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07/03/2024 | FRANCE | N°22/06867

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-6, 07 mars 2024, 22/06867


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 30B



Chambre civile 1-6



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 07 MARS 2024



N° RG 22/06867 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VQRD



AFFAIRE :



SCI DU [Adresse 6]



C/



S.A.R.L. CHARLES & DAN



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Août 2022 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 08

N° RG : 20/01814



Expéditions exécutoires>
Expéditions

Copies

délivrées le : 07.03.2024

à :



Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, avocat au barreau de VERSAILLES





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU P...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30B

Chambre civile 1-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 MARS 2024

N° RG 22/06867 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VQRD

AFFAIRE :

SCI DU [Adresse 6]

C/

S.A.R.L. CHARLES & DAN

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Août 2022 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 08

N° RG : 20/01814

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 07.03.2024

à :

Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SCI DU [Adresse 6]

N° Siret : 402 196 133 (RCS Paris)

[Adresse 2]

[Localité 5]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Franck LAFON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20220416

APPELANTE

****************

S.A.R.L. CHARLES & DAN

[Adresse 3]

[Localité 4]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20230083 - Représentant : Me David HALLER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0114, substitué par Me Marie POMMEROL, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Février 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne PAGES, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 14 novembre 2005, la SCI du [Adresse 6] a donné à bail à compter du 15 novembre 2005 à la société Cuisine entre amis, un local commercial d'une surface de 97 m2 environ situé au [Adresse 1], à [Localité 7], comprenant au rez-de-chaussée, une entrée sur rue, deux bureaux, une salle de réception, un grand couloir de dégagement, deux pièces au fond donnant côté rue Garnier et au sous-sol, un local d'une superficie de 75m2 environ.

Le bail avait été consenti et accepté moyennant un loyer annuel en principal de 28 000 euros, hors charges, hors droit, payable mensuellement d'avance.

Aux termes de ce bail, il est convenu que le preneur : « Ne peut utiliser les lieux loués que pour y exercer le commerce de salon de thé - pâtisserie - vente à emporter - vente de produits dérivés - laboratoire de fabrication sans extracteur de produits culinaires en rapport avec l'activité exercée de salon de thé et pâtisserie, sans grillade, ni friture, ni préparation de plats cuisinés sur place, à l'exclusion de toute autre activité fût-elle annexe ».

Par acte sous seing privé du 21 juillet 2010, la société Cuisine entre amis a cédé son fonds de commerce, en ce compris son droit au bail, à la société Sereny-thé qui l'a elle même cédé également avec le droit au bail, le 2 juillet 2012 à la société Charles & Dan, pour y exercer une activité de restaurant exploitée sous l'enseigne « Nina Sushi ».

Par acte d'huissier du 10 mars 2017, la SCI du [Adresse 6] a signifié à la société Charles & Dan un congé avec offre de renouvellement à effet au 14 novembre 2017, moyennant un loyer annuel en principal de 60 000 euros hors charges et hors taxes.

En réponse, par acte d'huissier du 13 juin 2017, la société Charles & Dan a accepté le principe du renouvellement du bail, mais a refusé les nouvelles conditions financières proposées par la bailleresse.

En l'absence d'accord entre les parties sur le montant du loyer du bail renouvelé, la SCI du [Adresse 6] a fait citer par assignation du 16 février 2018, la société Charles & Dan devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Nanterre, lequel par jugement du 5 juillet 2021, a fixé à 41 750 euros par an, hors taxes et hors charges, le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 15 novembre 2017, les autres clauses et conditions du bail expiré restant inchangées. Par arrêt du 9 mars 2023 cette décision a été confirmée en toutes ses dispositions.

Par acte d'huissier du 27 janvier 2020, la SCI du [Adresse 6] a fait délivrer à la société Charles & Dan une sommation visant la clause résolutoire du bail et aux termes de laquelle il lui est demandé :

d'une part, 'de respecter la destination contractuelle du bail et de cesser dans le délai d'un mois la préparation de plats cuisinés sur place, les grillades et les fritures'

d'autre part, 'de lui communiquer dans le délai d'un mois à compter de ce jour son contrat d'assurance ainsi que le justificatif de l'acquit des primes correspondant à ce contrat'.

Par assignation du 27 février 2020, la société Charles & Dan a fait citer la SCI du [Adresse 6] devant le tribunal judiciaire de Nanterre en opposition à sommation.

