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11/03/2024 | FRANCE | N°22/05796

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ch civ. 1-4 construction, 11 mars 2024, 22/05796


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54Z



Ch civ. 1-4 construction



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 11 MARS 2024



N° RG 22/05796 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VNIA



AFFAIRE :



S.A. ALBINGIA



C/



S.A.S. BUREAU VERITAS CONSTRUCTION

et autre





Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 09 Septembre 2022 par le Juge de la mise en état de Pontoise

N° Chambre :

N° Section :

N

° RG : 21/02035



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Banna NDAO,



Me Christophe DEBRAY



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE ONZE MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appe...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54Z

Ch civ. 1-4 construction

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 MARS 2024

N° RG 22/05796 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VNIA

AFFAIRE :

S.A. ALBINGIA

C/

S.A.S. BUREAU VERITAS CONSTRUCTION

et autre

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 09 Septembre 2022 par le Juge de la mise en état de Pontoise

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 21/02035

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Banna NDAO,

Me Christophe DEBRAY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. ALBINGIA

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Banna NDAO, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667 et Me Pierre TORREGANO, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0405

APPELANTE

****************

S.A.S. BUREAU VERITAS CONSTRUCTION

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Laure VALLET de la SELARL GVB, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0275

Société QBE EUROPE SA/NV

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Laure VALLET de la SELARL GVB, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0275

INTIMÉES

*****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Janvier 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne TROUILLER, Présidente chargée du rapport et Madame Séverine ROMI, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,

Madame Séverine ROMI, Conseillère,

Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente placée,

Greffière, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,

FAITS ET PROCÉDURE

La société ICADE Promotion (ci-après «société ICADE ») a fait construire, en qualité de maître d'ouvrage, un ensemble immobilier à usage d'habitation, comprenant deux bâtiments de type R+7 sur 3 niveaux de sous-sol avec 105 logements et 206 parkings, situé [Adresse 1] à [Localité 7] (95).

Pour cette opération, le maître de l'ouvrage a souscrit une assurance dommages-ouvrage auprès de la société Albingia.

Sont notamment intervenus sur ce chantier :

- la société Bouygues Bâtiment Île-de-France, en qualité d'entreprise générale, assurée auprès de la société Allianz Iard et qui a sous-traité la réalisation des travaux à différentes sociétés,

- la société FGDN Architectes Associés (ci-après «société  FGDN »), en qualité de maître d''uvre de conception, assurée auprès de la société MAF,

- la société Arcoba aux droits de laquelle vient la société Artelia, en qualité de maître d''uvre d'exécution, assurée auprès de la société Lloyd's Insurance Company (ci-après «société  LIC »),

- la société Bureau veritas construction (ci-après «société  Bureau veritas »), en qualité de contrôleur technique, assurée auprès de la société QBE Europe SA/NV.

Les travaux ont débuté le 10 octobre 2008 et la réception des travaux est intervenue sans réserve le 14 janvier 2011.

Les lots ont été vendus en état futur d'achèvement, l'immeuble est soumis aux dispositions de la copropriété et un syndicat des copropriétaires a été créé.

En 2019, le syndicat des copropriétaires a adressé une déclaration de sinistre à son assureur, la société Albingia, pour des dommages affectant le bassin de rétention d'eau pluviales, à la suite de désordres survenus dans l'appartement d'un copropriétaire.

D'autres sinistres ont été déclarés le 27 novembre 2020 concernant des infiltrations et des fissures, le 27 décembre 2020 concernant des rétentions, des fissures en façade et une présence d'hydrocarbures et de graisses puis le 5 janvier 2021 pour de nombreux désordres.

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] a, par assignations des 11 et 12 janvier 2021, saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Pontoise aux fins de voir ordonner une expertise pour rechercher la cause des désordres.

Par ordonnance du 7 mai 2021, M. [G] [V] a été désigné en qualité d'expert judiciaire, lequel a été remplacé par ordonnance du 21 juin 2021 par M. [J] [K] qui a rendu son rapport le 28 mars 2022.

Par acte d'huissier du 14 janvier 2021, la société Albingia a saisi le tribunal judiciaire de Pontoise au fond aux fins de condamnation in solidum les différents intervenants à l'acte de construire à lui payer la somme de 500 000 euros à parfaire ainsi qu'à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre.

Par conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 10 août 2021, la société Albingia a saisi le juge de la mise en état aux fins de voir ordonner un sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.

