COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 58E
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 06 JUILLET 2023
N° RG 22/01215 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VBA2
AFFAIRE :
S.A.S. NEUILLY PARK
C/
S.A. AXA FRANCE IARD
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Janvier 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 6
N° RG : 2021F00136
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Dan ZERHAT
Me Martine DUPUIS
TC NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. NEUILLY PARK
RCS Nanterre n° 339 605 289
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 et Me COLLIN substituant à l'audience Me David LEPIDI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D11
APPELANTE
****************
S.A. AXA FRANCE IARD
RCS Nanterre n° 722 057 460
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Thomas GARANDEAU et Me Catherine Marie DUPUY du cabinet H&A, Plaidants, avocats au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Juin 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSE DU LITIGE
La société Neuilly Park exploite un hôtel éponyme situé à [Localité 4].
Elle a souscrit le 1er juin 2013 un contrat d'assurance multirisque professionnelle auprès de la société Axa France Iard, ci-après dénommée la société Axa, par l'intermédiaire d'un courtier, la société L'Egide.
Expliquant avoir été contrainte de fermer son établissement à compter de l'arrêté du 14 mars 2020 et du décret n°2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales applicables dans le cadre de l'état d'urgence consécutif à l'épidémie de Covid-19, la société Neuilly Park a régularisé auprès du courtier une déclaration de sinistre tendant à voir mobiliser la garantie des pertes d'exploitation le 2 juin 2020.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 juillet 2020, la société Neuilly Park a, par l'intermédiaire de son conseil, mis en demeure la société Axa de garantir le sinistre objet du litige.
Par acte d'huissier en date du 29 décembre 2020, la société Neuilly Park a fait assigner la société Axa devant le tribunal de commerce de Nanterre.
Par jugement du 26 janvier 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- Débouté la société Neuilly Park de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamné la société Neuilly Park à payer à la société Axa France Iard la somme de 1.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rappellé que l'exécution provisoire du jugement est de droit ;
- Condamné la société Neuilly Park aux dépens ;
- Liquidé les dépens du greffe à la somme de 70,91 €, dont TVA 11,82 €.
Par déclaration du 1er mars 2022, la société Neuilly Park a interjeté appel du jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 27 mai 2022, la société Neuilly Park demande à la cour de :
- Infirmer dans toutes ses dispositions le jugement dont appel,
Statuant à nouveau :
- Recevoir l'intégralité des moyens et prétentions de l'appelant,
Sur le droit à indemnisation de la société Neuilly Park :
/ Sur la mobilisation de la garantie « perte d'exploitation suite à fermeture administrative » :
- Dire que les critères d'indemnisation de la garantie « perte d'exploitation suite à fermeture administrative », souscrite auprès de la société Axa France Iard par la société Neuilly Park, sont réunis concernant les pertes d'exploitation subies par cette dernière du 15 mars 2020 au 31 décembre 2020 ;
- Dire que la garantie « perte d'exploitation suite à fermeture administrative » comporte in fine la clause d'exclusion suivante : ' les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour un cause identique ' ;
- Dire non écrite ladite clause d'exclusion de garantie au regard des fermetures intervenues pour cause d'épidémie, cette dernière vidant la garantie de sa substance, et ce, quelle que soit la qualification retenue par le tribunal, l'article 1170 du code civil devant trouver à s'appliquer en toutes hypothèses ;
- Annuler ladite clause d'exclusion en l'absence de caractère limité,
En conséquence, et en tout état de cause,
- Condamner la société Axa France Iard à indemniser les pertes d'exploitation subies par la société Neuilly Park consécutives aux fermetures de son établissement pour cause d'épidémie de Covid-19 pendant les périodes du 15 mars jusqu'au 31 décembre 2020 ;
/ Sur la mobilisation de la garantie «perte d'exploitation, carence clients» prévue aux conditions particulières MH2013 :
- Dire que les critères d'indemnisation de la garantie « perte d'exploitation, carence clients », stipulée dans les conditions particulières MH2013, souscrites auprès de la société Axa France Iard par la société Neuilly Park, sont réunis concernant les pertes d'exploitation subies par cette dernière du 15 mars 2020 au 31 décembre 2020, dès lors qu'aucune interprétation n'est nécessaire relativement à ladite clause, et qu'il en résulte que la garantie est acquise les clients ne pouvant plus se déplacer pour venir au sein de l'établissement hôtelier du fait des mesures de restriction de circulation ;
