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07/03/2024 | FRANCE | N°22/01604

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-5, 07 mars 2024, 22/01604


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-5



ARRET N°



REPUTE

CONTRADICTOIRE



DU 07 MARS 2024



N° RG 22/01604

N° Portalis DBV3-V-B7G-VGJJ



AFFAIRE :



S.A.R.L. S.M.P.I SOCIETE MENUISERIE PLATRERIE ISOLATION



S.E.L.A.R.L. V&V, représentée par Me [S] [I], agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société S.M.P.I





C/

[C] [T] [J]







...>


Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Mai 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire d'ARGENTEUIL

N° Section : I

N° RG : F21/00104



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELEURL ARENA AVO...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

REPUTE

CONTRADICTOIRE

DU 07 MARS 2024

N° RG 22/01604

N° Portalis DBV3-V-B7G-VGJJ

AFFAIRE :

S.A.R.L. S.M.P.I SOCIETE MENUISERIE PLATRERIE ISOLATION

S.E.L.A.R.L. V&V, représentée par Me [S] [I], agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société S.M.P.I

C/

[C] [T] [J]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Mai 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire d'ARGENTEUIL

N° Section : I

N° RG : F21/00104

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELEURL ARENA AVOCAT

la SELARL SELARL LEJARD ZAÏRE SELTENE AVOCATS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.R.L. S.M.P.I SOCIETE MENUISERIE PLATRERIE ISOLATION

N° SIRET : 392 49 0 4 70

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Me Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637

Représentant : Me Charlotte BRUNET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B 254

S.E.L.A.R.L. V&V, représentée par Me [S] [I], agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société S.M.P.I

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 8]

Représentant : Me Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637

Représentant : Me Charlotte BRUNET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B 254

S.E.L.A.R.L. [K], représentée par Me [X] [L] [K], agissant en qualité de mandataire Judiciaire de la société S.M.P.I

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentant : Me Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637

Représentant : Me Charlotte BRUNET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B 254

APPELANTE et PARTIES INTERVENANTES

****************

Monsieur [C] [T] [J]

né le 15 Novembre 1965 à PORTUGAL

de nationalité Portugaise

[Adresse 4]

[Localité 9] / FRANCE

Représentant : Me Tiphaine SELTENE de la SELARL SELARL LEJARD ZAÏRE SELTENE AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 112

INTIME

****************

Unédic, Délégation AGS CGEA DE [Localité 13]

[Adresse 5]

[Localité 13]

Non représentée

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Janvier 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,

****************************************************************************

EXPOSE DU LITIGE

M. [C] [T] [J] a été engagé par la société menuiserie plâtrerie isolation (ci-après dénommée Smpi) suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 19 octobre 1993 en qualité d'ouvrier plaquiste.

L'entreprise employait habituellement moins de onze salariés.

La relation de travail était régie par la convention collective régionale des ouvriers du bâtiment de la région parisienne.

Par lettre du 4 février 2021, M. [T] [J] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 17 février 2021.

Par lettre du 26 février 2021, l'employeur a licencié le salarié pour faute grave.

Contestant son licenciement, le 2 avril 2021 M. [T] [J] a saisi le conseil de prud'hommes d'Argenteuil afin d'obtenir la condamnation de la société Smpi au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 11 mai 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- dit que le licenciement de M. [T] [J] est sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la Sarl Smpi prise en la personne de son représentant légal à verser à M. [T] [J] les sommes suivantes :

* 71 494, 53 euros bruts au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 564,50 euros bruts au titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire du 6 au 26 février 2021,

* 156,45 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 31 148,20 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 5 644,30 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 564,43 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 3 000 euros toutes taxes comprises au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire sur le tout,

- fixé les intérêts au taux légal et leur capitalisation à compter du 2 avril 2021,

- débouté M. [T] [J] pour le surplus des demandes,

- débouté la Sarl Smpi de ses demandes reconventionnelles,

- fixé la moyenne des salaires à 3 762,87 euros bruts,

- mis les dépens à la charge de la Sarl Smpi prise en la personne de son représentant légal y compris l'intégralité des frais d'exécution par voie d'huissier s'il y a lieu.

Le 16 mai 2022, la société Smpi a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par jugement en date du 18 juillet 2022, le tribunal de commerce de Pontoise a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Smpi, désigné administrateur la Selarl V&V, prise en la personne de Maître [S] [I], et mandataire judiciaire la Selarl [K], prise en la personne de Maître [X] [L] [K].

