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06/07/2023 | FRANCE | N°22/02369

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 06 juillet 2023, 22/02369


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 59C



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 JUILLET 2023



N° RG 22/02369 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VDWU







AFFAIRE :



SELARL ETUDE BALINCOURT



C/



S.A. FRANFINANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Mars 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 3

N° RG : 2020F01264



E

xpéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Cécile TURON



Me Stéphanie CARTIER



TC NANTERRE











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a r...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59C

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUILLET 2023

N° RG 22/02369 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VDWU

AFFAIRE :

SELARL ETUDE BALINCOURT

C/

S.A. FRANFINANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Mars 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 3

N° RG : 2020F01264

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Cécile TURON

Me Stéphanie CARTIER

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SELARL ETUDE BALINCOURT en qualité de liquidateur judiciaire de la société UNAH-SFAH, prise en la personne de son représentant légal en exercice, Me [S] [P] en suite de Me [R] [XE], désigné par jugement du Tribunal de commerce de Montpellier du 07 Décembre 2015.

RCS Nîmes 824 797 286

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Cécile TURON, Postulant, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 306 et Me Emmanuelle MASSOL de la SELARL AMMA AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

APPELANTE

****************

S.A. FRANFINANCE

RCS Nanterre n° 719 807 406

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Stéphanie CARTIER, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN 350

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Juin 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSE DU LITIGE

La société Unah-Sfah exerçait une activité de travaux d'installation électrique, plomberie, chauffage, charpente, couverture, panneaux solaires et isolation par l'extérieur dans tous locaux.

La société Franfinance est un établissement de crédit spécialisé notamment dans la distribution de crédits aux particuliers, soit directement, soit par le biais de prescripteurs qui souhaitent pouvoir proposer à leurs clients des crédits affectés et/ou des crédits renouvelables pour le financement de leurs opérations commerciales d'achat d'un bien ou de réalisation d'une prestation de services.

Le 20 septembre 2013, la société Franfinance a conclu avec la société Unah-Sfah une convention de distribution de crédits, ayant pour but d'assurer la promotion commerciale des crédits de la société Franfinance auprès des clients de la société Unah-Sfah.

Dans le cadre de son activité, la société Unah-Sfah a conclu avec de nombreux particuliers consommateurs des contrats d'installation de panneaux photovoltaïques, dont le financement était assuré par l'octroi de crédits affectés consentis par la société Franfinance et dont le montant était versé directement à la société Unah-Sfah.

De nombreux particuliers ont saisi la justice afin de voir prononcer la nullité des contrats d'installation de panneaux photovoltaïques et des contrats de crédit affectés en raison du non-respect des dispositions du code de la consommation.

Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société Unah-Sfah par un jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 7 décembre 2015. Me [R] [XE] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire. La société Balincourt, prise en la personne de Me [S] [P] lui a succédé.

De nombreux particuliers ont déclaré leur créance au passif de cette procédure collective.

Par acte d'huissier en date du 20 août 2020, la société Balincourt ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Unah-Sfah a fait assigner la société Franfinance devant le tribunal de commerce de Nanterre.

Par jugement du 17 mars 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Dit recevable la demande de la société Balincourt, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Unah-Sfah ;

- Rejeté la demande de prescription formée par la société Franfinance ;

- Condamné la société Franfinance à payer à la liquidation judiciaire de la société Unah-Sfah la somme de 3.500 € au titre de dommages et intérêts ;

- Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rappelé que depuis le 1er janvier 2020 l'exécution provisoire est de droit ;

- Condamné la société Franfinance aux dépens ;

- Liquidé les dépens du greffe à la somme de 156,34 €, dont TVA 26,06 €.

Par déclaration du 6 avril 2022, la société Balincourt, ès qualités, a interjeté appel du jugement.

