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12/03/2024 | FRANCE | N°21/05072

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-1, 12 mars 2024, 21/05072


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Chambre civile 1-1







ARRÊT N°







CONTRADICTOIRE

Code nac : 96C





DU 12 MARS 2024





N° RG 21/05072

N° Portalis DBV3-V-B7F-UV6J





AFFAIRE :



[M], [Y] [H]

C/

Commune de [Localité 6],

...





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Avril 2021 par le Tribunal Judiciaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :



N° RG : 20/00144



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-la SELARL MAYET & PERRAULT,



-la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES,



-Me Christophe DEBRAY







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DOUZE MARS ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Chambre civile 1-1

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 96C

DU 12 MARS 2024

N° RG 21/05072

N° Portalis DBV3-V-B7F-UV6J

AFFAIRE :

[M], [Y] [H]

C/

Commune de [Localité 6],

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Avril 2021 par le Tribunal Judiciaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 20/00144

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-la SELARL MAYET & PERRAULT,

-la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES,

-Me Christophe DEBRAY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [M], [Y] [H]

né le [Date naissance 1] 2002 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 5]

représenté par Me Raphaël MAYET de la SELARL MAYET & PERRAULT, avocat - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 393 - N° du dossier 18RM2628

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/010340 du 13/12/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANT

****************

Commune de [Localité 6]

représentée par son maire en exercice

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Michèle DE KERCKHOVE de la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES, avocat - barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.26 - N° du dossier 19035

LE CENTRE HOSPITALIER DE [Localité 10]

venant aux droits du CENTRE HOSPITALIER [8]

pris en la personne de son représentant légal domicilié au siège social

[Adresse 3]

[Localité 10]

représenté par Me Christophe DEBRAY, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 21342

Me Hélène BOTON substituant Me Soledad RICOUARD, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : C0536

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Décembre 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale CARIOU, Conseiller chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

*********************

FAITS ET PROCÉDURE

Le 29 mai 2009, Mme [E] a fait l'objet d'un arrêté municipal d'hospitalisation d'office. Le même jour, son fils [M] [H], alors âgé de 6 ans, a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance.

Mme [E] est restée hospitalisée jusqu'au 25 juin 2009.

Par jugement du 8 juillet 2013, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté municipal et la décision d'hospitalisation libre du Centre hospitalier [7] qui s'en est suivie.

Par décision du 22 décembre 2017, la cour d'appel de Versailles a condamné in solidum la commune de [Localité 6] et le centre hospitalier [7] à indemniser Mme [E] de son préjudice né de l'hospitalisation irrégulière.

Le pourvoi formé contre cette décision était rejeté le 26 juin 2019.

Par actes d'huissier de justice des 16 et 20 décembre 2019, Mme [E], agissant en qualité de représentante légale de son fils [M] encore mineur, a fait assigner la commune de [Localité 6] et l'établissement public centre hospitalier de [Localité 10], venant aux droits du centre hospitalier [7] aux fins d'indemnisation du préjudice de celui-ci.

M. [M] [H] est devenu majeur en cours de procédure et l'a reprise à son compte.

Par un jugement contradictoire rendu le 30 avril 2021, le tribunal judiciaire de Versailles a :

- Déclaré irrecevable la demande de M. [M] [Y] [H],

- Rejeté la demande d'indemnisation formée par M. [M] [Y] [H] sur le fondement de la loi n°91-647du 10 juillet 1991,

- Condamné M. [M] [Y] [H] à payer à la commune de [Localité 6] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné M. [M] [Y] [H] à payer au centre hospitalier de [Localité 10] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné M. [M] [Y] [H] aux dépens,

- Dit que les dépens seront recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile,

- Dit que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire,

M. [H] a interjeté appel de ce jugement le 3 août 2021 à l'encontre de la commune de [Localité 6] et du centre hospitalier de [Localité 10].

Par une ordonnance d'incident rendue le 21 juillet 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation, sollicitée en application de l'article 524 du code de procédure civile.

Par d'uniques conclusions notifiées le 27 octobre 2021, M. [H] demande à la cour de :

Vu les articles 2 et 3 de la Loi n°68-1250 du 31 décembre 1968,

Vu la décision du Conseil Constitutionnel n°2012-256 QPC du 18 juin 2012,

Vu les articles 9 du code civil et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme,

Vu le jugement du tribunal administratif de Versailles du 8 juillet 2013 et l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 22 décembre 2017,

- Infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau,

- Déclarer que son action n'est pas prescrite en application des dispositions de la loi du 31 décembre 1968,

- Condamner in solidum la commune de [Localité 6] et le Centre hospitalier de [Localité 10] venant aux droits du centre hospitalier [7] à lui payer la somme de 12 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'atteinte illégale à sa vie privée et familiale portée par l'hospitalisation illégale de sa mère du 25 mai au 25 juin 2019,