- Condamner, en conséquence, la société Axa France Iard à indemniser les pertes d'exploitation subies par la société Neuilly Park consécutives à la carence de la clientèle dans locaux professionnels pour cause d'épidémie de Covid-19 pendant les périodes du 15 mars au 31 décembre 2020 ;
/ Sur la mobilisation de la garantie « perte d'exploitation, impossibilité d'accès » prévue par conditions particulière MH2013 :
- Dire que les critères d'indemnisation de la garantie «perte d'exploitation, perte de revenus», souscrites auprès de la société Axa France Iard par la société Neuilly Park, sont réunis concernant les pertes d'exploitation subies par cette dernière du 15 mars 2020 au 31décembre2020, dès lors qu'aucune interprétation n'est nécessaire relativement à ladite clause, et qu'il en résulte que la garantie est acquise dans tous les cas d'impossibilité ou de difficulté d'accès aux locaux professionnels quelle qu'en soit la cause, l'adverbe «notamment» n'ayant pas de sens exclusif ou limitatif ;
- Constater l'existence de plusieurs interprétations possibles relativement à ladite clause, qui
sera interprétée dans le sens le plus favorable à la société Neuilly Park ;
- Condamner, en conséquence, vu l'article 11190 du code civil, la société Axa France Iard à indemniser les pertes d'exploitation subies par la société Neuilly Park consécutives à l'impossibilité ou difficultés d'accès à ses locaux professionnels pour cause d'épidémie de Covid-19 pendant les périodes du 15 mars au 31 décembre 2020 ;
En conséquence,
Sur la demande de provision
- Condamner la société Axa France Iard, en application de la garantie «pertes d'exploitations» du contrat d'assurance multirisque professionnel susvisé, à respecter son obligation contractuelle ;
- Condamner la société Axa France Iard à indemniser la demanderesse de son préjudice constitué par ses pertes d'exploitation assurées à titre provisionnel à parfaire à hauteur de 865.258,54 € ;
- Condamner la société Axa France Iard à assumer les pertes d'exploitation de la demanderesse pendant toute la durée du sinistre et dans la limite contractuelle de garantie de 24 mois ;
- Ordonner à l'encontre de la société AXA France Iard une astreinte de 1.000 € par jour de retard si elle ne s'exécute pas dans les cinq jours de la signification de la décision à intervenir;
- Ordonner une expertise judiciaire à la charge de la société AXA France Iard ;
- Désigner tel expert qu'il plaira à la juridiction avec pour mission de :
- Évaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute sur toute la durée de la période d'indemnisation ;
- Évaluer le montant des frais supplémentaires sur la période d'indemnisation ;
- S'adjoindre en tant que de besoin tout sachant ou expert sapiteur lui permettant de mener à bien sa mission ;
- Condamner en tant que de besoin la société Axa France Iard à prendre en charge les honoraires de l'expert d'assuré ;
- Ordonner la réouverture des débats et renvoyer l'affaire à la plus prochaine audience utile,
afin qu'à l'issue de la procédure d'expertise prévue au contrat les parties s'expliquent contradictoirement sur le montant définitif de l'indemnité due à la société Neuilly Park au titre des pertes d'exploitation qu'elle a subies par son établissement ;
- Ordonner la publication judiciaire du jugement (sic) à intervenir aux frais de la société Axa France Iard dans un délai de 4 jours ouvrables à compter de la signification du jugement (sic) à intervenir dans deux éditions de presse quotidienne nationale sur format papier et dématérialisé aux choix de la demanderesse sans que le coût des publications ne puisse excéder la somme de 10.000 € HT dans un encadré étant précisé que la taille des caractères ne pourra pas être inférieure à la police taille 16 en caractères gras et apparents, du texte suivant :
" Par jugement en date du ...rendu par le tribunal de commerce de Nanterre (sic), la société AXA France Iard a été condamnée à indemniser la société Neuilly Park au titre de l'indemnisation des pertes d'exploitation nonobstant appel et sans constitution de garanties »;
- Condamner la société Axa France Iard au paiement des intérêts au taux légal dus sur cette
somme à compter de la mise en demeure du 06 juillet 2020 ;
En toutes hypothèses :
- Condamner la société Axa France Iard à verser à la société Neuilly Park la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Axa France Iard aux entiers dépens de la présente instance conformément à l'article 696 du code de procédure civile ;
- La condamner aux entiers dépens ;
- Ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.
