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14/03/2024 | FRANCE | N°22/01837

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-5, 14 mars 2024, 22/01837


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 MARS 2024



N° RG 22/01837

N° Portalis DBV3-V-B7G-VH72



AFFAIRE :



[R] [X]





C/

S.A.S. RAVE [Localité 12]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Mai 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de CERGY PONTOISE

N° Section : E

N° RG : 20/00304>


Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELARL LBBA



la AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'ap...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 MARS 2024

N° RG 22/01837

N° Portalis DBV3-V-B7G-VH72

AFFAIRE :

[R] [X]

C/

S.A.S. RAVE [Localité 12]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Mai 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de CERGY PONTOISE

N° Section : E

N° RG : 20/00304

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL LBBA

la AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [R] [X]

né le 12 Janvier 1974 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Mikaël KLEIN de la SELARL LBBA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0469 - Substitué par Me Justine CANDAT, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

S.A.S. RAVE [Localité 12]

N° SIRET : 844 68 8 3 41

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731

Représentant : Me Eric ANDRES de la SELARL ANDRES & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 769

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Janvier 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,

EXPOSE DU LITIGE

M. [R] [X] a été engagé par la société Rave Distribution suivant un contrat à durée indéterminée à compter du 2 janvier 2013 en qualité d'ingénieur commercial.

Suivant avenant du 1er décembre 2015, son contrat de travail a été transféré à la société Rave croissance. Il a été promu responsable commercial régional.

Suivant avenant du 1er avril 2018, son contrat de travail a été transféré à la société Rave distribution.

Son contrat de travail s'est poursuivi au sein de la société Rave [Localité 12] à compter du 1er mars 2019.

En dernier lieu, il exerçait les fonctions de responsable commercial régional.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

Le salarié a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie du 20 mai 2020 au 19 juin 2020.

Par courrier du 20 mai 2020, le salarié a été convoqué à un entretien fixé le 3 juin 2020 et mis à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 8 juin 2020, l'employeur a licencié le salarié pour faute grave.

Contestant son licenciement, le 6 octobre 2020, M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise afin d'obtenir la condamnation de la société Rave [Localité 12] au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 12 mai 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- condamné la SAS Rave [Localité 12] à verser à M. [X] les sommes suivantes :

* 3 699,99 euros bruts au titre de rappel sur prime de bilan 2019,

* 369,99 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 8 753,84 euros bruts au titre du rappel sur prime de bilan 2020,

* 875,38 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- ordonné la délivrance d'un bulletin de paie récapitulatif conforme à cette condamnation,

- débouté M. [X] du surplus de ses demandes,

- condamné M. [X] à verser à la SAS Rave [Localité 12] la somme de 6 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de confidentialité,

- débouté la SAS Rave [Localité 12] du surplus de ses demandes,

- rappelé que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation par la partie défenderesse en ce qui concerne les créances salariales et à compter du jugement en ce qui concerne les créances indemnitaires,

- rappelé l'exécution provisoire de droit du présent jugement en application des dispositions de l'article R. 1451-28 du code du travail, la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [X] étant fixée à 4 668,58 euros bruts,

- mis les éventuels dépens de l'instance à la charge de la société Rave [Localité 12].

Le 10 juin 2022, M. [R] [X] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 16 janvier 2024, M. [X] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Rave [Localité 12] à lui verser les sommes de 8 753,84 euros bruts au titre du rappel sur prime de bilan 2020, outre 875,38 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

- infirmer le jugement en ce qu'il a limité la condamnation de la société Rave [Localité 12] à lui verser aux sommes de 3 699,99 euros bruts au titre du rappel sur prime de bilan 2019, outre 369,99 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté du surplus de ses demandes,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à verser à la société Rave [Localité 12] la somme de 6 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de confidentialité,

- statuant à nouveau:

- à titre principal, juger que son licenciement est nul,

- condamner la société Rave [Localité 12] à lui verser la somme de 52 523,04 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- à titre subsidiaire, juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, condamner la société Rave [Localité 12] à lui verser la somme de 37 348,64 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en tout état de cause, condamner la société Rave [Localité 12] à lui verser la somme de 3 225,08 euros bruts à titre de rappel de prime de bilan 2018, outre 322,51 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- condamner la société Rave [Localité 12] à lui verser la somme de 5 139,89 euros bruts à titre de rappel de prime de bilan 2019, outre 513,99 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- condamner la société Rave [Localité 12] à lui verser la somme de 14 348,04 euros bruts à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- condamner la société Rave [Localité 12] à lui verser la somme de 14 005,74 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1400,57 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- condamner la société Rave [Localité 12] à lui verser la somme de 816,18 euros bruts à titre de complément de salaire pour maladie pour la période du 20 mai au 8 juin 2020,

- condamner la société Rave [Localité 12] à lui verser la somme de 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la dégradation des relations de travail,