- Débouter le centre hospitalier de [Localité 10] et la commune de [Localité 6] de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et Infirmer le jugement entrepris sur ce point,

- Condamner le centre hospitalier de [Localité 10] et la commune de [Localité 6] in solidum à payer à M. Raphaël Mayet la somme de 4 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par dernières conclusions notifiées le 10 janvier, le centre hospitalier de [Localité 10] demande à la cour de :

Vu la loi du 31 décembre 1968,

Vu le jugement du 8 juillet 2013 rendu par le tribunal administratif de Versailles,

- Déclarer l'appel mal fondé,

- Confirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions,

- Condamner M. [H] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en le déboutant de l'ensemble de ses demandes,

- Le condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Christophe Debray, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

Si par extraordinaire, la cour devait infirmer le jugement entrepris sur la prescription de l'action,

A titre subsidiaire,

- Débouter M. [H] de sa demande indemnitaire formulée à son égard au titre d'un préjudice résultant d'une atteinte à sa vie privée et familiale,

- Condamner M. [H] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Le condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Christophe Debray, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du même code,

A titre très subsidiaire,

- Ramener à de bien plus justes mesure et proportion le montant de l'indemnité sollicitée par M. [H] au titre du préjudice résultant d'une atteinte à sa vie privée et familiale,

- Ramener à de bien plus justes mesure et proportion le montant de l'indemnité sollicitée sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

- Statuer ce que de droit sur les dépens,

Par dernières conclusions notifiées le 21 juillet 2022, la commune de [Localité 6] demande à la cour de :

Vu les dispositions de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les Communes et les établissements publics,

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 30 avril 2021,

A titre principal :

- Déclarer irrecevable comme prescrite la demande de M. [H],

A titre subsidiaire :

- Constater qu'elle n'a pas commis de faute à l'origine du préjudice de M. [H],

- Constater qu'en tout état de cause, le fait générateur du préjudice de M. [H] n'est pas imputable à la commune de [Localité 6],

En conséquence,

- Débouter M. [H] de sa demande d'indemnisation formulée à son encontre,

A titre infiniment subsidiaire :

- Réduire la somme accordée en réparation du préjudice de M. [H] à de plus justes proportions,

- Condamner le centre hospitalier de [Localité 10] à la relever indemne des sommes qui seraient accordées en réparation du préjudice de M. [H],

En tout état de cause :

- Débouter M. [H] de sa demande au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

- Condamner M. [H] à verser à la Commune de [Localité 6] la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner M. [H] aux entiers dépens de 1 ère instance et d'appel,

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 19 octobre 2023.

SUR CE, LA COUR,

Sur la prescription quadriennale

Pour débouter M. [H] de sa demande de dommages et intérêts, le tribunal a jugé que l'action était prescrite en application de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative aux créances sur les communes et les établissements publics.

- Moyens des parties

M. [H] poursuit l'infirmation du jugement en soutenant que la prescription de 4 ans n'a commencé à courir qu'à compter du 1er janvier 2015, après que sa mère a obtenu l'autorité parentale exclusive le concernant et lui permettant d'agir seule dans son intérêt en dépit de la carence de son père. Il ajoute qu'en tout état de cause, l'action de sa mère introduite en 2017 pour obtenir la réparation de son préjudice personnel a interrompu la prescription.

Le centre hospitalier de Plaisir soutient que l'action est prescrite pour les motifs retenus par le tribunal.

La commune de [Localité 6] conclut pareillement et pour les mêmes motifs à la confirmation du jugement.

Appréciation de la cour

En application de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, « Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. ».

L'application de cet article n'est pas discutée, la durée de la prescription est donc bien de 4 ans.

En revanche, le point de départ de ce délai de prescription fait débat.

Il convient de considérer que les droits à indemnisation ont été acquis à compter du jugement rendu le 8 juillet 2013 par le tribunal administratif qui a prononcé l'annulation de l'arrêté municipal d'hospitalisation d'office et la décision d'admission en hospitalisation libre.

En application de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 précité, la prescription a donc, en principe, commencé à courir à compter du 1er janvier 2014 pour s'achever le 1er janvier 2018.

Toutefois, en application de l'article 3 de la loi précitée (souligné par la cour) , 'La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ».

Il n'y a pas, contrairement aux créances de nature civile, de suspension générale de principe de la prescription à l'égard du mineur. Si son représentant légal a pu agir en son nom, alors la prescription court durant la minorité, alors qu'elle ne court pas en matière civile.

Le Conseil Constitutionnel, dans une décision n° 2012-256 QPC du 18 juin 2012, a déclaré conforme à la constitution cette différence de traitement de la prescription des créances à l'égard des personnes morales de droit public.

