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14/03/2024 | FRANCE | N°22/01908

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-5, 14 mars 2024, 22/01908


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 MARS 2024



N° RG 22/01908

N° Portalis DBV3-V-B7G-VILF



AFFAIRE :



[R] [V]





C/

S.A.S. ENERGY DYNAMICS









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Mars 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE-

BILLANCOURT

N° Section : AD

N° RG :

19/01074



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



SELARL BOUSSARD VERRECCHIA ET ASSOCIES



Me Léon MATUSANDA







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 MARS 2024

N° RG 22/01908

N° Portalis DBV3-V-B7G-VILF

AFFAIRE :

[R] [V]

C/

S.A.S. ENERGY DYNAMICS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Mars 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE-

BILLANCOURT

N° Section : AD

N° RG : 19/01074

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

SELARL BOUSSARD VERRECCHIA ET ASSOCIES

Me Léon MATUSANDA

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [R] [V]

né le 07 Juin 1984 à [Localité 5]

de nationalité Française

chez Madame [D] [V] - [Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Clara GANDIN de la SELARL BOUSSARD VERRECCHIA ET ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1355

APPELANT

****************

S.A.S. ENERGY DYNAMICS

N° SIRET : 821 103 876

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Léon MATUSANDA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de TOULOUSE, vestiaire : 274

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Janvier 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,

EXPOSE DU LITIGE

M. [R] [V] a été engagé par la société Energy Dynamics suivant un contrat de travail pour une durée indéterminée de chantier à compter du 2 octobre 2017 en qualité de technicien poseur Linky, position 1.4.1, coefficient 240 et avec le statut de technicien.

Le contrat était conclu pour la durée du chantier conclu avec Enedis portant sur le déploiement de compteurs Linky, marché : Ile de France.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils dite Syntec.

Par lettre du 11 janvier 2019, M. [V] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 23 janvier 2019.

Par lettre du 28 janvier 2019, l'employeur a licencié le salarié pour faute grave.

Contestant son licenciement, le 29 juillet 2019, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin de voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir la condamnation de la société au paiement de dommages et intérêts pour nullité du licenciement, subsidiairement, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 22 mars 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- requalifié le licenciement pour faute grave de M. [V] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Energy Dynamics à verser à M. [V] :

* 79 euros à titre de remboursement de frais,

* 70 euros à titre de remboursement des chaussures de sécurité et du chariot,

* 362,22 euros bruts au titre du rappel de salaire sur le mois de décembre 2018,

* 585 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 1 600 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 160 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 929,90 euros bruts au titre du rappel de salaire sur mise à pied,

- ordonné la remise des documents de fin de contrat conformes au jugement,

- débouté M. [V] du surplus de ses demandes,

- condamné la société Energy Dynamics à verser à M. [V] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Energy Dynamics aux entiers dépens

Le 17 juin 2022, M. [V] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 20 janvier 2023, M. [V] demande à la cour de :

confirmer le jugement en ce qu'il a :

- condamné Energy Dynamics à lui verser 70 euros à titre de remboursement des chaussures de sécurité et du chariot,

- condamné Energy Dynamics à lui verser une somme au titre du rappel de salaire sur le mois de décembre 2018,

- condamné Energy Dynamics à lui verser une somme au titre de l'indemnité de licenciement,

- condamné Energy Dynamics à lui verser 1 600 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 160 euros au titre des congés payés y afférents,

- condamné Energy Dynamics à lui verser 929,90 euros au titre du rappel de salaire sur mise à pied,

- ordonné la remise des documents de fin de contrat conformes au jugement,

- condamné Energy Dynamics aux dépens et à lui verser 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

infirmer le jugement en ce qu'il a :

- requalifié le licenciement pour faute grave de M. [V] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- fixé le montant du remboursement de frais à 79 euros,

- fixé le montant du rappel de salaire sur le mois de décembre 2018 à 362,22 euros (à réformer par une rectification matérielle),

- fixé le montant de l'indemnité de licenciement à 585 euros,

- débouté M. [V] du surplus de ses demandes,

réformer le jugement et, statuant de nouveau : à titre de mesure avant-dire droit, ordonner à la Sas Energy Dynamics de communiquer pour M. [V] des relevés horaires de son système de géolocalisation du mois d'octobre 2017 à janvier 2019,

le tout sous astreinte de 150 euros par jour de retard dans le délai de quinze jours suivant notification de l'ordonnance à intervenir, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte ordonnée,

