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14/03/2024 | FRANCE | N°23/04904

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-5, 14 mars 2024, 23/04904


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54G



Chambre civile 1-5



ARRET N°



PAR DEFAUT



DU 14 MARS 2024



N° RG 23/04904 - N° Portalis DBV3-V-B7H-V74I



AFFAIRE :



SA PROTECT





C/

[F] [I]

...





Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 30 Juin 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 8]

N° RG : 23/00467



Expéditions exécutoires

Expédition

s

Copies

délivrées le : 14.03.2024

à :



Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Stéphanie ARENA, avocat au barreau de VERSAILLES,





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE MARS DEUX MILLE VINGT QUA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54G

Chambre civile 1-5

ARRET N°

PAR DEFAUT

DU 14 MARS 2024

N° RG 23/04904 - N° Portalis DBV3-V-B7H-V74I

AFFAIRE :

SA PROTECT

C/

[F] [I]

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 30 Juin 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 8]

N° RG : 23/00467

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 14.03.2024

à :

Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Stéphanie ARENA, avocat au barreau de VERSAILLES,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SA PROTECT

agissant poursuites et diligences de ses représentanst légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 1] - BELGIQUE

Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2232072

Ayant pour avocat plaidant Me Sarah XERRI HANOTE, du barreau de Paris

APPELANTE

****************

Monsieur [F] [I]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Madame [W] [K]

née le 12 Août 1985 à [Localité 9] (78),

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Me Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637

Ayant pour avocat plaidant Me Nadine RAULT, du barreau de Paris

Monsieur [R] [P]

[Adresse 10]

[Localité 4]

(défaillant)

SARL BAT C & R SERVICES

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

[Adresse 3]

[Localité 5]

(défaillant)

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Février 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

Le 22 octobre 2018, M. [F] [I] et Mme [W] [K] ont fait l'acquisition d'un hangar qu'ils entendaient transformer en pavillon à usage d'habitation, situé [Adresse 2] à [Localité 6] (Val-d'Oise).

Ils ont sollicité le concours de M. [R] [P] et de la S.A.R.L. Bat C & R Services afin de réaliser leur projet.

La société Bat & R Services a souscrit une police bâti solution, à effet du 20 décembre 2018, auprès de la S.A. Protect.

Le 29 mars 2019, la société Bat C & R Services a informé M. [I] et Mme [K] que le chantier était terminé.

Le 1er avril 2019, ces derniers sont entrés dans les lieux.

Par courriers en date des 6, 8 et 15 avril 2019, M. [I] et Mme [K] ont mis en demeure la société Bat C & R Services de réparer les désordres qu'ils avaient constatés.

M. [I] et Mme [K] ont saisi le tribunal le 3 mars 2020 en référé-expertise.

Par ordonnance en date du 3 juin 2020, M. [O] [J] a été désigné en qualité d'expert judiciaire. Il a déposé son rapport le 11 août 2020.

Par actes d'huissier de justice délivrés le 9 et 10 mars 2023, M. [I] et Mme [K] ont fait assigner en référé la société Bat C & R Services, M. [P] et la société Protect aux fins d'obtenir principalement leur condamnation in solidum au paiement des sommes suivantes :

- 314 153,01 euros au titre du coût des travaux réparatoires outre l'application de l'indice BT01 à compter du mois de février 2022 et jusqu'à la date à laquelle la décision deviendra définitive,

- 29 473,77 euros au titre des frais de maîtrise d'oeuvre outre l'application de l'indice BT01 à compter du mois de février 2022 et jusqu'à la date à laquelle la décision à intervenir deviendra définitive,

- 31 722 euros au titre du préjudice de jouissance subi depuis avril 2019 jusqu'à ce jour,

- 10 000 euros au titre du préjudice moral,

- leur condamnation in solidum aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise.

Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 30 juin 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Pontoise a :

- condamné in solidum la société Bat C & R Services, M. [P] et la société Protect, cette dernière en sa qualité d'assureur de la société Bat C & R Services, à verser à M. [I] et Mme [K] à titre provisionnel les sommes de :

- 314 153,01 euros correspondant au coût des travaux de réparation du hangar,

- 29 473,77 euros correspondant aux frais de maîtrise d'oeuvre,

- 31 722 euros au titre du préjudice de jouissance à la date de l'audience,

- débouté M. [I] et Mme [K] des surplus de leur demande, qui excèdent le champ de compétence du juge des référés,

- rappelé que l'ordonnance bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire en application des dispositions de l'article 514 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe le 18 juillet 2023, la société Protect a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a :

- débouté M. [I] et Mme [K] des surplus de leur demande, qui excèdent le champ de compétence du juge des référés,

- rappelé que l'ordonnance bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire en application des dispositions de l'article 514 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées le 2 janvier 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Protect demande à la cour, au visa des articles 145, 455, 458 du code de procédure civile, 1240, 1231-1, 1342-2, 1353 et 1792 du code civil, de :

'Sur le chef d'ordonnance critiqué : « condamnons in solidum la sasu BAT C&R Services, M. [R] [P], et la société Protect, cette dernière en qualité d'assureur de la sasu Bat C&R Services, à verser à M. [F] [I] et Mme [W] [K] à titre provisionnel les sommes suivantes :

- 314 153, 01 euros correspondant au coût des travaux de réparation du hangar ;

- 29 473, 77 euros correspondant aux frais de maîtrise d''uvre ;

- 31 722 euros au titre du préjudice de jouissance à la date de l'audience. »

- annuler l'ordonnance entreprise,

- condamner les consorts [I] à rembourser à la société Protect la somme qu'elle lui a versé en exécution de l'ordonnance de référé du 30 juin 2023, avec intérêt au taux légal à compter de la décision d'appel,

subsidiairement,

- infirmer l'ordonnance entreprise,

et statuant à nouveau,

- débouter les consorts [I] ou toute autre partie de leurs demandes formées à l'encontre de la société Protect,

- débouter toutes les demandes, fins et conclusions tendant à voir la société Protect condamnée

in solidum avec la société Bat C&R Services et M. [R] [P],

- condamner les consorts [I] à rembourser à la société Protect la somme qu'elle lui a versé

en exécution de l'ordonnance de référé du 30 juin 2023, avec intérêt au taux légal à compter de la décision d'appel,

en tout état de cause,

- enjoindre la société Bat C&R Services de communiquer :

- la police de l'assureur ayant succédé à la société Protect,

- la police de l'assureur ayant précédé à la société Protect, et succédé à Millenium, si tant est qu'il y en ait eu un sous astreinte de 100 euros par jour de retard

- enjoindre M. [R] [P] de communiquer la police de son assureur :

- au jour du commencement effectif des travaux, à savoir à compter du 24 octobre 2018 ; - au jour de la première réclamation adressée à son encontre, à savoir le 3 mars 2020, date de l'assignation en référé délivrée par les consorts [I] à son encontre.

sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

- débouter toutes les parties de leurs demandes qui seraient formées à l'encontre de la société Protect au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

- condamner tout succombant au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure entre les mains de la société Protect, outre les entiers de première instance et d'appel dont distraction au bénéfice de Maître Claire Ricard en application de l'article 699 du code de procédure civile '

Sollicitant à titre principal l'annulation de l'ordonnance attaquée, la société Protect affirme que le premier juge s'est abstenu de toute motivation quant aux conditions de sa garantie et donc à l'absence de contestation sérieuse sur ce point.

Elle souligne que ne sont pas mentionnés les éléments indispensables à la mobilisation de ses garanties, à savoir l'existence d'une réception des travaux et la nature décennale des dommages pour la responsabilité civile décennale, ou la caractérisation de dommages aux tiers ou aux existants ou la matérialité d'un dommage immatériel indemnisable pour la responsabilité civile générale.

Elle fait valoir au surplus que le premier juge a octroyé une provision au titre du préjudice de jouissance alors que l'expert dans son rapport conclut au caractère non démontré de ce poste d'indemnisation.

A titre subsidiaire, la société Protect conclut à l'infirmation de l'ordonnance au motif que son obligation de garantie au titre du contrat d'assurance est sérieusement contestable à plusieurs titres.

