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06/07/2023 | FRANCE | N°22/03786

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 06 juillet 2023, 22/03786


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 JUILLET 2023



N° RG 22/03786 -

N° Portalis DBV3-V-B7G-VSZO



AFFAIRE :



S.A. SOLOCAL



C/



[O] [N]



SYNDICAT CFDT BETOR PUB



Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 02 Décembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE - BILLANCOURT

N° Section : RE

° RG : 22/00150













Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Jérôme WATRELOT



Me Aline CHANU



le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUILLET 2023

N° RG 22/03786 -

N° Portalis DBV3-V-B7G-VSZO

AFFAIRE :

S.A. SOLOCAL

C/

[O] [N]

SYNDICAT CFDT BETOR PUB

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 02 Décembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE - BILLANCOURT

N° Section : RE

N° RG : 22/00150

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Jérôme WATRELOT

Me Aline CHANU

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. SOLOCAL

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Me Jérôme WATRELOT de la SELAFA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0100 substitué par Me Maureen DUMESNIL, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Monsieur [O] [N]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Aline CHANU de la SELARL LEPANY & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R222 substitué par Me Marion NABIER, avocat au barreau de PARIS

SYNDICAT CFDT BETOR PUB Pris en la personne de son secrétaire général, Monsieur [F] [L]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Aline CHANU de la SELARL LEPANY & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R222 substitué par Me Marion NABIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle CHABAL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,

La société Solocal, dont le siège social est situé [Adresse 2], dans le département des Hauts-de-Seine, est spécialisée dans le secteur d'activité de la publicité et du marketing numérique pour les entreprises locales. Elle emploie plus de 10 salariés et applique la convention collective des cadres, techniciens et employés de la publicité française du 22 avril 1955.

M. [O] [N], né le 26 avril 1966, a été engagé par la société Pages Jaunes SA, devenue la société Solocal, selon contrat de travail à durée indéterminée à effet au 26 septembre 1988, en qualité de conseiller commercial.

Selon contrat de travail à durée indéterminée du 7 janvier 2014 à effet du 19 mai 2014, M. [N] est devenu conseiller communication digitale key account, catégorie 3 cadre niveau 3, au sein de l'agence de [Localité 7] Nord de la société Pages Jaunes SA. Sa rémunération était composée d'une partie fixe et d'une partie variable conformément à l'article 5 de son contrat de travail.

M. [N] a assumé les fonctions de représentation du personnel et syndicales suivantes : délégué syndical CFDT en 2012, délégué représentant du personnel élu en 2014, élu suppléant au comité social et économique (CSE) en 2019, élu de la commission santé, sécurité et conditions de travail centrale (CSSCTC), élu de la CSSCT de Boulogne, membre de la commission vente, représentant du personnel de Boulogne en juin 2021, élu titulaire au CSE en décembre 2021.

À compter du 1er septembre 2021, le temps consacré à ses activités syndicales est passé à 80% de sa durée du travail. Dès lors, M. [N] est rentré dans le champ d'application de l'accord relatif au droit syndical du 14 février 2019, qui a pour objet de mettre en place un mécanisme dit d'« estimation partagée », par lequel le salarié et la société font une estimation du temps consacré à l'exercice des mandats afin d'aménager la charge de travail, les objectifs et la rémunération variable.

M. [N] a bénéficié d'une décote de 100% de ses objectifs en raison de son taux d'estimation partagée évalué à 80%. Selon avenant au contrat de travail en date du 1er septembre 2021, la rémunération forfaitaire mensuelle brute perçue par M. [N] a été fixée à :

- un salaire fixe mensuel brut de 4 592,90 euros payable 12 fois par an,

- 5 682,90 euros bruts au titre de sa rémunération variable payable 12 fois par an,

- le 10ème de congés payés versé à la prise des congés payés.

Pendant 4 mois, du 1er septembre 2021 au 31 décembre 2021, la société Solocal a versé à M. [N] la rémunération prévue par cet avenant.

Par courriel du 14 janvier 2022, la société Solocal, informant M. [N] que le calcul du complément garanti a retenu une période de référence erronée, a adressé au salarié un nouvel avenant au contrat de travail, annulant et remplaçant le précédent, prévoyant une rémunération forfaitaire mensuelle brute décomposée comme suit :

- un salaire fixe mensuel brut de 4 592,90 euros payable 12 fois par an,

- 3 058,60 euros bruts au titre de sa rémunération variable payable 12 fois par an,

- le 10ème de congés payés versé à la prise des congés payés.