Par ordonnance d'incident du 17 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a :

- rejeté la demande de sursis à statuer,

- condamné la société Balincourt, prise en la personne de M.[P], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Unah-Sfah, aux dépens de l'incident.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 28 mars 2023, la société Unah-Sfah, représentée par la société Balincourt, prise en la personne de Me [P], ès qualités de liquidateur judiciaire demande à la cour de :

- déclarer la société Unah-Sfah, société à responsabilité limitée immatriculée au RCS de Montpellier sous le n° 512 905 803 dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de l'étude Balincourt, société d'exercice libéral à responsabilité limitée immatriculée au RCS de Nîmes sous le n° 824 797 286 dont le siège social est [Adresse 2], elle-même prise en la personne de son représentant légal en exercice, Me [P] en suite de Me [XE], désigné par jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 7 décembre 2015, domicilié en cette qualité audit siège social, ès qualités de liquidateur judiciaire, recevable et bien fondée en son appel ;

Y faisant droit,

- infirmer partiellement le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre en date du 17 mars 2022 en ce qu'il a :

- condamné la société Franfinance à payer à la liquidation judiciaire de la société Unah-Sfah la somme de 3.500 € au titre de dommages et intérêts ;

- dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y faisant droit et statuant à nouveau,

- déclarer que la société Franfinance opère une confusion quant à la qualité du demandeur à l'action ;

- déclarer que la prescription de l'action du vendeur opposée par la société Franfinance est inopposable à la collectivité des créanciers ;

- déclarer la société Unah-Sfah étant dessaisie depuis le jugement ouvrant sa liquidation, seul le liquidateur était compétent pour saisir la présente juridiction ;

- déclarer que la prescription d'une action en responsabilité extracontractuelle court à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ;

- déclarer que le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité intentée par l'étude Balincourt ès qualités, agissant dans l'intérêt collectif des créanciers, a commencé à courir à compter du 20 février 2016, date d'expiration du délai de deux mois de déclaration des créances suivant publication du jugement de liquidation ;

Y faisant droit,

- déclarer que la société Franfinance était tenue de vérifier la régularité des contrats de vente de la société Unah-Sfah qu'elle finançait par contrat de crédit affecté ;

- déclarer que la société Franfinance est fautive dans son obligation de vérification du contrat principal des ventes dont elle finançait l'exécution ;

- déclarer que l'existence du passif relatif aux contrats d'installations électriques par la société Unah-Sfah résulte directement du comportement fautif de la société Franfinance ;

- déclarer que la prétendue faute de la société Unah-Sfah quant à la non-conformité de ses contrats de vente au regard des dispositions du code de la consommation est sans incidence sur les obligations et le devoir de vérification imposé à la société Franfinance en sa qualité d'établissement de crédit ;

- déclarer que la société Franfinance a causé un préjudice à la communauté des créanciers arrêté selon tableau actualisé des créances déclarées au 25 novembre 2021 à hauteur de 139.346,95 € ;

En conséquence,

- déclarer l'action en responsabilité intentée par la société Balincourt à l'encontre de la société Franfinance non prescrite ;

- déclarer l'étude Balincourt es qualités recevable et bien fondée en ses demandes ;

- Condamner la société Franfinance à payer à la société Unah-Sfah la somme de 139.346,95€ en réparation du préjudice subi avec intérêt légal à compter de la décision à intervenir ;

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre en date du 17 mars 2022 en ce qu'il a

- dit recevable la demande de la société Balincourt, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Unah-Sfah ;

- rejeté la demande de prescription formée par la société Franfinance ;

- rappelé que depuis le 1er janvier 2020 l'exécution provisoire est de droit ;

- condamné la société Franfinance aux dépens ;

En tout état de cause :

- débouter la société Franfinance de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

- condamner la société Franfinance au paiement de la somme de 10.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Franfinance aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 10 mai 2023, la société Franfinance demande à la cour de :

- dire et juger la société Franfinance recevable et bien fondée en l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions ;

Y faisant droit, à titre principal :

- infirmer le jugement rendu le 17 mars 2022 par le tribunal de commerce de Nanterre (RG : 2020 F 01264) en ce qu'il a rejeté la demande de prescription formée par la société Franfinance;

Statuant à nouveau :

- dire et juger les demandes de l'étude Balincourt, prise en la personne de son représentant légal, Me [P], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société UNAH-SFAH, irrecevables;

A titre subsidiaire :

- infirmer le jugement rendu le 17 mars 2022 par le tribunal de commerce de Nanterre (RG : 2020 F 01264) en ce qu'il a condamné la société Franfinance à payer à la somme de 3.500 € à titre de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau :

- débouter l'Etude Balincourt, prise en la personne de son représentant légal, Me [P], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Unah-Sfah de l'ensemble de ses demandes ;

