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18/03/2024 | FRANCE | N°23/01048

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-3, 18 mars 2024, 23/01048


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-3



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 18 MARS 2024



N° RG 23/01048 -

N° Portalis DBV3-V-B7H-VZVI



AFFAIRE :



[J] [B]



C/



SCP ALPHA MANDATAIRES JUDICIAIRES anciennement dénommée S.C.P. LEHERICY [X] représentée par Me [T] [X] es qualités de liquidateur judiciaire de la SARL LE SANITAIRE MODERNE



Délégation UNEDIC AGS -CGEA D'[Localité 5]

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Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Avril 2021 par le Cour d'Appel de VERSAILLES

N° Chambre : 17

N° RG : 17/04585





Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à : :



M. [G] [W] (Défense...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-3

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 18 MARS 2024

N° RG 23/01048 -

N° Portalis DBV3-V-B7H-VZVI

AFFAIRE :

[J] [B]

C/

SCP ALPHA MANDATAIRES JUDICIAIRES anciennement dénommée S.C.P. LEHERICY [X] représentée par Me [T] [X] es qualités de liquidateur judiciaire de la SARL LE SANITAIRE MODERNE

Délégation UNEDIC AGS -CGEA D'[Localité 5]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Avril 2021 par le Cour d'Appel de VERSAILLES

N° Chambre : 17

N° RG : 17/04585

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à : :

M. [G] [W] (Défenseur syndical ouvrier)

Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES

Le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, initialement fixé au 14 mars 2023 puis prorogé au 18 mars 2024, les parties ayant été avisées dans l'affaire entre :

DEMANDEUR devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (sociale) du 25 janvier 2023 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 07 avril 2021

Monsieur [J] [B]

né le 08 Décembre 1977 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par : M. [W] [G] (défenseur syndical ouvrier)

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

SCP ALPHA MANDATAIRES JUDICIAIRES anciennement dénommée S.C.P. LEHERICY [X] représentée par Me [T] [X] es qualités de liquidateur judiciaire de la SARL LE SANITAIRE MODERNE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par : Me Franck LAFON, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

****************

Délégation UNEDIC AGS -CGEA D'[Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 5]

PARTIE INTERVENANTE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Janvier 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Président,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseiller,

Madame Michèle LAURET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

EXPOSE DU LITIGE

M. [J] [B] a été engagé par la société à responsabilité limitée (SARL) «'Le Sanitaire Moderne'» par contrat de travail à durée indéterminée du 23 septembre 2013 en qualité de plombier, niveau III position 2 coefficient 230, pour un temps de travail de 39 heures hebdomadaires moyennant une rémunération brute mensuelle de 1'929,15 euros en toute fin de relations de travail.

Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective du bâtiment.

Le 21 janvier 2014, M. [B] a été victime d'un accident du travail entraînant une suspension de son contrat de travail jusqu'au 30 mai 2014. L'accident du travail a été reconnu au titre de la législation professionnelle par l'assurance maladie le 21 mars 2014 et M. [B] a été reconnu travailleur handicapé par courrier de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du 25 juin 2014.

Le salarié a fait l'objet d'un avis d'inaptitude totale et définitive à son poste par le médecin du travail dans le cadre de deux visites médicales des 3 et 17 février 2015 étant précisé sur le dernier avis médical que le salarié conservait une «'capacité restante pour petits travaux divers ».

Par lettre du 12 mars 2015, M. [B] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 24 mars 2015 auquel le salarié ne s'est pas présenté.

Par courrier du 16 mars 2015, M. [B] a demandé à la société Le Sanitaire moderne de lui faire part des résultats des recherches de reclassement et de prendre position sur son éventuel licenciement.

Par lettre du 27 mars 2015, M. [B] a de nouveau été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 3 avril 2015. Par courrier du 30 mars 2015, M. [B] a informé son employeur qu'il ne se présenterait pas à l'entretien préalable.

Par courrier du 16 avril 2015, M. [B] a demandé à la société Le Sanitaire moderne la reprise du versement de ses salaires pour dépassement des 30 jours après le second rendez-vous de la médecine du travail le déclarant inapte.

M. [B] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 17 avril 2015.

Par requête reçue au greffe le 18 novembre 2016, M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise aux fins de contester la rupture de son contrat de travail et obtenir le versement de diverses sommes.

