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14/03/2024 | FRANCE | N°22/02134

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-5, 14 mars 2024, 22/02134


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 MARS 2024



N° RG 22/02134

N° Portalis DBV3-V-B7G-VJOM



AFFAIRE :



[D] [C]





C/

Association LES TOUT-PETITS









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Juin 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : E

N° RG : 19/00578




Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SCP BROCHARD & DESPORTES



Me Jacques BELLICHACH







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel d...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 MARS 2024

N° RG 22/02134

N° Portalis DBV3-V-B7G-VJOM

AFFAIRE :

[D] [C]

C/

Association LES TOUT-PETITS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Juin 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : E

N° RG : 19/00578

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SCP BROCHARD & DESPORTES

Me Jacques BELLICHACH

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [D] [C]

né le 13 Mai 1983 à [Localité 6] (78)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Emmanuel DESPORTES de la SCP BROCHARD & DESPORTES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 243

APPELANT

****************

Association LES TOUT-PETITS

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Jacques BELLICHACH, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0334

Représentant : Me Laëtitia SIMONIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 31 Janvier 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,

EXPOSE DES MOTIFS

M. [D] [C] a été embauché à compter du 2 septembre 2013, selon contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de chef de service paramédical par l'association Les Tout-Petits, gestionnaire d'établissements accueillant des enfants et adultes handicapés mentaux et polyhandicapés.

M. [C] a été affecté dans l'un des établissements gérés par l'association Les Tout-Petits, à savoir la 'maison d'accueil spécialisé [5]'.

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées.

Par avenant à effet au 1er septembre 2017, M. [C] a été nommé dans l'emploi de 'faisant fonction de directeur adjoint des établissements et services du site [5]'.

Par lettre du 7 novembre 2018, l'association Les Tout-Petits a convoqué M. [C] à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, lequel s'est tenu le 14 novembre suivant.

Par lettre du 17 novembre 2018, M. [C] a sollicité la conclusion d'une convention de rupture.

Par lettre du 22 novembre 2018, remise en main propre le même jour, l'association Les Tout-Petits a notifié à M. [C] un avertissement à la suite de la procédure engagée le 7 novembre précédent.

Par lettre du 23 novembre 2018, l'association Les Tout-Petits a convoqué M. [C] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui s'est tenu le 30 novembre suivant.

Par lettre du 26 novembre 2018, l'association Les Tout-Petits a refusé la conclusion d'une convention de rupture.

Par lettre du 5 décembre 2018, l'association Les Tout-Petits a notifié à M. [C] son licenciement pour faute grave.

Au moment de la rupture du contrat de travail, l'association Les Tout-Petits employait habituellement au moins onze salariés et la rémunération moyenne mensuelle de M. [C] s'élevait à 4289,23 euros.

Le 8 octobre 2019, M. [C] saisi le conseil de prud'hommes de Versailles pour contester le bien-fondé de son licenciement et demander la condamnation de l'association Les Tout-Petits à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des indemnités de rupture.

Par jugement du 6 juin 2022, le conseil de prud'hommes a :

-dit que le licenciement de M. [C] est bien fondé sur une faute grave ;

- débouté M. [C] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté l'association Les Tout-Petits de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laissé les dépens à la charge de chaque partie.

Le 5 juillet 2022, M. [C] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 30 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. [C] demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué et, statuant à nouveau, de :

- dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamner l'association Les Tout-Petits à lui payer les sommes suivantes :

* 25'735,38 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 23'946,77 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 25'735,38 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 2573,54 euros au titre des congés payés afférents ;

* 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner la capitalisation des intérêts légaux ;

- condamner l'association Les Tout-Petits aux dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 23 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, l'association Les Tout-Petits demande à la cour de :

- à titre principal, confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;

- à titre subsidiaire, dire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, limiter le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 12'868, 20 euros bruts ;

- en tout état de cause, prononcer les éventuelles condamnations pour leur montant brut, la CSG, CRDS les éventuelles charges sociales attachées aux condamnations prononcées devant rester à la charge du salarié conformément aux dispositions légales applicables ;

- débouter M. [C] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [C] lui payer une somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 16 janvier 2024.

MOTIVATION :

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences :

Considérant que la lettre de licenciement pour faute grave notifiée à M. [C], qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée : '(...) Les faits qui vous sont reprochés sont les suivants :

- le 28 septembre, vous n'informez par la direction de site de l'appel d'un officier de police vous relatant des faits graves à caractères sexuels concernant un jeune accueilli au CAFS. Ce n'est que le 15 novembre que nous découvrons cet appel.

- le 28 septembre, vous n'informez pas non plus la famille du jeune concerné par ces faits et ne donnez aucune suite à cet appel de l'officier de police.

