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14/03/2024 | FRANCE | N°22/02125

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-5, 14 mars 2024, 22/02125


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 MARS 2024



N° RG 22/02125

N° Portalis DBV3-V-B7G-VJNF



AFFAIRE :



[W] [V]





C/

S.A. SOCIETE GENERALE









Décision déférée à la cour :

Jugement rendu le 16 Juin 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de CERGY-PONTOISE

N° Section : E

N° RG : F21/000

57



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Pierre BORDESSOULE DE BELLEFEUILLE



la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 MARS 2024

N° RG 22/02125

N° Portalis DBV3-V-B7G-VJNF

AFFAIRE :

[W] [V]

C/

S.A. SOCIETE GENERALE

Décision déférée à la cour :

Jugement rendu le 16 Juin 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de CERGY-PONTOISE

N° Section : E

N° RG : F21/00057

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Pierre BORDESSOULE DE BELLEFEUILLE

la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [W] [V]

né le 25 Février 1969 à [Localité 5] ([Localité 5])

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Pierre BORDESSOULE DE BELLEFEUILLE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 392 - Substitué par Me Thierry TAIEB, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

S.A. SOCIETE GENERALE

N° SIRET : 552 .12 0.2 22

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Jeannie CREDOZ-ROSIER de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0461

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Janvier 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,

EXPOSE DU LITIGE

M. [W] [V] a été engagé par la Société Générale suivant un contrat à durée indéterminée du 20 décembre 1993 en qualité d'homologateur chaîne informatique.

Il a démissionné de ses fonctions le 20 novembre 2001.

M. [W] [V] a été, de nouveau, engagé par la Société Générale suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mars 2014 en qualité d'expert fonctionnel.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale de la banque.

Suivant avenant du 12 juin 2017, le salarié a travaillé au sein de la filiale luxembourgeoise du groupe dans le cadre d'une mission du 1er juillet 2017 au 31 juillet 2019 pour une durée de vingt-cinq mois.

Un dispositif de rupture conventionnelle a été mis en 'uvre au sein de l'entreprise, aux termes d'un accord collectif du 19 mars 2019, validé par la Direccte le 20 mai 2019. Cet accord est entré en vigueur à compter du 1er juillet 2019.

Par lettre du 12 juillet 2019, M. [V] a notifié à son employeur une demande de rupture d'un commun accord de son contrat de travail dans le cadre du dispositif de rupture conventionnelle, afin de réaliser un projet de création d'entreprise.

M. [V] a réintégré la Société Générale en France à compter du 1er août 2019.

Un premier entretien a été organisé le 13 septembre 2019 puis un second le 20 septembre 2019, au terme desquels M. [V] et la Société Générale ont signé une convention de rupture d'un commun accord du contrat de travail. Le contrat de travail a pris fin le 7 octobre 2019.

Le 21 janvier 2021 M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise afin d'obtenir la condamnation de la Société Générale au paiement d'une indemnité de licenciement spéciale et de dommages et intérêts pour défaut de prise en compte du détachement sur les allocations Pôle emploi.

Par jugement en date du 16 juin 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [V] à payer à la Société Générale la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les éventuels dépens de l'instance à la charge de M. [V].

Le 4 juillet 2022, M. [V] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 10 février 2023, M. [V] demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant de nouveau, de condamner la Société Générale à lui verser les sommes suivantes :

* 163 240 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement,

* 98 703 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de prise en compte du détachement sur IJ Pôle emploi,

* 3 000 euros à titre d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 20 juillet 2023, la Société Générale demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes, subsidiairement, de réduire le montant sollicité par M. [V] au titre de l'indemnité spéciale de rupture, et en tout état de cause, de condamner M. [V] à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de l'instruction est intervenue le 16 janvier 2024.

MOTIVATION

Sur l'indemnité spéciale de licenciement

Le salarié indique qu'il a alerté son employeur dès la proposition de convention de rupture sur l'absence de prise en compte de son ancienneté, pour le calcul de l'indemnité de rupture, mais que devant une situation de blocage et souhaitant quitter l'entreprise, il a préféré signer la convention proposée. Il soutient que son ancienneté a été reprise au moment de sa réembauche, qu'il avait posé cette condition à son recrutement, que cette reprise d'ancienneté figure dans différents documents, valant présomption de reprise d'ancienneté. Il considère que la présomption n'est pas renversée par l'employeur qui a émis différents documents et qui a fait figurer la reprise de son numéro matricule remontant à 1993. Il relève, par ailleurs, qu'il a travaillé au sein de la Société Générale de 2010 à 2014 via la société VR Conseil, société à laquelle elle a recours pour une mise à disposition de salariés.