Par jugement du 26 juillet 2017, le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise a :

- dit que le licenciement de M. [J] [B] est justifié par une cause réelle et sérieuse et que la société Le Sanitaire moderne a bien respecté son obligation de reclassement';

- débouté M. [B] de l'ensemble de ses demandes';

- mis les éventuels dépens de l'instance à la charge de M. [B].

Par déclaration adressée au greffe le 27 septembre 2017, M. [B] a interjeté appel de ce jugement.

Par jugement du 23 juin 2020, le tribunal de commerce de Beauvais a prononcé l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Le Sanitaire Moderne et a désigné la SCP Lehericy [X], désormais dénommée SCP Alpha Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Me [T] [X], en qualité de liquidateur judiciaire.

Par arrêt du 7 avril 2021, la cour d'appel de Versailles'a':

- confirmé le jugement';

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires';

- dit n'y avoir lieu de condamner M. [B] à payer à la SARL Le Sanitaire moderne une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamné M. [B] aux dépens, dont distraction au profit de Me Frank Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [B] a formé un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 25 janvier 2023 (Pourvoi n° G 21-17.663), la chambre sociale de la Cour de cassation a':

- Cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il déboute M. [B] de sa demande de dommages intérêts en ce qu'elle est fondée sur le non-respect par l'employeur de son obligation de notifier par écrit les motifs s'opposant au reclassement, l'arrêt rendu le 7 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles';

- Remis, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée';

- Condamné la société Lehericy [X], en la personne de Mme [T] [X], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Le Sanitaire moderne, aux dépens';

- En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la société Lehericy [X], en la personne de Mme [T] [X], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Le Sanitaire moderne, à payer à M. [B] la somme de 3'000 euros';

Par déclaration du 24 mars 2023, M. [B] a saisi la cour d'appel de Versailles comme cour de renvoi.

Par acte du 29 septembre 2023, M. [B] a signifié ses conclusions à la SCP Alpha Mandataires Judiciaires.

Par acte du 2 octobre 2023, M. [B] a signifié ses conclusions à l'Unedic AGS CGEA [Localité 5].

Le 4 octobre 2023, le salarié a déposé au greffe ses conclusions, dont il est sollicité l'irrecevabilité.

Aux termes des conclusions remises au greffe le 10 janvier 2018 et soumises à la cour d'appel de Versailles dont l'arrêt a été cassé, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [B] demande à la cour, statuant de nouveau, de':

- Réformer le jugement de première instance le déboutant de toutes ses demandes, en conséquence';

- Constater le non-respect de l'obligation de reclassement suite à l'inaptitude d'origine professionnelle, articles L. 1226-10 à L. 1226-12 du code du travail, condamner la société Le Sanitaire moderne à lui verser 23 149,80 euros au titre d'indemnité pour non-respect de l'obligation de reclassement, article L. 1226-15 du code du travail, 12 mois minimum';

- Condamner la société Le Sanitaire moderne à lui verser 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour cause d'appel.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 12 décembre 2023 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Alpha Mandataires Judiciaires demande à la cour de':

- déclarer irrecevable les conclusions de M. [B] signifiées devant la Cour à la suite de sa déclaration de saisine';

- déclarer que la demande de constater de M. [B] n'est pas une prétention saisissant la Cour au sens de l'article 4 du code de procédure civile';

- déclarer et juger que la SARL Le Sanitaire Moderne a respecté son obligation de reclassement,

En conséquence, débouter M. [B] de toutes ses demandes dont la Cour s'estimerait saisie';

- confirmer la décision du Conseil de Prud'hommes du 26 juillet 2017';

- condamner M. [B] au paiement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par courrier du 10 octobre 2023 adressé au greffe, l'Unedic AGS CGEA [Localité 5], intervenant forcé dans cette affaire, a informé la cour que compte tenu de la teneur du litige, il ne serait ni présent ni représenté à l'audience fixée avant de préciser que l'AGS ne peut en aucun cas être condamnée dans ce cas d'espèce, que sa garantie n'est due que dans le cadre de l'exécution du contrat de travail et qu'elle ne garantie pas les sommes sollicitées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ni au titre des dépens, ni au titre de l'astreinte.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 13 décembre 2023.