- débouter la société Rave [Localité 12] de sa demande reconventionnelle de le voir condamné à lui verser la somme de 10 000 euros au titre des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de confidentialité et de discrétion,

- débouter la société Rave [Localité 12] de sa demande reconventionnelle de le voir condamné à lui verser la somme de 50 000 euros au titre des dommages et intérêts pour concurrence déloyale,

- dire que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter du dépôt de la requête de saisine du conseil de prud'hommes pour les demandes afférentes aux rappels de salaire, indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement et intéressement et à compter de la date de la décision de la cour d'appel pour les demandes indemnitaires,

- ordonner la remise de bulletins de paie et documents de fin de contrat conformes à la décision,

- condamner la société Rave [Localité 12] à lui verser la somme de 5 000 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Rave [Localité 12] aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 11 janvier 2024, la société Rave [Localité 12] demande à la cour de :

- écarter des débats la pièce numérotée 18 de M. [X],

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [X] de ses demandes suivantes :

* 14 348,04 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 14 005,74 euros bruts au titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 400,57 euros bruts de congés payés afférents,

* 37 348,64 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5 000 euros à titre d'indemnité en réparation du préjudice moral du fait de la dégradation des relations de travail,

* 3 225,08 euros bruts à titre de rappel de prime de bilan 2018, outre 322,50 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

* 5 139,89 euros bruts à titre de rappel de prime de bilan 2019, outre 513,99 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [X] :

* 3 699,99 euros bruts au titre du rappel sur prime de bilan 2019, outre 369,99 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 8 753,84 euros bruts au titre du rappel sur prime de bilan 2020, outre 875,38 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* limité et fixé en ce qui concerne le quantum à la somme de 6 000 euros nets les dommages et intérêts pour violation de l'obligation de confidentialité,

- l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale à hauteur de 50 000 euros,

- et statuant à nouveau:

- déclarer irrecevables ses demandes au titre des primes de bilan pour les années 2018 et 2019 pour défaut d'intérêt à agir,

- débouter M. [X] de ses demandes de primes de bilan,

- dire le licenciement pour faute grave justifié et bien fondé, débouter M. [X] de sa demande en nullité du licenciement,

- débouter M. [X] de l'intégralité de ses demandes,

- à titre reconventionnel, condamner M. [X] à lui payer les sommes de :

* 10 000 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de confidentialité et de discrétion,

* 50 000 euros de dommages et intérêts pour concurrence déloyale,

- condamner M. [X] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront le coût du constat d'huissier en date du 22 février 2021.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de l'instruction est intervenue le 16 janvier 2024.

MOTIVATION

Sur la demande de voir écarter des débats la pièce 18 du salarié

L'employeur demande à la cour d'écarter des débats la pièce numérotée 18 produite par le salarié. Il soutient que cet enregistrement obtenu sans le consentement de son auteur, constitue un délit aux droits de M. [H] et qu'il est contraire au droit et au respect de la vie privée. Il fait valoir qu'il n'existe aucune proportionnalité au but poursuivi, d'une part, que cette pièce n'est pas indispensable à la défense du salarié, d'autre part.

Le salarié conclut à la recevabilité de la pièce. Il expose qu'il convient de mettre en balance des droits antinomiques en présence, qu'il n'est pas démontré que l'utilisation de ce moyen de preuve porterait atteinte au caractère équitable de la procédure, que ce procès-verbal est indispensable à l'exercice du droit à la preuve du salarié, que l'atteinte à la vie personnelle de M. [H] est strictement proportionnée au but poursuivi, à savoir, la démonstration du caractère infondé du licenciement.

La pièce numérotée 18 produite par le salarié est constituée d'un procès-verbal d'huissier retranscrivant l'enregistrement d'une conversation téléphonique entre deux tiers M. [H], directeur général de la société et M. [P], responsable d'agence de la société.

Cette communication d'éléments, portant atteinte à la vie personnelle de tiers, n'est pas indispensable à l'exercice du droit à la preuve par le salarié, lequel fonde la motivation à titre principal sur la nullité du licenciement en partie sur l'exercice non excessif par le salarié de sa liberté d'expression, ni à titre subsidiaire, sur le caractère infondé du licenciement disciplinaire.

Elle doit, par conséquent, être écartée des débats.

Sur la recevabilité de la demande de prime de bilan 2018

L'employeur soulève l'irrecevabilité de la demande de prime de bilan versée en 2018 pour l'exercice 2017 pour défaut d'intérêt à agir à l'encontre de la société Rave [Localité 12], le salarié ayant intégré cette société le 1er mars 2019, l'ensemble des obligations qui incombaient à l'ancien employeur n'étant pas transmises au nouvel employeur.

