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19/03/2024 | FRANCE | N°22/04385

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-1, 19 mars 2024, 22/04385


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Chambre civile 1-1





ARRÊT N°





RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

Code nac : 60A





DU 19 MARS 2024





N° RG 22/04385

N° Portalis DBV3-V-B7G-VJMK





AFFAIRE :



S.A. AXA FRANCE IARD

C/

[U] [H] épouse [M],

...





Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 02 Juillet 2020 par la Cour d'Appel de VERSAILLES

N° Chambre : 3ème

N° Section :
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Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-Me Christophe DEBRAY,



-Me Anne-laure DUMEAU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX NEUF MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Chambre civile 1-1

ARRÊT N°

RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

Code nac : 60A

DU 19 MARS 2024

N° RG 22/04385

N° Portalis DBV3-V-B7G-VJMK

AFFAIRE :

S.A. AXA FRANCE IARD

C/

[U] [H] épouse [M],

...

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 02 Juillet 2020 par la Cour d'Appel de VERSAILLES

N° Chambre : 3ème

N° Section :

N° RG : 19/06357

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-Me Christophe DEBRAY,

-Me Anne-laure DUMEAU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (CIV.2) du 16 juin 2022 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de VERSAILLES (3ème chambre) le 02 juillet 2020

S.A. AXA FRANCE IARD

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Christophe DEBRAY, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 22260

Me Jérôme CHARPENTIER, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : E1216,

****************

DÉFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI

Madame [U] [H] épouse [M]

agissant en sa qualité de tutrice légale de M. [I] [V] [M] né le [Date naissance 3] 1984 au [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Anne-laure DUMEAU, avocat - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 43070

CAISSE GÉNÉRALE DE SÉCURITÉ SOCIALE - CGSS DE MARTINIQUE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

[Adresse 6]

[Localité 5]

Défaillante

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Décembre 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale CARIOU, Conseiller chargée du rapport et Madame Sixtine DU CREST, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

Le 11 juin 2011 au [Localité 5] (97), M. [I] [M], âgé de 26 ans, a été victime d'un accident de la circulation, alors qu'il était passager avant droit du véhicule conduit par M. [D] [Y], assuré par la société Axa France Iard (Axa).

Les conséquences de cette accident ont été gravissimes et M. [I] [M] se trouve aujourd'hui dans un état de conscience minimal.

Il a été placé sous la tutelle de sa mère, Mme [U] [M] par jugement du 23 novembre 2011.

Par ordonnance du 6 novembre 2013, le docteur [R] été désignée en qualité d'expert pour la partie médicale des préjudices.

Il a déposé son rapport le 23 mars 2014.

Le déficit fonctionnel temporaire est total : la victime est dans l'incapacité totale de poursuivre ses activités habituelles.

La date de consolidation peut être fixée au 14 février 2013.

Le déficit fonctionnel permanent peut être chiffré à 98 % en raison d'un état pauci-relationnel.

La victime, du fait de son déficit fonctionnel permanent, est dans l'incapacité totale d'exercer une quelconque activité professionnelle.

Les souffrances endurées sont évaluées à 6/7 pour un traumatisme crânien gravissime ayant nécessité un séjour en réanimation et un séjour en rééducation prolongée de l'ordre d'un an.

Le préjudice esthétique temporaire est fixé à 5/7 en raison d'une part des déformations des mains des pieds, de l'enfoncement très important de la quasi totalité de l'hémicrane droit jusqu'à la cranioplastie.

Le préjudice esthétique permanent est évalué à 4,5/7.

Il y a un préjudice d'agrément.

La victime ne pourra pas avoir de relations sexuelles et par conséquent avoir d'enfants.

Il convient de prévoir des aides humaines."

Par un jugement contradictoire rendu le 9 mars 2017, le tribunal judiciaire de Nanterre a liquidé le préjudice corporel et alloué notamment :

- une rente trimestrielle et viagère au titre des pertes de gains professionnels futurs d'un montant de 3 600 euros à compter du jugement,

- la somme de 90 000 euros au titre de l'incidence professionnelle.

Il est d'ores et déjà précisé que seuls ces deux postes de préjudice sont discutés devant cette cour, les autres postes étant définitivement fixés.

La société Axa a interjeté appel de ce jugement le 5 avril 2017.

Par un arrêt rendu le 22 novembre 2018, la cour d'appel de Versailles a sursis à statuer sur un certain nombre de préjudices, notamment sur l'incidence professionnelle.