MOTIFS

1. Sur la recevabilité des conclusions de M. [B]

Après arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le'25 janvier 2023, M. [B] a saisi la cour d'appel de Versailles comme cour de renvoi, par déclaration de saisine du 24 mars 2023.

L'avis de fixation de cette affaire a été établi le 18 septembre 2023.

Aux termes de l'article L. 1037-1 du code de procédure civile,

«'La déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation dans les dix jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation.

Ce délai est prescrit à peine de caducité de la déclaration, relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président.

Les conclusions de l'auteur de la déclaration sont remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois suivant cette déclaration.

Les parties adverses remettent et notifient leurs conclusions dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'auteur de la déclaration.

La notification des conclusions entre parties est faite dans les conditions prévues par l'article 911 et les délais sont augmentés conformément à l'article 911-2.

Les parties qui ne respectent pas ces délais sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé.'».

M. [B] a déposé ses conclusions au greffe le 4 octobre 2023. Il les a signifiées par acte du 29 septembre 2023 à la SCP Alpha Mandataires Judiciaires, puis par acte du 2 octobre 2023, à l'Unedic AGS CGEA [Localité 5].

Selon observations du 12 octobre 2023, déposées à la demande du greffe, M. [B] a'indiqué qu'il s'en tenait aux moyens et prétentions de ses conclusions de cour d'appel ayant donné lieu à l'arrêt du 7 avril 2021.

Selon observations du 10 novembre 2023, la SCP Alpha a conclu à l'irrecevabilité des conclusions adverses déposées le 4 octobre 2023 au greffe et signifiées le 29 septembre 2023, et des pièces n°1 à 49 transmises hors délai.

En conséquence de ce qui précède, il convient de déclarer irrecevables les conclusions et pièces n°1 à 49 déposées au greffe le 4 octobre 2023 par M. [B].

Il y a donc lieu de s'en tenir aux moyens et prétentions du salarié figurant dans ses conclusions déposées au greffe le 10 janvier 2018 et soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé.

2. Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de reclassement

M. [B] sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts fondée sur le non-respect par l'employeur de son obligation de notifier par écrit les motifs s'opposant au reclassement et demande la condamnation de son employeur à lui verser la somme de 23'149,80 euros à titre d'indemnité pour non-respect de l'obligation de reclassement.

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts, M. [B] indique que son employeur aurait dû lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposaient à son reclassement avant l'engagement de la procédure de licenciement pour inaptitude, ce qu'il n'a pas fait.

L'employeur réplique que l'article L. 1226-12 du code du travail sur lequel s'appuie le salarié n'impose en aucun cas de faire connaître les motifs par écrit avant le début de la procédure de licenciement.

****

Selon l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa version résultant de la loi n°2012-387 du 22 mars 2012, «'lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.'».

Il résulte de l'article L. 1226-12 du même code dans sa version applicable aux faits de l'espèce, que «'lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions. S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.'».

Aux termes de l'article L. 1226-15 du code du travail, dans sa version applicable aux faits de la cause, «'lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié déclaré apte, prévues à l'article L. 1226-8, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Il en va de même en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12. En cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le tribunal octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité ne peut être inférieure à douze mois de salaires. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement prévues à l'article L. 1226-14. Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 1226-12, il est fait application des dispositions prévues par l'article L. 1235-2 en cas d'inobservation de la procédure de licenciement.'».

L'employeur a la charge de la preuve de l'impossibilité de reclassement. Les propositions de reclassement faites par ce dernier doivent être loyales et sérieuses.

En l'espèce, il ressort des fiches de visite médicale des 3 et 17 février 2015, produites aux débats, que M. [B] a été déclaré en «'inaptitude totale définitive au poste de travail (pas de port de charges ni travail tête en l'air ni contorsion du tronc). Capacité restante pour petits travaux'», à la suite de deux rendez-vous à la médecine du travail.