- Le 15 novembre, vous informez l'ASE de cette situation préoccupante mais vous ne garantissez pas une réponse rapide et adaptée à la demande de la responsable de circonscription de l'ASE qui, suite à votre écrit, réclame des éléments complémentaires (notamment le processus et la date d'information du CAFS) pour l'interpellation du juge pour enfants et l'in formation nécessaire à la mère de l'enfant. Ce n'est que le 27 novembre que vous répondez à l'ASE.

- Le 22 novembre, lors d'une réunion pluridisciplinaire, nous sommes informés que :

* le 1er octobre, vous relatez votre échanges téléphonique relatifs à ce jeune a une éducatrice spécialisée de CAFS, qui n'est pas sa référente, et vous lui demandez expressément de se taire. À aucun moment, vous n'avez levé cette interdiction de parler.

* Entre le 5 octobre et le 15 novembre, malgré au moins trois relances orales et écrites du chef de service et de l'éducatrice spécialisée, vous n'avez pas contacté l'aide sociale à l'enfance, comme c'est la procédure, pour ce genre de situation grave concernant un mineur. Ce n'est que 45 jours après l'événement, soit le 15 novembre, que vous contactez l'ASE, suite à la très forte insistance de la chef de service, qui souhaite informer ce partenaire et la famille depuis début octobre afin de libérer la parole pour accompagner le jeune et sa mère.

* Du 28 septembre au 15 novembre, vous avez insécurisé la CAFS, ainsi que les professionnels du service en les empêchant d'exercer leur mission première qui est d'accueillir et de garantir la sécurité physique et psychologique des enfants et des familles qui nous sont confiées.

- Les 21 et 22 novembre, les secrétaires placées sous votre responsabilité ont effectué une formation sans que vous ne les ayez informées de leur participation. Par chance, lors d'un échange informel la veille, j'ai pu les prévenir de cette formation. De fait, celles-ci se sont retrouvées en difficulté et vous avez également mis à mal l'organisation de l'établissement en ne modifiant pas préalablement leurs horaires habituels et n'en adaptant pas les tâches de la semaine pour ses deux professionnelles qui travaillent à temps partiel.

- Le 26 novembre, malgré l'engagement pris auprès des représentants du personnel et ma demande du 29 octobre, vous n'avez toujours pas effectué le contrôle des compteurs de congés des 30 assistants familiaux.

- Le 26 novembre, alors que vous vous étiez engagés depuis le 11 septembre à recevoir une éducatrice avant le 17 novembre concernant l'annualisation 2017 de son temps de travail, nous constatons qu'aucun rendez-vous n'a été programmé que celle-ci est toujours sans réponse à ses interrogations.

Vous reconnaissez la quasi intégralité des manquements et tentez de les expliquer en prétendant que vous ne vous souviendriez plus si vous m'aviez informée ou non de certains faits. Les explications apportées au cours de l'entretien ne sont pas acceptables et témoignent de l'absence de considération de la gravité des faits.

En qualité de directeur adjoint, il est choquant que vous ne mesuriez pas l'importance d'une enquête policière portant sur un mineur auteur présumé de faits de violences sexuelles sur un autre mineur, ni les conséquences portées aux droits de cet enfant et de sa mère par votre absence de transmission de cette information grave.

Il n'est pas acceptable qu'il ait fallu 45 jours pour que je sois informée de cette situation et qu'aucun accompagnement n'ait été mis en 'uvre pour assurer le suivi adéquat du jeune, de sa famille et de l'équipe. La mauvaise gestion de cette information n'a pas permis de proposer immédiatement au jeune un soutien nécessaire pour reparler de cet incident et le guider dans sa prise en charge.

Par ailleurs, vous n'est pas sans savoir que l'aide sociale à l'enfance ainsi que la mère de l'enfant, détentrice de l'autorité parentale, doivent être informé immédiatement de ce type d'événement, conformément au droit ainsi que dans la relation de confiance établie entre la famille et les partenaires. Il n'est pas compréhensible que vous n'ayez pas ajusté votre position et réalisé l'information alors même que la chef de service et une éducatrice vous l'ont réclamé à plusieurs reprises.

Force est de constater que malgré l'accompagnement réalisé depuis maintenant plusieurs mois et les mises en garde évoquée lors de notre échange du 11 octobre, vos difficultés à tenir vos engagements de directeur adjoint, à assumer votre mission et réaliser les tâches qui vous sont confiées ont persisté.

Ceci est si vrai que face à de nouveaux manquements, j'ai été contraint de vous convoquer à un entretien disciplinaire fixé au 14 novembre. Devant le constat du bien-fondé des fautes qui vous étaient reprochées, vous avez sollicité la direction générale 16 novembre pour demander une rupture conventionnelle. Celle-ci vous a été refusée le 26 novembre au motif que votre poste était essentiel au fonctionnement des trois établissements [5] et qu'il vous appartenait de vous remobiliser, sans délai.