En tout état de cause et à titre reconventionnel :

- condamner l'étude Balincourt, prise en la personne de Me [P], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Unah-Sfah au paiement d'une somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'étude Balincourt, prise en la personne de Me [P], ès qualités de liquidateur judiciaire de la Unah-Sfah aux entiers dépens d'appel au profit de Me Cartier qui pourra les recouvrer dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 mai 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur les fins de non-recevoir

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir

La société Franfinance souligne que l'assignation lui a été délivrée par la société Unah-Sfah prise en la personne de l'étude Balincourt, exerçant les droits et actions du débiteur sur le fondement de l'article L.641-9 du code de commerce. Elle relève le défaut d'intérêt à agir de la société Unah-Sfah dans l'intérêt de la communauté des créanciers et conclut à l'irrecevabilité de son action.

La société Ballincourt, ès qualités, répond que l'action est exercée non pas dans l'intérêt de la société Unah-Sfah mais dans l'intérêt de la communauté des créanciers. Elle rappelle qu'en application des dispositions des articles L.622-20 et L.641-4 du code de commerce, le liquidateur judiciaire désigné par le tribunal a qualité pour agir au nom et dans l'intérêt de la collectivité des créanciers.

*****

L'article 31 du code de procédure civile dispose que : " L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ".

Par ailleurs, l'article L.622-20 du code de commerce énonce que : " Le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers. Toutefois, en cas de carence du mandataire judiciaire, tout créancier nommé contrôleur peut agir dans cet intérêt dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Le mandataire judiciaire a qualité pour mettre en demeure un associé ou un actionnaire de verser les sommes restant dues sur le montant des parts et actions souscrites par lui.

Le mandataire judiciaire communique au juge-commissaire et au ministère public les observations qui lui sont transmises à tout moment de la procédure par les contrôleurs.

Les sommes recouvrées à l'issue des actions introduites par le mandataire judiciaire ou, à défaut, par le ou les créanciers nommés contrôleurs, entrent dans le patrimoine du débiteur et sont affectées en cas de continuation de l'entreprise selon les modalités prévues pour l'apurement du passif ".

Enfin, l'article L.641-4 du code précité prévoit que : " Le liquidateur procède aux opérations de liquidation en même temps qu'à la vérification des créances. Il peut introduire ou poursuivre les actions qui relèvent de la compétence du mandataire judiciaire.

Il n'est pas procédé à la vérification des créances chirographaires s'il apparaît que le produit de la réalisation de l'actif sera entièrement absorbé par les frais de justice et les créances privilégiées, à moins qu'il n'y ait lieu de mettre à la charge des dirigeants sociaux de droit ou de fait ou de cet entrepreneur tout ou partie du passif conformément à l'article L. 651-2.

Lorsqu'il apparaît nécessaire de reprendre la vérification des créances, le juge-commissaire fixe pour y procéder un délai supplémentaire qui ne peut excéder six mois. La fixation de ce délai supplémentaire a les mêmes conséquences que celle du délai prévu à l'article L. 624-1.

Le liquidateur exerce les missions dévolues à l'administrateur et au mandataire judiciaire par les articles L. 622-6, L. 622-20, L. 622-22, L. 622-23, L. 625-3, L. 625-4 et L. 625-8.

(...) ".

En l'espèce, il ressort du jugement rendu par le tribunal de commerce de Montpellier le 7 décembre 2015 que Me [R] [XE] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire en la société Unah-Sfah. Il n'est pas contesté que Me [XE] a été remplacé par la société Balincourt.

En application de l'article L.641-4 précité, le liquidateur judiciaire " peut introduire ou poursuivre les actions qui relèvent de la compétence du mandataire judiciaire ", ce dernier ayant seul qualité en application de l'article L.622-20 susvisé pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers.

Il résulte de ces dispositions que la société Balincourt, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Unah-Sfah a qualité et intérêt à agir au nom et dans l'intérêt de la collectivité des créanciers.

La société Franfinance soutient que l'action aurait dû être introduite par la collectivité des créanciers et non par la société Unah-Sfah, représentée par son liquidateur.