Par une ordonnance contradictoire du 9 septembre 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Pontoise a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Bureau veritas construction en lieu et place de la société Bureau veritas exploitation qui sera mise hors de cause,

- rejeté l'exception de nullité des assignations délivrées par la société Albingia à la société Bureau veritas et à son assureur, la société QBE Europe SA/NV,

- déclaré irrecevables l'action de la société Albingia engagée à l'encontre de la société Bureau veritas et son assureur QBE Europe SA/NV ainsi que les appels en garantie formés par les autres parties à leur encontre,

- ordonné un sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport de l'expertise ordonnée par ordonnance de référé du 2 mai 2021,

- rejeté toutes autres plus amples demandes,

- condamné la société Albingia aux dépens liés aux mises en cause des sociétés Bureau veritas Construction, Bureau veritas exploitation et QBE Europe SA/NV,

- débouté les sociétés Bureau veritas construction, Bureau veritas exploitation et QBE Europe SA/NV de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 9 mars 2023, à laquelle sauf opposition des parties, il sera procédé au retrait du rôle.

Sur l'intérêt et la qualité à agir de la société Albingia, le juge de la mise en état a notamment relevé, au visa des articles 31 et 334 du code de procédure civile et de l'article L. 121-12 du code des assurances, qu'elle n'avait pas acquis la qualité de subrogée au jour où le juge de la mise en état avait statué sur la fin de non-recevoir et qu'elle n'avait pas été assignée par le maître d'ouvrage au fond. Elle n'avait donc aucun intérêt à agir à l'encontre de la société Bureau veritas construction et de son assureur la société QBE Europe SA/NV.

Il a encore relevé qu'il apparaissait d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expert et d'ordonner un retrait du rôle.

La société Albingia a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 19 septembre 2022.

Aux termes de ses conclusions n°2 remises le 7 décembre 2022, la société Albingia demande à la cour :

- d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré irrecevable son action engagée à l'encontre de la société Bureau veritas et de son assureur, la compagnie QBE Europe SA/NV,

- de déclarer qu'elle a indemnisé le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à [Localité 7],

- de la déclarer recevable en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage à exercer un recours subrogatoire à l'encontre des constructeurs et de leur assureur,

- de déclarer recevable l'action de l'assureur dommages-ouvrage de la compagnie Albingia à l'encontre de la société Bureau veritas et de son assureur, la compagnie QBE Europe SA/NV dès lors que la compagnie Albingia bénéficie de la subrogation in futurum,

- de déclarer recevable l'action en garantie de l'assureur dommages-ouvrage, qui justifie d'un intérêt légitime à agir puisqu'il n'a pas à conserver à sa charge, in fine, les indemnités versées au bénéficiaire des indemnités, au titre du règlement d'un sinistre.

- de rejeter les exceptions de procédure et fins de non-recevoir alléguées par la société Bureau veritas et de son assureur la société QBE Europe SA/NV,

- de rejeter l'ensemble des demandes formées par la société Bureau veritas et de son assureur la société QBE Europe SA/NV,

- d'infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état en ce qu'elle l'a condamnée aux dépens liés aux mises en cause des sociétés Bureau veritas construction, Bureau veritas exploitation et QBE Europe SA/NV,

- de condamner in solidum la société Bureau veritas Construction et la compagnie QBE Europe SA/NV à payer les entiers dépens liés à leur mise en cause,

- de déclarer que ces dernières ne forment aucun appel incident relatif à l'exception de nullité des assignations,

- de rejeter l'appel incident tendant à voir l'ordonnance infirmée en ce qu'elle a ordonné le sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ordonné par ordonnance de référé du 2 mai 2021,

- de rejeter l'appel incident tendant à voir l'ordonnance infirmée en ce qu'elle a rejeté toutes plus amples demandes,

- de rejeter l'appel incident tendant à voir juger irrecevable l'action de la compagnie Albingia engagée à l'encontre de la société Bureau veritas et son assureur QBE Europe SA/NV en ce qu'elle est prescrite,

- de rejeter l'appel incident tendant à voir infirmer l'ordonnance infirmée en ce qu'elle a débouté les sociétés Bureau veritas construction, Bureau veritas exploitation et QBE Europe SA/NV de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de confirmer l'ordonnance en état en ce qu'elle a ordonné le sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ordonnée par ordonnance de référé du 2 mai 2021,

- de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté toutes autres plus amples demandes,

- de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a débouté la société Bureau veritas et la société QBE Europe SA/NV de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- en tout état de cause, de débouter tout contestant aux présentes de l'ensemble de leurs demandes,

- de condamner in solidum la société Bureau veritas construction et la compagnie QBE Europe SA/NV à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel,

- de condamner in solidum la société Bureau veritas et la compagnie QBE Europe SA/NV à lui payer les entiers dépens dans le cadre de la procédure d'appel.