- à titre principal, déclarer le licenciement de M. [V] nul, et à titre subsidiaire, dénué de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société au paiement des sommes suivantes en lien avec la rupture du contrat de travail :

* 15 000 euros au titre des dommages et intérêts réparant le licenciement nul, et à titre subsidiaire le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement,

* 929,90 euros à titre de rappel de salaires pour décembre 2018 et janvier 2019,

* 3 000 euros nets au titre des dommages et intérêts réparant le caractère vexatoire de la procédure disciplinaire,

* 665 euros d'indemnité de licenciement,

* 1 600 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (1 mois),

* 160 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

et aux sommes suivantes en lien avec l'exécution du contrat de travail :

* 119 euros au titre des frais professionnels de stationnement et de recharge de véhicule,

* 410 euros au titre des retenues sur salaire indues liées à des amendes imputables à l'employeur,

* 70 euros au titre des frais professionnels exposés pour l'achat d'équipements nécessaires à l'exécution de ses fonctions,

* 369,22 euros au titre des absences pour maladie indûment retenus sur son salaire,

* 600 euros au titre de primes exceptionnelles,

* 1 000 euros à titre de dommages et intérêts réparant le préjudice de perte de jouissance des sommes non-perçues,

* 1 000 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires,

* 5 000 euros pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,

- rejeter l'intégralité des demandes de la société Energy Dynamics y compris celles formées au titre de son appel incident,

- ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- condamner la société au paiement de la somme de 4 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Energy Dynamics aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 31 janvier 2023, la société Energy Dynamics demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

- requalifié le licenciement pour faute grave de M. [V] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- l'a condamnée à verser à M. [V] 70 euros à titre de remboursement des chaussures de sécurité et du chariot,

- l'a condamnée à verser à M. [V] 362,22 euros bruts au titre du rappel de salaire sur le mois de décembre 2018,

- l'a condamnée à verser à M. [V] 585 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- l'a condamnée à verser à M. [V] 1 600 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- l'a condamnée à verser à M. [V] 160 euros au titre des congés payés y afférents,

- l'a condamnée à verser à M. [V] 929,90 euros au titre de rappel de salaire sur mise à pied,

- ordonné la remise des documents de fin de contrat conformes au jugement,

- l'a condamnée à verser à M. [V] 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée aux entiers dépens,

- et statuant à nouveau :

- donner acte à M. [V] du fait qu'une fois compensation faite des créances certaines, liquides et exigibles dont les parties sont réciproquement titulaires l'une envers l'autre à la date de la clôture des débats 79 euros uniquement lui restent dus par la société Energy Dynamics à titre de remboursement de frais,

- débouter M. [V] du surplus de ses prétentions,

- à titre subsidiaire, limiter l'indemnisation de M. [V] au plancher prévu à l'article L.1235-3- 1 du code du travail,

- limiter le cas échéant l'indemnisation de M. [V] au plancher prévu à l'article L. 1235-3 du code du travail,

- limiter à 585 euros toute condamnation portant sur le paiement de l'indemnité de licenciement,

- débouter M. [V] du surplus de ses demandes,

- en tout état de cause, condamner M. [V] au paiement de 4 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [V] aux entiers dépens de l'instance.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de l'instruction est intervenue le 16 janvier 2024.

MOTIVATION

Sur la demande de communication de relevés horaires

Le salarié sollicite la communication, sous astreinte, de relevés horaires issus du système de géolocalisation du mois d'octobre 2017 à janvier 2019, afin de mettre le dossier en état d'être jugé au titre de la demande en paiement d'heures supplémentaires. Il indique que l'employeur refuse de contribuer loyalement à l'administration de la preuve alors que cette preuve réside entre ses seules mains et qu'il est en capacité de la fournir.

