2024

N° RG 21/02352

N° Portalis DBV3-V-B7F-UU2J

AFFAIRE :

[F] [U]

C/

Société MASTER LOCK EUROPE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le

4 juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F 19/01420

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Chantal DE CARFORT

Me Valérie MASSET

Copie numérique adressée à:

FRANCE TRAVAIL

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [F] [U]

né le 8 septembre 1983 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Jean-Luc BRAMI de la SELARL BRAMI ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J105 et Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462

APPELANT

****************

Société MASTER LOCK EUROPE

N° SIRET : 383 094 331

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Valérie MASSET de l'AARPI CAP LEGAL, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R194

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 janvier 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [U] a été engagé par la société Master Lock Europe, en qualité de responsable grands comptes GSB, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 25 octobre 2012. Un nouveau contrat à duré indéterminée, pour les mêmes fonctions, a été signé le 8 novembre 2012.

Cette société est spécialisée dans le commerce de gros de quincaillerie. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 50 salariés. Elle applique la convention collective nationale nationale d'entreprise de commission, courtage, commerce intracommunautaire et d'importation exportation du 18 décembre 1952.

En dernier lieu, il percevait une rémunération brute mensuelle de base de 4 176 euros, outre une rémunération variable.

Le salarié a été en arrêt de travail du 26 septembre au 2 octobre 2018.

Par lettre du 12 octobre 2018, M. [U] a pris acte de la rupture dans les termes suivants :

« En premier lieu, je constate que si ma correspondance du 26 septembre dernier faisait uniquement référence à des réclamations légitimes de ma part sur les tickets restaurants, les congés payés, la prime annuelle et le CPF, vous me répondez en m'interrogeant sur mon temps de travail et sur des problématiques qui n'ont rien à voir avec les termes de mon courrier.

Votre correspondance démontre à quel point je subis de ma hiérarchie des pressions et des vérifications permanentes sur mon temps de travail, ce que j'ai qualifié de « 'iquage » de la part de Monsieur [C] puisque vous m'interrogez aux termes de cette correspondance afin que je vous justifie mes journées des 2, 3, 4 mai 2018, 13 au 15juin 2018 et 1er août 2018.

Je vous rappelle les termes de mon contrat de travail qui visent précisément les dispositions de l'Accord de Réduction et d'Aménagement du Temps de Travail en vigueur au sein de la société, dont on peut s'interroger sur la validité :

« En effet, compte tenu de la nature de ses fonctions, des responsabilités exercées et de l'autonomie dont il bénéficie dans l'organisation de son travail, le Salarié dispose d'une liberté organisationnelle et d'une autonomie avérées. » '.

« Par ailleurs, le salarié s'engage expressément à respecter un repos minimum quotidien de 11h par jour et un repos hebdomadaire de 35h.

L'organisation du travail du salarié fera l'objet d'un suivi régulier avec sa hiérarchie afin que la durée minimale de repos quotidien et hebdomadaire soit respectée. En cas de surcharge de travail, le Salarié devra informer dés que possible sa hiérarchie. »

Il est bien spécifié que l'organisation de mon travail ferait l'objet d'un suivi régulier par ma hiérarchie mais « afin que la durée minimale de repos quotidien et hebdomadaire soit respectée».

En effet, vous n'ignorez pas mon temps de travail, mes déplacements, mes soirées passées dans des dîners professionnels, mes nuits d'hôtels, etc. qui dépassent très largement les 35 heures que je suis censé exécuter.

Ma hiérarchie ne vérifie pas le dépassement de mon temps de travail pour assurer ma sécurité mais vérifie que je dépasse bien mon temps de travail en toutes circonstances pour s'assurer de mon investissement.

Car si je suis censé avoir une liberté organisationnelle et une autonomie, je suis également contraint de respecter des horaires de travail à partir du moment où si j'arrive après 9h au bureau ou si je pars avant 18h, je reçois des observations verbales ou par mail de ma hiérarchie.

Mon autonomie est donc purement fictive et en réalité je subis à la fois les contraintes d'un temps de travail imposé et les contraintes de mon organisation en termes de déplacements, de rendez-vous, de nuits d'hôtels, etc.

Il m'arrive le plus souvent de « consommer » mes 35 heures en l'espace de 3 jours.

Les termes de votre correspondance du 4 octobre 2018 me demandant de justifier de mon temps de travail démontrent à quel point vous ne portez d'attention que sur le dépassement de mon temps de travail et certainement pas sur le respect de mon temps de travail.

Je vous rappelle par ailleurs que depuis le 1er avril 2018, sans qu'il m'ait été donné le moindre avenant à mon contrat de travail, je m'occupe de l'Italie qui n'a fait que provoquer une nouvelle surcharge de mon temps de travail.

Je vais donc reprendre la chronologie de votre correspondance et tenter de vous répondre le plus précisément possible :

« 1. Votre présentation des faits lors de l'entretien du 17 septembre 2018 »

Je confirme que Monsieur [C] exerce une pression permanente sur moi comme d'ailleurs sur tous les Commerciaux ou les Assistantes.

En effet, comme je l'ai rappelé plus haut, une arrivée au bureau après 9h ou un départ avant 18h provoque immédiatement un mail ou une réflexion verbale sur le manque d'implication du Collaborateur.

Peu importe qu'il ait passé une nuit à l'hôtel, peu importe qu'il se soit déplacé sur la France entière, peu importe que ce Collaborateur ait, a priori, la liberté d'organiser son temps de travail.

Je subis donc des contraintes de forme sans avoir d'ailleurs la moindre contrepartie en matière commerciale car ma hiérarchie s'intéresse beaucoup plus à la justification de mon temps de travail qu'à me donner les moyens de réaliser les objectifs ambitieux qui me sont fixés.

Je confirme que je subis une pression inacceptable concernant mon temps de travail, en devant à la fois respecter des horaires et en faisant fi de mes obligations à l'extérieur de l'entreprise.

Les conclusions de ma hiérarchie sont d'ailleurs toujours les mêmes : pas de motivation, pas d'avenir professionnel, pas de reconnaissance du travail effectué si en dehors de mes déplacements je ne suis pas présent au bureau alors qu'il me faut, nécessairement dans le cadre de mon activité, des déplacements, des repos et des temps de réflexion, préparation.

Vous revenez sur l'incident concernant Madame [T], ancienne Assistante Commerciale de mon service.