Par jugement contradictoire rendu le 17 août 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail signifiée le 27 janvier 2020 délivrée par la SCI du [Adresse 6], à la date du 27 février 2020

suspendu les effets de la clause de résiliation pendant les délais accordés

accordé à la société Charles & Dan un délai d'un mois, à compter de la signification de la présente décision, pour lui permettre de régulariser la situation

dit que sous réserve de la régularisation de la situation par la société Charles & Dan dans le délai susvisé, dûment constatée par le bailleur, la clause résolutoire ne jouera pas

dit qu'à défaut de régularisation dans le délai imparti, la clause de résiliation sera acquise au bailleur qui pourra en conséquence faire procéder à l'expulsion de la société Charles & Dan ainsi que de tous occupants de son chef des lieux loués sis [Adresse 1], à [Localité 7]), avec l'assistance de la force publique si besoin est et sans qu'il soit à nouveau référé

dit que dans ce cas la société Charles & Dan devra verser à la société SCI du [Adresse 6] une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer courant augmenté des charges jusqu'à la libération des locaux

ordonné, dans cette hypothèse, en tant que de besoin, le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux, aux frais, risques et périls de la société Charles & Dan, après avoir été listés, décrits avec précision et photographiés par l'huissier chargé de l'exécution

débouté les parties du surplus de leurs demandes

condamné la société Charles & Dan à payer à la SCI du [Adresse 6] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

condamné la société Charles & Dan aux dépens de l'instance conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

rappelé que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit.

Le 16 novembre 2022, la SCI du [Adresse 6] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions n°3 transmises au greffe le 22 décembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SCI du [Adresse 6], appelante, demande à la cour de :

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a suspendu les effets de la clause résolutoire visée dans la sommation du 20 janvier 2020 (lire 27 janvier 2020)

Et statuant à nouveau :

recevoir la SCI du [Adresse 6] en sa demande de résiliation de plein droit du bail et subsidiairement en sa demande de résolution judiciaire du bail

juger que la société Charles & Dan a agi de mauvaise foi et contrevenu gravement à la destination de son bail en exerçant dès son entrée dans les lieux en septembre 2015 et ensuite pendant plus d'un an après la sommation du 20 janvier 2020 (lire 27 janvier 2020), une activité de restauration traditionnelle avec préparation de plats cuisinés sur place, grillade et friture

En conséquence,

prononcer la résiliation de plein droit du bail par l'effet de la clause résolutoire visée dans la sommation du 20 janvier 2020 (lire 27 janvier 2020) à compter du 20 février 2020

Subsidiairement,

prononcer la résolution judiciaire du bail du 14 novembre 2005, renouvelé le 15 novembre 2017 aux torts exclusifs de la société Charles & Dan

En toute hypothèse,

ordonner l'expulsion de la société Charles & Dan et celle de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique si besoin est

ordonner la séquestration du mobilier se trouvant sur place dans un garde meubles au choix de la demanderesse aux frais, risques et périls de la défenderesse

condamner la société Charles & Dan à payer à la bailleresse une indemnité d'occupation égale à 41 750 euros/an HT et HC à compter du 20 février 2020 et subsidiairement à compter de la résolution judiciaire du bail

débouter la société Charles & Dan de l'ensemble de ses demandes et notamment de son appel incident

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

« constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail signifié le 27 janvier 2020 délivré par la SCI du [Adresse 6] à la date du 27 février 2020

débouté la société Charles & Dan de ses demandes aux fins de :

juger que la clause résolutoire stipulée au bail du 14 novembre 2005 renouvelé le 15 novembre 2017 ne sanctionne uniquement que les cas de manquement du preneur au regard de ses obligations financières et d'assurance, et ce, à l'exclusion de tout autre manquement contractuel

juger que les griefs invoqués par la SCI du [Adresse 6], dans le cadre de sa sommation en date du 27 janvier 2020, ne portent pas sur des obligations expressément visées au bail

juger l'absence de caractère probant des griefs invoqués par la SCI du [Adresse 6] dans le cadre de sa sommation en date du 27 janvier 2020

juger que la sommation de faire, visant la clause résolutoire, délivré le 27 janvier 2020 par exploit de la SCP Yves de Forcade le Roquette & Gaëlle Contentin, huissiers de justice associés à Sèvres, est dépourvue de tout effet juridique extinctif à l'égard du bail en date du 14 novembre 2005 renouvelé le 15 novembre 2017

