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07/03/2024 | FRANCE | N°22/04805

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-3, 07 mars 2024, 22/04805


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 93A



3e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 07 MARS 2024



N° RG 22/04805 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VKPT





AFFAIRE :



DIRECTEUR REGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'[Localité 4] ET DU DEPARTEMENT DE [Localité 6]



C/



[E] [N]









Décision déférée à la cour : jugement du tribunal de grande instance de Versailles rendu le 5 avril 2018

N° Ch

ambre : 1

N° RG : 16/6342



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :











Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES





Me Julie

GOURION-RICHARD





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEU...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 93A

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 MARS 2024

N° RG 22/04805 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VKPT

AFFAIRE :

DIRECTEUR REGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'[Localité 4] ET DU DEPARTEMENT DE [Localité 6]

C/

[E] [N]

Décision déférée à la cour : jugement du tribunal de grande instance de Versailles rendu le 5 avril 2018

N° Chambre : 1

N° RG : 16/6342

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

Me Julie

GOURION-RICHARD

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDEUR devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de cassation du 21 avril 2022 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles du 1er octobre 2019 de la Première chambre - première section sur jugement du 05 avril 2018 du tribunal de grande instance de Versailles

DIRECTEUR REGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'[Localité 4] ET DE [Localité 6]

Pôle contrôle Fiscal et affaires juridiques - Pôle Juridictionnel Judiciaire

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2269302

****************

DEFENDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI

Monsieur [E] [N]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 5] (GRECE)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Julie GOURION-RICHARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 - N° du dossier 2221253

Représenté par Me Yann DELOFFRE, Plaidant, avocat au barreau de SENLIS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 juin 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gwenael COUGARD, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence PERRET, Président,

Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,

Madame Florence SCHARRE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme FOULON,

FAITS ET PROCEDURE :

A la suite d'une demande d'assistance administrative internationale formée auprès des autorités fiscales espagnoles, qui y ont répondu les 29 avril et 18 août 2014, l'administration fiscale a constaté que M. [E] [N] était titulaire d'un compte bancaire ouvert en Espagne depuis le 22 octobre 2003 auprès de la banque Banco Santander, cependant qu'il n'avait déclaré aucun compte à l'étranger au titre des années 2003 à 2012.

Le 3 novembre 2014, l'administration fiscale a, en application de l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales, adressé à M. [N] une demande d'informations et de justifications des avoirs détenus ou utilisés à l'étranger entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2009.

Par courrier du 19 janvier 2015, le service vérificateur a mis en demeure M. [N] de compléter les informations fournies.

Par lettre du 19 mars 2015, l'administration fiscale, considérant que la réponse complémentaire apportée le 20 février 2015 n'était pas suffisante, a mis en 'uvre la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 71 du livre des procédures fiscales, et a notifié à M. [N] une proposition de rectification portant rappel de droits de mutation à titre gratuit sur les avoirs non justifiés, calculés conformément aux dispositions de l'article 755 du code général des impôts.

Le rappel de droits d'enregistrements a fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement (AMR) le 29 mai 2015.

La réclamation contentieuse formulée le 30 septembre 2015 par M. [N] a fait l'objet d'une décision de rejet le 25 février 2016.

Par exploit du 25 avril 2016, M. [N] a fait assigner M. l'administrateur général des finances publiques de la direction de contrôle fiscal [Localité 4] en annulation de la décision de rejet et en décharge des droits réclamés.

Par jugement du 5 avril 2018, le tribunal de grande instance de Versailles a :

- déclaré prescrit le droit de reprise de l'administration fiscale pour les années 2007 et 2008,

- annulé l'avis de mise en recouvrement du 29 mai 2015,

- ordonné le dégrèvement subséquent des impositions,

- dit que le trésor public devra rembourser les dépens de l'article R. 207-1 du livre des procédures fiscales,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur appel de l'administration fiscale, par arrêt du 1er octobre 2019, la cour d'appel de Versailles a :

- infirmé le jugement en ce qu'il a déclaré prescrit le droit de reprise de l'administration fiscale,

Statuant à nouveau de ce chef,

- déclaré non prescrit ce droit de reprise,

- confirmé le jugement en ce qu'il a annulé l'avis de mise en recouvrement du 29 mai 2015, ordonné le dégrèvement subséquent des impositions, dit que le Trésor Public devra rembourser les dépens de l'article R 207-1 du livre des procédure fiscales et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

- condamné le Directeur régional des finances publiques de l'[Localité 4] et du département de [Localité 6] ès qualités à payer à M. [N] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires,

- condamné le Directeur régional des finances publiques de l'[Localité 4] et du département de [Localité 6] ès qualités aux dépens, avec recouvrement direct.