Il lui était en outre notifié un trop-perçu de 10 497,20 euros au 31 décembre 2021 et proposé de procéder à la reprise échelonnée sur 24 mois soit une retenue sur salaire de 437,38 euros par mois.

M. [N] a refusé de signer cet avenant. La société Solocal a maintenu sa position et a mis en place les retenues sur salaire.

Par requête déposée le 22 septembre 2022, M. [N] et le syndicat CFDT Betor-Pub ont saisi en référé le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de :

Pour M. [N] :

- juger son action et ses demandes recevables et bien fondées,

- écarter les irrecevabilités soulevées par la société Solocal et la débouter de l'ensemble de ses demandes,

- ordonner à la société Solocal d'appliquer les termes de l'avenant au contrat de travail du 1er septembre 2021, signé par les parties, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance et se réserver la liquidation de l'astreinte,

- faire interdiction à la société de prélever mensuellement la somme de 437,38 euros au titre du « trop-perçu » à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 500 euros par infraction,

- condamner la société Solocal à lui verser les sommes suivantes :

. 27 817,58 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période courant à compter du 1er janvier 2022 au 18 novembre 2022,

. 2 781,75 euros bruts au titre des congés payés afférents au rappel de salaire,

. 5 685,94 euros bruts indûment prélevés au 30 novembre 2022 sur les salaires et 568,59 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

. 10 000 euros nets à titre de provision sur dommages et intérêts pour discrimination syndicale ou à tout le moins exécution déloyale du contrat de travail,

. 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Pour le syndicat Betor-Pub CFDT :

- condamner la société Solocal à lui verser les sommes suivantes :

. 5 000 euros nets à titre de provisions sur dommages et intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession,

. 1 500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

En outre, condamner la société Solocal aux entiers dépens, à l'intérêt au taux légal et à la capitalisation des intérêts.

La société Solocal avait, quant à elle, demandé de :

À titre principal,

- dire irrecevables les demandes de M. [N] et du syndicat Betor-Pub CFDT,

À titre subsidiaire, si le conseil devait considérer que le litige relève du pouvoir du juge des référés :

- débouter M. [N] et le syndicat Betor-Pub de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner M. [N] à lui rembourser la somme de 6 245,91 euros à titre de rémunération variable garantie, indûment versée entre le 1er septembre 2021 et le 31 décembre 2021,

En tout état de cause,

- condamner M. [N] et le syndicat Betor-Pub à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par ordonnance contradictoire rendue le 2 décembre 2022, la formation des référés du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a :

- jugé l'action et les demandes de M. [N] recevables et bien fondées,

- écarté les irrecevabilités soulevées par la société Solocal et l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,

- ordonné à la société Solocal d'appliquer les termes de l'avenant au contrat de travail du 1er septembre 2021, signé par les parties, ce sans astreinte,

- condamné la société Solocal à verser à M. [N] les sommes suivantes :

. 27 817,58 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période courant à compter du 1er janvier 2022 au 18 novembre 2022,

. 2 781,75 euros bruts au titre des congés payés afférents au rappel de salaire,

. 5 685,94 euros bruts indument prélevés au 30 novembre 2022 sur les salaires et 568,59 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

. 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [N] de ses autres demandes,

- condamné la société Solocal aux entiers dépens, à l'intérêt au taux légal et à la capitalisation des intérêts,

- débouté le syndicat Betor-Pub CFDT de ses demandes.

La société Solocal a interjeté appel de la décision par déclaration du 23 décembre 2022.

L'affaire a été fixée à bref délai.

Par conclusions adressées par voie électronique le 30 mars 2023, la société Solocal demande à la cour de :

- juger la société Solocal recevable et bien fondée en son appel,

Y faisant droit,

- infirmer l'ordonnance du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 2 décembre 2022 en ce qu'elle a :

. ordonné à la société Solocal d'appliquer les termes de l'avenant signé le 1er septembre 2021,

. condamné la société Solocal à verser à M. [N] à titre de rappels de salaire la somme de 27 817,58 euros bruts outre 2 781,75 euros au titre des congés payés y afférents, pour la période courant du 1er janvier 2022 au 18 novembre 2022,

. condamné la société Solocal à verser à M. [N] 5 685,94 euros bruts indument prélevés au 30 novembre 2022 sur les salaires et 568,59 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