juger que la SCI du [Adresse 6] était juridiquement infondée à invoquer le bénéfice de la clause résolutoire visée dans le cadre de sa sommation de faire, visant la clause résolutoire, délivrée le 27 janvier 2020 par exploit de la SCP Yves de Forcade le Roquette & Gaëlle Contentin, huissiers de justice associés à Sèvres

juger nulle et de nul effet la sommation de faire, visant la clause résolutoire, délivrée le 27 janvier 2020 par exploit de la SCP Yves de Forcade le Roquette & Gaëlle Contentin, huissiers de justice associés à Sèvres

condamné la société Charles & Dan à payer à la SCI du [Adresse 6] la somme de 3 000 euros à l'article 700 du code de procédure civile

condamné la société Charles & Dan aux dépens de l'instance conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ».

condamner la société Charles & Dan au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe le 12 janvier 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SARL Charles & Dan, intimée, demande à la cour de :

la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident de la décision rendue le 17 août 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre

Y faisant droit,

infirmer le jugement sus énoncé et daté en ce qu'il a :

constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail signifié le 27 janvier 2020 délivré par la SCI du [Adresse 6] à la date du 27 février 2020

débouté la société Charles & Dan de ses demandes aux fins de :

juger que la clause résolutoire stipulée au bail du 14 novembre 2005 renouvelé le 15 novembre 2017 ne sanctionne uniquement que les cas de manquement du preneur au regard de ses obligations financières et d'assurance, et ce, à l'exclusion de tout autre manquement contractuel

juger que les griefs invoqués par la SCI du [Adresse 6], dans le cadre

de sa sommation en date du 27 janvier 2020, ne portent pas sur des obligations expressément visées au bail

juger l'absence de caractère probant des griefs invoqués par la SCI du [Adresse 6] dans le cadre de sa sommation en date du 27 janvier 2020

juger que la sommation de faire, visant la clause résolutoire, délivré le 27 janvier 2020 par exploit de la SCP Yves de Forcade le Roquette & Gaëlle Contentin, huissiers de justice associés à Sèvres, est dépourvue de tout effet juridique extinctif à l'égard du bail en date du 14 novembre 2005 renouvelé le 15 novembre 2017

juger que la SCI du [Adresse 6] était juridiquement infondée à invoquer le bénéfice de la clause résolutoire visée dans le cadre de sa sommation de faire, visant la clause résolutoire, délivrée le 27 janvier 2020 par exploit de la SCP Yves de Forcade le Roquette & Gaëlle Contentin, huissiers de justice associés à Sèvres

juger nulle et de nul effet la sommation de faire, visant la clause résolutoire, délivrée le 27 janvier 2020 par exploit de la SCP Yves de Forcade le Roquette & Gaëlle Contentin, huissiers de justice associés à Sèvres

condamné la société Charles & Dan à payer à la SCI du [Adresse 6] la somme de 3 000 euros à l'article 700 du code de procédure civile

condamné la société Charles & Dan aux dépens de l'instance conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

Et statuant à nouveau

recevoir la société Charles & Dan en ses demandes et la dire bien fondée

Et ce faisant,

Principalement :

juger que la clause résolutoire stipulée au bail du 14 novembre 2005 renouvelé le 15 novembre 2017 ne sanctionne uniquement que les cas de manquement du preneur au regard de ses obligations financières et d'assurance, et ce, à l'exclusion de tout autre manquement contractuel

juger que les griefs invoqués par la SCI du [Adresse 6], dans le cadre de sa sommation en date du 27 janvier 2020, ne portent pas sur des obligations expressément visées au bail

juger l'absence de caractère probant des griefs invoqués par la SCI du [Adresse 6] dans le cadre de sa sommation du 27 janvier 2020

juger que la sommation de faire, visant la clause résolutoire, délivré le 27 janvier 2020 par exploit de la SCP Yves de Forcade le Roquette & Gaëlle Contentin, huissiers de justice associés à Sèvres, est dépourvue de tout effet juridique extinctif à l'égard du bail en date du 14 novembre 2005 renouvelé le 15 novembre 2017

juger que la SCI du [Adresse 6] était juridiquement infondée à invoquer le bénéfice de la clause résolutoire visée dans le cadre de sa sommation de faire, visant la clause résolutoire, délivrée le 27 janvier 2020 par exploit de la SCP Yves de Forcade le Roquette & Gaëlle Contentin, huissiers de justice associés à Sèvres

juger nulle et de nul effet la sommation de faire, visant la clause résolutoire, délivrée le 27 janvier 2020 par exploit de la SCP Yves de Forcade le Roquette & Gaëlle Contentin, huissiers de justice associés à Sèvres

déclarer mal fondé l'appel de la SCI du [Adresse 6] à l'encontre de la décision rendue le 17 août 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre

Par conséquent,

débouter la SCI du [Adresse 6] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions

Subsidiairement,

Si par extraordinaire, la Cour devait considérer que certains des plats vendus dans les locaux s'avéraient l'être en infraction avec la clause destination du bail

suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire insérée dans le bail du 14 novembre 2005 renouvelé le 15 novembre 2017 et visée aux termes de la sommation du 27 janvier 2020

accorder à la société Charles & Dan un délai d'un mois, à compter de la signification de la décision à intervenir, pour lui permettre de régulariser la situation

dire et juger que, sous réserve de la régularisation de la situation par la société Charles & Dan dans le délai susvisé, la clause résolutoire ne jouera pas

Sur le rejet de la demande de résolution judiciaire du bail, formée à titre subsidiaire, par la SCI du [Adresse 6] :

débouter la SCI du [Adresse 6] de sa demande de résolution judiciaire du bail du 14 novembre 2005 renouvelé le 15 novembre 2017

En tout état de cause :

condamner la SCI du [Adresse 6] à payer à la société Charles & Dan la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

condamner la SCI du [Adresse 6] aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL Evensten avocats, avocats aux offres de droit, qui pourra en opérer le recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 30 janvier 2024, l'audience de plaidoirie fixée au 7 février 2024 et le délibéré au 7 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'acquisition de la clause résolutoire

Le tribunal, après avoir relevé que la sommation du 27 janvier 2020 délivrée au motif notamment du manquement de la locataire relatif à la communication du contrat d'assurance et des justificatifs de l'acquittement des primes correspondantes avait été satisfaite par le courrier du conseil de la preneuse du 26 février 2020, en a déduit que la clause résolutoire était déclarée sans objet pour ce point.

La bailleresse ne conteste pas devant la cour que la locataire ait satisfait au manquement visé par la sommation susvisée relatif à l'obligation d'assurance dans le délai d'un mois imparti.

En revanche, pour constater l'acquisition de la clause résolutoire au motif du second manquement visé par la sommation, le tribunal a considéré que la bailleresse rapportait la preuve de l'exercice par la locataire d'une activité dans les locaux donnés à bail contrevenant à leur destination telle que prévue par les dispositions contractuelles, que cette infraction dont se prévalait la bailleresse était contractuellement sanctionnée par la clause résolutoire du bail en ce qu'elle mentionnait 'en cas d'inexécution d'une quelconque des conditions au présent contrat' et que ce manquement avait été clairement indiqué par le commandement du 27 janvier 2020.

Au soutien de son appel incident, la société Charles & Dan sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire et elle fait au contraire valoir que la clause résolutoire ne peut être acquise en l'absence de manquement à une obligation du bail expressément mentionnée par cette clause résolutoire.

La clause résolutoire établit un système conventionnel de résiliation automatique. Ainsi, la sanction du jeu de la clause résolutoire ne peut être utilement mise en oeuvre que si en premier lieu, le bailleur invoque un manquement à une stipulation expresse du bail.

Il convient de relever que le bail conclu entre les parties mentionne en page 3 que le preneur s'engage notamment à :

'1- ne pouvoir utiliser les lieux loués que pour y exercer le commerce de salon de thé-pâtisserie-vente à emporter -vente de produits dérivés-laboratoire de fabrication sans extracteur de produits culinaires en rapport avec l'activité exercée de salon de thé et pâtisserie, sans grillade ni friture, ni préparation de plats cuisinés sur place à l'exclusion de toute activité fut elle annexe.'

Force est de constater que l'obligation de respecter la destination du bail par le preneur dont le manquement est invoqué par la bailleresse est expressément stipulée au contrat.

En deuxième lieu, pour la mise en oeuvre de la clause résolutoire, la bailleresse doit établir que le manquement à cette obligation est expressément sanctionné par la clause résolutoire.