Le salarié précise avoir fait l'objet de transferts sans discontinuité entre les différentes sociétés du groupe, en application volontaire de l'article L. 1224-1 du code du travail, la société Rave [Localité 12] entendant reprendre à son compte les obligations incombant à la société Rave distribution, de même que la société Rave distribution avait entendu reprendre à son compte les obligations contractuelles incombant à la société Rave croissance conformément aux dispositions de l'article L. 1224-2 du code du travail.

En l'espèce, le salarié faisait partie de la société Rave croissance pendant l'année 2017, jusqu'à conclusion d'un avenant du 1er avril 2018 avec la société Rave distribution dans le cadre d'une mutation intra-groupe, l'avenant n'ayant pas prévu de prise en charge des obligations antérieures par la société Rave distribution.

Les dispositions des articles L. 1224-1 et L. 1224-2 du code du travail n'ont pas vocation à s'appliquer dans le cadre d'une mutation intra-groupe, la situation juridique de l'ancien employeur n'ayant pas été modifiée.

Par conséquent, la demande de prime de bilan versée en 2018 pour l'exercice 2017 formée par M. [X] à l'encontre de la société [Localité 12] qu'il a intégré postérieurement au 1er mars 2019 dans le cadre d'une nouvelle mutation intra-groupe est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir, ce dernier n'étant pas son employeur pendant l'exercice 2017 et n'étant pas engagé à reprendre des obligations antérieures de la société Rave croissance qui n'ont pas été reprises par la société Rave distribution. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la recevabilité de la demande de prime de bilan 2019

L'employeur soulève l'irrecevabilité de la demande de prime de bilan versée en 2019 pour l'exercice 2018 pour défaut d'intérêt à agir à l'encontre de la société Rave [Localité 12], le salarié ayant intégré cette société le 1er mars 2019, l'ensemble des obligations qui incombaient à l'ancien employeur n'étant pas transmises au nouvel employeur.

Le salarié précise avoir fait l'objet de transferts sans discontinuité entre les différentes sociétés du groupe, en application volontaire de l'article L. 1224-1 du code du travail, la société Rave [Localité 12] entendant reprendre à son compte les obligations incombant à la société Rave distribution, de même que la société Rave distribution avait entendu reprendre à son compte les obligations contractuelles incombant à la société Rave croissance conformément aux dispositions de l'article L. 1224-2 du code du travail.

En l'espèce, le salarié faisait partie en début d'exercice 2018 de la société Rave croissance jusqu'à conclusion d'un avenant du 1er avril 2018 avec la société Rave distribution dans le cadre d'une mutation intra-groupe, l'avenant n'ayant pas prévu de prise en charge des obligations antérieures par la société Rave distribution.

Les dispositions des articles L. 1224-1 et L. 1224-2 du code du travail n'ont pas vocation à s'appliquer dans le cadre d'une mutation intra-groupe, la situation juridique de l'ancien employeur n'ayant pas été modifiée.

Par conséquent, la demande de prime de bilan versée en 2019 pour l'exercice 2018 formée par M. [X] à l'encontre de la société [Localité 12] qu'il a intégré postérieurement au 1er mars 2019 dans le cadre d'une nouvelle mutation intra-groupe est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir, ce dernier n'étant pas son employeur pendant l'exercice 2018 et n'étant pas engagé à reprendre des obligations antérieures de la société Rave croissance qui n'ont pas été reprises par la société Rave distribution. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur le rappel de prime de bilan 2020

Le salarié sollicite un rappel de prime au titre de l'exercice 2019 de 8 753,84 euros, outre 875,38 euros au titre des congés payés afférents. Il indique qu'aucun objectif ne lui a été fixé et qu'il doit donc percevoir la prime en intégralité.

L'employeur conclut au débouté de la demande. Il fait valoir que le salarié évoque l'existence d'autres commerciaux alors qu'il est l'unique commercial de la société Rave [Localité 12], qu'il ne démontre pas que la prime présente le triple caractère de généralité, constance et fixité, qu'en outre, il n'a pas travaillé pendant toute la période servant d'assiette à la prime de bilan, que l'activité du salarié ne justifie en aucune manière l'attribution de critères quantitatifs et qualitatifs.

Le contrat de travail du salarié prévoit qu'il perçoit une rémunération fixe à laquelle s'ajoute une rémunération variable sur objectifs.

L'avenant du 1er avril 2018 conclu entre la société Rave distribution et M. [X] prévoyait en son article 4 un salaire brut annuel de 49 926,96 euros versée en 12 mois.

'A cette rémunération viendra s'ajouter une prime sur objectifs, dont les critères seront définis annuellement avec le responsable hiérarchique, et dont le montant pourra atteindre 2 mois de rémunération bruts pour une année complète. Cette prime fera l'objet d'une première détermination sur ces critères quantitatifs (60%) et qualitatifs (40%)'.