Par arrêt du 21 avril 2022, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi incident éventuel et a cassé et annulé cet arrêt sauf en ce que, infirmant le jugement, il a déclaré non prescrit le droit de reprise de l'administration fiscale, et remis, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt, et les a renvoyé devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

M. [N] a été condamné aux dépens et condamné à payer au directeur régional des finances publiques d'[Localité 4] et du département de [Localité 6] agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Au visa des articles L. 56 du livre des procédures fiscales et 12 du code de procédure civile, la cour d'appel a été sanctionnée par la Cour de cassation pour avoir à tort tranché le litige en application des dispositions de l'article 57 du même livre qui impose à l'administration fiscale de motiver la proposition de rectification de manière à permettre au contribuable de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.

Par déclaration du 20 juillet 2022, le Directeur régionnal des Finances Publiques d'[Localité 4] a saisi la cour d'appel.

Par dernières écritures du 10 mai 2023, Mme la Directrice régionale des Finances publiques d'[Localité 4] et de [Localité 6] prie la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Versailles du 5 avril 2018 en ce qu'il a :

* annulé l'avis de mise en recouvrement du 29 mai 2015,

* ordonné le dégrèvement subséquent des impositions,

* condamné le Trésor Public aux dépens,

Et statuant à nouveau,

- confirmer les rappels effectués par l'administration,

- confirmer la décision de rejet de l'administration du 25 février 2016,

- débouter M. [N] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

-condamner M. [N] aux dépens et dire qu'en toute hypothèse les frais de constitution d'avocat resteront à sa charge.

Par dernières écritures du 21 novembre 2022, M. [N] prie la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 5 avril 2018 par le tribunal de grande instance de Versailles,

- débouter M. le Directeur général des Finances publiques poursuites et diligences du Directeur régional des finances publiques d'[Localité 4] et du département de [Localité 6] en toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. le Directeur général des Finances publiques poursuites et diligences du Directeur régional des finances publiques d'[Localité 4] et du département de [Localité 6] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. le Directeur général des Finances publiques poursuites et diligences du Directeur régional des finances publiques d'[Localité 4] et du département de [Localité 6] aux entiers dépens, lesquels comprendront également ceux exposés devant les juridictions du fond, y compris ceux afférents à la décision partiellement cassée, en application des dispositions de l'article 639 du code de procédure civile,

- dire que les dépens seront recouvrés directement, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 juin 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour demander l'infirmation du jugement rendu le 5 avril 2018 par le tribunal de grande instance de Versailles, l'administration fiscale expose que la Cour de cassation a censuré l'arrêt d'appel qui considérait que la procédure de taxation d'office des revenus d'origine indéterminée était irrégulière au regard de l'obligation de motiver la proposition de rectification visée à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, lequel article n'est pas applicable en matière de taxation d'office.

Elle soutient qu'en matière de taxation d'office d'avoirs bancaires pour lesquels il avait été demandé au contribuable d'apporter des justifications, l'exigence de motivation est respectée, au regard de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, lorsque l'administration indique dans la proposition de rectification, le montant global des crédits bancaires taxés d'office et se réfère à la lettre par laquelle elle avait, au préalable, demandé à l'intéressé des justificatifs sur la liste détaillée de ses crédits.

En l'espèce, fait-elle valoir, la proposition de rectification du 19 mars 2015, après avoir rappelé la demande d'assistance administrative internationale, mentionnait :

- l'existence d'un compte bancaire non déclaré détenu par M. [N],

- la demande d'informations et de justifications adressée au contribuable le 2 novembre 2014 ainsi que la mise en demeure du 19 janvier 2015, réceptionnée le 26 janvier 2015,

- la référence du compte bancaire, l'établissement auprès duquel le compte a été ouvert, la date de valeur à laquelle le montant de l'avoir était le plus élevé.

Elle ajoute que la mise en demeure du 19 janvier 2015, mentionnée par la proposition de rectification, comportait de multiples indications quant au détail des flux et comportait en annexe le tableau fourni par les autorités espagnoles en réponse à ses demandes de 2014.

Elle soutient que les informations fournies par le service de contrôle, dans le cadre de la procédure fiscale, permettaient à M. [N] d'être pleinement informé sur le montant des avoirs bancaires taxés d'office, et étaient donc conformes à l'exigence de motivation au regard de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales.

L'administration fiscale entend ensuite démontrer la régularité de l'AMR, lequel conformément aux dispositions de l'article R. 256-1 3ème alinéa du même livre, fait référence à la proposition de rectification.