Je vous rappelle qu'aucune sanction ne m'a été infligée après que j'ai donné des explications sur le comportement de cette Assistante Commerciale, qui a d'ailleurs été déplacée dans un autre service non pas en raison des propos que j'avais tenus mais compte tenu de la qualité de son travail au sein de mon service.

« 2. Les explications de Monsieur [C] »

Je maintiens mes propos à l'égard de Monsieur [C] qui se préoccupe exclusivement vis-à-vis de moi de la vérification de mon temps de travail et de la vérification de mes notes de frais sans aucune plus-value de sa part en termes commercial.

Les termes de votre correspondance le démontrent d'ailleurs puisque vous me demandez des justifications sur mon temps de travail et sur mes notes de frais.

a) Tournée [N] [Z] 2, 3 et 4 mai 2018 :

Le 2 mai 2018 j'ai quitté mon bureau aux environs de 14h/15h pour retrouver Monsieur [Z] à [Localité 3] le lendemain matin.

Je vous précise qu'en l'espace de 6 ans d'activité au sein de la société, je n'ai jamais dîné avec Monsieur [Z] pour des raisons qui lui sont personnelles.

Je vous rappelle que le 2 mai au matin j'avais un point d'activité avec mon N+1 jusqu'à midi et que j'ai donc passé la matinée au bureau.

Force est donc de constater que contrairement à ce que vous écrivez, « Or, comme à d'habitude, l'agent aurait dû être invité après la tournée, sauf indisponibilité », vous ignorez les usages avec Monsieur [Z].

Le vendredi 4 mai j'ai remis effectivement une note de frais à 11h19 sur la station autoroute à [Localité 7] qui fait partie de la tournée de [N] [Z].

Étant parti le 2 mai à [Localité 3] avec un retour en fin de matinée le 4 mai, compte tenu de la fatigue et du temps de trajet, il ne m'a pas été possible de revenir au bureau dans la journée du 4 mai, ce que vous devriez comprendre.

Car si je compte mon temps de travail à partir de la journée du 2 mai jusqu'au 4 mai, nous sommes bien loin du respect des 35 heures.

b) Tournée [M] du 13 au 15 juin 2018

Le 13 juin, je suis parti vers [Localité 6] en fin d'après-midi et j'ai crevé un pneu sur le périphérique, ce que vous ne pouvez pas ignorer puisque vous m'avez reproché d'avoir fait appel à l'Assistance, et de ne pas avoir fait appel à l'Assurance pour changer le pneu endommagé.

J'ai donc rejoint [Localité 6] le lendemain matin après avoir pu bénéficier d'un véhicule de remplacement, ce que vous n'ignorez pas non plus.

Je me suis donc déplacé à [Localité 6] le 14 juin mais notre représentant sur place, [M], m'a informé que la personne avec qui nous avions rendez-vous n'était pas disponible...

J'ai donc été à [Localité 6] et je suis rentré le lendemain matin.

Compte tenu de la fatigue et des trajets, je ne suis pas revenu au bureau le 15 juin, ce qui est parfaitement normal dans le cadre de l'organisation de mon activité.

c) Tournée Bricorama [Localité 3] le 1er août 2018

Monsieur [Z] était en vacances jusqu'à fin juillet 2018, j'ai été contacté directement par un magasin et je me suis rendu directement sur place à la demande du client.

Je ne pouvais pas informer Monsieur [Z] qui était en vacances.

Ce n'est pas la première fois que je prends le relais dans son secteur quand Monsieur [Z] n'est pas disponible.

Ce jour-la, à [Localité 4] à 14h55, j'ai déjeuné avant mon rendez-vous avec le client et j'ai dîné à [Localité 7] à mon retour à 18h52.

Vous pourrez constater ainsi, tout en le vérifiant, qu'il n'y a rien d'anormal dans mon agenda et que les suspicions permanentes et vos propres suspicions ressortant de votre correspondance du 4 octobre 2018 n'ont aucun fondement.

***

Je constate enfin que vous n'entendez pas faire droit à mes réclamations relatives aux tickets restaurants, aux congés payés, à ma prime annuelle et à l'ensemble de mes réclamations sans d'ailleurs la moindre explication aux termes de votre correspondance en date du 4 octobre 2018.

Je maintiens que l'exécution de mon contrat de travail n'est pas loyale de votre part.

Entre les pressions subies au quotidien, mon temps de travail dépassant très largement le cadre légal ou conventionnel, et le non-respect de vos obligations élémentaires je n'ai pas d'autre choix que de vous notifier par la présente la rupture de mon contrat de travail de votre fait.

Je vous impute la responsabilité de la rupture de mon contrat de travail pour les motifs que j'ai invoqués.

Je vous informe que j'entends saisir le Conseil de Prud'hommes d'une demande indemnitaire.

Je reste néanmoins à votre disposition si vous souhaitez rechercher un terrain amiable.

Je vous invite à m'adresser mon solde de tout compte, mon attestation Pôle Emploi et mon certificat de travail en retour.

Enfin je vous rappelle que certaines de mes notes de frais ont été mises en attente et que mes frais ne sont pas réglés sans raison légitime.

Je vous mets en demeure de me régler l'ensemble de mes notes de frais qui doivent s'élever à plus de 544,49 euros des réception de la présente.

Enfin et tardivement vous m'informez que vous seriez disposés à une médiation.

Il me semble que compte tenu des circonstances et de votre refus de respecter vos obligations, une médiation n'aurait pas lieu d'être.

Je suis a votre disposition pour organiser la restitution du matériel que vous m'avez confié. »

Le 3 juin 2019, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de requalification de sa démission en prise d'acte et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.

Par jugement du 4 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement) a :

. dit et jugé que :

. le rappel de rémunération variable et les congés payés afférents, ainsi que l'octroi de tickets restaurant sont dus à Monsieur [F] [U] par la société Master Lock,

. la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de à Monsieur [F] [U] n'est pas justifiée et produit les effets d'une démission,

. condamné la société Master Lock à payer à Monsieur [F] [U] :

. 900 euros au titre du remboursement des tickets-restaurant,

. 9 831,06 euros au titre du rappel de rémunération variable,

. 983,11 euros au titre des congés payés afférents,

. 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

. condamné Monsieur [F] [U] à payer à la société Master Lock 15 254,94 euros au titre de l'indemnité compensatrice du préavis,

. débouté Monsieur [F] [U] de toutes ses autres demandes ;

. débouté la société Master Lock de toutes ses autres demandes ;

. limité l'exécution provisoire à celle de droit fixée par l'article R1454-28 du Code du Travail et fixe le salaire mensuel moyen de Monsieur [F] [U] à 5 084,94 euros (cinq mille quatre-vingt-quatre euros et quatre-vingt-quatorze cents);

. rappelé que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter de la notification au défendeur de sa convocation à l'audience, soit le 06/06/19, en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter de la présente décision pour les autres sommes allouées,

. ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du Code Civil,

. dit que chacune des parties supportera les éventuels dépens pour ce qui les concerne.

