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07/03/2024 | FRANCE | N°22/01682

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-5, 07 mars 2024, 22/01682


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



Chambre sociale 4-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 07 MARS 2024



N° RG 22/01682

N° Portalis DBV3-V-B7G-VG6I



AFFAIRE :



[O], [J], [P] [D]





C/

S.A.S. EUROCOMPOSANT









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Avril 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de RAMBOUILLET

N° Section : E

N° RG : F21/001

86



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Claire QUETAND-FINET



Me Angélique CORES







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEPT MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Ver...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 MARS 2024

N° RG 22/01682

N° Portalis DBV3-V-B7G-VG6I

AFFAIRE :

[O], [J], [P] [D]

C/

S.A.S. EUROCOMPOSANT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Avril 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de RAMBOUILLET

N° Section : E

N° RG : F21/00186

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Claire QUETAND-FINET

Me Angélique CORES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [O], [J], [P] [D]

né le 03 Août 1972 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Claire QUETAND-FINET, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 678

Représentant : Me Antoine LEPRINCE-RINGUET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

S.A.S. EUROCOMPOSANT

N° SIRET : 351 874 896

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Angélique CORES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J061

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Janvier 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [O] [D] a été engagé par la société Eurocomposant suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er février 2013 en qualité de responsable technico-commercial et de responsable produit, position 3,2, coefficient 210, avec le statut de cadre.

En dernier lieu, le salarié exerçait les mêmes fonctions au coefficient C13.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des entreprises de commission, de courtage et de commerce intracommunautaire et d'importation-exportation.

Par lettre du 25 mars 2019, M. [D] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Le 7 novembre 2019, M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles aux fins de voir dire notamment que sa prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 7 juillet 2021, le conseil de prud'hommes de Versailles s'est déclaré incompétent au profit du conseil de prud'hommes de Rambouillet.

Par jugement en date du 25 avril 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- jugé que la prise d'acte de M. [D] produit les effets d'une démission,

- fixé le salaire mensuel de référence de M. [D] à 7 961 euros,

- condamné la société Eurocomposant à verser à M. [D] les sommes suivantes:

* 25 008 euros au titre de rappel de rémunération variable pour l'année 2018,

* 1 250 euros au titre de la prime d'objectif déduite sur la feuille de paie de janvier 2019,

* 2 625,80 euros au titre des congés payés y afférents,

* 1 042 euros au titre de la prime variable pour l'année 2019,

* 104,2 euros au titre des congés payés afférents,

* 2 084 euros au titre de la prime variable d'avril 2016 et juillet 2017,

* 208,40 euros au titre des congés payés y afférents,

* 663,42 euros au titre du 13ème mois pour l'année 2019,

* 66,34 euros au titre des congés payés y afférents,

* 256,80 euros au titre du paiement d'un jour de réduction du temps de travail,

* 25,68 euros au titre des congés payés y afférents,

* 31 844 euros au titre de la clause de non-concurrence,

* 3 184,40 euros au titre des congés payés y afférents,

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les sommes porteront intérêts légaux à compter de la mise à disposition du jugement,

- débouté M. [D] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- ordonné la remise des documents sociaux conformes à la présente décision, notamment l'attestation pôle emploi, le solde de tout compte, le certificat de travail et les bulletins de salaire des mois de janvier, février et mars 2019,

- rejeté la demande d'astreinte formulée par M. [D],

- ordonné l'exécution provisoire de droit,

- débouté les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif,

- condamné la société Eurocomposant aux entiers dépens et aux frais d'exécution éventuels.

Le 24 mai 2022, M. [D] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 23 août 2022, M. [D] demande à la cour de :

- dire et juger que le manquement de l'employeur à son obligation d'exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail est caractérisé,

- dire et juger que la prise d'acte par M. [D] le 25 mars 2019 de la rupture de son contrat de travail a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- constater qu'il a subi des agissements répétés de harcèlement moral et de discrimination,

- fixer le salaire mensuel de référence à la somme de 7 961 euros,

- débouter la société Eurocomposant de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Eurocomposant à lui payer la somme de 55 727 euros à titre de dommages et intérêts, fixée comme en matière de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Eurocomposant à lui payer la somme de 13 016 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- condamner en tout état de cause, la société Eurocomposant à lui payer la somme de 25 008 euros à titre de rappel de rémunération variable pour l'année 2018, outre la prime de 1 250 euros abusivement déduite en janvier 2019 et 10% de ces sommes au titre des congés payés afférents,

- condamner la société Eurocomposant à lui payer au titre de 2019 le montant de la rémunération variable qu'il aurait perçue s'il avait continué à travailler jusqu'à l'expiration de son préavis, soit la somme de 12 059 euros, outre 10% au titre des congés payés afférents,

- condamner en tout état de cause, la société Eurocomposant à lui payer la somme de 11 615 euros au titre des absences abusivement décomptées de janvier à mars 2019, outre 10% au titre des congés payés afférents,

- condamner la société Eurocomposant à lui payer la somme de 23 883 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 10% au titre des congés payés afférents,

