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07/03/2024 | FRANCE | N°22/00592

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-3, 07 mars 2024, 22/00592


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 50G



Chambre civile 1-3



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 07 MARS 2024





N° RG 22/00592



N° Portalis DBV3-V-B7G-U7FV



AFFAIRE :



[U], [Z] [M] [B]



C/



[P] [Y]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Décembre 2021 par le TJ de Versailles

N° Chambre : 2

N° RG : 20/01673



Expéditions exÃ

©cutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :









Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU







Me Aude ALEXANDRE LE ROUX de l'AARPI TRIANON AVOCATS





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEPT MARS DEUX MILLE VINGT QUA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 50G

Chambre civile 1-3

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 MARS 2024

N° RG 22/00592

N° Portalis DBV3-V-B7G-U7FV

AFFAIRE :

[U], [Z] [M] [B]

C/

[P] [Y]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Décembre 2021 par le TJ de Versailles

N° Chambre : 2

N° RG : 20/01673

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU

Me Aude ALEXANDRE LE ROUX de l'AARPI TRIANON AVOCATS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [U], [Z] [M] [B]

né le 19 Avril 1958 à [Localité 5] (44)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619

APPELANT

****************

Monsieur [P] [Y]

né le 13 Avril 1969 à [Localité 6]- ITALIE

de nationalité Italienne

[Adresse 4]

[Localité 8]

Madame [T] [I] [O] épouse [Y]

née le 17 Avril 1975 à [Localité 7]

de nationalité Italienne

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentant : Me Aude ALEXANDRE LE ROUX de l'AARPI TRIANON AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 598

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 janvier 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence PERRET, Président,

Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,

Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme FOULON,

FAITS ET PROCEDURE :

Suivant acte sous seing privé conclu les 18 et 21 septembre 2019, M. [U] [B] et Mme [J] [S] épouse [B], en instance de divorce, ont promis de vendre à Mme [T] [O] épouse [Y] et M. [P] [Y] divers lots correspondant à un appartement, qui constituait le domicile conjugal, deux emplacements de stationnement et une cave dépendant d'un immeuble situé [Adresse 1]), au prix de 560 000 euros.

Une clause pénale d'un montant de 56 000 euros était insérée à l'acte, et la réitération de la vente devait, selon les stipulations contractuelles, intervenir au plus tard le 20 décembre 2019.

Lors du rendez-vous de signature de l'acte authentique, reporté au 18 février 2020, en l'étude de Maitre [V], un procès-verbal de difficultés a été dressé par le notaire en raison d'un désaccord entre les vendeurs sur la répartition du prix de vente.

Le 21 février 2020, Maître [E], qui assistait M. [B], a informé Maître [V] que les vendeurs étaient en train de finaliser un accord pour permettre de réaliser la vente dans le courant de la semaine d'après, et qu'une confirmation devrait pouvoir être donnée le lundi, soit le 24 février.

Le 24 février 2020 au matin, Maitre [V], qui assistait les époux [Y], a informé les notaires assistant M. [U] [B] et Mme [J] [S], Maitres [E] et [G], de l'intention des époux [Y] de ne plus acquérir le bien.

Le même jour, M. [B] et Mme [S] ont trouvé un accord sur la répartition du prix de vente, les notaires les assistant respectivement en informant Maitre [V] par courriels des 24 et 25 février 2020.

Par acte d'huissier en date du 27 février 2020, les époux [Y] ont fait assigner M. [B] devant le tribunal judiciaire de Versailles aux fins d'obtenir sa condamnation à leur payer le montant de la clause pénale, soit la somme de 56 000 euros assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation.

Par acte d'huissier en date du 4 mars 2020, M. [B] a mis en demeure les époux [Y] d'avoir à signer l'acte de vente le 16 mars 2020. Ces derniers n'ayant pas déféré à cette sommation, un procès-verbal de carence a été dressé devant notaire.

Par acte d'huissier en date du 31 août 2020, M. [B] a fait assigner Mme [S] en intervention forcée, aux fins de garantie.

Par ordonnance rendue le 10 novembre 2020, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des instances.