Par déclaration adressée au greffe le 20 juillet 2021, M. [U] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 19 décembre 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 29 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [U] demande à la cour de :

. déclarer Monsieur [F] [U] recevable et bien fondé en son appel,

Y faisant droit,

. confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le rappel de rémunération variable et les congés payés afférents, ainsi que l'octroi de tickets restaurant étaient dus à Monsieur [U] par la société Master Lock Europe,

. infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Nanterre le 4 juin 2021 en ce qu'il a :

. dit et jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Monsieur [F] [U] n'était pas justifiée et produisait les effets d'une démission,

. condamné la société Master Lock à payer à Monsieur [U] les sommes suivantes :

. 900 euros au titre du remboursement des tickets.restaurant,

. 9.831,06 euros au titre du rappel de rémunération variable,

. 983,11 euros au titre des congés payés afférents,

. 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

. condamné Monsieur [F] [U] à payer à la société MASTER LOCK la somme de 15.254,94 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

. débouté Monsieur [F] [U] de toutes ses autres demandes ;

Et, statuant de nouveau,

. déclarer que la prise d'acte de Monsieur [U] est fondée et qu'elle produit les effets d'un licenciement nul, ou à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse,

. requalifier la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en date du 12 octobre 2018 en un licenciement nul ou, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

. condamner la société Master Lock Europe à verser à Monsieur [U] les sommes suivantes :

. 35.594,86 euros nets à titre de dommages intérêts pour licenciement nul, ou à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse,

. 15.254,94 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 1.525,49 euros bruts au titre des congés payés afférents,

. 7.839,34 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement,

. 4.344 euros nets à titre de remboursement des tickets restaurants ou, à tout le moins, 4.344 euros nets à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'absence d'octroi des tickets-restaurant en violation du principe d'égalité de traitement,

. 21.400,56 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable,

. 2.140,05 euros bruts au titre des congés payés afférents au rappel de rémunération variable et 3.513,22 euros bruts au titre des congés payés afférents à la rémunération variable versée entre 2013 et 2017,

. 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

. dire et juger que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception par la société intimée de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation,

. ordonner la capitalisation des intérêts,

. condamner la société intimée aux entiers dépens de première instance et d'appel,

. déclarer la société intimée infondée en son appel incident,

. débouter la société intimée de l'intégralité de ses demandes.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 décembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Master Lock Europe demande à la cour de :

. confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a :

. jugé que Monsieur [U] n'avait pas été victime de fait de harcèlement moral,

. jugé que la prise d'acte de son contrat de travail par Monsieur [U] s'analysait en une démission

. condamné, en conséquence, Monsieur [U] à verser à la société Master Lock la somme de 15.254,94 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

. débouté Monsieur [U] des demandes :

. au titre de l'indemnité de licenciement

. au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

. au titre des indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis

. infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a :

. jugé que le rappel de rémunération variable et les congés payés afférents, ainsi que l'octroi de tickets restaurant sont dus à Monsieur [F] [U] par la société Master Lock

. condamné la société Master Lock à payer à Monsieur [F] [U] les sommes suivantes :

. 900 euros au titre au titre du remboursement des tickets restaurant,

. 9.831,06 euros au titre du rappel de rémunération variable,

. 983,11 euros au titre des congés payés afférents,

. 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Et statuant à nouveau :

A titre principal :

. juger que Monsieur [U] n'a pas été victime de harcèlement moral ni de discrimination,

. juger que la démission de Monsieur [U] s'analyse en une démission et non en un licenciement nul ou, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

. débouter, Monsieur [U] de l'intégralité de ses demandes,

. condamner Monsieur [U] à verser à Master Lock Europe SAS la somme de 15.254,94euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour accueillait M [U] en ses demandes relatives aux titres restaurant et salaires (salaire variable (prime) et indemnités de congés payés sur variable),

. juger que chacune de ses demandes est prescrite au titre de l'article 1471-1 du code du travail

Et si par extraordinaire, la Cour accueillait M [U] en ses demandes relatives aux titres restaurant, salaire variable (prime) et indemnités de congés payés

. ordonner la compensation judiciaire entre l'indemnité compensatrice de préavis 15.254,94 euros due par M [U] à Master Lock Europe SAS et toute somme à laquelle celle-ci serait condamnée

En tout état de cause,

. condamner M. [U] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de Procédure Civile ;

. condamner M. [U] aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur la prise d'acte de la rupture

La prise d'acte de la rupture se définit comme un mode de rupture du contrat de travail par le biais duquel le salarié met un terme à son contrat en se fondant sur des griefs qu'il impute à son employeur.

Si les griefs invoqués par le salarié sont établis et empêchent la poursuite du contrat de travail, alors la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans le cas contraire, la prise d'acte doit être requalifiée en démission.

La prise d'acte peut produire les effets d'un licenciement nul si les manquements reprochés à l'employeur sont de nature à entraîner la nullité du licenciement.

En l'espèce, le salarié invoque plusieurs manquements qu'il impute à l'employeur relatifs :

. aux tickets restaurant,

. à sa rémunération variable,

. aux congés payés afférents à la rémunération variable,

. au harcèlement moral qu'il dit avoir subi et au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Sur les titres-restaurant

Le salarié, qui affirme qu'il travaillait majoritairement au siège de la société, invoque une inégalité de traitement quant à l'attribution des tickets-restaurant, précisant que les responsables grands comptes ' dont il faisait partie ' et les directeurs commerciaux de la société en étaient privés contrairement aux autres salariés, lesquels bénéficiaient de l'attribution de tickets-restaurant et du remboursement de leurs notes de frais lorsqu'ils réalisaient des déplacements.

En réplique, l'employeur objecte que l'attribution de tickets-restaurant est facultative et qu'il lui est permis de différencier l'attribution des titres repas si cette différenciation est fondée sur un critère objectif. Il précise que le salarié, comme les autres commerciaux, avait droit au remboursement de ses frais réels de repas et non aux tickets-restaurant et que le fait que des tickets-restaurant ne leur soient pas attribués s'explique par le fait que les commerciaux ont pour fonction d'être sur le terrain et non au siège.