Elle expose en premier lieu qu'elle n'était pas l'assureur de responsabilité civile décennale de la société BAT C&R Services au jour de l'ouverture du chantier, alors que le contrat d'assurance prévoit expressément qu'elle ne concerne que les ouvrages de bâtiment ayant fait l'objet d'une ouverture de chantier pendant la période d'assurance.

L'appelante indique en deuxième lieu n'être pas l'assureur de responsabilité civile avant et/ou après réception et au titre des garanties connexes au jour de la réclamation puisque la police souscrite à effet au 20 décembre 2018 a été résiliée pour aggravation de risque le 4 avril 2019 et que la première réclamation de M. [I] et Mme [K] date du 8 avril 2019, soulignant que la société BAT C&R Services a dû souscrire une nouvelle assurance postérieurement.

La société Protect invoque une troisième contestation sérieuse tenant à la réalisation par la société BAT C& R Services de travaux relevant d'activités non garanties au titre de la police, invoquant d'abord que celle-ci est intervenue en qualité de 'constructeur de maisons individuelles assimilé' ou de 'contractant général' et ensuite qu'à tout le moins le rapport d'expertise permet de déterminer que la plupart des travaux qu'elle a réalisés ne rentrent pas dans le champ des activités souscrites (couverture, étanchéité de toitures terrasses, maçonnerie, charpente, menuiseries extérieures, voiries et réseaux divers), qui ne peuvent entrer selon elle dans la catégorie 'gros oeuvre' au sens du contrat.

L'appelante indique en quatrième lieu qu'il existe des contestations sérieuses quant à la preuve de la réunion des garanties délivrées par la police d'assurance :

- en ce qui concerne la garantie décennale aux motifs que :

- les travaux n'ont pas été réceptionnés, ni expressément ni tacitement,

- la garantie obligatoire ne peut jouer en présence de désordres apparents ou réservés à réception,

- au titre de la garantie responsabilité civile avant et/ou après réception des travaux dès lors que :

- cette assurance n'a pas vocation à couvrir les malfaçons, non-conformités, désordres et inachèvements affectant les travaux réalisés par l'assuré,

- les dommages immatériels ne sont couverts que s'ils sont la conséquence directe d'un dommage corporel ou matériel garanti par le contrat, ce qui n'est pas le cas en l'espèce,

- le préjudice immatériel invoqué par M. [I] et Mme [K] n'est pas purement pécuniaire, s'agissant d'un préjudice de jouissance et n'est au surplus pas justifié dans son quantum.

La société Protect sollicite enfin d'enjoindre à M. [R] [P] de communiquer la police de son assureur à la date du 24 octobre 2018, date de début effectif des travaux, et à la date du 3 mars 2020, date de la première réclamation effectuée à son encontre.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 8 janvier 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, Mme [K] et M. [I] demandent à la cour, au visa des articles 835 du code de procédure civile, 1792 et suivants du code civil et L. 241-1 du code des assurances, de :

'- débouter la société Protect SA de l'intégralité de ses demandes.

- confirmer l'ordonnance de référé dont appel en ce qu'elle a reconnu la responsabilité de la société Bat C&R Services et de M. [R] [P] et la mise en 'uvre de la garantie de la responsabilité décennale de ladite société, souscrite auprès de la société Protect SA.

- confirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a prononcé leur condamnation in solidum au paiement de la somme de 31 722 euros, à parfaire, au titre du préjudice de jouissance, arrêté à la date de l'audience, soit le 12 mai 2023.

- infirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a retenu les montants alloués au titre du coût des réparations et de la maîtrise d''uvre toutes taxes comprises au lieu de les fixer HT et n'a pas fait application de l'indice BT01 à compter du mois de février 2022 jusqu'à la date de la décision à intervenir.

statuant à nouveau,

- condamner in solidum la société Bat C&R Services, M. [R] [P] et la société Protect SA au paiement des sommes de 314 153,01 euros HT au titre des travaux réparatoires et de 29 473,77 euros HT au titre des honoraires de la maîtrise d''uvre, augmentées de l'indice BT01 à compter du mois de février 2022 jusqu'à la date de la décision à intervenir.

- infirmer la décision dont appel en ce qu'elle n'a pas fait droit à leur demande de condamnation aux dépens d'instance incluant les frais d'expertise.

statuant à nouveau,

- condamner in solidum la société Bat C&R Services, M. [R] [P] et la société Protect SA au paiement des dépens de première instance incluant les frais d'expertise.