La lettre du 26 février 2019 informe M. [X] que son contrat de travail 'se poursuivra sans changement au sein de la société Rave [Localité 12] à compter du 1er mars 2019", notamment concernant son niveau de rémunération.

Il s'en déduit que la structure de la rémunération répartie entre une part fixe et une prime sur objectif a été reprise par la société Rave [Localité 12], qu'il était convenu que les objectifs seraient fixés annuellement avec le responsable hiérarchique.

L'employeur n'ayant pas fixé d'objectifs au salarié, il convient de se référer à la prime versée lors de l'exercice antérieur.

Le salarié ayant perçu une prime de 3 500 euros au titre de l'exercice 2018, la société Rave [Localité 12] doit être condamnée à lui verser une somme de 2 916,67 euros calculée prorata temporis au titre de la période salariée au sein de la société Rave [Localité 12] du 1er mars au 31 décembre 2019, outre 291,67 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la validité du licenciement et ses conséquences

Le salarié sollicite des dommages et intérêts pour nullité du licenciement aux motifs que celui-ci a été prononcé en raison de l'exercice de sa liberté d'expression et de la dénonciation d'une discrimination liée au non-paiement de sa prime sur objectif.

L'employeur conclut au débouté de la demande.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est libellée comme suit :

« [...] En tant que responsable commercial de la région Île-de-France, vous êtes chargé d'assurer les relations avec les clients et de développer le chiffre d'affaires du groupe en Île-de-France, constituée des deux établissements de [Localité 6] et [Localité 3], devenus respectivement en mars 2019 Rave [Localité 9] et Rave [Localité 12].

Or depuis plusieurs années, et en particulier au cours de l'année 2019, nous devons constater que vous êtes en grande difficulté dans la conduite de vos missions commerciales de fidélisation et de développement.

La perte de plusieurs clients de [Localité 3] est très préoccupante :

- En 06/2019 ARCELOR MITTAL [Localité 4] (59) 505 k € en rythme annuel

ARCELOR MITTAL [Localité 11] (51) 404 k €

- En 11/2019 SMURFIT [Localité 13] (27) 1 800 k €

- En 01/2019 et 01/2020 [Localité 10] 1 370 k€

Soit globalement en rythme annuel une perte de chiffre d'affaires de 4 120 k€ pour ces clients, avec les conséquences qui y sont associés sur les effectifs qui sont passés de 127 salariés en décembre 2018 à 87 salariés en février 2020.

En parallèle, en 2019, alors que vous êtes en charge du développement commercial vous n'avez enregistré aucun nouveau client, la sous-traitance portant sur un véhicule pour un confrère ne pouvant être compté comme client.

C'est cette situation catastrophique qui a été le c'ur de nos discussions lors de l'entretien annuel d'évaluation, que nous avons conduit le 24 avril 2020 pendant plus de 45 minutes par téléphone en raison de la situation nationale d'urgence sanitaire.

Confronté à cette situation objective, vous avez dès lors adopté une attitude ne me paraissant pas en adéquation avec votre statut de cadre.

En effet, après avoir prétendu que nous avions terminé une conversation téléphonique en date du 19 mars 2020 en vous « raccrochant au nez », ce qui est totalement faux, vous écrivez dans votre courrier recommandé du 18 mai 2020 que la non perception d'une prime de bilan, situation pourtant conforme au résultat que vous présentez, constitue une sanction injuste.

Vous ajoutez que de surcroît vous faites l'objet d'une discrimination malgré, selon vous « un engagement total et sans faille et une parfaite loyauté » !

Enfin, à l'occasion d'un courrier recommandé en date du 18 mai 2020 et d'un mail en date du 20 mai 2020 concentrés de contre-vérités, vous terminez en prétendant subir un traitement injuste dont vous seriez victime et qui vous aurait conduit à consulter un médecin en urgence.

Parfaitement conscient de vos lacunes professionnelles, vous tentez de vous en exonérer en tenant des propos totalement fallacieux et déloyaux à l'égard de votre responsable hiérarchique, en prétendant entre autres, subir un traitement injuste et discriminatoire de nature à mettre en jeu votre santé.

Votre attitude au cours des dernières semaines nous laissant penser que vous utilisiez votre messagerie personnelle, alors que vous étiez en activité partielle et que nous vous avions rappelé que les personnes en activité partielle ne devaient pas avoir d'activité professionnelle, ainsi que le prévoit la loi.

Cette situation et la nécessité d'assurer la continuité des relations avec les clients nous ont conduit à procéder le 19 mai 2020, à une vérification de votre boîte mail professionnelle, conformément à la charte informatique que vous avez signée.