***

A titre d'observation liminaire, la cour indique qu'elle désignera ci-après sous le terme « titre-restaurant », énoncé par les dispositions légales, ce que les parties appellent « tickets-restaurant ».

L'article L. 3262-1 du code du travail dispose que le titre-restaurant est un titre spécial de paiement remis par l'employeur aux salariés pour leur permettre d'acquitter en tout ou en partie le prix du repas consommé au restaurant ou acheté auprès d'une personne ou d'un organisme mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 3262-3. Ce repas peut être composé de fruits et légumes, qu'ils soient ou non directement consommables.

Ces titres sont émis :

1° Soit par l'employeur au profit des salariés directement ou par l'intermédiaire du comité d'entreprise (Note de la cour : CSE à compter du 1er janvier 2018) ;

2° Soit par une entreprise spécialisée qui les cède à l'employeur contre paiement de leur valeur libératoire et, le cas échéant, d'une commission.

Un décret détermine les conditions d'application du présent article.

Les conditions d'émission et de validité, les conditions d'utilisation et de remboursement des titres-restaurant sont réglementées par les articles R. 3262-1 et suivants du code du travail.

A la section 2 intitulée « utilisation », l'article R. 3262-7 prévoit qu'un même salarié ne peut recevoir qu'un titre-restaurant par repas compris dans son horaire de travail journalier. Ce titre ne peut être utilisé que par le salarié auquel l'employeur l'a remis.

Ni la circonstance que les salariés travaillent à temps partiel, ni celle qu'ils étaient affectés sur un site distinct de l'établissement de la société ne dispense l'employeur de leur attribuer des titres-restaurant dès lors que l'horaire de travail des intéressés incluait un repas (Soc., 19 décembre 2001, pourvoi n°99-45.295).

L'attribution de titres-restaurant par l'employeur est facultative mais s'il décide d'y procéder, il doit alors respecter le principe d'égalité de traitement.

Ce principe impose à l'employeur d'assurer une égalité de rémunération entre tous les salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale. Il appartient d'abord au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une différence de traitement et il appartient ensuite à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence et dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.

La seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence (Soc., 20 février 2008, n°05-45.601, P).

En l'espèce, il n'est pas discuté qu'alors que les directeurs grands-comptes et les commerciaux se voyaient privés de l'attribution de titres-restaurant, les autres salariés en bénéficiaient. Ce fait caractérise à lui seul une différence de traitement.

Il revient en conséquence à l'employeur d'apporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.

Pour en justifier, l'employeur présente deux arguments : d'une part le fait que, comme les autres commerciaux, le salarié avait droit au remboursement de ses frais réels et, d'autre part, le fait que les remboursements dont le salarié a bénéficié sont supérieurs au montant qu'il aurait eu s'il avait travaillé au siège, tout au moins jusqu'à mars 2017, mois à partir duquel la société a bénéficié d'un restaurant d'entreprise et donc, au-delà duquel le salarié ne pouvait plus prétendre à des titres-restaurant.

Néanmoins et en premier lieu, le fait que le salarié ait été traité comme les autres commerciaux et comme les autres directeurs grands comptes n'est pas à lui seul de nature à constituer une raison objective d'un traitement différencié dès lors que, comme rappelé plus haut, la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage.

Or, il ressort du contrat de travail du salarié (article 4) qu'il exerçait ses fonctions au siège de la société quand bien même il devait être « amené à effectuer de nombreux déplacements (') ». En outre, l'agenda Outlook du salarié (pièce 28) ' peu importe son degré de fiabilité perfectible et le fait qu'il ait attendu trois ans pour le communiquer ' montre que, comme il le soutient, il n'était pas systématiquement en déplacement et travaillait fréquemment au siège de la société ce qui ne permettait donc pas au salarié, ses jours de présence au siège, de présenter de notes de frais correspondant à sa prise de repas.

Présent durant la journée au siège de la société, le salarié était donc en situation de prendre « un repas compris dans son horaire de travail journalier » au sens de l'article R. 3262-7 du code du travail.

En outre, il ressort du témoignage de Mme [O], ancienne salariée, qu'elle a « bénéficié de tickets restaurants » à raison de « 19 tickets par mois (') ajustés en fonction des jours travaillés » et qu'il lui est arrivé à plusieurs reprises de ne pas les utiliser « lors de déplacements professionnels » mais qu'elle « pouvait se faire rembourser les repas pris à cette occasion par note de frais, sans que le nombre de tickets-restaurant qui [lui] ont été attribués ensuite n'ait été ajusté pour cette raison » (pièce 30 du salarié).

De ces éléments, il ressort que le salarié, lorsqu'il travaillait au siège de la société, était placé dans une situation identique à celle de tous les autres salariés de la société. Ainsi, le fait que, comme les autres commerciaux, le salarié ait été remboursé sur la base des frais réellement exposés n'explique pas à lui seul objectivement que, lorsqu'il était présent au sein de la société et donc n'était pas en mesure de présenter des notes de frais, il n'ait pas bénéficié de titres-restaurant.

En second lieu, l'employeur expose que le salarié bénéficiait d'un remboursement de 100 % de ses frais réels occasionnés lors d'un déplacement, ce qui est supérieur à la valeur qu'aurait représenté chaque titre-restaurant s'il lui en avait été attribué. Il se fonde en cela sur le fait qu'un titre-restaurant valait 8 euros et sur le fait que cette somme était financée par moitié par le salarié et par moitié par la société ce qui est inférieur à une prise à 100 % en charge de ses frais. Toutefois, comme relevé plus haut, certains salariés cumulaient à la fois le bénéfice de titres-restaurant et celui du remboursement des notes de frais de telle sorte que le moyen tiré de ce que le remboursement de ses frais réels lui offrait un avantage supérieur n'est pas opérant et par conséquent, ne constitue pas une raison objective justifiant la différence de traitement.

Le fait, pour l'employeur, de ne pas avoir gratifié le salarié, placé dans une situation identique à celle des autres salariés lorsqu'il travaillait au siège, de titres-restaurant ne se justifie ainsi pas par des raisons objectives.

Le manquement de l'employeur est donc de ce chef établi et le salarié peut prétendre à un rappel de salaire qui sera déterminé plus loin.