. condamné la société Solocal à verser à M. [N] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamné la société Solocal aux dépens, à l'intérêt au taux légal et à la capitalisation des intérêts,

- confirmer l'ordonnance du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 2 décembre 2022 en ce qu'elle a :

. débouté M. [N] de sa demande de fixation d'une astreinte de 500 euros par jour de retard dans le cadre de l'obligation faite à la société Solocal d'appliquer les termes de l'avenant signé le 1er septembre 2021 à compter de la notification de l'ordonnance, le conseil de prud'hommes se réservant le droit de liquider l'astreinte,

. débouté M. [N] de sa demande de versement d'une provision sur dommages et intérêts pour discrimination syndicale ou à tout le moins exécution déloyale du contrat de travail à hauteur de 10 000 euros,

. débouté le syndicat Betor-Pub CFDT de l'ensemble de ses demandes,

Statuant à nouveau :

A titre principal,

- juger irrecevables les demandes de M. [N] et du syndicat CFDT Betor-Pub,

A titre subsidiaire, si la cour devait considérer que le litige relève du pouvoir du juge des référés : - débouter M. [N] et le syndicat CFDT Betor-Pub de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner M. [N] à rembourser à la société Solocal la somme de 6 245,91 euros à titre de rémunération variable garantie indument versée entre le 1er septembre 2021 et le 31 décembre 2021 sous la forme de la régularisation mise en place par la société Solocal par prélèvements mensuels à hauteur de 437,38 euros bruts,

En tout état de cause,

- condamner M. [N] et le syndicat CFDT Betor-Pub à verser la somme de 2 000 euros à la société Solocal au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance,

- condamner M. [N] et le syndicat CFDT Betor-Pub à verser la somme de 2 000 euros à la société Solocal au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

- condamner M. [N] et le syndicat CFDT Betor-Pub aux entiers dépens.

Par conclusions adressées par voie électronique le 17 avril 2023, M. [O] [N] et le Syndicat CFDT Betor-Pub demandent à la cour de :

- écarter les irrecevabilités soulevées en appel par la société Solocal et la débouter de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer l'ordonnance de référé rendue le 2 décembre 2022 par le conseil de Prud'hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu'il a :

° ordonné à la société Solocal d'appliquer les termes de l'avenant signé le 1er septembre 2021 signé [sic] par les parties,

° condamné la société Solocal à verser à M. [N] :

. 27 817,58 euros à titre de rappels de salaire pour la période courant du 1er janvier 2022 au 18 novembre 2022 et 2 781,75 euros au titre des congés payés y afférents,

. 5 685,94 euros au titre des sommes prélevées sur les salaires au 30 novembre 2022 et 568,59 euros au titre des congés payés y afférents,

. 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

° condamné la société Solocal aux dépens, à l'intérêt au taux légal et à la capitalisation des intérêts,

- infirmer pour le surplus l'ordonnance de référé rendue le 2 décembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt,

Statuant à nouveau,

- condamner la société à verser à M. [N] la somme de 10 000 euros nets à titre de provision sur dommages et intérêts pour discrimination syndicale, ou à titre subsidiaire, pour exécution déloyale du contrat de travail,

- condamner la société à verser au syndicat CFDT Betor-Pub la somme de 5 000 euros nets à titre de provision sur dommages et intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession,

Y ajoutant,

- condamner la société à verser au syndicat CFDT Betor-Pub et à M. [N] la somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Solocal aux entiers dépens, à l'intérêt au taux légal et à la capitalisation des intérêts.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Par ordonnance rendue le 19 avril 2023, le magistrat de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 12 mai 2023.

MOTIFS DE L'ARRET

Les motifs d'irrecevabilité invoqués par la société Solocal se rapportent aux pouvoirs du juge des référés et seront examinés pour chaque demande présentée par M. [N] et le syndicat CFDT Butor-Pub.

Sur les demandes de M. [N]

Sur la demande de rappel de salaire

La société Solocal soutient à titre principal que la demande de M. [N] est irrecevable en ce qu'elle ne relève pas du pouvoir du juge des référés dès lors qu'il n'existe pas d'urgence puisque le salaire est versé chaque mois à hauteur de la somme de 7 651,50 euros et que M. [N] a attendu le 22 septembre 2022 pour saisir le juge des référés ; qu'il existe une contestation sérieuse car la société procède à une application conforme de l'accord collectif de droit syndical, qui ne peut être interprété par le juge des référés, que l'erreur n'est pas créatrice de droit et que M. [N] n'apporte pas la preuve de la volonté de la société Solocal de lui appliquer une règle différente de celle prévue par l'accord. Elle soutient encore qu'il n'existe pas de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent dont il conviendrait de se prémunir.