Cette seconde exigence est satisfaite contrairement aux développements de la preneuse lorsque la clause résolutoire prévoit son application 'en cas d'inexécution de l'une quelconque des conditions du présent contrat', comme mentionné par la clause résolutoire du bail conclu entre les parties en page 9.

Il en résulte que la bailleresse pouvait se prévaloir des manquements à la destination des lieux expressément interdits par le bail, et expressément sanctionnés par la clause résolutoire susvisée.

En troisième lieu, les manquements reprochés par la bailleresse par la sommation devaient être suffisamment explicites pour permettre à sa locataire d'y remédier dans le délai imparti à peine de résiliation du bail.

Il convient de constater que la sommation du 27 janvier 2020 rappelle intégralement la clause du bail susvisée quant à la destination des lieux loués et précise :

'Qu'en violation de la destination contractuelle ci-dessus rappelée, la société Charles & Dan qui exerce dans les lieux d'activité de restauration type sushi/sashimi sous l'enseigne Nina Sushi propose à sa clientèle des plats cuisinés sur place, des grillades et des fritures, à savoir notamment:

-pizza au poisson

-sushis frits

-hamburgers et cheeseburgers, steaks hachés grillés sur place

-frites maison

Que les préparations de plats cuisinés sur place, les grillades et les fritures provoquent des odeurs qui incommodent les occupants de l'immeuble ainsi que cela a été constaté aux termes du procès verbal de constat dressé par la SCP Jourdain-Dubois-Racine, huissiers, le 9 décembre 2019 (annexé aux présentes).

Que la requérante fait sommation à la signifiée de respecter la destination contractuelle du bail telle que rappelée ci-dessus et de cesser dans le délai d'UN MOIS à compter de ce jour la préparation de plats cuisinés sur place, les grillades et les fritures, à défaut de quoi la requérante entend se prévaloir de la clause résolutoire du bail commercial rappelé ci-après ainsi que les articles L 145-41 et L 145-17-1 1° du code de commerce ci après rappelés et littéralement rapportés.

Force est de constater d'une part que les manquements reprochés par la bailleresse comme étant une infraction à une stipulation expresse du bail par la sommation susvisée critiquée sont précisément décrits et dès lors de nature à permettre à la locataire de savoir comment y remédier dans le délai imparti par cette même sommation.

Et d'autre part, comme relevé à juste titre par le tribunal, cette sommation informe clairement la preneuse du risque encouru en cas de non régularisation dans le délai d'un mois.

La société Charles & Dan conteste exercer dans les lieux donnés à bail une activité de restauration avec préparation de plats cuisinés sur place, grillades et fritures, manquement reproché par sa bailleresse par la sommation. Elle précise que la SCI du [Adresse 6] ne démontre pas le manquement allégué puisque le procès verbal d'huissier du 9 décembre 2019 se contente de constater des odeurs de cuisine sans pouvoir les imputer à la société locataire, tout comme les procès verbaux suivants en date des 12 mars 2020 et 21 janvier 2021 suite à une ordonnance sur requête .

Le procès verbal d'huissier en date du 9 décembre 2019 (pièce 3) établi entre 12h15 et 13h05 constate à l'approche des lieux donnés à bail que l'air est rempli d'odeurs de cuisine type 'friture' entre autres.

Le procès verbal d'huissier en date du 12 mars 2020 (pièce 4) constate à la porte d'entrée du restaurant tout comme dans la cour intérieure en cause, la présence de fortes odeurs de cuisson type friture de poisson qui s'échappent du restaurant en rez-de chaussée.

Et enfin, le procès verbal du 21 janvier 2021 (pièce13) effectué suite à une ordonnance sur requête constate que la cuisine est notamment équipée d'une friteuse double bac remplie d'huile chaude démontrant ainsi son utilisation et ajoute que la gardienne de l'immeuble mentionne que 'l'odeur de friture se répand un peu plus tard à l'heure du déjeuner, que cette odeur est alors plus perceptible encore et remonte dans les logements notamment lorsque les fenêtres sont ouvertes.'

La présence d'une friteuse en cours d'utilisation dans la cuisine des locaux donnés à bail ainsi que les odeurs de friture à l'heure du déjeuner à proximité, suffisent à démontrer l'infraction à la destination des lieux, reprochée dès lors à juste titre par la bailleresse en ce que la clause du bail susvisée interdit notamment de procéder à des fritures dans la cuisine du restaurant.