En dernier lieu, l'appelante développe des moyens de fond afin de démontrer que le rappel est fondé en son principe, relevant que cela n'est pas contesté par l'intimé.

Pour s'opposer aux demandes de l'administration fiscale, M. [N] soulève en premier lieu le caractère exagéré de la taxation d'office.

Au visa des articles L. 71 du livre des procédures fiscales, 755 du code général des impôts, R. 193-1 du livre des procédures fiscales et de la jurisprudence du Conseil d'Etat (CE, 20 février 1981, n° 09728), il fait valoir que lorsque l'administration fiscale décide de recourir à l'imposition d'office de contribuables n'ayant pas répondu ou répondu de façon insuffisante aux demandes d'informations ou de justifications prévues à l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales, elle doit détailler de façon précise les calculs effectués pour déterminer la base d'imposition des droits notifiés.

Il ajoute que la fixation de l'assiette taxable, sans aucun détail, revêt un caractère exagéré, comme tel est le cas de la proposition de rectification litigieuse, qui indique qu'« au cas particulier, l'examen du relevé bancaire du compte ouvert à Vigo auprès de l'établissement bancaire espagnol Banco Santander a permis de déterminer le solde créditeur le plus élevé », soit 73 235,69 euros au 4 octobre 2007, tandis que l'annexe jointe à la proposition de rectification ne fait qu'apparaître les opérations de crédit figurant sur le compte espagnol.

Relevant que le détail du calcul du solde créditeur le plus élevé n'est pas indiqué, en violation des dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, il en conclut que le redressement a un caractère exagéré, soulignant que l'exigence de clarté doit être d'autant plus stricte que la procédure de taxation d'office limite le débat contradictoire.

En second lieu, l'intimé conclut à l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement qui selon lui ne satisfait pas aux exigences posées par l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales faute de mentionner le fondement légal, pourtant nécessaire à l'identification de l'imposition (l'article 755 du CGI au cas présent).

M. [N] sollicite en conséquence la confirmation du jugement rendu le 5 avril 2018 par le tribunal de grande instance de Versailles.

Sur ce,

Il est acquis en l'espèce que M. [N], suite à la demande d'informations ou de justifications sur l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs figurant sur le compte ouvert à son nom en Espagne auprès de la banque Banco Santander SA que l'administration fiscale lui avait adressée en application de l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales par lettre du 3 novembre 2014, réceptionnée le 5 novembre 2014, a fait l'objet d'une mesure de taxation d'office telle que prévue par l'article L. 71 du livre des procédures fiscales en ces termes :

« En l'absence de réponse ou à défaut de réponse suffisante aux demandes d'informations ou de justifications prévues à l'article L. 23 C dans les délais prévus au même article, la personne est taxée d'office dans les conditions prévues à l'article 755 du code général des impôts.

La décision de mettre en 'uvre cette taxation d'office est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d'Etat, qui vise à cet effet la notification prévue à l'article L. 76. ».

En application de l'article 71 susvisé, la base d'imposition d'office est déterminée par l'article 755 du code général des impôts, inséré au sein du paragraphe relatif aux présomptions de propriété concernant le champ d'application des droits de mutation à titre gratuit, qui prévoit que l'ensemble des avoirs détenus sur les comptes bancaires détenus à l'étranger et non déclarés sont réputés constituer un patrimoine acquis à titre gratuit, qui est taxé au taux le plus élevé existant pour les droits de mutation, soit 60 %.

L'article L. 76 alinéa 1 du livre des procédures fiscales dispose quant à lui que :

« Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. Cette notification est interruptive de prescription. Lorsque le contribuable est taxé d'office en application de l'article L. 69, à l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut être saisie dans les conditions prévues à l'article L. 59. », et l'article L. 76 B suivant que :

« L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. »

Enfin, l'article L. 56 du livre des procédures fiscales précise que « la procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable (') 4° dans les cas de taxation ou évaluation d'office des bases d'imposition ».

Il découle de ces textes que dès lors que l'administration fiscale a utilisé la procédure de taxation d'office, comme tel est le cas en l'espèce, les règles concernant la procédure de redressement contradictoire ne sont pas applicables.

Toutefois, si l'exigence de motivation de la notification du redressement est moindre en la matière, le contenu et les indications de cette notification doivent permettre de mettre en mesure le contribuable de pouvoir utilement engager une discussion de l'imposition, après la mise en recouvrement, dans le cadre d'une éventuelle procédure contentieuse.

Ainsi, la notification prévue à l'article 76 du livre des procédures fiscales doit préciser les motifs de droit et de fait sur lesquels elle fonde la procédure et s'attacher à préciser tous les éléments de l'imposition aussi exactement que possible, en particulier la manière dont ont été déterminés la base ou les éléments utilisés pour le calcul des impositions d'office. En application de l'article L. 76 B suivant, elle doit également contenir les informations relatives aux renseignements ou documents obtenus auprès des tiers.