Pour les mêmes raisons, elle estime que la demande est infondée.

M. [N] répond qu'il existait une urgence à statuer compte tenu de la baisse de salaire et des retenues illicites opérées sur la rémunération, qu'il existe un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser au plus vite et qu'il n'y a pas de contestation sérieuse dès lors que la société doit verser la rémunération prévue au contrat de travail, l'accord syndical prévoyant un plancher de rémunération et non un plafond et renvoyant aux parties le soin de déterminer la rémunération par avenant contractuel.

Il soutient que l'avenant du 1er septembre 2021 a été valablement négocié et signé par le salarié et la société et que l'employeur ne peut méconnaître sa force obligatoire en appliquant unilatéralement l'avenant du 14 février 2022 non signé, en invoquant une erreur ; qu'en outre l'avenant est conforme aux dispositions de l'accord relatif au droit syndical.

Il est rappelé, s'agissant des pouvoirs de la formation de référé :

- qu'en application des dispositions de l'article R. 1455-5 du code du travail, 'dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend',

- qu'en application des dispositions de l'article R. 1455-6 du même code, 'la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite',

- qu'en application des dispositions de l'article R. 1455-7 du même code, 'dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire'.

L'article L. 1221-1 du code du travail dispose que 'le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter.'

L'article 1103 du code civil dispose que 'les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits'.

La rémunération, qui est la contrepartie à la charge de l'employeur de la prestation de travail fournie par le salarié, constitue un élément essentiel du contrat dont l'employeur ne peut modifier ni le montant ni la structure sans l'accord du salarié. La modification unilatérale de la rémunération du salarié par l'employeur constitue un trouble manifestement illicite, quelles qu'en soient les conséquences sur le montant de la rémunération.

En l'espèce, selon avenant au contrat de travail du 1er septembre 2021, la rémunération de M. [N] a été expressément fixée à :

- un salaire fixe mensuel brut de 4 592,90 euros payable 12 fois par an,

- 5 682,90 euros bruts au titre de sa rémunération variable payable 12 fois par an,

- le 10ème de congés payés versé à la prise des congés payés (pièce 2 de M. [N]).

L'avenant se réfère aux règles de fixation de la rémunération figurant à l'article 3.5 de l'accord relatif au droit syndical du 14 février 2019, lequel prévoit notamment que 'Nonobstant les règles prévues au présent accord d'aménagement de la charge de travail, des objectifs et de la rémunération, qui diffèrent en fonction du temps consacré à l'exercice des mandats, les représentants du personnel ayant le statut de salarié détaché syndical visé au titre I, les représentants du personnel qui consacrent 100 % de leur temps de travail à l'exercice de leur mandat du fait du cumul des mandats, les représentants du personnel dont l'estimation partagée aboutit à une décote globale à 100 %, percevront une rémunération totale (fixe et variable hors frais) qui ne peut être inférieure à celle de la moyenne des 12 derniers mois précédent l'entrée en vigueur du présent accord, pour un temps de travail équivalent.' (pièce 3 de la société Solocal).

L'employeur, invoquant une erreur, a établi un nouvel avenant au contrat de travail daté du 14 janvier 2022, fixant la rémunération variable à la somme de 3 058,60 euros bruts payable 12 fois par an.

Malgré le refus du salarié de signer cet avenant, la société Solocal a opéré une retenue sur le salaire de M. [N] de 437,38 euros par mois.

Le fait pour l'employeur de ne pas exécuter l'avenant au contrat de travail du 1er septembre 2021 constitue un trouble manifestement illicite donnant compétence au juge des référés pour statuer en vertu de l'article R. 1455-6 du code du travail, même sans urgence et s'il existe une contestation sérieuse.

L'erreur invoquée par l'employeur n'est pas suffisante pour justifier un défaut de paiement de la rémunération qui a été contractuellement prévue.