Compte tenu des éléments transmis par les parties, il ressort':

- d'un courrier du 16 mars 2015 de M. [B] à l'attention de la société que le salarié a interrogé cette dernière quant à sa situation, notamment sur une éventuelle proposition de reclassement au sein de l'entreprise ou à défaut, sur l'engagement d'une procédure de licenciement,

- d'un premier courrier du 12 mars 2015 de la société adressé au salarié qu'elle l'a convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé au 24 mars 2015 en raison de l'impossibilité de son reclassement au sein de la société, puis d'un second courrier du 27 mars, constatant son absence au premier entretien fixé et dans lequel elle l'a convoqué à un second entretien préalable à un licenciement en date du 3 avril 2015,

- d'un courrier du 17 avril 2015 de la société Le Sanitaire moderne adressé au salarié qu'elle l'a licencié dans les termes détaillés dans l'exposé des faits.

L'employeur, qui dispose de la charge de la preuve à ce titre, n'établit pas avoir exposé par écrit au salarié les motifs qui s'opposaient à son reclassement préalablement à l'engagement de la procédure de licenciement.

Or, selon l'article L. 1226-12 alinéa 1 du code du travail, lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement ; que le dernier alinéa de l'article L. 1226-15 du même code ne prévoit l'application des dispositions de l'article L. 1235-2 de ce code qu'en cas de méconnaissance des dispositions relatives à l'observation de la procédure de licenciement. Le non-respect de cette obligation, laquelle doit être remplie avant que ne soit engagée la procédure de licenciement, entraîne pour le salarié un préjudice réparé par l'allocation de dommages-intérêts dont le montant est souverainement apprécié par les juges du fond. (Cass. soc., 28 mai 2014, no 13-11.868).

Il résulte enfin des articles L. 1226-12 et L. 1226-15 du code du travail précités que la demande en dommages-intérêts en application de l'article L. 1226-15 du code du travail inclut nécessairement la demande en dommages-intérêts pour violation de l'obligation de notifier par écrit les motifs s'opposant au reclassement, prévue à l'article L. 1226-12 du même code.

Dès lors, compte tenu de l'ensemble des éléments d'appréciation portés à la connaissance de la cour, il convient d'allouer à M. [B] une somme de 12'000 euros à titre de dommages-intérêts fondés sur le non-respect par l'employeur de son obligation de notifier par écrit les motifs s'opposant au reclassement du salarié, et de fixer ce montant au passif de la SARL La Sanitaire moderne, par voie d'infirmation du jugement entrepris.

3. Sur les intérêts

En application des dispositions combinées des articles L. 622-28 et L. 641-3 du code de commerce, le jugement du tribunal de commerce de Beauvais en date du 23 juin 2020, qui a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Le Sanitaire moderne, a arrêté le cours des intérêts légaux.

Les créances indemnitaires allouées par le présent arrêt, postérieures au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, ne produisent donc pas d'intérêts.

4. Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Il convient de condamner la SCP Alpha Mandataires Judiciaires prise en la personne de Me [T] [X], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Le Sanitaire moderne, qui succombe, aux dépens de première instance, par voie d'infirmation, et en cause d'appel, en ce compris ceux afférents à l'arrêt cassé, qui seront pris en frais privilégiés de procédure collective.

Aucune disposition d'équité ne justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure. Les parties seront donc déboutées de leurs demandes formulées sur ce fondement au titre des frais irrépétibles en cause d'appel, incluant le renvoi après cassation, et par voie de confirmation s'agissant de la demande formulée par M. [B] en première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 7 avril 2021 (RG 17/04585),

Vu l'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 25 janvier 2023 (pourvoi n°G 21-17.663), et statuant dans les limites de la cassation prononcée par cet arrêt,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise en date du 26 juillet 2017, sauf en ce qu'il a débouté M. [B] de sa demande au titre des frais irrépétibles';

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Y ajoutant,

Fixe au passif de liquidation de la SARL Le Sanitaire Moderne la somme de 12 000 euros à titre de dommages-intérêts fondés sur le non-respect par l'employeur de son obligation de notifier par écrit les motifs s'opposant au reclassement du salarié ;

Dit que cette créance indemnitaire ne produit pas intérêts ;

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, incluant le renvoi après cassation, ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes';

Déclare le présent arrêt opposable à l'Unedic AGS CGEA [Localité 5]';

Condamne la SCP Alpha Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Me [T] [X], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Le Sanitaire moderne, aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris ceux afférents à l'arrêt cassé, et dit que ces dépens seront pris en frais privilégiés de procédure collective.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Laurence SINQUIN, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-3
Numéro d'arrêt : 23/01048
Date de la décision : 18/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-18;23.01048 ?
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