L'employeur fait valoir que le salarié cherche à contourner le régime probatoire en matière d'heures supplémentaires en tentant de le forcer à produire les éléments qu'il semble incapable d'apporter lui-même. Il soutient que le juge dispose des informations nécessaires pour statuer. Il rappelle qu'ordonner la communication de pièces n'est pas une mesure d'instruction. Il ajoute qu'il ne pourrait produire de tels éléments, les règles en matière de géolocalisation lui imposant de procéder à la destruction des données passé un délai de deux mois.

En l'espèce, la production de relevés horaires issus de la géolocalisation sous astreinte par l'employeur est impossible du fait de l'obligation pour ce dernier de procéder à la destruction des données issues de la géolocalisation passé un délai de deux mois. Par conséquent, il y a lieu de débouter M. [V] de sa demande à ce titre.

Sur la validité du licenciement

Le salarié sollicite des dommages et intérêts pour licenciement nul au motif qu'il s'agit d'une sanction de sa liberté d'expression.

L'employeur conclut au débouté de la demande.

Aux termes de l'article L. 1121-1 du code du travail, "nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché".

L'exercice de cette liberté ne peut justifier une sanction disciplinaire que s'il est établi qu'il a dégénéré en abus par l'emploi de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige est libellée comme suit :

« Le 7 décembre 2018, vous avez répondu à un mail d'information de départ d'une collaboratrice de l'entreprise en tenant des propos dénigrants pour l'entreprise :

« Je pense que tu as fait un bon choix, lâche pas les études de ton coté vas-y jusqu'au bout.

Par la suite n'hésite surtout pas à postuler dans des grandes entreprises de valeurs et perds pas ton temps dans les entreprises de sous-traitance.

Bonne continuation inchaAllah ''

Nous ne pouvons accepter votre attitude et le dénigrement de l'entreprise qui y est fait par le biais d'un mail envoyé à environ 90 collaborateurs de l'entreprise depuis votre messagerie professionnelle.

Par conséquent, nous vous informons qu'à l'issue du délai de réflexion qui nous était imparti, et après avoir procédé à un nouvel examen des faits qui vous sont reprochés, nous avons pris la décision de vous licencier.

Ces faits sont inacceptables ne nous laissent d'autres choix que de prononcer votre licenciement.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, la poursuite de votre contrat de travail est impossible, même pendant la durée limitée du préavis. »

En l'espèce, dans le contexte où une salariée Mme [Y] [O] a envoyé un message de départ à plusieurs dizaines de salariés de l'entreprise, M. [V] lui a envoyé une réponse ainsi qu'aux autres destinataires de la liste, plusieurs dizaines de personne, donnant ainsi une dimension publique à ses propos au sein de l'entreprise.

Dans son message, le salarié incite Mme [Y] [O] à se faire embaucher directement dans les entreprises pour lesquelles Energy Dynamics travaille, concluant, en utilisant des propos excessifs et déplacés, que travailler dans une entreprise de sous-traitance comme Energy Dynamics est une perte de temps. Le salarié a ainsi fait preuve d'abus dans l'usage de sa liberté d'expression.

Par conséquent, M. [V] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour nullité du licenciement, l'exercice de la liberté d'expression du salarié qui a dégénéré en abus, pouvant justifier une sanction disciplinaire de l'employeur. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences

Le salarié soutient que son comportement justifiait au plus un avertissement mais pas un licenciement. Il indique qu'il est particulièrement performant, qu'il n'a jamais fait l'objet de la moindre sanction. Il ajoute que l'employeur ne démontre pas une faute grave, ayant en outre tardé à mettre à pied le salarié.

L'employeur relève que le salarié a lui-même admis que son attitude justifiait une sanction, ce qui constitue un aveu judiciaire. Il fait valoir que le salarié a été licencié pour des propos tenus qui étaient excessifs, déplacés et tenus publiquement et aucunement en raison de son travail et que la procédure a été engagée dans le délai de deux mois permettant de sanctionner les faits fautifs, de sorte que sa réaction n'est pas tardive.

Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, 'tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.

Il est motivé par une cause réelle et sérieuse'.

Il résulte des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et implique son éviction immédiate.

La preuve de la faute grave incombe à l'employeur.

En l'espèce, il ressort des développements qui précèdent et des éléments portés à l'appréciation de la cour que le salarié a fait l'objet d'un licenciement pour des propos écrits qui étaient excessifs, déplacés et tenus publiquement.