Cependant, comme indiqué précédemment, en application des textes ci-dessus rappelés, le liquidateur judiciaire peut exercer les actions au nom et dans l'intérêt de la collectivité des créanciers, ce qu'il précise clairement dans le corps de ses écritures. Or, il ressort du jugement déféré que le demandeur est bien la " Selarl Etude Balincourt prise en la personne de Me [P] et Me [XE] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Unah-Sfah ". De même, la déclaration d'appel a bien été régularisée au nom de la " Sarl Balincourt ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Unah-Sfah ".

Dans ces conditions, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir doit être rejetée.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action

La société Franfinance conclut à la prescription de l'action en responsabilité du vendeur. Elle considère que la société Unah-Sfah connaissait ou aurait dû connaître, dès la formation de ses contrats de vente, les faits lui permettant d'exercer son action en responsabilité à son encontre, s'agissant d'irrégularités formelles.

L'appelant répond, au visa des articles L.622-20 et L.641-1 du code de commerce, que l'action n'est pas exercée par la société Unah-Sfah, mais par l'étude Balincourt ès qualités intervenant au soutien des intérêts de la communauté des créanciers, de sorte qu'en application des dispositions des articles 2224 du code civil et L.622-6 du code de commerce, le délai de prescription quinquennal n'a commencé à courir qu'à compter de l'expiration du délai imparti aux créanciers pour procéder à leur déclaration de créances, soit à l'issue du délai de deux mois suivant jugement d'ouverture de la liquidation, c'est-à-dire le 20 février 2016.

*****

L'article 2224 du code civil dispose que " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ".

La société Balincourt ès qualités exerce l'action au nom et dans l'intérêt de la collectivité des créanciers de la société Unah-Sfah.

Le délai de prescription quinquennal de l'article 2224 du code civil n'a pas pu commencer à courir à l'égard de la collectivité des créanciers avant la manifestation du dommage à leur égard, c'est-à-dire avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, étant observé qu'en application des dispositions des articles L.622-24 et R.622-24 du code de commerce, les créanciers disposent d'un délai de 2 mois à compter de la publication du jugement d'ouverture de la procédure collective pour déclarer leur créance.

En l'espèce, la liquidation judiciaire de la société Unah-Sfah a été prononcée par jugement du 7 décembre 2015. S'il n'est pas justifié de la date de publication de cette décision au Bodacc, la cour constate que la société Franfinance a été assignée devant le tribunal de commerce de Nanterre par la société Balincourt ès qualités par acte d'huissier du 20 août 2020, soit, en tout état de cause, avant l'expiration du délai de 5 ans imparti par l'article 2224 précité.

Dans ces conditions, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir.

Sur la demande indemnitaire

Le liquidateur de la société Unah-Sfah rappelle que dans le cadre de toute opération de crédit affecté entre un professionnel et un consommateur, le professionnel prêteur est tenu de vérifier la validité du contrat principal de vente qu'il finance et qu'il commet une faute en s'abstenant avant de verser les fonds empruntés, de vérifier la régularité du contrat principal. Il explique qu'en l'espèce, la société Franfinance a accordé des crédits aux particuliers consommateurs clients sans s'assurer de la régularité du contrat, alors qu'ils étaient affectés d'une cause de nullité relative aux mentions requises par le code de la consommation en matière de démarchage à domicile. Il rappelle que la responsabilité de la société Franfinance a été retenue dans le cadre des actions en nullité des contrats de vente et de crédit engagées par les clients. Il considère que par son comportement, la société Franfinance a causé un préjudice à la communauté des créanciers, dont elle doit être indemnisée, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, à concurrence de la somme de 139.346,95 € au regard de l'état des créances. En réponse à l'argumentation adverse, le liquidateur s'oppose à tout partage de responsabilité, soulignant que la Cour de cassation a entendu mettre à la charge des établissements de crédit un devoir de vigilance particulièrement accru tenant compte de l'importance de leurs obligations en leur qualité de dispensateurs de crédit professionnels. Il soutient que la société Unah-Sfah ne s'est engagée qu'au respect des dispositions légales et réglementaires relatives aux crédits à la consommation et aux pratiques commerciales et qu'en tout état de cause, aucune faute ne lui est imputable en tant que représentant de la collectivité des créanciers.