L'employeur fait valoir qu'aucune reprise d'ancienneté n'a été consentie dans le cadre du nouveau contrat de travail du salarié, embauché près de 13 ans après un premier contrat, aussi bien lors de l'entretien d'embauche que dans la rédaction du contrat de travail. L'employeur expose que la convention de rupture a été conclue en toute connaissance de cause par le salarié, qui n'a pas contesté les montants mentionnés et n'a pas usé de son droit de rétractation, qu'ainsi le salarié a donné son accord à la convention et s'est engagé. L'employeur précise que l'ancienneté dont il est question pour le calcul de l'indemnité est organisée par une stipulation spécifique d'un accord collectif qui restreint les anciennetés prises en compte à celles acquises au sein du groupe au titre de contrats de travail s'étant succédés dans le temps, sans interruption. L'employeur note que les bulletins de paie dont se prévaut le salarié pour revendiquer le bénéfice d'une présomption de reprise d'ancienneté sont ceux établis par la société luxembourgeoise, aucun bulletin de salaire de son employeur, la Société Générale en France, ne faisant figurer cette date d'ancienneté, et qu'en tout état de cause, cette présomption est renversée.

Aux termes de l'article 1103 du code civil, 'les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits'.

L'accord collectif sur l'accompagnement social relatif à l'ajustement des métiers de la banque de grande clientèle et solutions investisseurs et de la banque de détail à l'international du 9 mai 2019 prévoit en page 18 que :

'L'ancienneté s'apprécie :

- au niveau du groupe Société Générale dès lors que les différents contrats de travail au sein du groupe se seront succédés sans interruption,

- à la date de cessation définitive du contrat de travail, tout semestre en cours étant considéré comme semestre complet'.

En l'espèce, le salarié ne remplit pas les conditions fixées par l'accord collectif dès lors qu'à l'issue de son contrat de travail qui a pris fin le 20 novembre 2001, il a pendant plusieurs années travaillé pour d'autres sociétés ne faisant pas partie du groupe Société Générale, avant d'être réembauché le 1er mars 2014, soit après plus de treize années d'interruption, le dernier contrat de travail du 5 juillet 2010 au 28 février 2014 ayant été conclu avec la société VR Conseil, ne faisant pas partie du groupe.

Le salarié se prévaut d'une reprise d'ancienneté discutée lors de son embauche mais ne produit aucun élément en ce sens. L'employeur verse aux débats une clause type de reprise d'ancienneté avec dispense de période d'essai, telle que mentionnée habituellement dans un contrat de travail avec une reprise d'ancienneté accordée au salarié, laquelle ne figure pas dans l'offre d'embauche adressée par l'employeur au salarié le 25 février 2014.

Le salarié produit également des bulletins de paie de la Société Générale Bank & Trust faisant mention d'une ancienneté remontant au 20 décembre 1993, du maintien du même numéro matricule depuis 1993. Toutefois, les bulletins de salaire émanent d'une filiale de la Société Générale, société tierce au présent litige. En outre, l'employeur produit un document relatif à la gestion des matricules montrant qu'il s'agit d'un traitement purement informatique lors de la réembauche d'un salarié ayant eu un précédent contrat avec la Société Générale, sans prise en compte de la notion d'ancienneté lors du choix de l'utilisation du même matricule. Il s'en déduit que la Société Générale a transmis informatiquement des données relatives au salarié à sa filiale sans que cela ait des implications sur la prise en compte de son ancienneté. La mention figurant aux bulletins de salaire émis par une société tierce au présent litige ne vaut ainsi pas présomption de reprise d'ancienneté au regard de la Société Générale.

Le salarié fait également valoir qu'il a reçu la médaille du travail décernée au regard d'une ancienneté de 20 ans en 2014, toutefois, l'appréciation large de la durée du travail exercée par le salarié dans le cadre d'une récompense honorifique ne vaut pas reconnaissance de reprise de l'ancienneté au sens du droit du travail.

Le salarié produit enfin une attestation du 18 novembre 2014 du directeur des ressources humaines groupe mentionnant qu'il fait partie du personnel depuis le 20 décembre 1993 et un certificat de travail de la Société Générale du 7 octobre 2019 faisant mention d'une date d'entrée dans la société au 20 décembre 1993. Il s'en déduit que ces documents font référence à une date de première entrée dans la société, sans expressément faire état d'une date d'ancienneté. Ils ne sont pas de nature à créer une présomption de reprise d'ancienneté.

Ainsi, l'ancienneté au 1er mars 2014 prise en compte dans la convention de rupture conventionnelle conclue entre les parties pour le calcul de l'indemnité de rupture correspond bien à l'ancienneté qui était celle du salarié aux termes de son contrat de travail et remplit les conditions fixées par l'accord collectif en vertu de laquelle la rupture conventionnelle a été négociée.