Par jugement du 1er décembre 2023 du tribunal de commerce de Pontoise, un plan de redressement de la société Smpi a été arrêté. La Selarl V&V, prise en la personne de Maître [S] [I], a été nommée commissaire à l'exécution du plan.

M. [T] [J] a fait assigner en intervention forcée la Selarl V&V, représentée par Maître [S] [I], en qualité d'administrateur judiciaire et la Selarl [K], représentée par Maître [X] [L] [K], en qualité de mandataire judiciaire ainsi que l'AGS CGEA de [Localité 13].

Par conclusions signifiées par voie électronique le 8 janvier 2024, la société Smpi, la Selarl V & V, prise en la personne de Maître [S] [I] agissant en qualité d'administrateur de la société Smpi, nommé commissaire à l'exécution du plan, la Selarl [K] prise en la personne de Maître [X] [L] [K], mandataire judiciaire de la société Smpi, demandent à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau de:

- juger que la société a satisfait à l'ensemble de ses obligations légales,

- débouter M. [T] [J] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [T] [J] à verser à la société SMPI les sommes suivantes :

* 9 335,98 euros au titre de remboursement de salaire indûment payé, les heures supplémentaires payées n'ayant pas été réalisées,

* 5 000 euros de dommages et intérêts au titre de la violation des obligations d'exécution de bonne foi du contrat de travail et de loyauté,

* 3 600 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

- à titre subsidiaire, si l'intimé persiste à soutenir qu'il disposait d'un véhicule de fonction, 6 805,73 euros au titre de remboursement de sa quote-part d'avantage en nature,

- rapporter le quantum des condamnations éventuelles à de plus justes proportions, en l'absence du moindre préjudice démontré par l'intimé.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 15 décembre 2023, M. [T] [J] demande à la cour de :

- confirmer la décision en ce qu'il a :

- dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- ordonné l'exécution provisoire sur le tout,

- fixé les intérêts au taux légal et leur capitalisation au taux légal du 2 avril 2021,

- débouté la société Smpi de ses demandes reconventionnelles,

- fixé la moyenne de salaire à 3 762,87 euros bruts,

- mis les dépens à la charge de la société Smpi,

- en conséquence, fixer sa créance au passif du redressement judiciaire de la société Smpi au sommes suivantes, ou, à défaut, compte tenu du plan de redressement homologué par le tribunal de commerce, condamner la société aux sommes suivantes :

* 71 494, 53 euros bruts au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 564,50 euros bruts au titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire du 6 au 26 février 2021,

* 156,45 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 31 148,20 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 5 644,30 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 564,43 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- statuant à nouveau, fixer sa créance au passif du redressement judiciaire de la société Smpi à la somme de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, ou, à défaut, compte tenu du plan de redressement homologué par le tribunal de commerce, condamner la société à cette même somme,

- en tout état de cause, fixer sa créance au passif du redressement judiciaire de la société Smpi à la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ou, à défaut, compte tenu du plan de redressement homologué par le tribunal de commerce, condamner la société à cette même somme,

- ordonner que la décision à intervenir sera opposable à l'AGS qui devra sa garantie dans la limite des plafonds légaux,

- ordonner que les sommes dues produisent intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner les défendeurs aux entiers dépens de l'instance qui comprendront les frais d'exécution de la décision à intervenir.

L'AGS CGEA de [Localité 13] n'a pas constitué avocat quoique régulièrement assignée par acte remis à personne morale à personne habilitée le 19 septembre 2022, la société Smpi lui ayant signifié ses conclusions à personne morale à personne habilitée le 19 décembre 2022 ; la présente décision sera donc réputée contradictoire.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de l'instruction est intervenue le 9 janvier 2024.

MOTIVATION

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences

Les appelants indiquent que le salarié a commis des fautes d'une particulière gravité, pour la plupart reconnues lors de l'entretien préalable, et qui rendaient son maintien dans l'entreprise impossible.

Le salarié intimé fait valoir que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, les griefs n'étant pas établis et la faute grave n'étant pas caractérisée. Il indique que son fils a décidé de fermer son auto-entreprise créée après sa démission postérieurement à son licenciement, qu'il a ensuite créé une entreprise, le salarié étant initialement associé avant d'en devenir salarié un mois plus tard.

Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, 'tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.

Il est motivé par une cause réelle et sérieuse'.