- condamner en tout état de cause, la société Eurocomposant à lui payer la somme de 7 961 euros à titre de dommages et intérêts pour privation de la possibilité d'être assisté par un représentant du personnel et de se présenter à des élections professionnelles,

- en tout état de cause, condamner la société Eurocomposant à lui payer à titre de rappel de rémunération variable pour les années 2013 à 2015 les sommes respectives de 9 504 euros, 12 749 euros et 7 657 euros, soit un total de 29 910 euros, outre 10% au titre des congés payés afférents,

- condamner la société Eurocomposant à lui payer à titre de rappel de rémunération variable pour les années 2016 et 2017 la somme de 2 084 euros, outre 10% au titre des congés payés afférents,

- condamner la société Eurocomposant à lui payer la somme de 2 411 euros au titre de la quote-part de 13ème mois pour l'année 2019, outre 10% au titre des congés payés afférents,

- condamner la société Eurocomposant à lui payer une indemnité compensatrice de congés payés de 7 411 euros,

- condamner la société Eurocomposant à lui payer la somme de 3 127 euros à titre de rappel de salaire pour dépassement fautif du forfait annuel en jours conventionnel, outre 10% au titre des congés payés afférents,

- condamner la société Eurocomposant à lui payer la somme de 3 553 euros à titre d'indemnité compensatrice de jours de RTT, outre 10% au titre des congés payés afférents,

- condamner la société Eurocomposant à lui payer la somme de 3 130 euros à titre d'indemnité compensatoire de titres-restaurant,

- condamner la société Eurocomposant à lui payer la somme de 600 euros à titre de remboursement de frais professionnels,

- condamner la société Eurocomposant à lui payer la somme de 48 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- condamner la société Eurocomposant à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination,

- condamner la société Eurocomposant à lui payer la somme de 31 848 euros à titre d'indemnité de non-concurrence sur 12 mois, outre 10% au titre des congés payés afférents,

- au surplus, dire et juger que les sommes au paiement desquelles l'employeur sera condamné porteront intérêt au taux légal, à compter du jour de la prise d'acte pour les indemnités de licenciement et de préavis, à compter de chaque échéance devenue exigible pour les créances de nature salariale et à compter du jour de l'introduction de l'instance, le 7 novembre 2019, pour les autres sommes,

- ordonner la capitalisation des intérêts échus en application des dispositions de l'article 1 343-2 du code civil,

- condamner la société Eurocomposant à lui payer la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner à la société Eurocomposant d'établir et lui remettre les bulletins de salaire des mois de janvier, février et mars 2019, l'attestation pôle emploi et le reçu pour solde de tout compte, l'ensemble conforme à la décision à intervenir, et ce, dans un délai de huit jours à compter de ladite décision,

- condamner la société Eurocomposant aux entiers dépens de l'instance et de ses suites.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 22 novembre 2022, la société Eurocomposant demande à la cour de :

- reformer le jugement en ce qu'il l'a condamné à verser les sommes suivantes :

* 2 084 euros au titre de la prime variable d'avril 2016 et juillet 2017,

* 208,40 euros au titre des congés payés y afférents,

* 25 008,00 euros au titre de rappel de rémunération variable pour l'année 2018,

* 1 250,00 euros au titre de la prime d'objectif déduite sur la feuille de paie de janvier 2019,

* 2 625,80 euros au titre des congés payés y afférents,

* 1 042,00 euros au titre d'un rappel de rémunération variable pour l'année 2019,

* 104,20 euros au titre des congés payés y afférents,

* 663,42 euros au titre du 13ème mois pour l'année 2019,

* 66,34 euros au titre des congés payés y afférents,

* 256,80 euros au titre du paiement d'un jour de RTT,

* 25,68 euros au titre des congés payés y afférents,

* 31 844,00 euros au titre de la clause de non-concurrence,

* 3 184,40 euros au titre des congés payés y afférents,

* 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a débouté de ses demandes reconventionnelles,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de M. [D] devait produire les effets d'une démission pure et simple, débouté M. [D] du surplus de ses demandes,

statuant à nouveau,

- débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- à titre reconventionnel, condamner M. [D] au paiement de la somme de 23 742,50 euros au titre de son préavis non effectué de trois mois,

- condamner M. [D] au paiement de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [D] aux entiers dépens de l'instance.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de l'instruction est intervenue le 9 janvier 2024.

MOTIVATION

Sur la rémunération variable pour l'année 2018 et la prime déduite en janvier 2019

Le salarié sollicite le paiement d'une somme de 25 008 euros à titre de rappel de rémunération variable pour l'année 2018, outre 10% au titre des congés payés afférents et le paiement d'une somme de 1 250 euros au titre de la prime déduite en janvier 2019, outre 10% au titre des congés payés afférents. Il indique que l'employeur ne lui a pas communiqué en début d'exercice le budget à réaliser et que par conséquent le plafond annuel de rémunération variable est acquis.

L'employeur conclut au débouté de la demande. Il fait valoir qu'en début d'année 2018, des objectifs ont été fixés au salarié basés sur la marge nette réalisée lors de la réunion de lancement du budget, sans aucune contestation de sa part. Il souligne que les modalités de rémunération variable du salarié n'ont pas été modifiées depuis 2016 a minima.

Lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier dès lors qu'ils sont réalisables et qu'ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d'exercice.

A défaut de fixation d'objectifs annuels en début d'année pour l'exercice en cours, il y a lieu de se référer à l'exercice antérieur.

Le contrat de travail du salarié prévoit une rémunération annuelle brute de 60 000 euros outre une rémunération variable calculée comme suit:

' la rémunération variable annuelle sur les 6 premiers mois de 2013 sera fixe et égale à 1042 euros mensuel,

la rémunération variable mensuelle à partir de juillet 2013 sera comprise entre 0 euro (obtenu pour un résultat inférieur ou égal à 80% de son budget) et 2 084 euros (obtenu pour un résultat supérieur ou égal à 120% de son budget). Le budget à réaliser est la somme du budget vente et du budget produit. Il est établi par la direction'.

En l'espèce, l'employeur produit un unique courriel du 15 janvier 2019 intitulé 'pour rappel, vu en janvier 2018", comprenant un compte-rendu d'entretien individuel annuel signé par l'employeur seul, avec une rubrique 'objectifs' avec la notion de marge chiffrée à trois reprises de manière peu lisible, comportant deux corrections apposées au Tipp-Ex.

Le salarié réfute avoir eu connaissance de ces éléments en début d'année 2018.

Il y a lieu de considérer que ce seul courriel postérieur à l'entretien en question, comprenant des éléments peu lisibles, des corrections et la seule signature de l'employeur est insuffisant à établir que des objectifs clairs et précis pour l'année 2018 ont été portés à la connaissance du salarié lors de l'entretien du 18 janvier 2018 comme allégué par l'employeur.

Par conséquent, il s'en déduit que l'employeur n'a pas fixé d'objectifs au salarié en début d'année 2018 pour l'année 2018 et il convient, pour fixer la prime de l'année 2018, de se référer à l'année 2017, année pour laquelle le salarié a perçu une prime sur objectif mensuelle de 1 042 euros, outre une régularisation en janvier 2018 d'un montant de 12 504 euros, correspondant à 12X 1042 euros, soit le montant maximal prévu à son contrat de travail pour la rémunération variable.

Pour l'année 2018, le salarié a perçu une prime sur objectif mensuelle de 1 042 euros, et a subi une déduction au titre de la prime sur objectif de 1 250 euros en janvier 2019.

Il n'est pas justifié que cette avance sur prime versée chaque mois ait fait l'objet d'un remboursement de la part du salarié comme demandé par l'employeur.

Par conséquent, il convient de condamner la société Eurocomposant à payer à M. [D] une somme de 12 504 euros au titre du solde restant dû de prime sur objectifs pour l'année 2018 en référence à la prime versée l'année précédente, outre 1 250,4 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.

La société Eurocomposant devra également régler à M. [D] la somme de 1 250 euros au titre de la prime sur objectif déduite en janvier 2019. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

En outre, la société Eurocomposant sera condamnée à payer à M. [D] la somme de 125 euros au titre des congés payés afférents à la prime sur objectif déduite en janvier 2019, le conseil de prud'hommes n'ayant pas statué sur ce point.

Sur la rémunération variable pour l'année 2019

Le salarié sollicite le paiement d'une somme de 12 059 euros à titre de rappel de rémunération variable pour l'année 2019, outre 10% au titre des congés payés afférents, indiquant qu'aucun objectif ne lui a été fixé en début d'année 2019 pour l'exercice 2019.

L'employeur fait valoir que le salarié était en arrêt de travail pour maladie lors de la fixation des budgets et qu'il n'a plus répondu aux sollicitations de l'employeur.

En l'espèce, l'employeur ne justifie pas de la fixation d'objectifs au salarié en début d'année 2019 pour l'année 2019.

Par conséquent, par référence à l'exercice antérieur, la société Eurocomposant doit être condamnée à payer à M. [D] une somme de 12 059 euros à titre de prime sur objectifs pour l'année 2019, outre 1 205,9 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.

Sur les absences décomptées de janvier à mars 2019

Le salarié sollicite le paiement d'une somme de 11 615 euros au titre des absences décomptées de janvier à mars 2019, outre 10% au titre des congés payés afférents.

L'employeur conclut au rejet de la demande. Il fait valoir que le salarié n'a pas justifié de ses absences et n'est pas en mesure de démontrer qu'il a fourni une prestation de travail pendant cette période en dépit de mise en demeure de justifier son absence.

En l'espèce, les bulletins de paie du salarié montrent des déductions de salaire pour 'absence non rémunérée' à compter du 23 janvier 2019.

Le salarié soutient s'être tenu à disposition de son employeur et que ce dernier ne lui a pas réglé les salaires dus, produisant des mises en demeure de payer son salaire les 27 janvier 2019 et 13 février 2019.

L'employeur fait valoir que le salarié n'a plus exécuté son travail depuis le 21 janvier 2019. Il produit des courriels envoyés au salarié insuffisants à démontrer que celui-ci a refusé d'exécuter son travail à défaut de production de consignes précises et de preuve que celles-ci n'ont pas été exécutées par le salarié conformément à ses missions. Il verse, en outre, aux débats une mise en demeure pour absence injustifiée présentée le 27 mars 2019 au salarié, soit postérieurement à la prise d'acte de ce dernier.