C'est dans ce contexte que j'ai été informé de votre comportement inadmissible concernant la situation évoquée plus haut.

Compte tenu de la gravité des faits, leurs conséquences pour un enfant confié, de leur répétition et de votre attitude manifestant une absence de dynamisme pour opérer les changements indispensables et nécessaires, la poursuite de notre collaboration n'est plus envisageable. J'ai donc décidé de prononcer votre licenciement pour faute grave (...)' ;

Considérant que M. [C] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs que :

- s'agissant du signalement à l'aide sociale à l'enfance (ASE) de l'entretien téléphonique avec un gendarme, aucune obligation en ce sens ne lui incombait et en toutes hypothèses aucune abstention volontaire ou mauvaise volonté ne pouvant lui être reprochée sur ce point, ces faits relèvent d'une insuffisance professionnelle ;

- les autres faits ont déjà été sanctionnés par l'avertissement prononcé le 22 novembre 2018 et relèvent aussi en tout état de cause, à les supposer établis, d'une insuffisance professionnelle ;

- l'association Les Tout-Petits l'a nommé à un emploi de faisant fonction de directeur adjoint alors qu'elle savait qu'il n'avait pas la qualification pour l'exercer et ne lui pas assuré de formation ;

Qu'il réclame en conséquence l'allocation d'une indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse et d'indemnités de rupture ;

Que l'association Les Tout-Petits soutient que la faute grave reprochée au salarié est établie en ce que :

- M. [C] n'a pas rempli son obligation d'alerter sa hiérarchie, les parents du mineur et l'ASE de l'enquête pénale en cours à l'encontre d'un des mineurs accueillis en méconnaissance des dispositions de l'article R. 331-8 du code de l'action sociale et des familles, de l'article R. 4312-17 du code de la santé publique et des 'process classiques' , malgré trois relances, puis a tardé à répondre à la demande de complément d'information faite par l'ASE, cette 'absence de réaction' étant 'inexplicable' ;

- M. [C] n'a prévenu que tardivement l'éducatrice du mineur puis lui a enjoint de garder le silence ;

- les autres faits sont établis ;

Que l'association Les Tout-Petits conclut donc au débouté des demandes ; qu'à titre subsidiaire, elle conclut que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Considérant que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et implique son éviction immédiate ; que la charge de la preuve de cette faute incombe à l'employeur qui l'invoque ;

Qu'aux termes de l'article R. 331-8 du code de l'action sociale et des familles : 'Sans préjudice des déclarations et signalements prévus par d'autres dispositions législatives et, le cas échéant, du rapport à l'autorité judiciaire, le directeur de l'établissement, du service, du lieu de vie ou du lieu d'accueil ou, à défaut, le responsable de la structure transmet à l'autorité administrative compétente, sans délai et par tout moyen, les informations concernant les dysfonctionnements graves et événements prévus par l'article L. 331-8-1. Lorsque l'information a été transmise oralement, elle est confirmée dans les 48 heures par messagerie électronique ou, à défaut, par courrier postal.

Cette transmission est effectuée selon un formulaire pris par un arrêté des ministres de la justice et de l'intérieur et des ministres chargés du logement, des personnes âgées, des personnes handicapées, de la protection de l'enfance et de la santé. Cet arrêté précise la nature des dysfonctionnements et événements dont les autorités administratives doivent être informées ainsi que le contenu de l'information et notamment la nature du dysfonctionnement ou de l'événement, les circonstances de sa survenue, ses conséquences, ainsi que les mesures immédiates prises et les dispositions envisagées pour y mettre fin et en éviter la reproduction.

L'information transmise ne contient aucune donnée nominative et garantit par son contenu l'anonymat des personnes accueillies et du personnel.

Toute information complémentaire se rattachant au dysfonctionnement ou à l'événement déclaré fait l'objet d'une transmission à l'autorité administrative dans les mêmes conditions' ;

Qu'aux termes de l'article R. 4312-17 du code de la santé publique : 'L'infirmier amené à examiner une personne privée de liberté ou à lui donner des soins ne peut, directement ou indirectement, ne serait-ce que par sa seule présence, favoriser ou cautionner une atteinte à l'intégrité physique ou mentale de cette personne ou à sa dignité.