Par jugement du 2 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Versailles a :

- condamné M. [B] à payer à M. et Mme [Y] la somme de 8 000 euros au titre de la clause pénale contenue dans la promesse de vente, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 février 2020, date de l'assignation, et leur capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

- condamné M. [B] à verser la somme de 6 075,35 euros à Mme [S] à titre de dommages et intérêts,

- rejeté l'intégralité des demandes formées par M. [B], tant à l'encontre de M. et Mme [Y] que de Mme [S],

- condamné M. [B] aux dépens,

- condamné M. [B] à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

* 1 400 euros à M. et Mme [Y],

* 1 000 euros à Mme [S],

- rejeté toutes autres demandes des parties, plus amples ou contraires,

- rappelé que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

Par acte en date du 28 janvier 2022, M. [B] a interjeté appel du jugement et prie la cour, par dernières écritures du 28 septembre 2022 de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

* condamné M. [B] à payer à M. et Mme [Y] la somme de 8 000 euros au titre de la clause pénale contenue dans la promesse de vente, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 février 2020, date de l'assignation, et leur capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

* condamné M. [B] à payer à M. et Mme [Y] la somme de 1 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* rejeté l'intégralité des demandes formées par M. [B] à l'encontre de M. et Mme [Y],

Statuant à nouveau,

Au principal,

- juger qu'en ne déférant pas à la sommation notariée du 4 mars 2020 d'avoir à venir signer l'acte de vente, au rendez-vous fixé le 16 mars 2020, M. et Mme [Y] ont refusé de signer l'acte de la vente immobilière et sont à l'origine du refus de vente fautif visé à la clause pénale insérée dans l'acte de promesse de vente du 21 septembre 2019,

En conséquence,

- condamner M. et Mme [Y], in solidum, à verser à M. [B] la somme de 10 000 euros au titre de l'application de la clause pénale stipulée au compromis de vente signé en date du 21 septembre 2019,

- débouter M. et Mme [Y] de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de M. [B], celles-ci étant non fondées,

Très subsidiairement,

- juger que M. et Mme [Y], en violation des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, ne font valoir aucun préjudice et ne versent au débat aucune pièce relative au préjudice prétendument invoqué,

En conséquence,

- débouter M. et Mme [Y] de toutes leurs demandes, fins et conclusions, celles-ci étant non fondées,

En toutes hypothèses,

- condamner M. et Mme [Y], in solidum, à verser à M. [B] la somme de 5 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec recouvrement direct, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

A cet effet, il fait valoir principalement que :

- aux termes du compromis, la vente devait être réitérée le 20 décembre 2019, or le rendez-vous de signature a dû être reporté du fait exclusif des acquéreurs, défaillants dans l'obtention du financement de l'opération, ces derniers n'ayant jamais justifié avoir déposé dans les délais leur demande de prêt ;

- la prorogation a eu lieu sans avoir recueilli l'accord exprès des vendeurs, en violation du paragraphe H du compromis ;

- alors que la réitération n'a pas pu intervenir le 18 février 2020 comme prévu, les époux [Y] ont pris prétexte d'un différé de quelques jours pour parvenir à un accord entre les vendeurs sur la répartition entre eux du prix de vente pour finalement renoncer à la vente ;

- le désaccord entre les vendeurs n'avait pourtant fait l'objet que d'un procès-verbal de difficultés et ne constituait aucunement un refus de vente, au sens de la clause pénale contenue dans le compromis de vente, cette dernière visant uniquement le cas précis d'un refus de réitération de la vente ;

- M. et Mme [Y] ne l'ont jamais mis en demeure de réitérer la vente, alors que cette formalité est prévue par l'article 1231-5 du code civil ;

- M. et Mme [Y] sont seuls à l'origine d'un refus définitif de réitération de la vente tombant sous le coup de la clause pénale puisqu'après avoir indiqué " qu'ils ne souhaitaient plus acheter le bien " ils n'ont pas déféré à la sommation d'avoir à venir signer l'acte de vente, diligentée à la requête des vendeurs, en date du 4 mars 2020, pour une signature prévue le 16 mars 2020 ;

- le comportement fautif de M. et Mme [Y] a eu pour effet d'immobiliser le bien à la vente durant une période globale de plus de 16 mois, et le bien a finalement été vendu à un tiers à un prix moindre, ce qui a généré un préjudice devant être indemnisé à hauteur de 10 000 euros.

Par dernières écritures du 30 juin 2022, M. et Mme [Y] prient la cour de :

- juger M. [B] mal fondé en son appel,

- en conséquence, le débouter de toutes ses demandes,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité de M. [B],

- l'infirmer en ce qu'il a réduit le montant de la clause pénale et de la condamnation de M. [B] à 8 000 euros,

- statuant à nouveau sur ce point, condamner M. [B] à payer aux époux [Y] la somme de 56 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner M. [B] à payer aux époux [Y] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

A cet effet, ils font valoir que :

- ils ont effectué leur demande de financement dans le délai prévu et le report du rendez-vous de signature a été accepté par les vendeurs ;