- les condamner in solidum au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel. '

M. [I] et Mme [K] affirment que la décision querellée est motivée et que les pièces ont été analysées, soulignant que la société Protect, qui n'a pas comparu, est mal venue à se plaindre que des contestations qu'elle n'a pas soulevées n'aient pas été examinées.

Concluant à l'absence de toute contestation sérieuse pouvant faire obstacle à leur demande en paiement, les intimés soutiennent que le contrat d'assurance souscrit par la société BAT C& R Services prenait effet le 20 décembre 2018, soit antérieurement à l'ouverture du chantier, les travaux ayant selon eux débuté au début de l'année 2019.

Ils précisent que les locaux concernés étaient précédemment occupés par une miroiterie puis sont devenus une zone de stockage, un nettoyage complet ayant en conséquence été nécessaire avant le démarrage des travaux.

M. [I] et Mme [K] exposent que la garantie responsabilité civile avant et/ou après réception et garanties connexes doit s'appliquer puisqu'ils ont adressé une première réclamation à la société BAT C& R Services le 6 avril 2019, réitérée le 8 avril suivant, soit antérieurement à la résiliation de l'assurance qui n'a pu intervenir que 10 jours après sa notification.

Sur le périmètre des activités garanties, les intimés soutiennent que :

- le contrat concernait la réhabilitation d'un hangar avec la rénovation de la toiture existante, le bâtiment n'a pas été mis hors d'eau par la société BAT C& R Services et celle-ci n'a donc pas exercé d'activité de constructeur de maisons individuelles,

- la société BAT C& R Services était assurée au titre du gros oeuvre qui inclut, en application des dispositions de l'article R. 111-26 du code de la construction et de l'habitation, les activités de couverture, étanchéité, toiture terrasse, charpente, menuiseries extérieures et voiries et réseaux divers,

- subsidiairement les réparations correspondant aux activités non assurées ne sont évaluées par l'expert qu'à hauteur de 88 253, 11 euros.

Concernant la réunion des conditions prévues dans la police d'assurance, M. [I] et Mme [K] font valoir que :

- la réception est intervenue tacitement dès lors qu'ils ont manifesté sans équivoque recevoir l'ouvrage lors de la prise de possession des lieux le 1er avril 2019, alors que la société BAT C& R Services leur avait indiqué que les travaux étaient terminés,

- ils n'ont pas exprimé de réserves au moment de la réception de l'ouvrage le 29 mars 2019 mais pour la première fois le 6 avril 2019,

- ils ne sollicitent pas d'indemnisation de leurs désordres sur la base de la garantie de la responsabilité civile avant et/ou après des travaux,

- dès lors que la responsabilité décennale de la société BAT C& R Services est engagée, la responsabilité civile après réception couvre les dommages immatériels consécutifs et donc notamment ceux résultant de la privation de jouissance d'un bien.

Concluant à l'existence de désordres relevant de la responsabilité civile décennale, les intimés sollicitent la confirmation de l'ordonnance querellée sauf en ce qu'elle n'a pas précisé que les montants alloués étaient hors taxes et en ce qu'ils ont été déboutés de leur demande d'application de l'indice BT 01 à compter de février 2022.

M. [P], à qui la déclaration d'appel et les conclusions d'appelant ont été signifiées selon les modalités prévues à l'article 659 du code de procédure civile le 11 août 2023, n'a pas constitué avocat.

La société Bat C&R Services, à qui la déclaration d'appel a été signifiée, à personne, le 7 août 2023 et les conclusions ont été signifiées, à personne, le 7 août 2023, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

sur la nullité de l'ordonnance

En vertu des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, 'le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé.'

En l'espèce le premier juge, pour condamner la société Protect in solidum avec la société Bat C&R Services et M. [P] au paiement d'une provision au profit de M. [I] et Mme [K], expose dans sa décision que les demandeurs ont missionné 'la société Bat C&R Services comme entreprise générale TCE, celle-ci étant assurée auprès de la société Protect', et que 'les travaux ont débuté en janvier 2019".