Il s'en déduit que pour la période litigieuse, l'employeur ne démontre pas que le salarié a refusé d'exécuter sa prestation de travail.

Par conséquent, la société Eurocomposant doit être condamnée à payer à M. [D] la somme de 11 615 euros au titre des absences non rémunérées décomptées de janvier à mars 2019, outre 1 161,5 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la prise d'acte du contrat de travail et ses conséquences

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements invoqués sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission et la charge de la preuve des faits pèse sur le salarié.

Le salarié invoque les manquements suivants à l'encontre de son employeur :

- la privation des outils de travail du salarié et l'usage abusif de son identité,

- le défaut de paiement de la rémunération variable de 2018,

- l'absence de fixation des objectifs 2019,

- des retenues sur salaire en 2019,

- l'absence de remplacement du délégué du personnel cadre démissionnaire.

En l'espèce, il résulte des développements qui précèdent et des éléments portés à l'appréciation de la cour que les manquements relatifs au défaut de paiement de la rémunération variable de 2018, à l'absence de fixation des objectifs 2019, à des retenues sur salaire en 2019 sont établis et sont d'une gravité telle qu'ils rendaient impossible la poursuite du contrat de travail.

Par conséquent, la prise d'acte du 25 mars 2019 du salarié est justifiée et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres manquements invoqués.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, le salarié qui justifie d'une ancienneté de plus de six ans a droit à une indemnité comprise entre 3 et 7 mois de salaire brut.

M. [D] percevait 7 961 euros brut par mois de rémunération et était âgé de 46 ans lors de la rupture de son contrat de travail. Il a créé en tant qu'entrepreneur individuel une entreprise le 16 novembre 2020 dans le domaine de la réparation et du dépannage.

Il sera, par conséquent, alloué à M. [D] une indemnité d'un montant de 30 000 euros.

Sur l'indemnité de licenciement

En application de l'article R. 1234-1, le salarié a droit à une indemnité de licenciement égale à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté qu'il convient de fixer au montant de 13 016 euros, quantum non contesté par la société intimée.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

En application de l'article 12 de la convention collective applicable, le salarié cadre a droit à une indemnité compensatrice de préavis de trois mois de salaire qu'il convient de fixer à la somme de 23 883 euros, outre 2 388,3 euros au titre des congés payés afférents.

La société Eurocomposant sera condamnée à payer ces sommes à M. [D]. Le jugement entrepris sera infirmé sur ces points.

Sur la privation de la possibilité d'être assisté par un représentant du personnel et de se présenter à des élections professionnelles

M. [D] sollicite des dommages et intérêts à hauteur de 7 961 euros à titre de dommages et intérêts. Il indique qu'il a sollicité en janvier, février et mars 2019 le nom du remplaçant du délégué du personnel cadre démissionnaire de son mandat mais qu'il a fallu attendre plus de six mois avant que soit organisé le remplacement du délégué manquant, qu'il a donc été privé de la possibilité de se présenter à des élections professionnelles et d'être assisté par un représentant du personnel.

L'employeur fait valoir que de nouvelles élections ont été organisées rapidement, que le manquement est inopérant et au surplus, ne cause pas de grief au salarié qui aurait pu se faire assister par le délégué du personnel cadre ou non-cadre voire même l'inspection du travail.

Le salarié ne démontre pas qu'il ait eu la volonté de se présenter à des élections professionnelles et qu'il ait subi un préjudice de perte de chance à ce titre.

En outre, le salarié avait la possibilité de s'adresser à un autre représentant du personnel pour être assisté. Il n'a donc pas subi de préjudice du fait de la démission du délégué du personnel cadre.

Par conséquent, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur la rémunération variable pour les années 2013 à 2015

Le salarié sollicite le paiement d'une somme de 29 910 euros à titre de rappel de rémunération variable pour les années 2013 à 2015, outre 10% au titre des congés payés afférents. Il fait valoir qu'il a eu connaissance le 16 janvier 2019 du fait lui permettant d'exercer l'action en paiement, que celle-ci n'est donc pas prescrite.

L'employeur soulève la prescription de ces demandes en vertu de la prescription triennale de l'action en paiement du salaire.

Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

En l'espèce, le salarié avait connaissance de l'existence de sa rémunération variable dans son contrat de travail et avait accès aux éléments ayant permis de la régulariser chaque année.

Il s'en déduit que l'action en paiement de la prime pour les années 2013 à 2015 est prescrite, plus de trois ans s'étant écoulé après la régularisation de chacun des montants annuels en janvier de l'année suivante et l'engagement de la procédure prud'homale le 7 novembre 2019.

Par conséquent, la demande de rémunération variable pour les années 2013 à 2015 doit être déclarée irrecevable car atteinte par la prescription. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la rémunération variable pour les années 2016 à 2017

Le salarié sollicite le paiement d'une somme de 2 084 euros à titre de rappel de rémunération variable pour les années 2016 à 2017, outre 10% au titre des congés payés afférents. Il indique que l'employeur a omis de lui verser l'avance de 1 042 euros par mois en avril 2016 et en juillet 2017.