La locataire se contente dans ses écritures de contester l'existence de l'infraction aux dispositions du bail reprochée mais n'offre pas y compris à titre subsidiaire de démontrer une quelconque régularisation dans le délai d'un mois imparti.

Le jugement déféré sera dès lors confirmé en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail.

Compte tenu du constat de la résiliation de plein droit du bail conclu entre les parties, il n'y a pas lieu de se prononcer sur la demande de résolution judiciaire du bail à titre subsidiaire.

Sur la suspension des effets de la clause résolutoire

Pour faire droit à la demande du preneur sollicitant des délais suspensifs des effets de la clause résolutoire, le tribunal a retenu l'ancienneté des relations contractuelles et que la locataire est à jour du paiement de ses obligations financières.

Aux termes de l'article L145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais suspendre la réalisation des effets des clause de résiliation , lorsque la résiliation n'est pas contestée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En cause d'appel, la bailleresse, pour contester la décision susvisée en ce qu'elle a ordonné la suspension des effets de la clause résolutoire, fait valoir la mauvaise foi de la locataire puisque les équipements dans la cuisine attestent de son intention délibérée de contrevenir à la destination du bail ce qui a été constaté depuis plus d'un an et ajoute qu'elle a été plusieurs fois défaillante quant au paiement du loyer.

Comme rappelé à juste titre par la bailleresse, le juge dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour suspendre les effets de la clause résolutoire.

Par ailleurs, la présence des équipements reprochés dans les lieux loués comme énoncé par la SCI du [Adresse 6] ne peut justifier de la mauvaise foi de sa locataire à défaut de démonstration de leur mise en place par cette dernière.

Le défaut de régularisation dans le délai d'un mois imparti par la sommation comme relevé ci-dessus n'est pas non plus de nature à justifier la mauvaise foi de la locataire.

Il s'en déduit que le tribunal sera approuvé en ce qu'il a retenu que l'ancienneté du bail (de juillet 2012) et l'absence d'arriéré locatif à ce jour, non contesté par la bailleresse et qui a sollicité une mise en conformité à la destination du bail pour la première fois en janvier 2021 justifiait de faire droit à la demande de suspension des effets de la clause résolutoire. Le jugement déféré sera dès lors confirmé en ce qu'il a ordonné la suspension des effets de la clause résolutoire.

Le jugement contesté a suspendu les effets de la clause résolutoire pendant le délai d'un mois accordé à la société Charles & Dan à compter de la signification du jugement dont appel pour lui permettre de régulariser la situation.

Il convient de constater que la bailleresse ne justifie pas ni même ne prétend avoir signifié jugement du 17 août 2022 dont appel, de telle sorte que le délai d'un mois suspensif du jeu de la clause résolutoire n'a pas commencé à courir.

Or, la société Charles & Dan verse aux débats deux procès verbaux de constat des lieux donnés à bail :

en date du 5 novembre 2021, duquel il résulte que contrairement au procès verbal du 19 janvier 2021, la cuisine est dépourvue de friteuse et de conduit d'extraction d'air et est équipée de plusieurs tables de plonge en inox, tables de travail en inox, de plusieurs meubles réfrigérés en inox, de trois cuiseurs de riz et qu'il n'y a aucune odeur de friture

du 21 janvier 2023 duquel il résulte une liste de produits à la vente mais non fabriqués sur place, que la cuisine se compose de plusieurs tables réfrigérées en inox ainsi que de plusieurs tables de travail en inox, une table de plonge en inox et plusieurs étagères également présentes dans la cuisine, deux micro ondes, deux toasters électriques à pain et que la cuisine est comme indiqué au procès verbal du 5 novembre 2021 dépourvue de friteuse et de conduit d'extraction d'air.

Il en résulte que la société Charles & Dan démontre que la préparation de fritures, activité effectuée par la locataire en infraction à la destination des lieux loués et reprochée a été régularisée. La bailleresse n'a pas pour sa part démontré ni même prétendu au maintien d'une quelconque autre infraction au bail de telle sorte que cette régularisation après l'expiration du délai imparti par la sommation mais pendant le cours de la suspension des effets de la clause résolutoire a pour effet que cette clause n'a pas pu jouer.

Aucune considération d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement par décision contradictoire et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement contesté en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Constate que la clause résolutoire n'a pas joué, la société Charles & Dan ayant régularisé dans le délai imparti ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI du [Adresse 6] aux entiers dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-6
Numéro d'arrêt : 22/06867
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;22.06867 ?
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