Il expose ensuite que les fautes de la société Bat C&R Services sont établies par le rapport d'expertise judiciaire et en déduit la condamnation de celle-ci et de son assureur.

Cette motivation est suffisante dès lors que le premier juge considère que le début du chantier est postérieur à la date d'effet du contrat d'assurance et que les malfaçons sont démontrées, étant souligné que la société Protect, qui n'a pas comparu en première instance et n'avait donc soumis au premier juge aucune contestation, ne peut lui reprocher d'avoir statué au regard des pièces produites par M. [I] et Mme [K]. Aucun motif ne justifie en conséquence de prononcer la nullité de la décision attaquée et la société Protect sera déboutée de sa demande en ce sens.

sur la demande de provision

Selon l'alinéa 2 de l'article 835 du code de procédure civile :'Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il (le président ) peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire'.

Ce texte impose donc au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision : celle de rechercher si l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Doivent être précisés les éléments de la contestation qui rendent celle-ci sérieuse.

Il sera retenu qu'une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

À l'inverse, sera écartée une contestation qui serait à l'évidence superficielle ou artificielle. Le montant de la provision allouée n'a alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Aux termes de l'article 1353 du code civil, c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En vertu des dispositions de l'article L. 241-1 du code des assurances, 'toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance.

A l'ouverture de tout chantier, elle doit justifier qu'elle a souscrit un contrat d'assurance la couvrant pour cette responsabilité. Tout candidat à l'obtention d'un marché public doit être en mesure de justifier qu'il a souscrit un contrat d'assurance le couvrant pour cette responsabilité.

Tout contrat d'assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance.'

Aux termes de l'arrêté du 19 novembre 2009 portant actualisation des clauses types en matière d'assurance construction, 'le contrat [d'assurance de responsabilité décennale] couvre, pour la durée de la responsabilité pesant sur l'assuré en vertu des articles 1792 et suivants du code civil, les travaux ayant fait l'objet d'une ouverture de chantier pendant la période de validité fixée aux conditions particulières.

La garantie afférente à ces travaux est maintenue dans tous les cas pour la même durée, sans paiement de prime subséquente.

L'ouverture de chantier s'entend à date unique applicable à l'ensemble de l'opération de construction. Cette date correspond, soit à la date de la déclaration d'ouverture de chantier, mentionnée au premier alinéa de l'article R. 424-16 du code de l'urbanisme pour les travaux nécessitant la délivrance d'un permis de construire, soit, pour les travaux ne nécessitant pas la délivrance d'un tel permis, à la date du premier ordre de service ou à défaut, à la date effective de commencement des travaux.'

La responsabilité civile décennale de la société Protect ne peut donc être mise en oeuvre pour des désordres affectant des travaux exécutés à l'occasion d'un chantier ouvert antérieurement à la prise d'effet de la police.

En l'espèce, il n'est pas discuté qu'aucune déclaration d'ouverture de chantier au sens de l'article R. 424-16 du code de la construction et de l'habitation n'a eu lieu et les parties contestent la date effective de commencement des travaux, tandis qu'est établie la date de prise d'effet du contrat d'assurance au 20 décembre 2018.

L'appelante verse aux débats sur ce point :

- le courrier adressé à la société Bat C& R Services par M. [I] et Mme [K] le 8 avril 2019 mentionnant

'Nous avons signé avec vous le 11 décembre 2018 un devis modifié n°179 concernant les travaux de rénovation de notre logement situé (...) qui avaient débuté le 24 octobre 2018 sans signature de devis mais avec versement d'un acompte de 80 101, 18 euros' (souligné par la cour),

- le devis du 24 octobre 2018, signé le 11 décembre 2018, qui prévoit une 'durée estimative de travaux 120 jours ouvrables',

- le courrier de la société Bat C& R Services envoyé à M. [I] et Mme [K] le 18 avril 2019 qui énonce : 'en accord avec le devis officiel signé, datant du 24 octobre 2018, la durée prévue pour les travaux mentionnés dans ce dernier est estimée à 120 jours ouvrés. Ainsi les travaux sur le chantier auraient dû être terminés le 18 mars 2019",

- le rapport d'expertise judiciaire qui indique : 'le devis date d'octobre 2018 et les travaux auraient commencé à la même date, sans déposer de DOC (déclaration d'ouverture de chantier).'