L'employeur fait valoir que le salarié n'a pas perçu d'avance sur commission sur les deux mois litigieux car le salarié était en arrêt de travail pour maladie, qu'en outre, il n'avait pas l'obligation d'effectuer ce versement mensuel, que les primes ont été régularisées au niveau annuel en janvier des années suivantes.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le salarié n'a pas perçu d'avance sur commission en avril 2016 et en juillet 2017.

Or, en janvier 2017, le salarié a perçu une régularisation de prime sur objectif d'un montant de 13 546 euros, correspondant à 13 mensualités de 1 042 euros, c'est à dire, incluant l'avance du mois de janvier 2017. Par conséquent, il reste dû une somme de 1 042 euros à M. [D] au titre du mois d'avril 2016.

En janvier 2018, le salarié a perçu une régularisation de prime sur objectif d'un montant de 12 504 euros outre un montant de 1 042 euros au titre de l'avance du mois de janvier 2018. Par conséquent, il reste dû une somme de 1 042 euros à M. [D] au titre du mois de juillet 2017.

Il convient donc de confirmer le jugement qui a condamné la société Eurocomposant à payer à M. [D] une somme de 2 084 euros au titre de la prime sur objectif d'avril 2016 et de juillet 2017, outre 208,4 euros au titre des congés payés afférents.

Sur le treizième mois pour l'année 2019

Le salarié sollicite le paiement d'une somme 2 411 euros au titre de la quote-part de 13ème mois pour l'année 2019, outre 10% au titre des congés payés afférents. Il soutient qu'il n'a reçu aucune prime de treizième mois au titre de la période du 1er janvier au 25 juin 2019.

L'employeur fait valoir qu'il a déjà réglé cette prime en janvier 2019, que le contrat de travail du salarié a pris fin le 25 mars 2019.

Le contrat de travail du salarié prévoit que la rémunération est versée sur treize mois, sans condition de présence.

En pratique, l'employeur a réglé cette prime pour partie en juillet et pour partie en janvier.

En janvier 2019, une prime de treizième mois de 2 500 euros a été réglée, correspondant au semestre précédent.

Ainsi, la prime de treizième mois au titre de la période de janvier 2019 au 25 juin 2019, date de fin du contrat de travail n'ayant pas été réglée, l'employeur doit être condamné à payer à M. [D] la somme de 2 411 euros au titre de cette prime pour l'année 2019, outre un montant de 241,1 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés

Le salarié sollicite le paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés de 7 411 euros. Il indique que cette indemnité ne lui a pas été versée avec le solde de tout compte, en raison de la retenue de 12 504 euros abusivement pratiquée.

L'employeur ne conclut pas sur ce point.

Il convient de condamner la société Eurocomposant à payer à M. [D] la somme de 7 411 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, la demande étant fondée, l'employeur ne justifiant pas avoir effectué ce règlement. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur le rappel de salaire pour dépassement fautif du forfait annuel en jours conventionnel

Le salarié sollicite la somme de 3 127 euros à titre de rappel de salaire pour dépassement fautif du forfait annuel en jours conventionnel, outre les congés payés afférents.

L'employeur fait valoir qu'il est possible de déroger à la limite maximale du forfait fixé par accord collectif avec l'accord exprès du salarié et que le salarié ne justifie pas de la réalité des jours travaillés et qu'il bénéficiait de jours de RTT.

L'accord du 7 juin 2000 relatif à la réduction et à l'aménagement du temps de travail prévoit en son article 10 que le nombre de jours travaillés dans le cadre d'une convention de forfait annuel en jours est fixé à 214 jours.

L'article 11 de la convention collective applicable prévoit que 'le contrat individuel de travail [...] ne pourra comprendre de clause contraire à la présente convention collective'.

Or, le contrat de travail du salarié fixe à 218 jours par an la durée de travail du salarié au titre de la convention de forfait annuel, ce qui est contraire à la durée fixée par l'accord susmentionné alors même qu'aucun accord formulé par écrit n'est produit sur ce point.

Le fait que le salarié ait bénéficié de RTT ne permet pas de démontrer qu'il n'a pas travaillé au-delà des 214 jours par année correspondant à la limite du forfait conventionnel.

En outre, M. [D] aurait dû, en renonçant à des jours de repos, bénéficier d'une rémunération de jours annuels de travail supplémentaires à un taux de majoration ne pouvant être inférieur à 10%.

Par conséquent, la société Eurocomposant doit être condamnée à payer à M. [D] une somme de 3 127 euros pour dépassement fautif du forfait annuel en jours conventionnel, outre 312,7 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur les jour de RTT

Le salarié sollicite la somme de 3 553 euros à titre d'indemnité compensatrice de jours de RTT, outre les congés payés afférents.

L'employeur fait valoir que si le salarié n'a pas pris ses RTT, ce n'est pas de son fait.

En l'espèce, l'absence de prise des jours de repos au titre de la réduction du temps de travail n'est pas imputable à l'employeur, qui notamment par plusieurs courriels, a demandé au salarié s'il souhaitait prendre des jours ou s'il travaillait après le 21 janvier 2019.