Sur la rémunération variable

Le salarié invoque un manquement de l'employeur, se fondant en cela sur trois moyens :

. il expose d'abord que l'employeur ne peut opposer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à son obligation de justifier de façon objective et pertinente une différence de rémunération,

. il se fonde ensuite sur les dispositions de l'article L. 1321-6 du code du travail et déduit de ce texte que des objectifs définis dans une langue étrangère sont inopposables au salarié, y compris s'il en a la maîtrise,

. il expose enfin que faute pour l'employeur d'avoir précisé au salarié les objectifs à réaliser et les conditions de calculs vérifiables, et en l'absence de période de référence dans le contrat de travail, la rémunération variable doit être payée intégralement.

Il soutient en l'espèce que ses objectifs quantitatifs sont chiffrés en dollars alors qu'il travaillait en France, que la plupart de ses objectifs sont rédigés en langue anglaise sans aucune traduction, que l'employeur s'abstenait chaque année de définir les objectifs collectifs de l'entreprise.

En réplique, l'employeur objecte que la partie variable de la rémunération du salarié, appelée « My Deal », n'a jamais fait de la part de ce dernier l'objet de reproche ou d'incompréhension en six ans de relation contractuelle. Il conteste qu'il excluait chaque année un objectif au niveau du groupe et expose que les objectifs ne sont en rien obscurs.

***

L'article L. 1321-6 du code du travail dispose que le règlement intérieur est rédigé en français. Il peut être accompagné de traductions en une ou plusieurs langues étrangères.

Il en va de même pour tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail. Ces dispositions ne sont pas applicables aux documents reçus de l'étranger ou destinés à des étrangers.

Le salarié peut se prévaloir de l'inopposabilité des documents fixant les objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable contractuelle, lorsque ces documents sont rédigés en anglais (cf. Soc., 29 juin 2011, n° 09.67-492, P).

Il résulte de l'article susvisé que tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail doit être rédigé en français. Dans le cas contraire, le salarié peut se prévaloir de l'inopposabilité de ce document (cf. Soc. 2 avril 2014, n° 12.30-191).

Cette règle ne s'applique cependant pas :

. aux documents reçus de l'étranger ou destinés à des étrangers (Soc., 26 avril 2015, Bull V n°128),

. aux documents liés à l'activité de l'entreprise de transport aérien dont le caractère international implique l'utilisation d'une langue commune, et dès lors que, pour garantir la sécurité des vols, il est exigé des utilisateurs, comme condition d'exercice de leurs fonctions, qu'ils soient aptes à lire et à comprendre des documents techniques rédigés en langue anglaise (Soc., 12 juin 2012, Bull V n°175).

En l'espèce, le contrat de travail prévoit (article 8) que le salarié perçoit une rémunération forfaitaire mensuelle de 3 500 euros bruts, soit 42 000 euros bruts annuels, ainsi qu'une « prime sur résultats annuels calculée en fonction de la réalisation d'objectifs quantitatifs et qualitatifs établis annuellement entre le salarié et son supérieur hiérarchique. Cette rémunération variable, dont le potentiel est fixé à 20 % du salaire brut annuel en cas de réalisation de 100 % des objectifs annuels (montant proratisé sur la base du temps de présence effectif), sera versée au mois de février de l'année suivante. Cette somme ne pourra être perçue que si le salarié fait toujours partie de l'entreprise pour l'année considérée ».

A juste titre, le salarié expose que ses objectifs étaient rédigés en anglais et exprimés en dollars comme le montre sa pièce 14 (objectifs de 2013 à 2017). A raison également, le conseil de prud'hommes relève qu'il n'est pas allégué que les documents reçus par le salarié provenaient de l'étranger.

Dès lors, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens, le manquement de l'employeur est établi de ce chef et le salarié peut prétendre à un rappel de prime de résultats ainsi qu'il sera vu plus loin dès lors que ses objectifs lui ont été communiqués en langue anglaise de sorte qu'il peut, comme il le fait, en demander l'inopposabilité.

Sur les congés payés afférents à la rémunération variable

Le salarié expose qu'entre dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés la part variable de la rémunération dès lors qu'elle est assise sur les résultats produits par le travail personnel de l'intéressé, nécessairement affectés par la prise de congés. Il revendique en conséquence l'application de la règle du 10ème sur l'ensemble de sa rémunération comprenant les primes.

En réplique, la société confirme ne pas avoir intégré le montant de la prime de résultats dans les congés payés, expliquant que la prise de congés du salarié n'a aucun impact sur l'atteinte des objectifs dès lors qu'en son absence, son assistante commerciale ou le manager prenait les commandes.

***

La rémunération variable est incluse dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés si elle est perçue en contrepartie du travail du salarié, présente un caractère obligatoire et est affectée par la prise de congés payés.

En l'espèce, certains objectifs fixés étaient collectifs (les objectifs dits « corporate objectives ») d'autres étaient individuels (« individual objectives »). Les premiers représentaient 25 % de la rémunération variable du salarié, les seconds 75 %.

Les seconds correspondaient à des objectifs quantitatifs qui, parce qu'ils étaient chiffrés (par exemple : un objectif de chiffre d'affaires fixé à 12 782 001 dollars en 2017), étaient nécessairement affectés par la prise de congés du salarié, pendant lesquels le salarié, n'étant pas en activité, ne générait pas de chiffre d'affaires, de sorte que sa rémunération variable doit être intégrée à l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés.

Or l'employeur reconnaît que « Master Lock n'a pas retenu la prime « My Deal » dans le calcul de l'indemnité de congés payés » motifs pris de ce que l'inclure reviendrait à payer deux fois les congés payés du salarié.

Dès lors, le manquement de l'employeur est établi. Les conséquences financières de ce manquement seront examinées ultérieurement.

Sur le harcèlement moral et le manquement à l'obligation de sécurité

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 dans sa version applicable à l'espèce, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Par ailleurs, en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité qui n'est pas une obligation de résultat mais une obligation de moyen renforcée, l'employeur pouvant s'exonérer de sa responsabilité s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

En outre, il résulte de l'article L. 1152-4 du code du travail que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

En l'espèce, le salarié présente à la cour les faits suivants :

. le fait que la société n'a pris aucune mesure concrète de protection à la suite de sa dénonciation de faits de harcèlement moral en violation de son obligation de sécurité,

. le fait que la société a redoublé de pressions à son encontre :

. en prenant contre lui des mesures de rétorsion financière,

. en exerçant sur lui une surveillance anormale et continue,

. et en lui reprochant, pour toute réponse à sa plainte, des griefs inexacts.