- ils étaient prêts à signer dès le 20 janvier 2020, soit dans les 11 jours qui ont suivi l'accord de prêt ;

- lors du rendez-vous de signature du 18 février 2020, alors qu'ils étaient disposés à réitérer la vente, M. [B] a refusé de vendre, en raison d'un différend avec son ex-épouse sur la répartition du prix entre eux, ce qui a donné lieu à un procès-verbal de difficultés ;

- ils l'avaient informé qu'ils n'entendaient pas que la date de signature soit reportée et ont donc perdu toute confiance en leurs vendeurs ;

- ces circonstances justifient l'application de la clause pénale à leur profit, à hauteur du montant qu'elle prévoit, celle-ci s'appliquant indépendamment du préjudice subi ;

- au demeurant, son montant est justifié au regard de la gravité de l'inexécution, des diligences qu'ils ont effectuées, du paiement lors de la signature d'un acompte de 28 000 euros (restitué), du temps perdu pour faire l'acquisition d'un bien à [Localité 8] ;

- M. [B] est quant à lui défaillant dans la justification d'un préjudice quelconque.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

La cour observe qu'elle n'est pas saisie des chefs du jugement ayant condamné M. [B] à indemniser Mme [S], coïndivisaire du bien objet de la vente litigieuse, qui n'a pas été appelée à la cause en appel.

1. Sur la prorogation de la date de réitération de la vente

Le compromis stipule : " Si les parties décidaient, pour des raisons de pure convenance personnelle, de proroger conventionnellement la durée de la présente condition suspensive, cette prorogation ne pourrait se faire que sur demande expresse de l'acquéreur formulée par écrit et acceptation écrite du vendeur ".

En l'espèce, la réitération de la vente, initialement prévue le 20 décembre 2019, a été reportée au 18 février 2020, date du rendez-vous de signature. Alors qu'il est constant que le report est dû au temps de traitement de la demande de financement de M. et Mme [Y], ces derniers ne justifient pas s'être astreints au processus décrit dans le compromis, consistant à formuler une demande de prorogation par écrit soumise à l'acceptation écrite des vendeurs.

Toutefois, d'une part, le compromis n'assortit pas cette obligation d'une quelconque sanction, d'autre part, les vendeurs n'ont émis aucune contestation, de sorte qu'en acceptant de fixer le rendez-vous de signature à une autre date que celle initialement prévue, ils ont nécessairement renoncé à se prévaloir de cette clause.

Le moyen formulé par M. [B] est rejeté.

2. Sur la mise en 'uvre de la clause pénale

Selon l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En l'espèce, le compromis de vente comporte une clause intitulée " clause pénale " ainsi libellée: " Dans le cas où l'une des parties viendrait à refuser de régulariser la présente vente, sauf application de la condition suspensive, elle y sera contrainte par tous les moyens et voies de droit en supportant les frais de poursuites, justice, et tous les droits et amendes, et devra, en outre, payer à l'autre partie la somme de 56 000 euros à titre d'indemnité forfaitaire et de clause pénale ".

" Sur la faute des vendeurs

Pour condamner M. [B] à régler à M. et Mme [Y] la somme de 8 000 euros au titre de la clause pénale, le tribunal a estimé que le désaccord sur la répartition du prix de vente ne constituait pas, vis-à-vis des acquéreurs, une cause légitime, légale ou contractuelle, justifiant le refus de réitérer la vente, et que l'inexécution contractuelle de la part des vendeurs apparaissait caractérisée.

Il est constant qu'un procès-verbal de difficultés a été dressé à l'issue du rendez-vous de signature du 18 février 2020, en raison d'une mésentente entre les vendeurs quant à la répartition du prix de vente, tenant au règlement des conséquences patrimoniales de leur divorce, puisque Mme [S] souhaitait la mise en séquestre du prix pour permettre le paiement d'une créance à l'encontre de M. [B], tandis que ce dernier demandait que le prix soit réparti en fonction de leur quote-part respective dans l'indivision.

A cet égard, le procès-verbal de difficultés rapporte les déclarations de M. [B] : " je suis d'accord pour régulariser l'acte de vente avec versement et distribution de ma quote-part de prix déduction faite de l'indemnité d'occupation sur 22 mois. Je constate que Mme [B] née [S] n'est pas en mesure de préciser le montant de sa créance et malgré cela impose un séquestre que je refuse ['] ".

Ainsi, le seul refus exprès de M. [B] tient à la constitution d'un séquestre, et ce refus est opposé à Mme [S]. A l'égard des acquéreurs, il apparaît au contraire que M. [B] est " d'accord pour régulariser l'acte de vente ".