En l'espèce, la proposition de rectification en date du 19 mars 2015 relate précisément les faits la justifiant, à savoir les éléments de la demande d'assistance administrative internationale auprès des autorités espagnoles, la demande adressée à M. [N] par lettre du 3 novembre 2014 d'informations et de justifications sur des avoirs détenus ou utilisés à l'étranger et non déclarés ainsi que la mise en demeure qui lui a été adressée par lettre du 19 janvier 2015.

Cette proposition de rectification précise qu'elle s'inscrit dans le cadre des dispositions de l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales et qu'il est procédé conformément à cet article ainsi qu'aux articles L. 71 du même livre et 755 du code général des impôts ; en liminaire, le cadre juridique de la taxation d'office est mentionné, et notamment, en plus de celles ci-dessus mentionnées, les dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales.

Sont ensuite décrites l'assiette servant de base au calcul des droits, à savoir le montant du solde créditeur le plus élevé du compte et les modalités de calcul des droits.

Enfin, la notification comprend en annexe 1 le récapitulatif des crédits bancaires figurant au compte litigieux de 2007 à 2009, tandis que la mise en demeure adressée à M. [N] le 19 janvier 2015, expressément visée par la proposition de rectification, contient également en annexe la copie des extraits du compte bancaire espagnol de M. [N] fournis par les autorités espagnoles en réponse aux demandes d'assistance administrative.

Ainsi, le contenu et les indications de la notification sont suffisamment explicites et exhaustifs et permettaient, comme tel a d'ailleurs été le cas, à M. [N] d'introduire une discussion contentieuse en disposant des informations nécessaires pour ce faire.

Le fait que la proposition litigieuse mentionne comme assiette du redressement le solde créditeur le plus élevé du compte à la date du 4 octobre 2007 alors que cette somme ne figure pas dans l'annexe 1 qui relate uniquement les sommes versées au crédit du compte entre le 10 janvier 2007 et le 15 septembre 2009, ne confère pas un caractère exagéré au redressement en ce que nonobstant l'absence de document bancaire justifiant la somme retenue, le contribuable dispose des éléments nécessaires pour la discuter le cas échéant.

S'agissant de l'avis de mise en recouvrement, l'article R* 256-1 du livre des procédures fiscales prévoit en ses 3 premiers alinéas qu'il « (') indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis.

L'avis de mise en recouvrement mentionne également que d'autres intérêts de retard pourront être liquidés après le paiement intégral des droits.

Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. »

Selon la jurisprudence (notamment Cass. Com. 25 janvier 2017, pourvoi n° 15-21.168), l'absence de visa des textes applicables dans l'avis de mise en recouvrement ne le vicie pas pour autant que, lorsque l'administration les indique, elle ne doit pas induire le contribuable en erreur.

L'avis litigieux en date du 29 mai 2015, en ce qu'il vise, à l'exclusion de tout texte, la proposition de rectification du 19 mars 2015, est donc régulier au regard de l'article R* 256-1 susvisé.

En conséquence de tout ce qui précède, ni la notification de la taxation d'office, ni l'avis de mise en recouvrement ne sont entachés d'irrégularité.

Le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Versailles le 5 avril 2018 sera en conséquence infirmé en ce qu'il a annulé l'avis de mise en recouvrement et ordonné le dégrèvement subséquent des impositions.

M. [N] sera débouté de ses demandes, sans qu'il y ait lieu de confirmer les rappels effectués par l'administration et la décision de rejet de l'administration du 25 février 2016, non critiqués par le contribuable.

Mme la Directrice régionale des Finances publiques d'[Localité 4] et de [Localité 6] sera en conséquence déboutée de ses demandes à cet égard.

Sur les demandes accessoires

L'administration fiscale étant accueillie en son recours, le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, M. [N] ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles. Il devra en outre supporter les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, dans les limites de sa saisine, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 5 avril 2018 par le tribunal de grande instance de Versailles en ce qu'il a annulé l'avis de mise en recouvrement, ordonné le dégrèvement subséquent des impositions et statué sur les frais irrépétibles et les dépens,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déboute M. [E] [N] de toutes ses demandes,

Déboute Mme la Directrice régionale des Finances publiques d'[Localité 4] et de [Localité 6] du surplus de ses demandes,

Dit que M. [E] [N] supportera les dépens de première instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame F. PERRET, Président et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-3
Numéro d'arrêt : 22/04805
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;22.04805 ?
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