Dans une lettre ayant pour objet « réclamation » adressée à l'employeur le 23 août 2018, le salarié a fait part à l'employeur de ce qu'il présentait alors comme des manquements relatifs aux « tickets-restaurant », à la régularisation de ses congés payés, à la prime « MyDeal », à la mise à jour de son CPF et a conclu sa lettre en évoquant un harcèlement moral (pièce 4 du salarié), qu'il est donc établi qu'il a dénoncé.

Le salarié expose qu'aucune mesure concrète n'a été prise consécutivement à cette dénonciation, ce qui n'est pas établi puisqu'en réponse, l'employeur a, par lettre de la directrice des ressources humaines (Mme [J]) du 29 août 2018, invité le salarié à préciser les éléments de fait lui laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral à son préjudice.

L'employeur a en effet écrit : « pour ce qui concerne (') les faits de harcèlement moral, quels qu'ils soient, il est impératif que vous nous donniez des précisions car nous ne pouvons pas agir conformément à nos obligations vis à vis de nos salariés sans plus d'informations. Par conséquent, nous vous invitons à nous envoyer ces précisions par écrit, avec témoignages ou documents à l'appui, dans les meilleurs délais et ce, afin de préparer au mieux l'entretien que nous vous proposons (') le mercredi 5 septembre 2018 afin d'en discuter » (pièce 2 de l'employeur).

Or, le contenu de la lettre que le salarié avait envoyée à l'employeur le 23 août 2018, si elle contenait certaines accusations, le salarié exposant subir « de la pression continue de la part de son supérieur hiérarchique [qui portait atteinte à sa] santé morale et physique », il demeure que la consistance des pressions et accusations dénoncées n'étaient pas plus précisément décrites (« lors de différends qui ont pu m'opposer à certains salariés ») afin que l'employeur soit en mesure d'orienter ses propres investigations. En outre l'employeur a proposé une médiation au salarié en vue d'un rapprochement entre ce dernier et son supérieur hiérarchique, M. [C].

L'entretien avec Mme [J], proposé par l'employeur dans sa lettre du 29 août 2018, a finalement eu lieu le 6 septembre 2018.

Certes, il ressort de la lettre que Mme [J] a adressée au salarié le 4 octobre 2018 que lors de cet entretien, le salarié avait précisé disposer « de tous les éléments pour prouver [ses] dires » et il n'est pas discuté qu'il n'a rien communiqué à l'employeur.

Néanmoins, ce dernier ne pouvait, sans méconnaître son obligation de prévention du harcèlement moral s'en tenir à cette seule explication sans pousser plus avant ses investigations. A cet égard, la mesure proposée par l'employeur à son salarié en vue d'une médiation entre ce dernier et son supérieur hiérarchique se révèle sinon insuffisante, tout au moins prématurée puisque l'employeur ne pouvait, au moment où il l'a proposée, se faire une représentation aussi fidèle que possible de la réalité et de l'importance des reproches que le salarié adressait à M. [C].

Par conséquent, sont, à ce stade, démontrés par le salarié :

. la réalité d'une dénonciation d'un harcèlement moral de M. [C],

. le manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral.

Le salarié expose ensuite qu'il a fait l'objet de mesures de rétorsions financières. Il se réfère en cela « aux mesures de rétorsions financières précédemment décrites ». La cour comprend des écritures du salarié, sur ce point, qu'il se réfère à ses demandes relatives aux titres-restaurants, aux primes de résultats et congés payés afférents.

Si la cour les a analysées comme des manquements de l'employeur, il n'est cependant pas établi qu'ils correspondent à des « rétorsions financières ».

Le salarié ajoute qu'après sa lettre de dénonciation, l'employeur a mis en place à son égard une surveillance anormale et continue ce qu'il ne démontre toutefois pas par les pièces qu'il verse aux débats (courriels produits par le salarié en pièces 15 et 16), lesquelles ne caractérisent pas la surveillance anormale et continue alléguée.

Il soutient encore qu'il a fait l'objet de « reproches infondés » dans une lettre que l'employeur lui a adressée le 4 octobre 2018 (pièce 9 du salarié), et dans laquelle il lui reproche des incohérences entre l'agenda du salarié et ses notes de frais en mai, juin et août 2018 à l'occasion de plusieurs tournées. La réalité des reproches est donc établie. Mais pour être établis, les reproches adressés par l'employeur n'étaient pas infondés. Outre le fait qu'ils n'ont donné lieu à aucune sanction, les pièces versées aux débats par l'employeur caractérisent plusieurs discordances entre les agendas du salarié et les notes de frais qu'il a présentées. A titre d'exemple, le salarié avait indiqué dans son agenda que le 4 mai il effectuerait une tournée Bricomarché à [Localité 3] de 10h00 à 17h00, or, il a présenté, pour ce jour-là, une note de frais pour un déjeuner à 11h19 sur une station d'autoroute située à 40 minutes de [Localité 3]. Si le salarié a pu s'en expliquer par la suite, il demeure que les discordances relevées par l'employeur caractérisent une raison objective de lui adresser un reproche. Il s'ensuit que les reproches n'étaient pas infondés.

Le salarié justifie par ailleurs avoir fait l'objet d'un arrêt de travail du 18 septembre au 2 octobre 2018 (arrêt de quinze jours) pour un « syndrome anxio-dépressif suite à un épuisement » (pièce 24 du salarié).

Ont à ce stade été retenus comme établis les faits suivants :

. la dénonciation, par le salarié, de faits de harcèlement moral,

. une mesure insuffisante de l'employeur en réponse à cette dénonciation et donc un manquement à son obligation de prévention du harcèlement moral.

Ces faits, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral. Il revient donc à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Déconnectée de toute décision de l'employeur, la dénonciation du salarié n'a pas à être justifiée par l'employeur par des éléments étrangers à tout harcèlement moral.

L'insuffisance des mesures prises par l'employeur en réponse à la dénonciation du salarié ne se justifie pas par des raisons objectives, ainsi qu'il a été dit précédemment.

En définitive, seul demeure inexpliqué par des raisons objectives l'insuffisance des mesures prises par l'employeur consécutivement aux dénonciations du salarié. Ce seul fait ne procède pas de la répétition exigée pour caractériser un harcèlement moral, lequel n'est dès lors pas établi, même si le salarié a été sujet à un syndrome anxio-dépressif.