Par ailleurs, le procès-verbal, qui est dressé par Me [V], notaire des acquéreurs, et signé par l'ensemble des parties, n'acte pas l'échec définitif de la vente, mais bien plutôt l'impossibilité de réaliser la vente dans l'immédiat, aux termes de la déclaration suivante : " Attendu les constatations et les difficultés existant entre les parties dont la solution préalable forme la base de la vente, le notaire soussigné déclare qu'il ne peut entreprendre celle-ci dès à présent et renvoie lesdites parties à se pourvoir ainsi qu'il appartiendra ".

Néanmoins, de fait, la vente n'a pas pu être réalisée en raison d'un désaccord entre les vendeurs qui s'est traduit, à l'égard des acquéreurs, par un refus de régulariser la vente à la date convenue.

La clause pénale ne distinguant pas selon le motif invoqué par la partie défaillante, ou selon le caractère provisoire, définitif, implicite ou exprès du refus, il y a lieu de considérer qu'en refusant de signer l'acte authentique de vente le 18 février 2020, les vendeurs ont refusé de régulariser celle-ci, nonobstant leur volonté affichée de réaliser la vente.

Cependant, l'article 1231-4, dernier alinéa du code civil, énonce que sauf inexécution définitive, la pénalité prévue par la clause pénale n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.

Or, la défaillance des vendeurs ne s'explique que par un désaccord initial entre eux dont rend compte le procès-verbal de difficultés, lequel ne fait pas état d'un quelconque obstacle dirimant à la réalisation de la vente mais de la seule impossibilité d'entreprendre la vente " dès à présent", les parties étant renvoyées à se pourvoir.

Dès lors, il y a lieu de considérer qu'à la date de l'assignation délivrée par M. et Mme [Y], le 27 février 2020, l'inexécution n'était pas définitive. Les vendeurs avaient d'ailleurs informé les acquéreurs, par l'intermédiaire de leur notaire, dès les 24 et 25 février qu'ils étaient parvenus à s'accorder sur la répartition du prix entre eux et qu'ils étaient donc prêts à régulariser la vente.

Dans ces conditions, en l'absence de dispense de mise en demeure expresse ou implicite prévue dans le compromis, un acte extra-judiciaire portant interpellation suffisante apparaissait nécessaire pour prétendre à la mise en 'uvre de la clause pénale et supposait d'avoir enjoint aux vendeurs de s'exécuter en vain.

Le jugement, qui a fait droit à la demande de M. et Mme [Y] de voir appliquée la clause pénale à leur profit sera infirmé pour ces motifs.

" Sur la faute des acquéreurs

M. et Mme [Y] n'ont pas donné suite à la mise en demeure de venir signer l'acte authentique qui leur a été signifiée par les vendeurs, suivant acte d'huissier du 4 mars 2020, et un procès-verbal de carence a donc été dressé le 16 mars 2020.

Pour rejeter la demande de M. [B], le tribunal, après avoir constaté l'inexécution contractuelle antérieure caractérisée des vendeurs, a considéré qu'il ne pouvait être reproché à M. et Mme [Y] de ne pas avoir déféré à la sommation qui leur a été signifiée le 4 mars 2020, alors qu'ils avaient déjà manifesté leur volonté de se délier de la vente et engagé une action en justice aux fins d'obtenir le paiement de la clause pénale. Selon le tribunal, ils justifiaient ainsi d'une raison légitime de ne pas déférer à la sommation qui leur a été faite, leur refus de signer l'acte authentique à cette date ne pouvant être considéré comme fautif.

M. et Mme [Y] soutiennent que leur décision de ne plus acheter est conforme à l'article 1217 du code civil qui énonce que " la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut refuser d'exécuter (') ".

Toutefois, l'exception d'inexécution n'est envisagée que comme un moyen de pression destiné à contraindre le débiteur à s'exécuter ; elle n'est qu'une cause de suspension du contrat et n'a donc pas pour effet de rompre le lien contractuel, les parties demeurant tenues par la force obligatoire du contrat.

Ainsi, en dépit de l'inexécution originelle du contrat imputable aux vendeurs, tenant à leur refus de régulariser la vente à la date convenue, le contrat n'en avait pas moins conservé sa force obligatoire.

Alors que Me [V], assistant les acquéreurs, a été informé le 21 février 2020, par Me [E], assistant M. [B], que les vendeurs étaient en train de finaliser un accord pour permettre de réaliser la vente la semaine d'après, et que ledit accord devait pouvoir être confirmé dans la journée du lundi, soit le 24 février 2020, M. et Mme [Y] ont fait savoir par l'intermédiaire de leur notaire, dès le 24 février à 8 h 13, qu'ils ne souhaitaient plus acheter.