Il résulte des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et implique son éviction immédiate.

La preuve de la faute grave incombe à l'employeur.

La lettre de licenciement énonce en substance les griefs suivants:

- l'utilisation du véhicule de service, des machines et du matériel appartenant à la société à des fins personnelles pendant plusieurs mois jusqu'au mois de décembre 2020,

- l'absence de réponse aux appels téléphoniques du gérant et l'absence de communication depuis le 4 janvier 2021,

- l'absence de réception d'une commande, l'absence de travail et le départ du chantier à 15h le 18 janvier 2021,

- le déplacement d'une cloison sans l'accord du gérant le 25 janvier 2021,

- le refus de se conformer aux instructions du gérant,

- l'absence d'avancement dans les chantiers depuis janvier 2020,

- un ton provocateur voire agressif à l'égard du gérant.

En l'espèce, il ressort du dossier que M. [F] [A] [J], fils du salarié, a créé une entreprise en qualité d'entrepreneur individuel de travaux de plâtrerie à compter de décembre 2020, mois pendant lequel il a démissionné de l'entreprise Smpi. Postérieurement, M. [F] [A] [J] et M. [C] [T] [J] ont créé une société RH Plaquisterie sous forme de société par actions simplifiée, avec Mme [Y] [E], M. [F] [A] [J] étant nommé président de la société aux termes des statuts datés du 9 avril 2021.

L'employeur produit un procès-verbal de constat d'huissier relatif à un message vocal de M. [F] [A] [J] du 2 mars 2021 faisant état de prestations de travail avec des clients de la société Smpi, alors qu'il a démissionné de la société Smpi depuis décembre 2020. M. [P], conducteur de travaux, M. [M], gérant, collaborant avec la société Smpi attestent également avoir été contactés par M. [F] [A] [J] pour des opportunités de travail.

Le salarié fait cependant valoir, à juste titre, que les faits concernant son fils ne peuvent lui être reprochés, son fils ayant créé une entreprise après son départ de la société.

S'agissant de l'utilisation du véhicule de service, des machines et du matériel, l'employeur produit des photographies du véhicule se trouvant sur des chantiers n'appartenant pas à l'entreprise Smpi, datées du samedi 21 septembre 2019, prises [Adresse 14] à [Localité 12], ainsi que du samedi 7 novembre 2020, prises [Adresse 3] à [Localité 10], outre des plans d'un chantier concernant la SCI James située à [Localité 12], laquelle n'est pas cliente de la société Smpi, comme confirmé par l'analyse de l'extrait du grand livre de la société Smpi. Cependant, le salarié dénie que ces plans lui appartiennent.

L'employeur verse également aux débats des échanges de courriel et de SMS complétant un ordre de service, une commande et des factures du 31 décembre 2020 pour le client [U], des échanges de SMS, une commande du 11 janvier 2021 pour le client [H], déplorant des quantités de matériel acheté trop importantes notamment des plaques BA13, sans toutefois démontrer la réalité du caractère anormal des quantités utilisées chez le client, le salarié affirmant avoir remis du matériel à l'entreprise.

Le salarié indique que l'employeur avait connaissance de son utilisation du véhicule en dehors de son travail, pour les trajets domicile- travail ainsi qu'en dehors des horaires de travail, depuis de nombreuses années ce que confirme la position de l'employeur, qui dans la lettre même de licenciement, précise avoir voulu donner au salarié une chance plutôt que de le sanctionner et avoir ensuite mis en place un dispositif de géolocalisation sur les véhicules de service à compter du 4 janvier 2021. Il produit une note d'information en ce sens du 30 décembre 2020.

Ce grief ne peut donc être retenu au vu de la seule utilisation à des fins personnelles du véhicule de service par le salarié, fait que l'employeur n'a pas voulu en lui-même sanctionner.

S'agissant de l'absence de réponse aux appels téléphoniques du gérant et l'absence de communication depuis le 4 janvier 2021, les appelants ne produisent pas d'autre pièce que le compte-rendu de l'entretien préalable, de sorte que ce grief ne peut être considéré comme établi.

S'agissant de l'absence de réception d'une commande, l'absence de travail et le départ du chantier à 15h le 18 janvier 2021, les appelants produisent un SMS du gérant confirmant qu'une livraison devait avoir lieu le matin et que le salarié a quitté le chantier à 15h sans réceptionner la livraison arrivant avec retard. Toutefois, le salarié ayant été présent sur le chantier dès tôt le matin, il ne peut lui être reproché d'avoir quitté les lieux après avoir effectué ses horaires de travail. Le grief sera donc écarté.