Notre stupeur fut grande de constater que vous avez transmis un certain nombre de messages ou documents professionnels sur votre boîte mail personnelle :

- 9 octobre 2019- Présentation Groupe Rave ' 2018

- 3 janvier 2020 à 18H36 Sujet ; Nouvelles conditions commerciales Rave/Almet 2020

- 5 mars 2020 à 13H30-fichier appel d'offres brioches Pasquier

- 1er avril 2020 à 12H28- contrat LLDAC full service Rave-cercle vert 2016-076-

AC070917,

- 10 avril 2020 à 23H29 -archives de toutes vos données mails depuis plusieurs années

- 14 mai 2020 à 23H 46-sujet : contrat de location de camion avec chauffeur-prospect

Sol France, mail que vous n'avez pas daigné transmettre au responsable d'agence ou à nous-mêmes.

Au cours de l'entretien du 3 juin, vous avez utilisé successivement deux justifications à ces envois:

- Vous avez soutenu que vous aviez besoin d'imprimer des mails professionnels à votre domicile ce qui nécessitait de les envoyer sur votre adresse personnelle. Or le serveur de mail Gmail professionnel permet aux salariés d'accéder à leur messagerie professionnelle depuis n'importe quel terminal fixe ou mobile. Vous n'aviez donc aucun besoin de transférer ce mail sur votre adresse personnelle pour les imprimer.

- Vous aviez indiqué que votre adresse personnelle Victor.Ribeiro@neuf.fr commençait par la même lettre que votre adresse professionnelle VRibeiro@ Ravegroupe.com ce qui avait pu vous faire envoyer des mails par erreur à cette adresse. Cela n'explique pas pourquoi vous auriez eu besoin d'envoyer des mails professionnels à votre propre adresse professionnelle.

Lorsque vous avez été interrogé sur l'envoi sur votre e-mail personnel du projet de contrat envoyé par Sol France, et que vous n'avez pas transmis en interne, vous avez prétendu que vous en aviez besoin pour construire un projet de contrat pour le client Printemps.

Il est pour le moins curieux d'utiliser un modèle client pour un projet de contrat.

Vous avez le 20 mai dernier appelé [C] [P] pour lui dire que vous deviez lui transmettre un mail important de Sol France et aviez des difficultés pour accéder à votre messagerie. Or vous aviez envoyé ce mail le 14 mai sur votre adresse e-mail personnelle sans le lui diffuser, et là encore sans respect des consignes relatives à l'activité partielle.

En ce qui concerne la constitution de l'archive de toutes vos données mails professionnels vous avez là aussi indiqué lors de l'entretien ne pas en avoir souvenir. Vous avez aussi indiqué que vous ne « disposiez actuellement d'aucune sauvegarde de vos mails professionnels ».

Plus grave encore est la transmission le 28 mars 2020 à 13H10 à Monsieur [O] [K] du courrier que nous avons adressé à un client très important, Monsieur [S] d'Almet Métal et reprenant les différents aspects de la conduite du groupe Rave dans la crise sanitaire actuelle.

Lorsque nous vous avons interrogé sur cet envoi au cours de l'entretien du 3 juin vous ne l'avez pas contesté ou justifié, prétendant n'avoir aucun souvenir de cet envoi.

Votre contrat de travail précise très clairement : « Monsieur [R] [X] sera tenu au secret professionnel le plus absolu, et s'engage à ne communiquer à des tiers, aucune indication gestion de l'entreprise, ses relations commerciales, ses méthodes de travail. Monsieur [R] [X] s'interdit expressément de faire des matériels, fichiers et documents qui lui sont confiés par l'employeur pour remplir ses fonctions et attributions, un usage autre que celui autorisé par l'employeur. De même, Monsieur [R] [X] s'interdit de prendre copie des documents ou fichiers qui lui aurait été confiés ou communiqués pour un usage personnel ou tout autre usage non autorisé expressément par l'employeur. Cette obligation trouve également application en ce qui concerne les entreprises du groupe auquel appartient l'employeur ».

Or Monsieur [K], ex directeur régional ouest et votre ex manager, ainsi que Monsieur [E] [B] ex-directeur contrôle de gestion et organisation-méthodes, et Madame [D] [A], contrôleur de gestion ont tous trois quitté le Groupe Rave au cours des derniers mois pour rejoindre Monsieur [L] [T] ex-directeur général et désormais co-dirigeant de la société des transports Ghestem.

En transmettant des éléments commerciaux à Monsieur [K], vous participez activement à des agissements de concurrence déloyale en cours de constitution et auxquels nous nous réservons la possibilité de donner les suites judiciaires qu'ils méritent.

En transmettant des informations professionnelles à la concurrence, vous avez commis une faute d'une particulière gravité au mépris des règles élémentaires de loyauté qui doivent présider aux relations contractuelles.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien, même temporaire dans l'entreprise s'avère impossible ; en conséquence nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave, privative de préavis et d'indemnité de licenciement. [...]»

Sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression. Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l'exercice, par le salarié de sa liberté d'expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.