La société Franfinance répond qu'aucune disposition légale ne prévoit l'obligation pour l'établissement de crédit, tiers au contrat de vente, d'en vérifier le formalisme, alors qu'elle n'a pas à s'immiscer dans la gestion des affaires de son client et ne dispose d'aucune expertise technique. Elle rappelle être soumise à un principe de non-immixtion supposant qu'elle n'avait aucune obligation de conseil ou de mise en garde sur les risques liés au formalisme du contrat principal. Elle soutient que le vendeur est tenu de rédiger des contrats de vente conformes aux dispositions du code de la consommation et qu'en vertu de la convention de distribution de crédits conclue entre les parties le 20 septembre 2013, la société Unah-Sfah s'était engagée à remettre aux clients un bon de commande respectant les dispositions du code de la consommation, de sorte que sa responsabilité exclusive doit être retenue. La société Franfinance rappelle que la responsabilité de la société Unah-Sfah a été retenue, à ce titre et du fait d'autres manquements, par certaines décisions rendues à la demande des clients.

Subsidiairement, la société Franfinance fait valoir que l'appelant ne rapporte aucune preuve du préjudice résultant de la faute qui lui est opposée. Elle explique que :

- certains clients ont été dispensés de rembourser le capital emprunté, de sorte qu'ils ne peuvent prétendre au remboursement du prix du contrat de vente,

- les créances n'ayant fait l'objet d'aucune procédure et donc d'aucune décision retenant une quelconque faute sa part devront nécessairement être écartées,

- les créances ayant fait l'objet d'une décision de justice correspondent principalement aux condamnations in solidum des sociétés Unah-Sfah et Franfinance au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour un montant total de 8.600 €,

- les autres créances ne sont pas justifiées ou alors erronées.

*****

Le prêteur de deniers qui verse les fonds, sans procéder, préalablement, auprès du vendeur et de l'emprunteur, aux vérifications qui lui auraient permis de constater que le contrat de démarchage à domicile était affecté d'une cause de nullité, commet une faute qui engage sa responsabilité.

Il en va de même lorsque le prêteur de deniers libère les fonds sans vérifier la bonne exécution du contrat financé.

La société Balincourt ès qualités produit en pièce n°7 plusieurs décisions de justice ayant retenu, dans le cadre de contrats de fourniture et d'installation de panneaux photovoltaïques conclus par la société Unah-Sfah avec des particuliers et financés par des prêts de même montant consentis par la société Franfinance, la responsabilité du prêteur de deniers pour avoir libéré les fonds sans s'assurer de la bonne exécution du contrat financé et/ou de la régularité du contrat de vente.

La société Franfinance, qui ne conteste pas le caractère définitif de ces décisions, ne peut utilement contester sa responsabilité, au regard de l'autorité de la chose jugée qui leur est attachée.

La vérification par la société Franfinance de l'exécution complète du contrat financé et de la régularité dudit contrat, aurait dû la conduire à refuser la libération des fonds, ce qui aurait entrainé l'annulation du contrat de vente.

Cependant, la société Franfinance soutient que la communauté des créanciers, représentée par la société Balincourt ès qualités, ne justifie pas d'un préjudice en lien avec la faute reprochée, dès lors que la plupart d'entre eux ont été dispensés de leur obligation de rembourser le prêt affecté ou que le préjudice indemnisé est strictement imputable à la société Unah-Sfah.

Pour justifier de ce préjudice, la société Balincourt ès qualités communique en pièce n°7 un tableau de l'état des créances de la société Unah-Sfah actualisé au 25 novembre 2021 et, comme indiqué précédemment, des décisions de justice ayant statué dans le cadre d'actions engagées par des consommateurs ayant conclu avec la société Unah-Sfah et la société Franfinance les contrats de vente et de crédits affectés en cause.

La cour relève que la société Balincourt ès qualités ne produit aucune décision de justice, ni aucune pièce contractuelle concernant les créances déclarées par M. [D] [M], M. ou Mme [N] [E], M. [A] [Y], M. [SN] [F], M. [ZM] [U], M. et Mme [V] [L], M. [Z] [J], Mme [O] [T], M. et Mme [V] [SC], Mme [UW] [O] [LH] et M. [G] [RJ].

Concernant M. et Mme [GF], l'appelante ne communique que le dispositif d'une décision par laquelle le tribunal de commerce de Montpellier a, le 19 juin 2018, rejeté leur demande de relevé de forclusion sans autre précision.