La décision de première instance devra en conséquence être confirmée en ce qu'elle a écarté l'irrecevabilité de la demande et ordonné à la société Solocal, sans prononcer une astreinte, d'appliquer les termes de l'avenant au contrat de travail du 1er septembre 2016 et condamné la société Solocal à verser à M. [N] les sommes de :

- 27 817,58 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période courant à compter du 1er janvier 2022 au 18 novembre 2022,

- 2 781,75 euros bruts au titre des congés payés afférents au rappel de salaire,

- 5 685,94 euros bruts indument prélevés au 30 novembre 2022 sur les salaires et 568,59 euros bruts au titre des congés payés y afférents.

Il sera ajouté que la condamnation est prononcée à titre provisionnel.

La société Solocal sera par voie de conséquence déboutée de sa demande tendant à voir condamner M. [N] à lui rembourser la somme de 6 245,91 euros au titre de la rémunération variable garantie indument versée entre le 1er septembre 2021 et le 31 décembre 2021.

Sur la demande de provision sur dommages et intérêts

M. [N] demande une provision de 10 000 euros à valoir sur dommages et intérêts en raison de l'absence de contestation sérieuse, la société Solocal ne pouvant ignorer la force obligatoire du contrat de travail et le fait que les retenues sur salaire constituent une sanction pécuniaire interdite en vertu des dispositions de l'article L. 1331-2 du code du travail. Il en déduit une déloyauté de la société constituant une discrimination syndicale.

La société Solocal réplique qu'il n'est pas démontré que le principe et le montant du préjudice qu'évoque M. [N] ne se heurtent à aucune contestation sérieuse et qu'elle n'a pas commis d'agissements révélant une discrimination syndicale ni exécuté de manière déloyale le contrat de travail.

Les manquements invoqués par le salarié relevant de l'appréciation du juge du fond, l'ordonnance de référé sera infirmée en ce qu'elle a débouté M. [N] de sa demande de dommages et intérêts à titre provisionnel et, statuant à nouveau, la cour dira qu'il n'y a pas lieu à référé sur la demande.

Sur la demande du syndicat CFDT Butor-Pub

Le syndicat CFDT Betor-Pub demande une provision de 5 000 euros à valoir sur dommages et intérêts au regard de l'attaque frontale que constitue l'attitude de la société Solocal vis-à-vis d'un représentant du personnel et de l'absence de respect de l'accord de droit syndical signé par la CFDT, qui constituent un préjudice direct porté à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente.

La société Solocal soutient que la cour ne dispose pas du pouvoir de trancher la demande puisqu'il existe une contestation sérieuse dès lors que la société procède à une application conforme de l'accord collectif de droit syndical.

Les manquements invoqués par le syndicat relevant de l'appréciation du juge du fond, l'ordonnance de référé sera infirmée en ce qu'elle a débouté le syndicat CFDT Butor-Pub de sa demande de dommages et intérêts à titre provisionnel et, statuant de nouveau, la cour dira qu'il n'y a pas lieu à référé sur la demande.

Sur les demandes accessoires

La décision de première instance sera confirmée en ce qu'elle a mis les dépens à la charge de la société Solocal, outre les intérêts au taux légal avec capitalisation, en ce qu'elle l'a condamnée à payer la somme de 1 000 euros à M. [N] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'elle a rejeté les demandes formées du même chef par la société Solocal et le syndicat.

Les dépens d'appel seront mis à la charge de la société Solocal qui devra payer la somme de 1 000 euros à M. [N] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sa demande du même chef étant rejetée ainsi que celle du syndicat CFDT Butor-Pub, qui est débouté de ses prétentions.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance de référé rendue par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 2 décembre 2022, sauf en ce qu'elle a débouté M. [O] [N] et le syndicat CFDT Butor-Pub de leurs demandes de provisions sur dommages et intérêts,

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant

Dit que les sommes que la société Solocal a été condamnée à verser à M. [O] [N] constituent des provisions à valoir sur les rappels de salaires et les congés payés afférents,

Déboute la société Solocal de sa demande tendant à voir condamner M. [O] [N] à lui rembourser la somme de 6 245,91 euros au titre de la rémunération variable garantie indument versée entre le 1er septembre 2021 et le 31 décembre 2021,

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provisions sur dommages et intérêts formées par M. [O] [N] et le syndicat CFDT Butor-Pub,

Condamne la société Solocal aux dépens d'appel,

Condamne la société Solocal à payer à M. [O] [N] une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes formées par la société Solocal et le syndicat CFDT Butor-Pub sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 22/03786
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;22.03786 ?
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