S'agissant du déplacement d'une cloison sans l'accord du gérant le 25 janvier 2021,les appelants ne produisent pas d'autre pièce que le compte-rendu de l'entretien préalable, de sorte que ce grief ne peut être considéré comme établi.

S'agissant du refus de se conformer aux instructions du gérant, les appelants ne produisent pas d'autre pièce que le compte-rendu de l'entretien préalable, de sorte que ce grief ne peut être considéré comme établi.

S'agissant de l'absence d'avancement dans les chantiers depuis janvier 2020, les appelants ne produisent qu'une estimation comparative de chiffre d'affaires gagné sur les chantiers du salarié du 9 novembre 2019 au 24 décembre 2019 et du 4 janvier 2021 à la mise à pied, les éléments n'étant pas significatifs, s'agissant de chantiers distincts et de périodes distinctes. Ce grief doit donc être écarté.

S'agissant d'un ton provocateur voire agressif à l'égard du gérant, les appelants ne produisent pas d'autre pièce que le compte-rendu de l'entretien préalable, de sorte que ce grief ne peut être considéré comme établi.

Ainsi, les appelants ne démontrent pas de manquements à l'encontre du salarié caractérisant une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise et impliquant son éviction immédiate.

Au vu des éléments produits par chacune des parties, aucune cause réelle et sérieuse de licenciement n'est établie à l'encontre du salarié, lequel par ailleurs ne présente aucun passif disciplinaire et compte plus de 27 années d'ancienneté au sein de la société.

Par conséquent, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement du salarié était dénué de cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, l'entreprise employant habituellement moins de onze salariés, le salarié qui compte plus de 27 ans d'ancienneté a droit à une indemnité minimale égale à 2,5 mois.

Le salarié est âgé de 55 ans au moment du licenciement et percevait une rémunération de 3 762,87 euros brut par mois. Il a rapidement retrouvé un emploi au sein de l'entreprise créée par son fils.

Il convient d'allouer à M. [C] [T] [J] une indemnité d'un montant de 35 000 euros.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

En application des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail, il sera fait droit à la demande d'indemnité compensatrice de préavis formée par le salarié à hauteur de 5 644,3 euros, outre 564,43 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l'indemnité légale de licenciement

En application des dispositions des articles L. 1234-9 et R. 1234-1 du code du travail, le salarié a droit à une indemnité légale de licenciement de 31 148,2 euros, quantum non contesté par les appelants.

Sur la mise à pied conservatoire

Le licenciement n'étant pas fondé sur une faute grave, la mise à pied conservatoire n'était pas justifiée. Le salarié a droit au rappel de salaire correspondant à hauteur de 1 564,5 euros, outre 156,45 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé sur ces points et la créance de M. [C] [T] [J] sera fixée au passif du redressement judiciaire de la société Smpi à ces sommes.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Le salarié fait état de plusieurs manquements de l'employeur, lequel lui a réglé des heures supplémentaires non effectuées afin d'éviter de faire évoluer son salaire de base, lequel a tenu son entretien préalable sur un parking puis sous un hangar, lequel n'a pas rempli les éléments lui permettant de percevoir le solde de ses congés payés en temps utile, lequel ne lui a pas fait bénéficier de visite auprès de la médecine du travail depuis au moins 2016.

Les appelants contestent les manquements qui sont reprochés à la société Smpi. Ils soutiennent également que l'intimé n'a subi aucun préjudice et relèvent que ce dernier a été déclaré 39 heures hebdomadaires, soit 17h33 majorées, représentant des coûts supplémentaires pour un salaire moyen loyal, celui-ci avouant ne jamais avoir travaillé 39 heures.

Aux termes de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

En l'espèce, le salarié ne peut valablement reprocher à son employeur de lui avoir payé des heures de travail au-delà des heures effectuées, alors que l'employeur n'avait pas d'obligation de faire évoluer son salaire au-delà des minima conventionnels.

L'entretien préalable du salarié s'est tenu en pleine période de pandémie liée au covid-19 et il ne peut être tenu rigueur à l'entreprise que celui-ci ait commencé dans le préau des locaux où la société est domiciliée, avant que M. [V] ne leur prête son propre bureau, au vu de son attestation du 2 juin 2021.