La lettre de licenciement fait grief au salarié de grande difficulté dans la conduite de ses missions commerciales, d'avoir eu une attitude qui n'est pas en adéquation avec son statut de cadre en tenant des propos fallacieux et déloyaux à l'égard de son responsable hiérarchique, d'avoir transféré des courriels professionnels vers sa messagerie personnelle, d'avoir participé à des agissements de concurrence déloyale.

Sur l'atteinte à la liberté d'expression, la lettre de licenciement fait grief au salarié d'une attitude inadéquate avec son statut de cadre, lui reprochant les propos tenus dans sa lettre recommandée du 18 mai 2020 dans laquelle il se plaint que le directeur général M. [H] lui a 'raccroché au nez' à l'issue d'une conversation téléphonique en date du 19 mars 2020, de la non perception d'une prime de bilan constituant une sanction injuste, de faire l'objet d'une discrimination en dépit d'un engagement total et d'une parfaite loyauté, ainsi que les propos tenus dans sa lettre recommandée du 18 mai 2020 et dans un courriel du 20 mai 2020 comprenant des contre-vérités selon l'employeur, dans lesquels il dénonce subir un traitement injuste ayant nécessité une consultation en urgence. Ainsi, l'employeur fait grief au salarié de tenter de s'exonérer de ses lacunes professionnelles en tenant des propos 'totalement fallacieux et déloyaux à l'égard de [son] responsable hiérarchique'.

Or, l'analyse des termes de la lettre recommandée du 18 mai 2020 adressée par le salarié au directeur général de la société révèle des protestations et reproches du salarié. Le salarié proteste principalement contre l'absence de paiement de sa prime sur objectifs pour l'exercice 2019, d'un paiement partiel de cette prime pour l'exercice 2018 et de l'absence de fixation d'objectifs depuis le début de son contrat de travail et en déduit qu'il fait l'objet d'un traitement injuste et discriminatoire et d'une différence de traitement avec d'autres collègues. Il déplore une défiance manifestée à son égard depuis le départ de ses anciens directeurs et un mépris lors de la conversation téléphonique où le directeur lui aurait raccroché au nez en lui annonçant l'absence de versement de son salaire, les propos tenus à l'égard de l'employeur, indépendamment de leur bien-fondé, ne sont pas injurieux ou diffamatoires et ne revêtent pas de caractère excessif.

De même, il ressort du courriel du 20 mai 2020 adressé par le salarié au directeur général de la société dans le prolongement de son courrier recommandé du 18 mai 2020 que celui-ci contient plusieurs reproches du salarié à l'attention de son employeur formulés dans des termes qui ne sont ni injurieux, ni diffamatoires, ni excessifs, le salarié déclarant que ses clients ont été contactés sans qu'il en soit informé, qu'il ne s'est pas vu annoncer la reprise du travail le 2 juin suivant contrairement à ses collègues, que le code d'accès à sa messagerie professionnelle a été modifié et se plaignant du traitement qui lui est réservé.

Par conséquent, le licenciement prononcé en partie, en raison de l'exercice, par le salarié de sa liberté d'expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.

S'agissant de la grande difficulté du salarié à conduire ses missions commerciales, l'employeur fait grief au salarié d'avoir perdu plusieurs clients et le chiffre d'affaires correspondant : Arcelor Mittal [Localité 4], Arcelor Mittal [Localité 11], Smurfit [Localité 13] et [Localité 10] en 2019 et de n'avoir enregistré aucun nouveau client en 2019. Cependant, l'employeur ne démontre pas que la grande difficulté évoquée procède d'une abstention volontaire, d'une négligence ou d'une mauvaise volonté délibérée de la part du salarié. Elle ne saurait donc constituer une faute disciplinaire. Ce grief doit donc être écarté.

S'agissant du transfert de courriels professionnels vers sa messagerie personnelle par le salarié, l'employeur produit six messages contenant des informations commerciales sensibles transférées sur sa boîte courriel personnelle entre le 9 octobre 2019 et le 14 mai 2020 contrairement aux stipulations de son contrat de travail lui interdisant de faire un usage des documents confiés par l'employeur autre que celui autorisé par l'employeur, lui interdisant de prendre copie de documents pour un usage personnel ou pour tout autre usage non autorisé expressément et de la charte informatique lui interdisant de sortir des données du système d'information de la société, notamment le transfert de fichiers. Le salarié invoque une pratique tolérée afin de pouvoir travailler chez lui ou à distance notamment sur une tablette personnelle, sans en justifier et alors qu'il disposait d'un ordinateur portable lui permettant de se connecter au réseau informatique de l'entreprise. Il soutient qu'il était autorisé à faire des copies et des sauvegardes mais le transfert de fichiers de l'entreprise était bien proscrit par la charte informatique. Il indique qu'il souhaitait archiver des informations pour assurer sa défense toutefois le transfert de fichiers était totalement proscrit et n'était pas nécessaire à la défense du salarié s'agissant essentiellement d'informations commerciales sensibles. Ce grief est donc établi.