Cependant, la société Franfinance communique des décisions de justice concernant M. et Mme [V] [L] et Mme [UW] [O] [LH].

Il apparaît en conséquence que les créances invoquées par l'appelante pour M. [D] [M], M. ou Mme [N] [E], M. [A] [Y], M. [SN] [F], M. [ZM] [U], M. [Z] [J], Mme [O] [T], M. et Mme [V] [SC], M. [G] [RJ], M. et Mme [GF] ne sont pas justifiées.

Par ailleurs, il ressort des décisions de justice communiquées que M. [H], M. [I], M. [W], les époux [K], M. [C], M. [B] et Mme [PY], M. et Mme [L], Mme [X], Mme [LH], Mme [FB], M. [ML], Mme [OU], M. et Mme [NP], M. et Mme [DX] ont été dispensés de l'obligation de procéder au remboursement du montant du crédit souscrit auprès de la société Franfinance, de sorte qu'ils ne subissent aucun préjudice à ce titre.

Enfin, la confrontation de ces mêmes décisions, de l'état des créances de la société Unah-Sfah et des pièces communiquées par les parties permet de constater que :

- s'il est revendiqué par M. [H] une créance de 800 €, les décisions de justice produites aux débats établissent que seule la société Franfinance a été condamnée au paiement de cette somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de sorte que M. [H] ne justifie d'aucune créance à l'égard de la procédure collective de la société Unah-Sfah ;

- concernant M. [I] et M. [W], à l'égard desquels la société Franfinance a été condamnée au paiement d'une somme de 2.000 €, solidairement avec la société Unah-Sfah, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'intimée justifie en pièce n°19 avoir exécuté la décision; MM. [I] et [W] ne démontrent par conséquent l'existence d'aucun préjudice ;

- la société Franfinance établit en pièce n°21 avoir procédé au règlement de la somme 1.306,43€ au titre de l'exécution de la décision se rapportant à M. [B] et Mme [PY], ayant condamné in solidum la société Unah-Sfah et la société Franfinance au paiement de la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; il apparaît en conséquence que la créance de 1.000 € figurant sur l'état des créances de la société Unah-Sfah pour le compte de M. [B] et Mme [PY] n'est pas justifiée ;

- de même, la société Franfinance communique en pièce n°22 la preuve du règlement de la somme 7.547,33 € comprenant celle de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en exécution de la décision se rapportant à Mme [X], ayant notamment condamné in solidum la société Unah-Sfah et la société Franfinance au paiement de la somme de 800 € au titre des frais irrépétibles ; il apparaît en conséquence que la créance de 800 € figurant sur l'état des créances de la société Unah-Sfah pour le compte de Mme [X] n'est pas justifiée ;

- l'intimée produit en pièce n°23 la preuve du règlement de la somme 16.438,40 € comprenant celle de 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en exécution de la décision se rapportant à Mme [OU], ayant notamment condamné in solidum la société Unah-Sfah et la société Franfinance au paiement de la somme de 1.200 € au titre des frais irrépétibles ; il apparaît en conséquence que la créance de 1.200 € figurant sur l'état des créances de la société Unah-Sfah pour le compte de Mme [OU] n'est pas justifiée ;

- aucune créance n'est revendiquée sur l'état des créances pour les époux [DX], Mme [FB] et les époux [L].

En revanche, il ressort des décisions communiquées que la faute de la société Franfinance a été caractérisée dans le cadre de la décision concernant M. et Mme [K], peu important qu'une faute personnelle ait été retenue à l'encontre de la société Unah-Sfah. La cour d'appel de Montpellier dans son arrêt du 21 juillet 2021 a considéré que la vérification par le prêteur de deniers de la régularité du contrat de vente lui aurait permis de constater qu'il était affecté d'une cause de nullité flagrante. La juridiction a fixé au passif de la société Unah-Sfah au bénéfice des époux [K] une créance de 2.000 € de dommages et intérêts qui sera retenue.