Si les éléments pour les congés payés ont été envoyés par l'entreprise en avril avec retard, le salarié ne démontre pas avoir subi de préjudice, indiquant que sa situation a bien été régularisée.

Le salarié a bénéficié d'une visite médicale pour la dernière fois le 31 mars 2016. Cependant, au vu du registre de la médecine du travail le concernant, il ne s'est pas présenté à la visite fixée le 26 juillet 2018 et la société Smpi justifie être à jour de ses cotisations à la médecine du travail pour l'année 2020.

Par conséquent, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [C] [T] [J] de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement.

Sur la garantie de l'AGS

Il y a lieu de déclarer le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA de [Localité 13] qui ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-17 et L. 3253-19 à 21 du code du travail et de déclarer que l'obligation de l'AGS de faire l'avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

Sur les demandes reconventionnelles

Sur le rappel d'heures supplémentaires de janvier 2018 à février 2021 inclus

L'employeur sollicite le remboursement par le salarié de la somme de 9 335,98 euros à titre de salaire indûment payé correspondant à des heures supplémentaires non effectuées.

Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

L'employeur indique que les bulletins de paie font apparaître chaque mois des heures supplémentaires alors que le salarié n'en effectuait aucune. Il produit un décompte des heures supplémentaires payées chaque mois sur la période considérée et sollicite le remboursement de la somme de 9 335,98 euros au titre des heures supplémentaires indûment réglées sur la période de janvier 2018 à février 2021 correspondant à 501,22 heures supplémentaires non effectuées.

Le salarié fait valoir que l'employeur préférait payer des heures supplémentaires plutôt que d'augmenter leur salaire de base.

Cependant, l'employeur ne rapporte pas la preuve que la somme n'était pas due au salarié, en l'absence de démonstration des horaires effectivement réalisés, et qu'il n'a pas effectué ce versement de façon libérale.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Smpi de sa demande en remboursement.

Sur l'obligation de loyauté

En l'espèce, les témoignages de M. [P] et de M. [M] sont relatifs à des faits imputables à M. [F] [A] [J], fils du salarié. Il ne peut en être tenu rigueur au salarié lui-même.

Il ressort, en outre, des éléments du dossier que l'employeur n'a pas voulu sanctionner l'utilisation à des fins personnelles du véhicule de service par le salarié, mettant en place une géolocalisation du véhicule à compter de début janvier 2021.

Il n'est ainsi pas établi que le salarié ait commis des faits de débauchage de salarié, de détournement de clients, de détournement du véhicule et du matériel payés par la société Smpi.

Par conséquent, le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Smpi de sa demande de dommages et intérêts à ce titre, le salarié n'ayant pas violé son obligation de loyauté.

Sur les intérêts

Il sera rappelé que l'ouverture d'une procédure collective arrête le cours des intérêts.

Il n'y a, par conséquent, pas lieu à capitalisation des intérêts.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Il convient de fixer au passif du redressement judiciaire de la société Smpi une créance de M. [T] [J] d'un montant de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel. Il convient de mettre les dépens à la charge de la société Smpi et de dire que ceux-ci seront pris en frais privilégiés de procédure collective. L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Smpi.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt réputé contradictoire,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de M. [C] [T] [J] est sans cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [C] [T] [J] de sa demande de dommage et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- débouté la société Smpi de sa demande en remboursement d'heures supplémentaires,

- débouté la société Smpi de sa demande de dommages et intérêts pour déloyauté,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Fixe la créance de M. [C] [T] [J] au passif du redressement judiciaire de la société Smpi comme suit :

35 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

5 644,3 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

564,43 euros au titre des congés payés afférents,

31 148,2 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

1 564,5 euros à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied,

156,45 euros au titre des congés payés afférents.

Rappelle que l'ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts,

Dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts,

Déclare la présente décision opposable à l'Unédic, Délégation AGS Cgea de [Localité 13] dans les conditions et limites prévues aux articles L.3253-8 et suivants, et des plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, et dit que cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé complémentaire par le greffier du tribunal de commerce et justification de l'absence de fonds disponibles pour procéder à son paiement,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Met les dépens à la charge de la société Smpi et dit que ceux-ci seront pris en frais privilégiés de procédure collective,

Fixe au passif du redressement judiciaire de la société Smpi une créance de M. [T] [J] d'un montant de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Smpi,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-5
Numéro d'arrêt : 22/01604
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;22.01604 ?
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