S'agissant de la participation à des agissements de concurrence déloyale, l'employeur produit la transmission le 28 mars 2020 à 13h10 à M. [K] d'un message adressé à un client M. [S] d'Almet Metal, M. [K] étant l'ancien supérieur hiérarchique du salarié ayant quitté le groupe au cours des derniers mois, ce message comprenant une pièce jointe en format 'pdf' relative à la conduite du groupe Rave pendant la crise actuelle. Toutefois, cette pièce jointe n'est pas versée aux débats de sorte que l'employeur ne démontre pas qu'elle comprenait effectivement des informations sensibles. Ce grief doit être écarté, faute d'être caractérisé.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul

En application des dispositions de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, le salarié qui ne demande pas sa réintégration a droit à une indemnité pour licenciement nul, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Le salarié justifie d'une inscription à Pôle emploi avec des droits à allocation ouverts au 18 juillet 2020, avant de retrouver un emploi au sein de la société Ghestem Cargo dans la région [Localité 7] à [Localité 5] à compter du 21 septembre 2020, moins bien rémunéré à hauteur de 4 160,69 euros par mois, outre prime sur objectifs.

Il sera tenu compte du seul grief établi relatif au transfert de courriels professionnels vers sa messagerie personnelle par le salarié.

Le salarié sollicite un revenu moyen de référence de 4 668,58 euros calculé sur les douze derniers mois.

L'employeur soutient que le revenu moyen brut s'élève à 4 376,92 euros calculé aussi bien sur les trois derniers mois que les douze derniers mois, ne comprenant pas de rémunération variable.

Il sera retenu le salaire de référence de 4 376,92 euros, le salarié ne justifiant pas du surplus de sa demande.

En application des dispositions des articles L. 1235-3-1 et L. 1235-2-1 du code du travail, il sera alloué à M. [X] une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

En application de l'article 15 de l'accord du 30 octobre 1951 relatif aux ingénieurs et cadre à la convention collective applicable, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis de trois mois, qu'il convient de fixer à la somme de 13 130,76 euros, outre 1 313,07 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

En application de la convention collective applicable, le salarié a droit à une indemnité conventionnelle de licenciement équivalente à 4/10ème de mois de salaire par année d'ancienneté, qu'il convient de fixer à la somme de 12 948,90 euros.

La société Rave [Localité 12] sera condamnée à payer ces sommes à M. [X], le jugement entrepris sera infirmé sur ces points.

Sur le complément de salaire pour maladie pour la période du 20 mai au 8 juin 2020

En vertu de l'article 21 bis de l'annexe 4 de la convention collective applicable, le salarié qui justifie de plus de trois ans d'ancienneté, a droit au bénéfice du maintien de salaire à 100% dès le premier jour de maladie.

Le salarié s'est trouvé placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 20 mai 2020 jusqu'au 19 juin 2020, concomitamment à sa mise à pied conservatoire prononcée par lettre du 20 mai 2020.

L'employeur qui a considéré que le contrat de travail était suspendu en raison de son arrêt de travail pour maladie ne lui a versé qu'une indemnisation maladie à hauteur de 70% sur la période considérée alors qu'il avait droit au maintien de son salaire à 100% dès le premier jour de maladie.

Au surplus, la mise à pied conservatoire étant annulée, l'absence de versement du salaire à ce titre n'était pas justifiée.

Par conséquent, la société Rave [Localité 12] sera condamnée à payer à M. [X] une somme de 816,18 euros à titre de complément de salaire pour la période du 20 mai au 8 juin 2020, la demande étant fondée. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande de complément de salaire.

Sur la dégradation des relations de travail

M. [X] sollicite des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la dégradation des relations de travail, de sa brusque mise à l'écart, de la coupure de ses accès à sa messagerie professionnelle suivie d'un licenciement pour faute grave reposant sur des motifs infondés, suite à la dénonciation de ses conditions de travail. Il indique qu'il a fait l'objet d'un arrêt de travail et d'un traitement médicamenteux.

L'employeur conclut au débouté de la demande. Il fait valoir que le salarié a provoqué un incident alors que dans le même temps il communiquait des informations sensibles à la concurrence, de façon opportuniste, mais que les relations de travail ne se sont pas dégradées. Il soutient qu'en réalité le bilan de l'activité commerciale du salarié laissait apparaître des pertes de chiffre d'affaires importantes.

En l'espèce, le salarié ne démontre pas de manquement de la part de l'employeur distinct de la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement nulle au motif qu'il a fait usage de l'exercice de sa liberté d'expression, dénonçant ses conditions de travail, la mise à pied conservatoire dont il a fait l'objet étant concomitante à la convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciements.