Cependant, l'employeur, qui a mis plus d'un mois pour engager la procédure de licenciement, ne démontre pas que ces propos tenus impliquaient l'éviction immédiate du salarié, lequel ne présentait pas de passif disciplinaire, de sorte que le licenciement doit être considéré comme fondé non sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le salarié doit donc être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Il sera alloué au salarié une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 1 600 euros correspondant à un mois de salaire, outre 160 euros au titre des congés payés afférents, ces quanta n'étant pas contestés par la sociéte intimée.

Sur l'indemnité légale de licenciement

Le salarié a également droit à une indemnité légale d'un montant de 663 euros correspondant à 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté, la période du préavis devant être incluse dans la période à retenir au titre de l'ancienneté.

Sur le rappel de salaire pendant la mise à pied

En l'absence de faute grave, la mise à pied n'était pas justifiée. Le salarié a droit au rappel de salaire d'un montant de 929,9 euros.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [V] était fondé sur une cause réelle et sérieuse et a condamné la société Energy Dynamics à régler ces sommes à M. [V], sauf en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité légale de licenciement à 585 euros, la société Energy Dynamics devant être condamnée à payer à M. [V] une somme de 663 euros à ce titre.

Sur le caractère brutal et vexatoire de la rupture

Le salarié considère qu'il a fait l'objet d'une procédure disciplinaire infondée et disproportionnée, l'employeur utilisant un prétexte fallacieux pour le licencier de manière vexatoire et brutale, pour des motifs en réalité arbitraires et discriminatoires.

L'employeur fait valoir que le salarié n'explique pas en quoi son licenciement serait vexatoire dans la conduite de la procédure et le prononcé de la mesure.

En l'espèce, il ne ressort pas des circonstances de la rupture du contrat de travail de M. [V] que celles-ci revêtent un caractère vexatoire, les demandes au titre de la nullité de la rupture et du bien-fondé de la rupture faisant déjà l'objet de demandes distinctes, le fait que la faute grave ne soit pas caractérisée et que la mise à pied soit injustifiée n'établissant pas le caractère vexatoire des circonstances de la rupture.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande à ce titre.

Sur les frais professionnels de stationnement et de recharge de véhicule

Le salarié sollicite la somme de 119 euros au titre des frais professionnels de stationnement à hauteur de 30 euros en novembre et décembre 2017, à hauteur de 33,28 euros au second semestre 2018 et de recharge de véhicule à hauteur de 55,47 euros.

L'employeur conclut au rejet. Il fait valoir que les frais ne sont pas justifiés, ni leur caractère professionnel. Il ajoute que chaque mois le salarié percevait la somme de 30 euros net à titre d'indemnité forfaitaire de frais professionnels et que son contrat de travail prévoyait un abattement de 10% de sa rémunération brute au titre de ses frais professionnels.

En l'espèce, le salarié ayant perçu une indemnité pour frais professionnels supérieure aux frais engagés, doit être débouté de sa demande à ce titre. Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur les retenues sur salaire liées à des amendes

Le salarié sollicite la somme de 410 euros au titre des retenues sur salaire indues liées à des amendes imputables à l'employeur.

L'employeur reconnaît devoir une somme de 79 euros à ce titre. Il sollicite la compensation entre les 410 euros réclamés et la créance de 331 euros pour frais professionnels versée, après déduction des 119 euros demandés au titre des frais de stationnement.

Aux termes de l'article 1347 du code civil, 'la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes.

Elle s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies.'

L'employeur admet être débiteur d'une créance de 410 euros suite à l'imputation d'amendes retenues sur le salaire du salarié.

Il sera fait droit à sa demande de compensation avec la créance versée au salarié à hauteur de 331 euros après déduction des 119 euros demandés au titre des frais de stationnement, les conditions de celle-ci étant réunies.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Energy Dynamics à payer à M. [V] la somme de 79 euros au titre du solde de frais mis à la charge du salarié.

Sur les frais professionnels pour l'achat d'équipements

Le salarié déclare avoir acheté des chaussures de sécurité à hauteur de 40 euros ainsi qu'un chariot pour le transport des compteurs à hauteur de 30 euros. Il justifie de demandes de remboursement auprès de l'employeur, et précise dans son courriel du 15 novembre 2018 que les justificatifs ont déjà été donnés à [K] [M].