Si la société Franfinance établit avoir procédé au versement sur le compte Carpa de Me Harry Bensimon, qui représentait M. [CT] [C] dans l'instance l'opposant à la société Balincourt ès qualités et à la société Franfinance, ayant mené au jugement du tribunal judiciaire de Caen du 2 juillet 2021, une somme de 28.045,79 €, la cour constate que le prêteur de deniers avait été condamné, à titre personnel, au paiement d'une somme de 40.981,74 € au titre du remboursement des sommes versées, outre celle de 1.000 € au titre du préjudice moral. Etant relevé que la société Franfinance et la société Unsah Sfah ont été condamnées in solidum au paiement de la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la créance du même montant revendiquée par la société Balincourt ès qualités sera par conséquent retenue.

Il résulte de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes le 29 mai 2020 qu'une somme de 1.000€ a été fixée au passif de la société Unah-Sfah au bénéfice de Mme [LH] par le jugement du tribunal d'instance de saint Malo du 13 septembre 2016, cette condamnation ayant été confirmée par la cour. La juridiction a caractérisé la faute de la société Franfinance du fait de la libération des fonds sans vérification préalable de la régularité du contrat de vente, lequel était affecté d'irrégularités formelles apparentes, qui auraient dû conduire le prêteur de deniers à refuser de verser les fonds. En conséquence, cette créance sera retenue.

Concernant les époux [ML], l'arrêt rendu par la cour d'appel de Limoges le 17 janvier 2019 établit qu'une créance a été fixée à leur profit au passif de la société Unah-Sfah d'un montant de 6.500 € et non de 7.020,73 € comme revendiqué dans l'état des créances. La faute de la société Franfinance a été établie par la cour en raison d'une libération des fonds sans vérification de l'exécution complète du contrat principal. Il importe peu à cet égard que la faute de la société Franfinance soit postérieure à la signature du contrat, dès lors que l'absence de versement des fonds aurait entraîné l'annulation du contrat de vente et donc le défaut d'exécution des travaux d'installation des panneaux photovoltaïques. En conséquence, une créance de 6.500 € sera retenue.

S'agissant de M. et Mme [NP], il ressort du jugement rendu par le tribunal d'instance de Chartres du 29 mai 2018 que la société Franfinance et Me [XE], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Unah-Sfah, ont été condamnés in solidum au paiement de la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, qui figure sur l'état des créances de la société Unah-Sfah. La faute de la société Franfinance a été caractérisée au titre du versement des fonds sans vérification de la régularité du contrat de vente et de sa bonne exécution. La société Franfinance soutient que la créance des époux [NP] n'a pas pu être réglée en l'absence de réponse de ces derniers à sa demande de décompte des sommes dues. Cependant, la cour constate qu'aucun élément de preuve ne permet de corroborer cette affirmation. En conséquence, la créance sera retenue.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Me Balincourt ès qualités ne justifie que d'une somme totale de 11.300 € au titre du passif de la société Unah-Sfah.

Les manquements de la société Franfinance, tels que caractérisés par les décisions susvisées, ont concouru au dommage de la collectivité des créanciers de la société Unah-Sfah, dès lors qu'en l'absence de libération des fonds par le préteur de deniers, les contrats de vente auraient été annulés avant toute exécution. Par ailleurs, les manquements de la société Unah-Sfah ont également contribué au préjudice, dans la mesure où les décisions de justice produites établissent qu'elle a soumis à de nombreux consommateurs des bons de commande ou conventions affectés d'irrégularités formelles au regard du droit de la consommation ou qu'elle n'a pas assuré la bonne exécution de ses obligations contractuelles. Le comportement fautif de la société Unah-Sfah est opposable à la collectivité de ses créanciers.

En considération des fautes respectives du vendeur et de l'établissement de crédit, la part de responsabilité de la société Franfinance doit être fixée à 50 %, de sorte que l'intimée sera condamnée au paiement de la somme de 5.650 €. Le jugement déféré sera par conséquent infirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Au regard de la solution du litige, le jugement sera confirmé des chefs des dépens et des frais irrépétibles.

Pour le même motif, chaque partie supportera la charge de ses dépens d'appel et sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société Balincourt, ès qualités;

Confirme le jugement déféré sauf en celle de ses dispositions relatives au quantum de l'indemnité allouée ;

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Condamne la société Franfinance à payer à la société Balincourt, ès qualités, la somme de 5.650 € de dommages et intérêts ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d'appel ;

Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 22/02369
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;22.02369 ?
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