Or, en l'absence de terme extinctif ou de résolution du contrat, les acquéreurs ne pouvaient se considérer comme étant déliés de leur engagement à cette date, tandis que leur souhait de ne pas finaliser la vente ne pouvait traduire l'exercice d'un droit de résiliation unilatérale que le contrat ne prévoyait pas. Leur renonciation à la vente est donc dénuée de toute portée au regard du caractère irrévocable du compromis signé en septembre 2019.

En outre, alors que les notaires des vendeurs ont informé Me [V] qu'un accord avait été trouvé par les vendeurs permettant la réalisation de la vente, M. et Mme [Y] ont délivré une assignation, non produite aux débats, datée du 27 février 2020, pour voir appliquer la clause pénale, sans mettre leurs vendeurs en demeure de s'exécuter, alors que cet acte, qui aurait témoigné de la volonté sincère des acquéreurs de voir réaliser la vente, était requis pour leur permettre de se délier de leur engagement.

De son côté, M. [B] a valablement mis en demeure M. et Mme [Y] de venir signer l'acte authentique de vente, le 4 mars 2020, soit à une date à laquelle le compromis signé par les acquéreurs, et valant vente définitive, avait conservé sa force obligatoire.

Pour s'opposer à l'application de la clause pénale à leur détriment, M. et Mme [Y] soutiennent encore que leur refus de régulariser était justifié par leur perte totale de confiance envers M. [B], par le fait que les fonds avaient été restitués à la banque et qu'ils s'apprêtaient à signer un bail pour un nouvel appartement dans les jours suivants.

Cependant, outre qu'il n'est justifié que de la restitution des fonds à la banque, selon avis d'opéré du 24 février 2020 à 10h08, ces éléments ne permettent pas de faire obstacle à la clause pénale, dès lors que celle-ci n'envisage comme seul motif légitime de refus l'application de la condition suspensive. Or, la restitution des fonds à la banque ne suffit pas établir la défaillance de la condition suspensive, tandis que la caducité du prêt n'est pas démontrée ou même alléguée.

Dans ces conditions, compte tenu du refus de M. et Mme [Y] de régulariser la vente en dépit de la mise en demeure qui leur a été adressée, M. [B] apparaît bien fondé à se prévaloir de la clause pénale à son profit.

3. Sur le montant de l'indemnité

Aux termes des alinéas 1 et 2 de l'article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

En l'espèce, bien que la clause pénale soit d'un montant de 56 000 euros, M. [B] demande son application à hauteur de 10 000 euros. Il fait valoir que le bien a été immobilisé entre le 21 septembre 2019 et le 16 mars 2020, soit durant une période de 7 mois, pour finalement être vendu à un tiers à un moindre prix.

Il ressort des éléments versés aux débats que le bien a été revendu le 21 décembre 2020 au prix de 554 000 euros, hors honoraires d'agence de 24 000 euros à la charge des vendeurs, alors que le compromis de vente signé avec M. et Mme [Y] prévoyait un prix de 560 000 euros, hors honoraires d'agence de 20 000 euros à la charge des vendeurs, ce qui représente un manque à gagner de 10 000 euros.

Compte tenu de ces éléments, l'indemnité due en application de la clause pénale, sera justement fixée à la somme de 10 000 euros.

4. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [B] à régler, outre les dépens, la somme de 1 400 euros à M. et Mme [Y] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les intimés succombant prendront en charge les dépens de première instance et d'appel, en application de l'article 696 du code de procédure civile, l'équité commandant en outre de les condamner à indemniser les frais irrépétibles exposés par M. [B], à hauteur de 5 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [T] [O] épouse [Y] et M. [P] [Y] de leur demande indemnitaire formée à l'encontre de M. [U] [B], au titre de la clause pénale du compromis de vente conclu le 21 septembre 2019,

Condamne solidairement Mme [T] [O] épouse [Y] et M. [P] [Y] à régler à M. [U] [B] la somme de 10 000 euros au titre de la clause pénale du compromis de vente conclu le 21 septembre 2019,

Y ajoutant,

Condamne Mme [T] [O] épouse [Y] et M. [P] [Y] aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la Selarl Minault-Teriitehau, agissant par Me Stéphanie Teriitehau, avocat constitué, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Mme [T] [O] épouse [Y] et M. [P] [Y] à verser à M. [U] [B] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame F. PERRET, Président et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-3
Numéro d'arrêt : 22/00592
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;22.00592 ?
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