En synthèse de ce qui précède

En synthèse de ce qui précède, la cour a retenu :

. une inégalité de traitement sur l'attribution des titres-restaurant jusqu'en mars 2017,

. un manquement relatif à la prime de résultat du salarié,

. un manquement relatif aux congés payés assis sur la prime de résultat du salarié,

. un manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral.

Ces manquements sont d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Il convient donc, par voie d'infirmation, de dire que la prise d'acte de la rupture, par le salarié, de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 12 octobre 2018.

Le jugement sera en outre infirmé en ce qu'il a condamné le salarié à payer à l'employeur une indemnité de préavis. Statuant à nouveau, l'employeur sera débouté de ce chef de demande.

Sur les conséquences de la rupture

Sur les titres-restaurant

L'employeur estime la demande du salarié partiellement prescrite de telle sorte qu'au visa de l'article L. 1471-1 du code du travail, il ne peut obtenir quelque paiement que ce soit pour la période du 24 août 2016 au 29 février 2017.

En réplique, le salarié objecte qu'il aurait dû se voir octroyer des titres-restaurant du mois de novembre 2012 au mois de mars 2017 de sorte que la faute de l'employeur est continue. En outre, il expose que les titres-restaurant constituent un avantage en nature qui entre dans la rémunération de sorte que c'est l'article L. 3245-1 du code du travail qui est applicable.

**

La durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance invoquée (Ch. mixte., 26 mai 2006, n°03-16.800).

La créance invoquée en l'espèce par le salarié est une créance afférente à des titres-restaurant dont il a été privé.

Suivant l'article L. 3221-3 du code du travail, constitue une rémunération au sens du présent chapitre, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au salarié en raison de l'emploi de ce dernier, or les titres-restaurant sont prévus par le code du travail dans un titre VI consacré aux « avantages divers » qui comporte trois chapitres : « frais de transport », « titres-restaurant » et « chèques-vacances ».

Les titres-restaurant constituent donc un élément de la rémunération du salarié.

C'est par conséquent la prescription triennale prévue par l'article L. 3245-1 du code du travail qui trouve application.

Selon ce texte, « L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. »

Ce texte offre au salarié une option :

. soit le point de départ de la prescription est fixé à la date à laquelle le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action. Concernant le rappel de salaire, le délai de prescription court à compter de la date à laquelle la créance salariale est exigible ; pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré. Auquel cas la prescription a couru, pour chaque mois, le dernier jour du mois, le salaire du salarié lui étant versé à cette date ainsi que le montrent ses bulletins de paye. Or, le salarié ayant saisi le conseil de prud'hommes le 3 juin 2019, il ne peut présenter de demande de rappel de salaire que que pour la période postérieure au 3 juin 2016 ;

. soit le salarié peut présenter ses demandes au titre des trois années précédant la rupture du contrat de telle sorte que sa demande peut porter sur les sommes dues les trois dernières années précédant le 12 octobre 2018, ce qui lui permet alors de former une demande de rappel correspondant à la période comprise entre le 12 octobre 2015 et le 12 octobre 2018.

Le salarié formant sa demande pour la période comprise entre le mois de novembre 2012 et le mois de mars 2017, une partie de sa demande est prescrite.

Au fond, il n'est pas discuté qu'un restaurant d'entreprise a été créé en mars 2017, date à partir de laquelle le salarié n'était plus éligible au bénéfice de titres-restaurant.

Sa demande n'est donc recevable et bien fondée que pour la période d'octobre 2015 à février 2017 soit pendant seize mois. Compte tenu qu'il résulte de ses explications et de la production de son agenda Outlook ' que le salarié consacrait 70 % de son temps dans les locaux de la société, et eu égard au fait que la participation de la société est de 4 euros par titre-restaurant, la créance du salarié doit être fixée à la somme de 816 euros.

Par voie d'infirmation, l'employeur sera condamné au paiement de la somme ainsi arrêtée à titre de rappel de salaire sur les titres-restaurants entre le mois d'octobre 2016 et le mois de février 2017.

Sur la rémunération variable du salarié

L'employeur invoque la prescription au visa de l'article L. 3245-1 du code du travail et soutient que le salarié ne peut former de demandes antérieurement à la date du 13 octobre 2015.

En réplique, le salarié objecte que lorsque les circonstances ne permettent pas au salarié d'avoir connaissance des faits qui lui sont préjudiciables, c'est la date de la connaissance de ces faits qui marque le point de départ de la prescription. Il précise qu'en l'espèce, les conditions d'octroi de sa rémunération variable fondée sur des objectifs collectifs (qui représentent 25 % de sa prime annuelle) n'ont jamais été portés à sa connaissance de sorte que la prescription n'a jamais commencé à courir.

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Il ressort du contrat de travail que la prime litigieuse était payée au mois de février de chaque année. Le salarié avait donc connaissance des faits lui permettant d'exercer son action au mois de février de chaque année.

Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes le 3 juin 2019. Comme vu plus haut, la loi permet au salarié de former sa demande, lorsque, comme c'est ici le cas, le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant le 12 octobre 2018, date de la rupture du contrat de travail.

Ainsi, le salarié peut prétendre à un rappel correspondant aux primes suivantes :

. la prime de février 2016 (pour la période du mois d'octobre 2015 au mois de février 2016 soit sur une période correspondant à 5/12èmes d'une année) ;

. la prime de février 2017 (pour la période du mois de février 2016 au mois de février 2017) ;

. la prime de février 2018 (pour la période du mois de février 2017 au mois de février 2018).

Lorsque la prime allouée au salarié dépend d'objectifs définis par l'employeur, ceux-ci doivent être communiqués au salarié en début d'exercice, à défaut de quoi, la prime est due dans son intégralité.

Les objectifs assignés au salarié ne lui ont pas été communiqués au début de l'exercice de sorte que la prime est due dans son intégralité.

La rémunération variable du salarié était en l'espèce fixée à 20 % de sa rémunération.

. sur le rappel de prime de février 2016 (pour la période du mois d'octobre 2015 au mois de février 2016 soit sur une période correspondant à 5/12èmes d'une année) : le salaire annuel du salarié s'est élevé à 48 605,72 euros de sorte qu'il pouvait prétendre à une prime maximale de 9 721,14 euros. Mais cette prime n'est due que sur la période non atteinte par la prescription de telle sorte qu'elle ne peut représenter que 5/12èmes de 9 721,14 euros soit la somme de 4 050,47 euros. Le salarié ayant perçu 5 797,30 euros il ne peut prétendre à aucun rappel au titre de la prime de février 2016.