La société Albingia fait valoir qu'elle a procédé à l'indemnisation du dommage relatif à la cuve de rétention des eaux de pluies de sorte qu'elle est subrogée dans les droits et action du syndicat des copropriétaires et donc recevable en ses recours.

Elle soutient également qu'elle dispose d'un intérêt et d'une qualité à agir au titre de la subrogation in futurum, de l'appel en garantie et du fait de la déclaration de sinistre en cours d'instruction.

Elle énonce que l'assureur dommages-ouvrage est recevable et bien fondé en son action récursoire à l'encontre des constructeurs et de leurs assureurs, même si à la date de l'assignation il n'était pas subrogé dans les droits du maître d'ouvrage, d'où le principe dégagé de la subrogation dite in futurum.

Par ailleurs, elle rappelle que l'assureur dommages-ouvrage peut endosser la qualité de subrogé dans les droits et actions de l'assuré, à l'issue de la procédure ayant prononcé une condamnation à son encontre, lui permettant ainsi d'exercer ses recours après paiement, du fait du mécanisme de l'appel en garantie, ce qui justifie ici son intérêt à agir afin de préserver ces recours avant l'expiration de la forclusion décennale à l'encontre des sociétés Bureau veritas.

Elle soutient enfin que le fait qu'une assignation en référé soit initiée par le syndicat des copropriétaires est de nature à porter en germe une action au fond et, en tout état de cause, le syndicat des copropriétaires avait adressé plusieurs déclarations de sinistres à la société Albingia entre le 27 novembre 2020 et le 5 janvier 2021 et ce alors que la forclusion expirait le 14 janvier 2021, d'où il ressort qu'elle avait bien un intérêt à agir.

Elle fait également valoir, sur l'appel incident des sociétés intimées, que les dispositions de l'article 378 du code de procédure civile ne conditionnent pas une demande de sursis à statuer à l'existence d'une autre instance et qu'il est de jurisprudence constante de surseoir à statuer dans l'attente du rapport d'expertise.

Aux termes de leurs conclusions n°2 remises le 29 décembre 2022, la société Bureau veritas construction et la société QBE Europe SA/NV forment appel incident et demandent à la cour :

- de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Bureau veritas construction en lieu et place de la société Bureau veritas exploitation qui sera mis hors de cause, déclaré irrecevable l'action de la société Albingia engagée à leur encontre ainsi que les appels en garantie formés par les autres parties à leur encontre, et condamné la société Albingia aux dépens liés à leurs mises en cause,

- d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a ordonné le sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, rejeté toutes plus amples demandes, et en ce qu'elle les a déboutés de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de juger irrecevable l'action de la compagnie Albingia engagée à leur encontre, en l'absence de tout litige et de toutes prétentions dont la cour pourrait se considérer saisie et par voie de conséquence sur l'absence d'instance liée et en tout état de cause l'irrecevabilité des demandes de la compagne Albingia à l'encontre des parties requises,

- de juger qu'il n'y a pas lieu d'ordonner un sursis à statuer,

- de rejeter la demande de condamnation de la compagnie Albingia à l'encontre de la société Bureau veritas construction et la société QBE Europe SA/NV à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles et de toutes ses demandes, fins et conclusions formées à l'encontre des concluants,

- à titre subsidiaire, de limiter la recevabilité de l'action de la compagnie Albingia au titre de la subrogation à la somme de 11 830,50 euros TTC,

- de condamner la société Albingia comme tout succombant, en tous les dépens,

- de la condamner à leur verser en sa prétendue qualité d'assureur des sociétés Bureau veritas exploitation, Bureau veritas construction et à son assureur, la société QBE Europe SA/NV, respectivement une indemnité de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Les sociétés Bureau veritas construction et son assureur la société QBE Europe SA/NV font valoir que l'appelante ne démontre pas de preuve certaine de l'indemnisation et qu'en tout état de cause elle ne justifie pas de la délégation qu'elle invoque ni d'une quittance subrogative, et ne pourra qu'être déclarée irrecevable.

Elles soutiennent également que les jurisprudences invoquées sont obsolètes, le juge de la mise en état étant désormais seul compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir (article 789 6° du code de procédure civile) dans les instances introduites après le 1er janvier 2020 en vertu de l'article 55 III du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile.