L'employeur conteste la demande, le salarié ne produisant pas de justificatifs des achats allégués d'une part, ne démontrant pas qu'il a remis ces équipements entre les mains de son employeur d'autre part.

En l'espèce, le salarié justifie d'une demande de remboursement auprès de son employeur, celui-ci ayant reçu les justificatifs, au titre d'équipements utiles à l'exercice de sa mission. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Energy Dynamics à régler à M. [V] la somme de 70 euros au titre d'équipements achetés.

Sur les retenues pour absences pour maladie

Le salarié sollicite la somme de 369,22 euros au titre d'absences pour maladie indûment retenues sur son salaire selon lui alors qu'il était en arrêt de travail du 15 au 24 décembre 2018.

L'employeur fait valoir que le salarié n'a pas informé l'employeur de son arrêt de travail pour maladie, que l'arrêt produit fait l'objet de réinscription de manière dactylographiée mettant en doute leur authenticité, que les absences ont été traitées en absences injustifiées.

Au vu de l'arrêt de travail pour maladie produit par le salarié pour la période du 15 au 24 décembre 2018, l'employeur a indûment déduit des absences non justifiées. Le jugement doit être infirmé quant au quantum fixé en ce qu'il a condamné la société Energy Dynamics à payer à M. [V] la somme de 362,22 euros au titre d'absences injustifiées, le montant étant fixé à 369,22 euros.

Sur les primes exceptionnelles

Le salarié sollicite la somme de 600 euros au titre de rappel de primes exceptionnelles. Il soutient que son contrat de travail prévoit le versement d'une rémunération variable, sans expliquer son calcul, et que celle-ci ne lui a pas été versée en totalité à compter d'août 2018.

L'employeur conclut au rejet de la demande. Il fait valoir que la prime due a été versée au salarié, et que la faiblesse des montants perçus à compter d'août 2018 s'explique par les faibles performances du salarié.

Le contrat de travail du salarié prévoit une rémunération variable sous réserve du respect de cinq conditions, notamment du respect du quota journalier de pose de 10 compteurs par jour.

Or, comme l'ont justement relevé les premiers juges, à compter de la période litigieuse à partir d'août 2018, le salarié n'a pas atteint l'objectif de pose de 10 compteurs par jour et l'employeur justifie s'être acquitté des sommes dues au titre de la rémunération variable.

Par conséquent, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande de rappel à ce titre, le salarié ayant été rempli de ses droits au titre de la rémunération variable.

Sur le préjudice de perte de jouissance

Le salarié sollicite la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de perte de jouissance des sommes non-perçues en temps utile.

L'employeur conclut au débouté de la demande, faisant valoir qu'en cas de condamnation, l'intérêt légal est de nature à indemniser le salarié du temps écoulé entre la date d'exigibilité et la date de paiement.

En l'espèce, le salarié ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct du retard déjà indemnisé par l'allocation d'intérêts. Le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande à ce titre.

Sur les heures supplémentaires

En application notamment de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, le salarié indique qu'il a effectué de nombreuses heures supplémentaires au-delà des 35 heures hebdomadaires de son contrat de travail, notamment les journées des samedis 7 avril et 16 juin 2018, ainsi que pour obtenir l'objectif de 10 compteurs posés par jour travaillé.

Il précise avoir demandé des explications à l'employeur, lequel dispose des relevés horaires issus de son système de géolocalisation pour la période d'octobre 2017 à janvier 2019.

Il sollicite le paiement de la somme de 1 000 euros sur la période considérée au titre des heures supplémentaires qu'il considère avoir accomplies et qui ne lui ont pas été payées.

Au vu de ces éléments, le salarié ne présente pas d'éléments suffisamment précis à l'appui de sa demande au titre d'heures supplémentaires, à défaut notamment, de présentation d'un volume d'heures supplémentaires non rémunérées qu'il considère avoir accomplies. Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande à ce titre.