S'il constate que cette personne a subi des sévices ou des mauvais traitements, sous réserve de l'accord de l'intéressé, il en informe l'autorité judiciaire. S'il s'agit d'un mineur ou d'une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, l'accord de l'intéressé n'est pas nécessaire' ;

Qu'en l'espèce, s'agissant du premier grief relatif au signalement d'une enquête pénale relative à un mineur hébergé par l'association Les Tout-Petits, il ressort tout d'abord des débats et des pièces versées que l'association Les Tout-Petits ne fournit aucun élément établissant clairement l'existence d'une telle obligation de signalement ; qu'en effet, l'arrêté du 26 décembre 2016 relatif à l'obligation de signalement des structures sociales et médico-sociales aux autorités administratives en cas de dysfonctionnement ou d' événements graves, pris pour l'application des articles L. 331-8-1 et R. 331-8 du code de l'action sociale et des familles, ne vise pas les cas d'infraction sexuelle commis par un usager à l'extérieur de la structure vis-à-vis de tiers ; que l'article R. 331-8 prévoit d'ailleurs une information sans donnée nominative, ce qui ne correspond pas aux faits reprochés au salarié ; que les dispositions de l'article R. 4312-17 du code de la santé publique relatives à la déontologie des infirmiers ne s'appliquent pas à M. [C] qui n'occupait pas un emploi d'infirmier et sont en tout état de cause inopérantes pour le signalement en litige ; qu'aucun autre fondement de l'obligation de signalement en cause , tel par exemple que des procédures internes, n'est établi par l'employeur ;

Que par ailleurs, l'association Les Tout-Petits n'établit en rien l'existence de 'trois relances orales et écrites du chef de service et de l'éducatrice spécialisée' aux fins de contacter le service de l'aide sociale à l'enfance sur les faits en litige ; que le courriel de l'aide sociale à l'enfance du 15 novembre 2018 ne contient aucune demande de complément d'information, son auteur indiquant seulement 'à vous de nous transmettre si cela est envisageable ou pas' et ne contient en tout état de cause aucune fixation de délais ;

Que de surcroît et en toutes hypothèses, aucun élément ne vient établir une abstention volontaire ou une mauvaise volonté délibérée de M. [C] dans les faits en cause, la lettre de licenciement mentionnant que les faits reprochés s'inscrivent dans des 'difficultés à tenir vos engagements de directeur adjoint, à assumer votre mission et réaliser les tâches qui vous sont confiées' ;

Qu'enfin, l'attestation imprécise d'une des éducatrices employées par l'association Les Tout-Petits ne démontre pas la réalité d'une 'interdiction de parler des faits' imposée à cette salariée par M. [C] ;

Qu'aucune faute ne ressort donc des débats sur ce point ;

Que s'agissant des autres faits des 21, 22 et 26 novembre 2018, l'association Les Tout-Petits ne verse aucune pièce sur ces points, qui sont obscurs ; que la réalité d'une faute à ce titre n'est donc pas établie ;

Qu'il résulte de ce qui précède que le licenciement de M. [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Qu'en conséquence, M. [C] est fondé à réclamer la condamnation de l'association Les Tout-Petits à lui payer les sommes suivantes, dont le quantum n'est pas contesté par l'employeur:

- 23'946,77 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 25'735,38 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis de six mois et 2573,54 euros brut au titre des congés payés afférents ;

Qu'en outre, M. [C] est fondé à réclamer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant compris entre trois et six mois de salaire brut eu égard à son ancienneté de cinq années complètes au moment du licenciement, en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail ; qu'eu égard à son âge (né en 1983), à sa rémunération, à sa situation postérieure au licenciement (chômage justifié jusqu'en septembre 2019), il y a lieu d'allouer à M. [C] une somme de 21 000 euros ;

Que le jugement sera en conséquence infirmé sur ces différents points ;

Sur la capitalisation des intérêts légaux :

Considérant que la capitalisation des intérêts légaux sur les sommes allouées à M. [C] sera ordonnée dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 1343-2 du code civil ; que le jugement attaqué sera infirmé sur ce point ;

Sur le remboursement des indemnités de chômage par l'employeur :

Considérant qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner d'office le remboursement par l'association Les Tout-Petits aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à M. [C] du jour de son licenciement au jour de l'arrêt et ce dans la limite de six mois d'indemnités ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris sur ces points ; que l'association intimée sera condamnée à payer à M. [C] une somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [D] [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne l'association Les Tout-Petits à payer à M. [D] [C] les sommes suivantes :

- 23'946,77 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 25'735,38 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 2 573,54 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 21'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,

Ordonne la capitalisation des intérêts légaux sur les sommes allouées à M. [D] [C] dans les conditions prévues par les de l'article 1343-2 du code civil,

Ordonne d'office le remboursement par l'association Les Tout-Petits aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à M. [D] [C] du jour de son licenciement au jour de l'arrêt et ce dans la limite de six mois d'indemnités

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne l'association Les Tout-Petits aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-5
Numéro d'arrêt : 22/02134
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;22.02134 ?
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