Si M. [I] et Mme [K] produisent des échanges de courriels avec la société Bat C& R Services entre le 12 novembre et le 5 décembre 2018 démontrant que des discussions existaient entre les parties au sujet des plans définitifs et du devis modificatif, ces éléments ne sont pas de nature à démontrer que le chantier n'avait pas démarré à cette période dès lors qu'il ressort du devis qu'étaient prévus des travaux d'installation de chantier (incluant notamment 'transport et l'évacuation à la DPA'), de démolition (enlèvement de la charpente du hangar, ouverture du mur de la maisonnette, reprise des murs endommagés, enlèvement du plafond dans l'atelier), de maçonnerie (monter les murs porteurs, création des murs dans la cuisine) et de toiture (rénovation de la charpente du hangar, création de charpente, remplacement de l'ancienne toiture), tous travaux qui ont pu commencer sans que les plans définitifs soient établis.

Au surplus, M. [I] et Mme [K] qui affirment que les travaux auraient commencé au début de l'année 2019, ne donnent pas de date précise et vérifiable sur ce point et ne versent aux débats aucune pièce pour en justifier, sans s'expliquer sur le fait que cette rénovation importante, prévue pour durer 120 jours ouvrables (soit environ 24 semaines), aurait pu commencer en janvier et être achevée le 1er avril 2019, date à laquelle ils indiquent eux-mêmes avoir intégré les lieux après qu'il leur avait été indiqué que les travaux étaient terminés.

Il convient en conséquence de dire qu'est sérieuse la contestation de la société Protect quant au caractère mobilisable de la responsabilité civile décennale souscrite par la société Bat C& R Services en raison de l'absence de caractérisation de la date d'ouverture du chantier avec l'évidence requise en référé.

En conséquence est également sérieuse la contestation relative à la prise en charge des dommages immatériels dès lors qu'en vertu de la police d'assurance, ces dommages immatériels ne sont couverts que s'ils sont la conséquence directe d'un dommage corporel ou matériel garanti par le contrat.

L'ordonnance querellée sera donc infirmée en ce qu'elle a condamné la société Protect in solidum avec la société Bat C & R Services et M. [P], en sa qualité d'assureur de la société Bat C & R Services, à verser une provision à M. [I] et Mme [K].

sur les demandes de communication de pièces formées à l'encontre de M. [P]

Selon l'article 145 du code de procédure civile, 's'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé'.

L'application de ces dispositions suppose que soit constaté qu'il existe un procès non manifestement voué à l'échec au regard des moyens soulevés par les défendeurs, sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée.

Il en résulte en outre que le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer le bien-fondé de l'action en vue de laquelle elle est sollicitée ou l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est destinée à les établir, mais qu'il doit toutefois justifier de la véracité des éléments rendant crédibles les griefs allégués et plausible le procès en germe.

La société Protect dont la condamnation est infirmée, ne justifie d'aucun motif légitime à obtenir la communication par M. [R] [P] de la police de son assureur. Cette demande sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Le premier juge n'a pas statué sur les dépens et l'indemnité procédurale en première instance alors que M. [I] et Mme [K] sollicitaient la condamnation in solidum des défendeurs aux dépens d'appel comprenant les frais d'expertise.

Il convient de dire que les dépens de première instance, comprenant les frais d'expertise seront mis à la charge de M. [P] et de la société BAT in solidum.

Partie perdante, M. [I] et M. [K] ne sauraient prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et devront en outre supporter les dépens d'appel qui seront recouvrés avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de l'appelante les frais irrépétibles exposés.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans la limite de l'appel par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,

Rejette la demande de nullité de l'ordonnance entreprise,

Infirme l'ordonnance déférée en ses chefs querellés,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes provisionnelles formées par M. [I] et Mme [K] à l'encontre de la société Protect ;

Déboute la société Protect de sa demande de communication de l'attestation d'assurance ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Rejette les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que la société BAT C& R Services et M. [R] [P] supporteront in solidum les dépens de première instance ;

Dit que M. [I] et Mme [K] supporteront les dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-5
Numéro d'arrêt : 23/04904
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;23.04904 ?
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