Par conséquent, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné la société Eurocomposant à payer à M. [D] une somme de 256,8 euros au titre d'un jour de réduction du temps de travail, outre 25,68 euros au titre des congés payés afférents et M. [D] sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur les titres-restaurant

Le salarié sollicite la somme de 3 130 euros à titre d'indemnité compensatoire de titres-restaurant. Il indique qu'il n'a pas bénéficié de l'avantage octroyé aux autres salariés et qu'il a mis vainement en demeure son employeur de régulariser la situation.

L'employeur fait valoir qu'il ne s'agit pas d'un droit acquis et que le salarié n'a jamais formulé une telle demande avant la rupture de son contrat de travail.

En l'espèce, le salarié avait vocation à bénéficier de titres-restaurant comme ses collègues, le code du travail ne prévoyant pas d'autres conditions que la qualité de salarié et le fait qu'un repas soit compris dans l'horaire de travail journalier du travailleur.

Par conséquent, le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande et la société Eurocomposant sera condamnée à payer à M. [D] une somme de 3 130 euros à titre d'indemnité compensatoire de titres-restaurant correspondant à une période de trois ans non prescrite précédant la saisine du bureau de jugement.

Sur les frais professionnels

Le salarié sollicite la somme de 600 euros en remboursement de frais professionnels, sur la base de 150 euros par mois entre le 1er décembre 2018 et le 25 mars 2019 période pendant laquelle il est resté à disposition.

L'employeur conclut au débouté, du fait de l'abandon de poste et de l'absence de présentation de notes de frais.

En l'espèce, M. [D] étant à disposition de son employeur entre le 1er décembre 2018 et le 24 mars 2019, la société Eurocomposant doit être condamnée à lui régler la somme de 566 euros au titre des frais professionnels engagés pour ses frais de bureau et de ligne ADSL, la demande étant fondée sur cette période. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L.1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L.1152-1, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, le salarié invoque les faits suivants :

une stratégie d'asphyxie financière délibérée,

la pression par la fixation d'objectifs irréalistes,

l'incitation à travailler pendant ses jours de repos,

les appels incessants, en violation du droit au repos dominical et de l'obligation de déconnexion,

le reproche de ne pas avoir assisté à la réunion de lancement des budgets 2019,

l'absence de satisfaction de sa demande de voir remplacé le délégué du personnel démissionnaire, ou le défaut de réponse à ses interrogations,

la privation des outils de travail suivie de la mise en place d'un message d'absence diffusé en son nom, sans son accord,

la suppression d'une avance sur prime fixe et constante depuis le début du contrat,

la demande vexatoire et dégradante du président d'être mis en copie des courriels du salarié.

S'agissant du fait 1) relatif à une stratégie d'asphyxie financière délibérée, il ressort des développements qui précèdent et des éléments portés à l'appréciation de la cour, que le salarié a été privé de sommes conséquentes relatives notamment à sa rémunération variable ou encore à des absences indûment décomptées qui ont réduit ses ressources. Le salarié présente donc bien des éléments de fait à ce titre.

S'agissant du fait 2) relatif à la pression par la fixation d'objectifs irréalistes, le salarié évoque des budgets en hausse de 12% en 2018 quand la croissance n'a augmenté que de moins de 4%, mais les échanges de courriel sur ce point ne permettent pas de confirmer ces éléments avec précision. Ce fait doit donc être écarté.

S'agissant du fait 3) relatif à l'incitation à travailler pendant ses jours de repos, le salarié produit un courriel du 21 décembre 2017 du président 'vous pouvez commencer pendant vos vacances à y travailler [...]'. Le salarié présente donc un élément de fait à ce titre.

S'agissant du fait 4) relatif à des appels incessants, en violation du droit au repos dominical et de l'obligation de déconnexion, le salarié mentionne des communications du samedi 5 janvier 2019, du dimanche 20 janvier 2019 et du lundi 21 janvier 2019 alors qu'il était en congés les 21 et 22 janvier, ainsi qu'un reproche de ne pas y avoir répondu. Cependant, le salarié ne produit pas d'élément étayant l'existence de ces communications, le seul fait que le président ait tenté de l'appeler depuis deux jours à la date du mardi 22 janvier 2019 postérieurement à un arrêt de travail pour maladie, et en début de semaine, n'étant pas suffisant. Ce fait ne peut donc être retenu.

S'agissant du fait 5) relatif au reproche de ne pas avoir assisté à la réunion de lancement des budgets 2019, le salarié ne présente pas d'éléments, la lettre de son conseil reprenant ses déclarations étant insuffisante. Ce fait doit donc être écarté.

S'agissant du fait 6) relatif à l'absence de satisfaction de sa demande de voir remplacé le délégué du personnel démissionnaire, ou le défaut de réponse à ses interrogations, le salarié produit trois lettres des 27 janvier 2019, 13 février 2019 et 25 mars 2019 dans lesquelles il demande notamment à son employeur le nom du représentant du personnel cadre suite à la démission de Mme [Z] le 11 décembre 2018. Il présente donc des éléments de fait à ce titre.