Par conséquent, le salarié, qui a conclu une rupture conventionnelle de son contrat de travail en contrepartie d'une indemnité de départ volontaire calculée sur la base de son ancienneté fixée au 1er mars 2014, sans soulever de contestation sur les montants mentionnés dans la convention de rupture et sans user de son droit de rétractation de la convention de rupture, est mal fondé à en contester les termes.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de rappel d'indemnité spéciale de licenciement.

Sur le défaut de prise en compte du détachement sur les allocations Pôle emploi

Le salarié expose qu'il a subi un préjudice, résultant de la réduction de ses allocations chômage, du fait de l'employeur qui n'a pas effectué les démarches pour que la mission au Luxembourg soit prise en compte par Pôle emploi. Il ajoute qu'il n'a pas été informé précisément de sa situation au regard de la protection pendant la durée de son expatriation, l'avenant de détachement l'ayant au contraire induit en erreur, le service des ressources humaines ne l'ayant pas informé de son statut d'expatrié.

L'employeur indique que pendant sa mission au Luxembourg, le salarié n'était pas affilié à l'assurance chômage en France, de manière conforme à l'avenant à son contrat de travail et qu'il dépendait de l'assurance chômage luxembourgeoise, de manière conforme au règlement européen compte-tenu de la durée de la mission locale. Il conclut que les rémunérations versées pendant la mission au Luxembourg n'ayant pas donné lieu à cotisations au régime d'assurance chômage français, n'ont pas été prises en compte pour calculer le salaire de référence servant de calcul à l'allocation de retour à l'emploi.

Aux termes de l'article 12 du règlement CE n°883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale :

'1. La personne qui exerce une activité salariée dans un État membre pour le compte d'un employeur y exerçant normalement ses activités, et que cet employeur détache pour effectuer un travail pour son compte dans un autre État membre, demeure soumise à la législation du premier État membre, à condition que la durée prévisible de ce travail n'excède pas vingt-quatre mois et que cette personne ne soit pas envoyée en remplacement d'une autre personne détachée.

2. La personne qui exerce normalement une activité non salariée dans un État membre et qui part effectuer une activité semblable dans un autre État membre demeure soumise à la législation du premier État membre, à condition que la durée prévisible de cette activité n'excède pas vingt-quatre mois.'

Aux termes de l'article 62.1 du règlement CE n°883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale :

'L'institution compétente d'un État membre dont la législation prévoit que le calcul des prestations repose sur le montant du salaire ou du revenu professionnel antérieur tient compte exclusivement du salaire ou du revenu professionnel perçu par l'intéressé pour la dernière activité salariée ou non salariée qu'il a exercé sous cette législation'.

En l'espèce, la mission au Luxembourg du salarié était prévue pour une durée de vingt-cinq mois.

Par conséquent, le salarié a été logiquement affilié au régime obligatoire luxembourgeois en vigueur dans le pays d'accueil, conformément à l'article 9.4 de l'avenant à son contrat de travail: 'le salarié étant détaché au sein de l'Union européenne ou en Suisse, l'adhésion à l'assurance chômage sera effectuée directement par l'implantation d'accueil auprès des organismes locaux et selon les règles locales'.

Ainsi, lors de son inscription auprès de l'organisme Pôle emploi, celui-ci a calculé une allocation de retour à l'emploi pour le salarié uniquement sur la base des sommes versées en France depuis le retour du salarié, excluant les sommes perçues au Luxembourg, tenant compte toutefois du principe de totalisation des périodes accomplies en France et au sein de l'Union européenne.

Par conséquent, le salarié qui a conclu un avenant d'expatriation à son contrat de travail comprenant les informations utiles sur ses droits en terme d'assurance chômage, est mal fondé à invoquer un préjudice résultant d'une allocation moindre qu'espérée puisque ne prenant pas en compte les sommes versées au Luxembourg, alors qu'il a été parfaitement informé de sa situation en terme d'assurance chômage lors de la conclusion de l'avenant d'expatriation.

Il convient donc de confirmer le jugement qui a débouté M. [V] de sa demande de dommages et intérêts au titre d'allocations chômage moindres qu'attendues.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

M. [V] succombant à la présente instance, en supportera les dépens d'appel. Il devra également régler une somme de 500 euros à la Société Générale en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant :

Condamne M. [W] [V] aux dépens d'appel,

Condamne M. [W] [V] à payer à la Société Générale la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-5
Numéro d'arrêt : 22/02125
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;22.02125 ?
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