Par un arrêt rendu le 2 juillet 2020, elle a alloué les sommes suivantes :

- une rente trimestrielle et viagère de 3 600 euros au titre des pertes de gains professionnels postérieures au 15 juillet 2020,

- la somme de 10 000 euros au titre de l'incidence professionnelle.

Elle a également :

- Rejeté la demande formée par Mme [M] en sa qualité de tutrice de M. [I] [M] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens éventuellement exposés postérieurement à l'arrêt du 22 novembre 2018,

Mme [M] et les autres appelants ont formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt.

Par un arrêt rendu le 16 juin 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a :

- Cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il condamne la société Axa France Iard à payer à Mme [U] [M], en qualité de tutrice de son fils, M. [I] [M], la somme de 10 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, rejeté la demande formée par Mme [U] [M], en qualité de tutrice de M. [I] [M] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et dit que chacune des parties conservera la charge des dépens éventuellement exposés postérieurement à l'arrêt du 22 novembre 2018, l'arrêt rendu le 2 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles,

- Remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée,

- Condamné la société Axa France Iard aux dépens,

Par acte du 4 juillet 2022, la société Axa France Iard a saisi la cour d'appel de Versailles.

Par dernières conclusions notifiées le 8 août 2022, elle demande à la cour de :

Vu les arrêts rendus le 22 novembre 2018 et le 2 juillet 2020,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 16 juin 2022,

Vu la loi du 5 juillet 1985,

Vu le principe de réparation intégrale sans perte ni profit,

- Juger que l'arrêt du 2 juillet 2020 a indemnisé les PGPF sur la base d'une perte de 1 200 euros sous forme de rente viagère afin d'inclure expressément la perte de retraite vu le relatif jeune âge de la victime,

- Juger que si elle avait offert 50 000 euros à l'époque, c'est parce qu'il était offert au titre des PGPF une rente temporaire jusqu'à 65 ans qui n'incluait donc pas la perte de retraite, ressortant du poste incidence professionnelle,

- Juger que l'incidence professionnelle est limitée à «la dévalorisation sociale liée à l'impossibilité d'exercer un travail».

Par conséquent :

- Juger son offre à hauteur de 10 000 euros satisfactoire,

- Infirmer le jugement du 9 mars 2017 s'agissant du poste incidence professionnelle et, statuant à nouveau, fixer ce poste à la somme de 10 000 euros,

- Débouter Mme [U] [H] épouse [M] agissant en sa qualité de tutrice légale de M. [M] [I] [V] de l'ensemble de ses demandes, dans les limites de la cassation intervenue et de la saisine de la cour de renvoi,

- Laisser à chacune des parties la charge de ses dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 7 octobre 2022, Mme [M] demande à la cour de :

Vu la loi du 5 juillet 1985,

Vu le jugement rendu par la tribunal de grande instance de Nanterre en date du 9 mars 2017,

Vu les arrêts rendus par la cour d'appel de Versailles les et (sans date dans les conclusions),

Vu l'arrêt rendu par la Cour de cassation en date du (sans date dans les conclusions)

- La juger recevable et bien fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions,

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre en date du en ce qu'il a accordé la somme de 90 000 euros à M. [I] [M] aux fins d'indemnisation de son incidence professionnelle,

- Condamner la compagnie Axa à payer à [U] [M] agissant ès qualité les sommes de :

- 90 000 euros au titre de l'incidence professionnelle de M. [I] [M],

- 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la compagnie Axa aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Dumeau avocat aux offres de droit, par application des dispositions de l'article 699 et suivants du code de procédure civile,

- Rendre l'arrêt à intervenir commun à la CGSS,

La CGSS de Martinique n'a pas constitué avocat. L'acte de saisine lui ayant été signifié à personne habilitée le 8 août 2022, l'arrêt sera réputé rendu contradictoirement.

SUR CE, LA COUR,

Sur les limites de la saisine

La cour est saisie des seuls points suivants :

- la fixation de l'indemnité au titre de l'incidence professionnelle,

- la fixation de l'indemnité au titre des frais irrépétibles de la procédure d'appel,

- la condamnation aux dépens d'appel.