S'agissant du fait 7) relatif à la privation des outils de travail suivie de la mise en place d'un message d'absence diffusé en son nom, sans son accord, le salarié présente un courriel du 15 février 2019 de réponse automatique sous forme de message d'absence à son adresse professionnelle. Ce seul fait est purement informatif et ne démontre pas de privation des outils de travail à l'égard du salarié. Le fait 7) doit donc être écarté.

S'agissant 8) de la suppression d'une avance sur prime fixe et constante depuis le début du contrat, il ressort des développements qui précèdent que le salarié présente des éléments de fait à ce titre.

S'agissant 9) de la demande vexatoire et dégradante du président d'être mis en copie des courriels du salarié, le salarié présente un courriel du président du 16 janvier 2019 lequel lui demande 'de mettre systématiquement [son] directeur commercial et [lui-même] sur [ses] offres/ prospections / nouveaux designs, dès maintenant'. Ce fait doit donc être retenu.

Ainsi, le salarié présente des faits 1) 3) 6) 8) et 9) qui pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement.

L'employeur ne prouve pas que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement, ne justifiant pas 1) pourquoi le salarié ne s'est pas vu fixer d'objectifs en début d'année 2018 pour l'année 2018 notamment, en ne justifiant pas 3) la demande de travailler pendant les congés début janvier 2018 et en ne justifiant pas 8) de la suppression de l'avance de la prime sur rémunération variable versée depuis le début du contrat de travail du salarié.

L'employeur expose que suite à la rupture conventionnelle de Mme [Z], de nouvelles élections ont été organisées et M. [M] et Mme [L] ont été élus dès le 28 juin 2019, de sorte que l'absence de réponse de l'employeur aux questions du salarié 6) provient de la vacance d'une élue pendant quelques mois et s'explique par des éléments étrangers à tout harcèlement.

L'employeur indique également avoir formulé 9) la demande d'être mis en copie des courriels à tous les salariés, sans le démontrer, ce qui n'est pas l'usage pour un président d'une structure de cette taille et importance, de sorte que cette décision n'est pas justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Par conséquent, le salarié a subi des agissements de harcèlement moral de la part de sa hiérarchie.

Le salarié justifie d'un arrêt de travail pour maladie du 16 au 18 janvier 2019.

Le salarié a subi un préjudice moral résultant de ces agissements qu'il convient d'évaluer à la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, somme que la société Eurocomposant sera condamnée à payer à M. [D] en réparation. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la discrimination

Le salarié sollicite des dommages et intérêts pour discrimination :

- en raison de son état de santé,

- en matière de promotion professionnelle, de rémunération et de formation,

- en raison de la vulnérabilité résultant de sa situation économique,

- en raison de son lieu de résidence.

L'employeur conclut au débouté de la demande.

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, 'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français'.

Aux termes de l'article L. 1134-1 du code du travail, 'lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'.

S'agissant de son état de santé, le salarié invoque le fait qu'il n'a pas été fait droit à sa demande de participer à la réunion du 17 janvier 2019 de lancement des budgets alors qu'il se trouvait en arrêt de travail du 16 au 18 janvier et qu'il a demandé à la suivre à distance. Cependant, le salarié en arrêt de travail pour maladie n'avait pas le droit de travailler. Il est donc mal fondé à reprocher à son employeur de ne pas l'avoir laissé assister au lancement des budgets à distance pendant son arrêt de travail. Par conséquent, le salarié ne présente pas d'élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de son état de santé.

S'agissant de la discrimination invoquée en matière de promotion professionnelle, de rémunération et de formation, le salarié indique qu'il n'a pas bénéficié de l'entretien professionnel tous les deux ans prévu par l'article L. 6315-1 du code du travail et qu'aucune formation ne lui a été proposée. Cependant, le salarié n'invoque pas de critère de discrimination prévu par le texte à ce titre. Par conséquent, le salarié ne présente pas d'élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, en l'absence de cause de discrimination.

S'agissant de la particulière vulnérabilité de sa situation économique, le salarié confond la cause de discrimination invoquée, avec les conséquences sur sa situation économique résultant notamment de la suppression de l'avance mensuelle sur prime à partir de janvier 2019. Il ne présente ainsi pas d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de la particulière vulnérabilité de sa situation économique.

S'agissant de son lieu de résidence, le salarié indique qu'il n'a pas bénéficié de titres-restaurant, qu'il a été exigé du directeur commercial comme de tous les commerciaux travaillant depuis leur lieu de résidence, qu'ils le mettent en copie de tous les courriels après plus de cinq ans, qu'il a été exigé du président, qu'il le mette en copie de ses offres, prospections et nouveaux designs. Cependant, le lien entre l'absence d'octroi de titres-restaurant, la demande du président et le lieu de résidence n'est établi par aucun élément. En outre, le fait que le directeur commercial ait la même exigence auprès de tous les commerciaux en télétravail montre qu'il ne s'agit pas d'un élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison du lieu de résidence, les commerciaux en télétravail ayant des lieux de résidence distincts et faisant face à la même exigence de la part de leur supérieur hiérarchique. Il s'en déduit que le salarié ne présente pas d'élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison du lieu de résidence.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, M. [D] n'a pas subi de discrimination. Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement.