Au surplus, le salarié ne démontre pas l'existence d'un préjudice moral distinct de celui déjà réparé au titre de la nullité du licenciement.

Par conséquent, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur la demande reconventionnelle au titre de l'obligation de confidentialité et de discrétion

L'employeur sollicite des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de confidentialité et de discrétion. Il soutient que le salarié a manqué à son obligation contractuelle de confidentialité et n'a pas respecté la charte informatique de l'entreprise en extrayant du système informatique plusieurs fichiers et en transmettant à un tiers non autorisé M. [K] un fichier sur les relations du groupe avec l'un de ses clients.

Le salarié rappelle que sa responsabilité ne peut être engagée envers son employeur qu'en cas de faute lourde. Il soutient que ces transferts de messages étaient réalisés dans un but purement professionnel pour pouvoir travailler depuis chez lui, que la transmission d'un courriel à M. [K] avait pour seul but de le prendre à témoin d'une situation professionnelle difficile qu'il rencontrait, le document transmis ne contenant aucune donnée commerciale ou sensible et la société n'ayant subi aucun préjudice du fait de la transmission de ce document.

En l'espèce, il résulte des développements qui précèdent et des éléments portés à l'appréciation de la cour que le salarié a transmis plusieurs fichiers de sa messagerie professionnelle sur sa messagerie personnelle comprenant des informations commerciales sensibles, en violation de ses obligations contractuelles de confidentialité et de la charte informatique de l'entreprise.

Le salarié a également transmis un message à M. [K], son ancien supérieur hiérarchique, comprenant une pièce jointe dont les données n'ont pas été produites à la présente procédure.

Cependant, en l'absence d'intention de nuire caractérisant une faute lourde du salarié à l'encontre de son employeur, sa responsabilité ne peut être engagée à l'égard de son employeur. La société Rave [Localité 12] doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle pour concurrence déloyale

La société Rave [Localité 12] sollicite des dommages et intérêts pour concurrence déloyale. Elle indique que le salarié a transmis la copie d'un message adressé à un client important à son ancien supérieur hiérarchique, dans un contexte où M. [K] est parti depuis octobre 2019 pour le groupe Ghestem.

Le salarié conclut au débouté de la demande. Il fait valoir qu'il n'a commis aucun acte de concurrence déloyale.

En l'espèce, il résulte des développements qui précèdent et des éléments portés à l'appréciation de la cour que le salarié n'a pas commis d'acte de concurrence déloyale.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Rave [Localité 12] de sa demande à ce titre.

Sur la remise de documents de fin de contrat

Il convient d'ordonner la remise par la société Rave [Localité 12] à M. [X] des bulletins de paie et documents de fin de contrat, conformes à la présente décision.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il n'y a pas lieu de faire courir le point de départ des intérêts à une date antérieure pour les créances de nature salariale comme sollicité.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et débouté la société Rave [Localité 12] de sa demande au titre des frais irrépétibles et infirmé en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande au titre des frais irrépétibles.

La société Rave [Localité 12] succombant à la présente instance, en supportera les dépens d'appel. Elle devra également régler à M. [X] une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Rave [Localité 12].

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté M. [R] [X] de sa demande de dommages et intérêts pour dégradation de la relation de travail,

- débouté la société Rave [Localité 12] de sa demande reconventionnelle pour concurrence déloyale,

- débouté la société Rave [Localité 12] de sa demande au titre des frais irrépétibles,

- mis les éventuels dépens de l'instance à la charge de la société Rave [Localité 12],

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Ecarte la pièce numérotée 18 produite par M. [R] [X],

Déclare irrecevables les demandes de M. [R] [X] au titre des primes de bilan pour les exercices 2017 et 2018 pour défaut d'intérêt à agir,

Dit que le licenciement de M. [R] [X] est nul,

Condamne la société Rave [Localité 12] à payer à M. [R] [X] les sommes suivantes :

2 916,67 euros au titre de la prime de bilan pour la période du 1er mars au 31 décembre 2019,

291,67 euros au titre des congés payés afférents,

30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

13 130,76 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

1 313,07 euros au titre des congés payés afférents,

12 948,9 euros à titre d'indemnité de licenciement,

816,18 euros à titre de complément de salaire pour la période du 20 mai au 8 juin 2020,

Dit que les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Déboute la société Rave [Localité 12] de sa demande reconventionnelle au titre de l'obligation de confidentialité et de discrétion,

Ordonne la remise par la société Rave [Localité 12] à M. [R] [X] de bulletins de paie et documents de fin de contrat conformes à la présente décision,

Condamne la société Rave [Localité 12] aux dépens d'appel,

Condamne la société Rave [Localité 12] à payer à M. [R] [X] la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Rave [Localité 12]

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant

été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code

de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier,

auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-5
Numéro d'arrêt : 22/01837
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;22.01837 ?
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