Elles énoncent ensuite que les pièces produites par l'appelante ne justifient que d'un prétendu règlement de 11 830,50 euros qui correspondrait au paiement de la copropriété.

Elles font également valoir que dans l'arrêt invoqué par l'appelante du 30 janvier 2008 n°06-19100, la Cour de cassation a conditionné la recevabilité de l'appel en garantie de l'assureur DO à l'encontre des intervenants à l'acte de construire à l'existence d'une instance pendante initiée par le maître d'ouvrage ou ses ayants droits à l'encontre de l'assureur dommages-ouvrage ayant pour objet l'indemnisation de leurs préjudices, ce qui n'est justement pas le cas de l'espèce.

Elles énoncent, sur le fondement de l'article 378 du code de procédure civile, que pour que le juge de la mise en état puisse rendre une décision de sursis à statuer, encore faut-il qu'il soit saisi d'une instance liée, et donc d'un litige, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Par ailleurs, les intimées soutiennent que pour qu'un sursis à statuer puisse être ordonné, il est nécessaire que le résultat d'une procédure puisse avoir une conséquence sur une autre procédure, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque l'issue de la présente affaire n'est pas susceptible d'être influencée par une autre instance en cours dans la mesure où elle n'existe pas et n'est que purement hypothétique.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Par un avis de fixation à bref délai article 905 et suivants du code de procédure civile, du 22 septembre 2022, l'affaire a été initialement fixée pour plaidoirie au 23 janvier 2023, puis renvoyée à l'audience du 8 janvier 2024 en raison de l'indisponibilité du président de la chambre, date à laquelle l'affaire a été mise en délibéré au 11 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre préliminaire, il est relevé que seules les dispositions relatives à la recevabilité de l'action de la société Albingia, au sursis à statuer, aux dépens et aux frais irrépétibles sont contestées en appel.

Sur la recevabilité des demandes de la société Albingia à l'encontre du contrôleur technique et de son assureur

Au visa non contesté des articles 31 et 334 du code de procédure civile et L.121-12 du code des assurances, le juge de la mise en état a retenu que la société Albingia était dépourvue d'intérêt à agir puisqu'elle n'avait pas acquis la qualité de subrogé au jour où il a statué et qu'elle n'avait pas été assignée par le maître d'ouvrage au fond. Il a déclaré irrecevables ses demandes à l'encontre des sociétés intimées.

À l'appui de son appel, la société Albingia soutient qu'elle a indemnisé le syndicat des copropriétaires à hauteur de 11 830,50 euros au titre de la réparation du bassin de rétention des eaux pluviales et à hauteur de 36 129,50 euros concernant les dommages subis par M. [M], qu'elle est donc subrogée dans les droits du syndicat des copropriétaires.

Elle estime en tout état de cause qu'elle dispose d'un intérêt et d'une qualité à agir au titre de la subrogation in futurum et de l'appel en garantie du fait de la déclaration de sinistre en cours d'instruction.

Pour estimer leurs demandes au fond irrecevables, les intimées font valoir que la société Albingia n'a procédé à aucun règlement, qu'elle ne justifie pas d'une quittance subrogative, que le recours subrogatoire suppose que l'assureur DO soit subrogé dans les droits et actions de son assuré et qu'il ait payé l'indemnité d'assurance.

Elles estiment que la subrogation s'apprécie au jour où le juge de la mise en état statue et non au moment où l'affaire est évoquée au fond et que la jurisprudence sur la subrogation in futurum est obsolète, le juge de la mise en état étant désormais seul compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir en application de l'article 789 6° du code de procédure civile.

Elles soulignent que la société Albingia ne justifie que d'un prétendu règlement de 11 830,50 euros correspondant au paiement de la copropriété et qu'en toute hypothèse, elle ne pourrait être subrogée qu'à hauteur de cette somme.

Elles rappellent que le syndicat des copropriétaires n'a initié aucune action au fond et qu'un appel en garantie suppose l'existence d'une instance pendante du maître d'ouvrage à l'encontre de l'assureur DO.

Réponse de la cour

En application de l'article L.121-12 relatif à la subrogation spéciale, le recours subrogatoire n'est valablement exercé que si l'assureur a versé l'indemnité d'assurance au bénéfice de l'assuré.

Néanmoins, il est désormais admis qu'est recevable l'action engagée par un assureur avant l'expiration du délai de forclusion décennale, contre les responsables du dommage dont il doit sa garantie, bien qu'il n'ait pas eu au moment de la délivrance de son assignation, la qualité de subrogé de son assuré, faute de l'avoir indemnisé, dès lors qu'il a payé l'indemnité due à celui-ci avant que le juge du fond ait statué sur cette action.