Sur la clause de non-concurrence

Le salarié sollicite la somme de 31 848 euros à titre d'indemnité de non-concurrence sur 12 mois, outre les congés payés afférents, l'employeur lui ayant notifié la volonté de se prévaloir de la clause à son contrat de travail.

L'employeur ne conteste pas la somme en question mais indique l'avoir déjà compensée avec le trop perçu au titre des avances sur commissions de l'année 2018.

En application des articles 8 bis et 11 de la convention collective applicable, l'employeur qui renonce à libérer le salarié de la clause de non-concurrence est tenu de lui verser, si la durée de l'interdiction n'excède pas un an, une indemnité mensuelle dont le montant est égal au tiers de la rémunération brute des douze derniers mois.

L'article 9 du contrat de travail fixe au salarié une obligation de non-concurrence d'une durée d'un an.

En l'espèce, l'employeur a notifié le 3 mai 2019 au salarié sa volonté de s'en prévaloir. Il est mal fondé à se prévaloir d'une compensation en raison d'un trop perçu au titre d'avances sur commissions de l'année 2018 alors qu'il est débiteur d'une créance au titre des commissions dues pour l'année 2018.

Il doit, par conséquent, régler la somme de 31 848 euros à M. [D] à titre d'indemnité de non-concurrence, outre 3 184,8 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement entrepris sera infirmé sur le quantum fixé.

Sur les documents de fin de contrat de travail

Il convient d'ordonner la remise à la société Eurocomposant à M. [D] des bulletins de paie de janvier, février et mars 2019, de l'attestation Pôle emploi devenu France Travail et du solde de tout compte, conformes à la présente décision, sans qu'un délai soit nécessaire.

Sur la demande reconventionnelle au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

La prise d'acte étant fondée, le salarié n'est pas redevable de l'indemnité compensatrice correspondant au préavis qu'il n'a pas exécuté. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Eurocomposant de sa demande à ce titre.

Sur les intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il n'y a pas lieu de faire courir le point de départ des intérêts à une date antérieure comme sollicité.

La capitalisation des intérêts échus pour une année entière sera ordonnée.

Sur l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société Eurocomposant aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées au salarié du jour du licenciement au jour du présent arrêt et ce, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Eurocomposant succombant à la présente instance, en supportera les dépens d'appel. Elle devra également régler une somme de 2 500 euros à M. [D] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Eurocomposant.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- condamné la société Eurocomposant à payer à M. [O] [D] les sommes suivantes:

1 250 euros au titre de la prime sur objectif déduite en janvier 2019,

2 084 euros au titre de la prime sur objectif d'avril 2016 et de juillet 2017,

208,4 euros au titre des congés payés afférents,

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [O] [D] de sa demande de dommages et intérêts pour privation de la possibilité d'être assisté et de se présenter à des élections professionnelles, ainsi que de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination

- débouté la société Eurocomposant de sa demande reconventionnelle au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- condamné la société Eurocomposant aux entiers dépens et aux frais d'exécution éventuels.

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Déclare irrecevable car atteinte par la prescription la demande de rémunération variable pour les années 2013 à 2015,

Dit que la prise d'acte de M. [O] [D] du 25 mars 2019 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Eurocomposant à payer à M. [O] [D] les sommes suivantes :

12 504 euros au titre du solde restant dû de prime sur objectifs pour l'année 2018,

1 250,4 euros au titre des congés payés afférents,

125 euros au titre des congés payés afférents à la prime déduite en janvier 2019,

12 059 euros à titre de prime sur objectifs pour l'année 2019,

1 205,9 euros au titre des congés payés afférents,

11 615 euros au titre des absences non rémunérées décomptées de janvier à mars 2019,

1 161,5 euros au titre des congés payés afférents,

30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

13 016 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

23 883 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

2 388,3 euros au titre des congés payés afférents,

2 411 euros au titre de la quote-part de 13ème mois pour l'année 2019,

241,1 euros au titre des congés payés afférents

7 411 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés

3 127 euros pour dépassement fautif du forfait annuel en jours conventionnel,

312,7 euros au titre des congés payés afférents

3 130 euros à titre d'indemnité compensatoire de titres-restaurant

566 euros au titre des frais professionnels

5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

31 848 euros à titre d'indemnité de non-concurrence,

3 184,8 euros au titre des congés payés afférents,

Dit que les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière,

Ordonne le remboursement par la société Eurocomposant à l'organisme Pôle emploi, devenu France Travail, concerné des indemnités de chômage versées à M. [O] [D] dans la limite de six mois d'indemnités,

Déboute M. [O] [D] de sa demande d'indemnité compensatrice de jours de RTT outre congés payés afférents,

Ordonne la remise par la société Eurocomposant à M. [O] [D] des bulletins de paie de janvier, février et mars 2019, de l'attestation Pôle emploi devenu France Travail et du solde de tout compte, conformes à la présente décision, dans un délai de 30 jours à compter de la présente décision

Condamne la société Eurocomposant aux dépens d'appel,

Condamne la société Eurocomposant à payer à M. [O] [D] une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Eurocomposant,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-5
Numéro d'arrêt : 22/01682
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;22.01682 ?
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