. la prime de février 2017 (pour la période du mois de février 2016 au mois de février 2017) : le salaire annuel du salarié s'est élevé à 51 203,52 euros de sorte qu'il pouvait prétendre à une prime maximale de 10 240,70 euros. Le salarié n'a perçu que 8 337,31 euros. Il est donc fondé à obtenir le paiement de la différence, soit la somme de 1 903,39 euros bruts.

. la prime de février 2018 (pour la période du mois de février 2017 au mois de février 2018) : le salaire annuel du salarié s'est élevé à 45 512,70 euros de sorte qu'il pouvait prétendre à une prime maximale de 9 102,54 euros. Le salarié n'a perçu aucune prime. Il est donc fondé à obtenir le paiement de la somme de 9 102,54 euros.

Au total, il convient, par voie d'infirmation, de condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 11 005,93 euros bruts à titre de rappel de prime correspondant à la période non affectée par la prescription, comprise entre le 12 octobre 2015 et le mois de février 2018, outre celle de 1 100,59 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les aux congés payés assis sur les primes

Ainsi qu'il a été vu plus haut, le salarié peut prétendre aux congés payés afférents aux primes, dans les limites de la prescription susvisée.

Les congés payés afférents aux primes ont, pour partie, déjà été accordés au salarié s'agissant néanmoins du rappel de prime qui lui a été accordé.

Il reste à estimer l'indemnité de congés payés afférente aux primes déjà versées par l'employeur :

. au titre de la période du mois d'octobre 2015 au mois de février 2016 soit sur une période correspondant à 5/12èmes d'une année, le salarié a perçu une prime de 2 415,54 euros sur laquelle les congés payés sont dus (soit (5 797,30/12)x5 euros) ce qui représente une somme de 241,55 euros,

. au titre de la période du mois de février 2016 au mois de février 2017, le salarié a perçu une prime de 8 337,31 euros de sorte que le salarié peut prétendre aux congés payés afférents à hauteur de 833,73 euros,

. au titre de la période du mois de février 2017 au mois de février 2018, le salarié n'a perçu aucune prime de sorte que le rappel de congés payés afférents à la prime correspondant à cette période a déjà été compensée par l'allocation des congés payés afférents au rappel de prime accordé ci-avant.

Au total, il convient, par voie d'infirmation, d'allouer au salarié une somme de 1 075,28 euros à titre de rappel de congés payés afférents aux primes déjà versées entre octobre 2015 et février 2018.

Sur les indemnités de rupture

Le salarié ayant été engagé le 25 octobre 2012 et ayant pris acte de la rupture le 12 octobre 2018, il justifie d'une ancienneté de cinq ans et onze mois pleins au service de l'employeur.

Il n'est pas discuté que son salaire de référence est de 5 084,98 euros.

Sur ces bases et compte tenu de ce que l'employeur ne discute pas le quantum des sommes demandées à ces titres, il convient, par voie d'infirmation, de le condamner à payer au salarié la somme de 7 839,34 euros à titre d'indemnité de licenciement, cette somme s'entendant d'un montant brut et non net, et la somme de 15 254,94 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 525,49 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, prévoit que le salarié qui justifie d'une ancienneté de cinq années complètes, peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre trois et six mois de salaire brut.

Compte tenu de l'ancienneté du salarié, de son niveau de rémunération, de son âge lors du licenciement (35 ans), de ce qu'il a retrouvé un emploi en novembre 2018 (pièce 15 de l'employeur), il convient d'évaluer le préjudice qui résulte, pour lui, de la perte injustifiée de son emploi à la somme de 15 300 euros.

Sur l'article L. 1235-4 du code du travail

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, dont les dispositions sont d'ordre public et qui sont donc dans les débats, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié du jour de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au jour du présent arrêt, dans la limite d'un mois d'indemnités de chômage.

Sur les intérêts

Les condamnations au paiement de sommes ayant une vocation indemnitaire seront assorties des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Les condamnations au paiement des indemnités de rupture et des rappels de salaire produiront quant à elles intérêts au taux légal à compter de la réception, par l'employeur, de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

Sur la demande tendant à la capitalisation des intérêts

L'article 1343-2 du code civil (dans sa nouvelle rédaction) dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. La demande ayant été formée par le salarié et la loi n'imposant aucune condition pour l'accueillir, il y a lieu, en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, d'ordonner la capitalisation des intérêts.

Celle-ci portera sur des intérêts dus au moins pour une année entière.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, l'employeur sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Il conviendra de condamner l'employeur à payer au salarié une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement sera par ailleurs confirmé en ce qu'il condamne l'employeur au paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile relativement aux frais exposés en première instance.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :

CONFIRME le jugement mais seulement en ce qu'il condamne la société Master Lock Europe à payer à M. [U] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement sur le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que la prise d'acte de la rupture, par M. [U], de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 12 octobre 2018,

DEBOUTE la société Master Lock Europe de sa demande tendant à la condamnation de M. [U] à lui payer une indemnité compensatrice de préavis,

DIT partiellement prescrites les demandes financières du salarié relatives :

. aux titres-restaurant pour la période antérieure à octobre 2015,

. au rappel de prime et aux congés payés afférents pour la période antérieure à octobre 2015,

CONDAMNE la société Master Lock Europe à payer à M. [U] les sommes suivantes :

- 816 euros de rappel de salaire au titre des titres-restaurant entre le mois d'octobre 2015 et le mois de février 2017,

- 11 005,93 euros à titre de rappel de prime correspondant à la période comprise entre le mois d'octobre 2015 et le mois de février 2018, outre celle de 1 100,59 euros au titre des congés payés afférents,

-1 075,28 euros à titre de rappel de congés payés afférents aux primes déjà versées entre octobre 2015 et février 2018,

- 7 839,34 euros bruts à titre d'indemnité de licenciement,

- 15 254,94 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 525,49 euros au titre des congés payés afférents,

-15 300 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

DIT que les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite.

ORDONNE le remboursement par la société Master Lock Europe aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. [U] du jour de la rupture au jour du présent arrêt, dans la limite d'un mois d'indemnités de chômage en application de l'article L. 1235-4 du code du travail,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,

CONDAMNE la société Master Lock Europe à payer à M. [U] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Master Lock Europe aux dépens de la procédure d'appel.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Dorothée Marcinek, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-4
Numéro d'arrêt : 21/02352
Date de la décision : 20/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-20;21.02352 ?
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