Le principe d'une subrogation in futurum, conditionnée au paiement ultérieur de l'indemnité d'assurance est par conséquent admis.

En l'espèce, il n'est pas contestable que le syndicat des copropriétaires a initié, le 11 janvier 2021 une procédure de référé-expertise qui porte en germe une action au fond, que la société Albingia, qui a vocation à préfinancer le paiement des travaux de reprise, avait un intérêt légitime à préserver ses recours avant l'expiration de la forclusion décennale au 14 janvier 2021 dont aurait pu se prévaloir la société Bureau veritas.

Au demeurant, elle justifie avoir, le 22 octobre 2021, versé une indemnisation de 11 830,50 euros au syndicat des copropriétaires.

Contrairement à ce que soutiennent les intimées, il appartiendra bien au juge du fond de statuer sur l'action et notamment de vérifier la réalisation de la condition. À cet égard, la compétence exclusive du juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir n'a pas rendu cette jurisprudence obsolète.

Il ressort des pièces produites que le syndicat des copropriétaires a bien adressé, entre le 27 novembre 2020 et le 5 janvier 2021, cinq déclarations de sinistre à son assureur dommages ouvrage, que ces déclarations ont été formalisées peu avant l'expiration de la forclusion décennale au 14 janvier 2021, que le maître d'ouvrage a initié un référé-expertise qui a interrompu la prescription décennale puis suspendu le délai et que le rapport d'expertise a été rendu le 28 mars 2022.

Ainsi le maître d'ouvrage peut toujours introduire une action au fond à l'encontre de son assureur qui reste exposé à ce risque jusqu'au 28 mars 2024.

Il en résulte que la société Albingia justifie pleinement de son intérêt à agir afin de préserver ses recours en garantie et subrogatoire. Partant l'ordonnance est infirmée sur ce point et l'action de la société Albingia engagée à l'encontre de la société Bureau veritas et de son assureur est déclarée recevable.

Sur le sursis à statuer

Le juge de la mise en état a sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport dans un souci de bonne administration de la justice.

À l'appui de leur appel incident, les intimées font valoir que cette demande n'a pas de sens puisque le juge de la mise en état n'est pas saisi d'une instance ou d'un litige. Elles rappellent que le syndicat des copropriétaires n'a introduit aucune instance et qu'il importe peu que les autres parties ne soient pas intimées.

S'agissant d'une exception de procédure, le juge de la mise en état est seul compétent pour statuer sur demande de sursis à statuer, qui relève du pouvoir discrétionnaire du juge lorsqu'est visée une bonne administration de la justice.

En l'espèce, la société Albingia et six autres parties à la procédure avaient sollicité le sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert judiciaire.

La cour note que les intimées ont formé appel incident sans initier d'appel provoqué à l'encontre des six parties également demanderesses.

Il est habituel de formuler une telle demande lorsqu'un expert a été judiciairement désigné et l'article 378 du code de procédure civile n'impose aucune condition à cette possibilité judiciaire de suspendre l'instance.

Rien ne justifie d'infirmer ce sursis à statuer, d'autant que cette demande est devenue sans objet et l'ordonnance est confirmée sur ce point.

Sur les dépens et autres frais de procédure

Le sens de l'arrêt conduit à infirmer intégralement l'ordonnance en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

La société Bureau veritas et son assureur la société QBE Europe SA/NV, qui succombent sont condamnées aux entiers dépens de l'incident.

Elles sont également condamnées aux dépens de l'appel et à payer à la société Albingia une somme de 1 000 euros chacune par application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant après débats à l'audience publique, par arrêt contradictoire,

Infirme l'ordonnance du juge de la mise en état en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'action de la société Albingia engagée à l'encontre de la société Bureau veritas construction et son assureur la société QBE Europe SA/NV et en ce qu'elle a condamné la société Albingia aux dépens ;

La confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Déclare recevable l'action de la société Albingia engagée à l'encontre de la société Bureau veritas construction et son assureur la société QBE Europe SA/NV ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum la société Bureau veritas construction et la société QBE Europe SA/NV aux entiers dépens de l'incident ;

Condamne in solidum la société Bureau veritas construction et son assureur la société QBE Europe SA/NV à payer à la société Albingia une somme de 1 000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ch civ. 1-4 construction
Numéro d'arrêt : 22/05796
Date de la décision : 11/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-11;22.05796 ?
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