'Considérant qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose que les créances sur les personnes publiques soient soumises aux mêmes règles que les créances civiles ; qu'en instituant un régime particulier applicable aux créances contre certaines personnes publiques, le législateur pouvait prévoir des causes de suspension de la prescription différentes de celles applicables aux relations entre personnes privées'.

Il a rappelé néanmoins ce qui suit ( souligné par la cour) 'Considérant, par ailleurs, qu'il résulte des dispositions contestées qu'il appartient au représentant légal du mineur d'agir pour préserver les droits de ce dernier ; que ces dispositions réservent le cas où le représentant légal est lui-même dans l'impossibilité d'agir ainsi que les hypothèses dans lesquelles il ignore légitimement l'existence de la créance ; que, par suite, les dispositions contestées n'ont pas méconnu le droit à un recours juridictionnel effectif qui résulte de l'article 16 de la Déclaration de 1789".

Il convient donc de déterminer si, comme le soutient M. [M] [H], sa mère a été empêchée d'agir en indemnisation à son profit, alors qu'elle a avec succès engagé une procédure en réparation de son propre préjudice.

En premier lieu, il convient de relever que Mme [E] a obtenu, par décision du juge aux affaires familiales du 24 juin 2014, l'autorité parentale exclusive sur son fils [M].

Le jugement est ainsi motivé 'En l'espèce, la mère sollicite une autorité parentale exclusive en indiquant que l'enfant est sans titre de séjour depuis le début de l'année 2013, en raison de la défaillance du père qui refuse de se présenter aux rendez-vous au consulat pour obtenir un laissé passer nécessaire pour procéder à sa régularisation.(...). Lors de l'audience du 10 juin, M. [J] [H] ne s'est pas présenté et n'a pas pu s'exprimer sur son absence de coopération pour les démarches administratives. Sa négligence place Mme [E] dans une situation complexe et nuit à l'intérêt de [M], qui ne peut actuellement présenter un titre de séjour régulier'.

Si cette décision n'évoque pas en particulier la carence du père à engager aux côtés de Mme [E] une procédure en vue d'obtenir l'indemnisation du préjudice qui est résulté pour l'enfant du placement soudain de sa mère en hôpital psychiatrique et de son placement consécutif dans un foyer de l'aide sociale à l'enfance, elle démontre amplement que le père de M. [H] était totalement absent, non coopérant aux démarches administratives, ce qui vouait à l'échec toute procédure en ce sens.

Il y a donc lieu de considérer que l'absence de toute coopération de M. [J] [H] aux démarches administratives concernant son enfant a constitué une cause de force majeure empêchant Mme [E] d'agir au nom de son fils mineur aux fins d'indemnisation.

Il apparaît en tout état de cause que Mme [E] n'était pas en état d'agir au nom de l'enfant.

Les pièces versées au débat révèlent en effet que l'attitude de Mme [E] envers ses deux fils a fait l'objet de signalements pour maltraitance. Le frère aîné de [M] [H] a du reste été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance.

Nonobstant l'annulation de l'arrêté municipal d'hospitalisation sous contrainte, en raison de son irrégularité procédurale, et celle de la décision d'admission sous le régime de l'hospitalisation libre, en raison de l'absence de preuve du consentement de Mme [E], il apparaît que l'état de santé mentale de Mme [E] était pour le moins fragile et ne lui permettait pas d'agir au nom de son fils pour obtenir une indemnisation.

M. [J] [H], ainsi qu'il a été vu, était quant à lui totalement absent.

La prescription n'a donc pas pu commencer à courir a minima avant le 25 juin 2014, après que Mme [E] a obtenu l'autorité parentale exclusive, pour une durée de 4 ans, soit jusqu'au 25 juin 2018.

La prescription a été interrompue par la demande d'aide juridictionnelle déposée par Mme [E] le 25 janvier 2018 (CE, 6e et 5e ch., 14 mars 2018, no 415956, ECLI:FR:CECHR:2018:415956.20180314, Mme A., Mentionnée au Recueil Lebon, D. Ribes, rapp.; L. Dutheillet de Lamothe, rapp. publ.), la demande d'aide juridictionnelle étant équivalente à une demande en justice.

Un nouveau délai de quatre ans a débuté au jour de la notification de la décision d'octroi de l'aide juridictionnelle. Il s'ensuit qu'au jour où Mme [H], agissant ès qualités de représentante légale de son fils mineur, a introduit sa demande en justice les 16 et 20 décembre 2020, la prescription n'était pas acquise.

C'est donc à tort que le premier juge a déclaré irrecevable la demande en indemnisation.

Le jugement sera dès lors infirmé et M. [H] sera déclaré recevable en son action.