Sur l'obligation de sécurité

Le salarié indique qu'il a alerté son employeur sur des manquements que les salariés étaient contraints de commettre sur le terrain pour pouvoir satisfaire aux conditions d'octroi de primes et à la productivité attendue. Il ajoute avoir dénoncé une mise en danger des salariés en raison de matériel manquant ou vétuste. Il précise avoir subi des problèmes de santé, avoir fait l'objet de préconisations du médecin du travail et avoir demandé à changer de poste, mais qu'après une activité de démarchage quelques temps, son employeur l'a replacé sur un poste de poseur de compteurs sans avis du médecin du travail et sans aménagement de poste.

L'employeur soutient que le salarié ne l'a pas alerté de manquements aux obligations de sécurité. Il note que le salarié était parfaitement formé et conscient des enjeux de sécurité, qu'il n'a pas été exposé à un risque pour sa sécurité. L'employeur fait valoir qu'il n'a pas reçu de directive ou de préconisations particulières de la part de la médecine du travail, qu'aucun élément ne permet d'établir qu'il aurait imposé au salarié des mauvaises postures ou le port de charges trop lourdes. Il conclut qu'il n'a pas commis de manquement à son obligation de sécurité et qu'aucun élément ne permet d'imputer l'état de santé du salarié à un quelconque manquement de sa part.

L'employeur est tenu d'une obligation de sécurité envers ses salariés en application de l'article L. 4121-1 du code du travail qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs. Ne méconnaît cependant pas son obligation légale l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Le salarié produit un courriel du 13 juin 2018 informant son employeur de douleurs au dos, d'une prescription du médecin pour arrêter les mauvaises postures et le port de charges lourdes, demandant à changer de poste, avec en pièces jointes un justificatif du médecin, l'employeur lui ayant proposé de travailler sur un poste de démarchage dès le lendemain.

Le salarié verse aux débats un courriel du 28 juillet 2018 informant son employeur que son problème de dos s'arrange et qu'il sera capable de poser des compteurs à nouveau à partir du mois d'août, pour environ 5 poses, en continuant également son poste de démarchage actuel.

Ainsi, en août 2018, l'employeur a demandé au salarié de reprendre son poste de poseur de compteur, conformément aux informations délivrées par le salarié lui-même.

En l'absence de préconisations du médecin du travail, l'employeur n'avait pas d'obligation d'adapter le poste du salarié, et il ne peut lui être tenu rigueur d'avoir demandé au salarié de reprendre son poste après avoir temporairement pris des mesures, en le plaçant sur un autre poste en raison de problèmes de dos signalés, alors qu'il a eu des nouvelles rassurantes du salarié lui-même.

Le salarié produit une lettre du docteur [H] [N], médecin du travail, à l'attention du médecin traitant du 18 décembre 2018, l'informant d'une aggravation de son état de santé dermatologique et concluant à la prolongation de son arrêt de travail. Toutefois, cette information du médecin du travail, qui n'était pas adressée à l'employeur, est postérieure à l'arrêt de travail pour maladie du salarié. Il ne saurait être retenu de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, alors que ce dernier n'a pas été alerté d'un problème dermatologique par le salarié avant son arrêt de travail et n'a pas reçu de préconisations du médecin du travail quant au poste du salarié à ce titre.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement qui a débouté M. [V] de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement, en l'absence de manquement caractérisé de l'employeur à son obligation de sécurité.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

La capitalisation des intérêts échus sur une année entière sera ordonnée.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Energy Dynamics succombant à la présente instance, supportera les dépens d'appel. Elle devra également régler à M. [V] une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Energy Dynamics.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a :

- condamné la société Energy Dynamics à verser à M. [R] [V] les sommes suivantes:

585 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

362,22 euros à titre de rappel de salaire en décembre 2018,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la société Energy Dynamics à payer à M. [R] [V] les sommes suivantes:

663 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

369,22 euros au titre des absences pour maladie indûment retenues sur salaire,

Dit que les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Déboute M. [R] [V] de sa demande de communication des relevés horaires issus de la géolocalisation d'octobre 2017 à janvier 2019,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus sur une année entière,

Condamne la société Energy Dynamics aux dépens d'appel,

Condamne la société Energy Dynamics à payer à M. [R] [V] une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Energy Dynamics,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-5
Numéro d'arrêt : 22/01908
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;22.01908 ?
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