La Cour de cassation a censuré la cour d'appel pour avoir infirmé le jugement en ce qu'il avait fixé à la somme de 90 000 euros l'indemnité au titre de l'incidence professionnelle et alloué celle de 10 000 euros, alors que :

- la victime n'avait pas contesté ce poste de préjudice,

- la société Axa avait formé un appel incident et offert, au titre de ce poste de préjudice, la somme de 50 000 euros.

Sur l'indemnité au titre de l'incidence professionnelle

Pour allouer la somme de 90 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, le tribunal a souligné que ce poste a pour objet d'indemniser non la perte de revenus mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle et rappelé que M. [M] était définitivement exclu de la sphère du travail.

Moyens des parties

La société Axa France Iard sollicite l'infirmation du jugement et la fixation de l'indemnité à la somme de 10 000 euros. Elle soutient que son offre en cause d'appel à hauteur de 50 000 euros incluait la perte des droits à la retraite et avait pour contrepartie l'allocation d'une rente temporaire, et non viagère, au titre des PGPF (perte de gains professionnels futurs). La rente allouée de manière définitive étant viagère, elle estime que son offre ne tient plus.

Mme [M] rappelle que la société Axa avait offert, dans ses conclusions déposées devant la cour d'appel, d'allouer une somme de 50 000 euros, sans condition et notamment pas celle d'une limitation de la rente au titre des PGPF à l'âge de 65 ans.

Appréciation de la cour

Ainsi que l'a rappelé le tribunal, l'indemnité au titre de l'incidence professionnelle a pour but de réparer la dévalorisation de la victime sur le marché du travail, l'impossibilité d'exercer le métier envisagé ou encore l'absence d'épanouissement sur le plan professionnel.

L'incidence professionnelle est de nature subjective au contraire des pertes des droits à la retraite, lesquelles doivent être réparées au titre des pertes de revenus futures (PGPF).

Dans ses conclusions en appel, la société Axa avait effectivement indiqué offrir une somme de 50 000 euros en considération des pertes de droits à le retraite, opérant ainsi une confusion entre deux postes de préjudices pourtant distincts.

Au moment de l'accident, M. [I] [M] était sans emploi stable et sans qualification professionnelle.

Néanmoins, son jeune âge lui laissait largement la possibilité d'investir sa vie professionnelle et d'évoluer vers le métier de chauffeur poids-lourds qu'il envisageait.

Son taux de déficit fonctionnel de 98% lui interdit toute perspective de travailler un jour et de s'épanouir dans une activité quelconque.

La somme de 90 000 euros allouée par le tribunal apparaît excessive au regard de la situation dans laquelle se trouvait la victime lors de l'accident, mais inversement l'offre de la société Axa à hauteur de la somme de 10 000 euros apparaît dérisoire.

Le jugement sera en conséquence infirmé et l'indemnité sera fixée à la somme de 50 000 euros, de façon à réparer l'entier préjudice.

Sur les demandes accessoires

Le sens du présent arrêt commande de confirmer les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Compte tenu de la portée de la cassation, il convient de condamner la société Axa aux dépens de la première procédure d'appel ainsi qu'à verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à Mme [M]. Ils pourront être recouvrés directement en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Axa supportera également les dépens de la deuxième procédure d'appel et devra verser une somme supplémentaire de 4 000 euros à Mme [M] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande présentée par la société Axa sur ce même fondement sera rejetée.

L'arrêt sera déclaré commun à la CGSS de Martinique.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, dans les limites de la saisine,

Vu le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre le 9 mars 2017 (RG 15/12169),

Vu les arrêts rendus par la cour d'appel de Versailles les 22 novembre 2018 (RG 17/2809) et 2 juillet 2020 ( RG 19/6357),

Vu l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 16 juin 2002 ( pourvoi 20-19.535)

INFIRME le jugement en ce qu'il a condamné la société Axa France Iard à verser à Mme [U] [M], en qualité de tutrice de son fils, M. [I] [M], la somme de 90 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société Axa France Iard à verser à Mme [U] [M], en qualité de tutrice de son fils, M. [I] [M], la somme de 50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

CONDAMNE la société Axa France Iard aux dépens des deux procédures d'appel,

DIT qu'ils pourront être recouvrés directement en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Axa France Iard à verser à Mme [U] [M], en qualité de tutrice de son fils, M. [I] [M], la somme de 3 000 euros au titre de la première procédure d'appel et de 4 000 euros au titre de la seconde,

REJETTE toute autre demande.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-1
Numéro d'arrêt : 22/04385
Date de la décision : 19/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-19;22.04385 ?
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