Sur la réparation du préjudice lié à l'atteinte au droit au respect de sa vie familiale

Moyens des parties

M. [H] sollicite une indemnisation à hauteur de la somme de 12 000 euros au visa de l'article 8 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (CESDH) et de l'article 9 du code civil relatif au droit au respect de la vie privée.

La commune de [Localité 6] s'oppose à la demande d'indemnisation en estimant n'avoir commis aucune faute et affirme que l'arrêté d'hospitalisation d'office sur simple notoriété publique pris en 2009 était conforme aux dispositions applicables à cette date. Elle estime donc que si M. [H] a subi un préjudice du fait de l'hospitalisation de sa mère, cela ne lui est pas imputable.

Le centre hospitalier conclut au rejet de la demande d'indemnisation en soulignant qu'il n'est pas à l'origine de la décision d'hospitalisation et étranger à la durée du placement de l'appelant décidée par le juge des enfants. Il ajoute que la dégradation de la vie familiale était antérieure à l'hospitalisation d'office de sa mère, celle-ci ayant fait l'objet d'un signalement d'enfant en danger pour des violences physiques exercées par Mme [E].

Appréciation de la cour

En application de l'article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, «Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale et il ne peut y avoir ingérence de l'autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence soit prévue par la loi ».

Suite à l'hospitalisation sous contrainte de sa mère, le jeune [M] [H], qui vivait seul avec elle, a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance. Sa vie a ainsi été brutalement bouleversée.

Par jugement du 8 juillet 2013, le tribunal administratif a annulé l'arrêté municipal pour avoir été pris sur la seule rumeur publique et la décision d'admission en hospitalisation libre prise à l'égard de Mme [E].

Une créance indemnitaire est née du seul fait de l'annulation de ces deux décisions.

C'est en vain que la commune de [Localité 6] fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute en prenant l'arrêté litigieux. Ce moyen a en effet déjà été écarté par la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 26 juin 2019 (dans le cadre de la procédure indemnitaire engagée par Mme [E]) en ces termes 'Mais attendu que l'annulation d'un arrêté de placement d'office par le tribunal administratif oblige l'auteur de l'acte à indemniser la personne dont l'atteinte à la liberté individuelle résultant de l'hospitalisation d'office se trouve privée de tout fondement légal, quel que soit le bien-fondé d'une telle mesure d'hospitalisation'.

Ces deux décisions sont directement à l'origine du placement du jeune [M] [H] dans un foyer de l'aide sociale à l'enfance.

Il importe peu que le placement de l'enfant se soit poursuivi après la sortie de Mme [E] de l'hôpital, en raison de la fragilité de cette dernière.

Il n'est pas démontré que même sans cette mesure d'hospitalisation qui s'est avérée irrégulière, l'enfant aurait de toutes façons été confié aux services de l'ASE.

La commune de [Localité 6] et le centre hospitalier de [7] devront donc indemniser M. [H] au titre des troubles dans ses conditions d'existence qui ont suivi l'hospitalisation de sa mère.

Compte tenu du jeune âge de l'enfant au moment des faits et de la brutalité de la situation, le préjudice sera équitablement évalué à la somme de 3 000 euros la cour relevant que l'indemnité sollicitée de 12 000 euros apparaît excessive en l'absence de tout justificatif de répercussions du placement sur l'enfant qui auraient été exceptionnelles.

Sur la demande de garantie présentée par la commune de [Localité 6]

C'est sans fondement que la commune de [Localité 6] sollicite d'être relevée indemne par le centre hospitalier de [Localité 10] des condamnations mises à sa charge.

Les deux décisions, l'arrêté municipal et l'admission en soins psychiatriques, ont été annulées en raison de leur irrégularité et sont chacune à l'origine du préjudice subi par le jeune [M] [H].

Sur les dispositions accessoires

Le sens du présent arrêt commande d'infirmer les dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

La commune de [Localité 6] et le centre hospitalier supporteront les dépens de première instance et d'appel.

Ils seront en outre condamnés à payer à M. Mayet, avocat, la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils seront déboutés de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement entrepris,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉCLARE M. [M] [H] recevable en son action,

CONDAMNE in solidum la commune de [Localité 6] et le centre hospitalier de à, payer à M. [M] [H] la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice,

CONDAMNE in solidum la commune de [Localité 6] et le centre hospitalier aux dépens de première instance et d'appel,

CONDAMNE in solidum la commune de [Localité 6] et le centre hospitalier à payer à Me Mayet la somme de 4 000 euros en application de l'article 37 de la loi de la loi du 10 juillet 1991,

DÉBOUTE la commune de [Localité 6] de son appel en garantie à l'encontre du centre hospitalier de [Localité 10],

REJETTE toute autre demande.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-1
Numéro d'arrêt : 21/05072
Date de la décision : 12/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-12;21.05072 ?
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