Par dernières conclusions notifiées le 10 mars 2023, la société Axa demande à la cour de:
A titre principal :
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 26 janvier 2022, RG n°2021F00136, en ce qu'il a :
- Débouté la société Neuilly Park de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamné la société Neuilly Park à payer à la société AXA France Iard la somme de 1.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rappelé que l'exécution provisoire du jugement est de droit ;
- Condamné la société Neuilly Park aux dépens
- Débouté la société Neuilly Park de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à l'encontre de la société AXA France Iard ;
A titre subsidiaire :
- Débouter la société Neuilly Park de sa demande de provision dans la mesure où la preuve du montant des pertes d'exploitation qu'elle allègue n'est pas rapportée ;
- Désigner un expert avec pour mission de :
- Chiffrer le montant des pertes d'exploitation garanties, aux frais de la seule société Neuilly Park ;
- Se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par l'appelante et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années ;
- Entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations ;
- Chiffrer la perte de marge brute contractuellement indemnisable, dans la limite du plafond de garantie, et sur la seule période allant :
- Du 15 mars au 11 mai 2020 ;
- Du 30 octobre 2020 au 19 mai 2021 ;
- Chiffrer et tenir compte de l'ensemble des économies réalisées au cours de la période d'indemnisation ainsi que de l'ensemble des aides d'Etat perçues ;
- Chiffrer et tenir compte, des coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la perte de marge brute imputable à la mesure de fermeture administrative.
A titre très subsidiaire :
- Débouter la société Neuilly Park de sa demande de publication du jugement (sic) à venir ;
- Débouter la société Neuilly Park de sa demande tendant à ce que la société Axa France Iard soit condamnée sous astreinte de 1.000 € par jour à compter de l'arrêt à intervenir ;
- Débouter la société Neuilly Park de toute demande excédant la somme de 1.125.000 € ;
En tout état de cause :
- Débouter la société Neuilly Park de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
- Condamner la société Neuilly Park à payer à la société Axa France Iard, la somme de 1.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Neuilly Park aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Me Dupuis, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 mars 2023.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
La société Hôtel Neuilly Park expose avoir été contrainte de fermer son établissement en raison de la carence de clientèle liée aux mesures administratives prises pour endiguer l'épidémie. Elle soutient que les conditions de mobilisation de la garantie des pertes d'exploitation relatives à l'impossibilité d'accès à l'hôtel et à la carence de clientèle sont réunies, dès lors que les transports en commun étaient à l'arrêt ou fortement réduits, les sorties étaient strictement contrôlées et limitées, un couvre-feu devait être respecté et le télétravail était imposé, provoquant la fermeture de son établissement.
L'appelante soutient qu'il existe une ambiguïté dans la rédaction de la police concernant les conditions de mobilisation de la garantie en cas d'impossibilité d'accès au regard de l'adverbe " notamment " qui laisse entendre qu'une décision administrative interdisant l'accès aux locaux professionnels en raison d'un incendie, d'un évènement climatique ou d'une catastrophe naturelle, n'est que facultative dès lors qu'il existe une impossibilité ou une difficulté d'accès matérielle et concrète de se rendre sur les lieux de son activité. Elle estime que le doute doit être interprété en sa faveur en application de l'article 1190 du code civil.
Concernant la carence de clientèle, l'assurée considère que la clause qui limite la garantie au cas d'annulation de dernière minute d'une réservation, par un voyagiste uniquement, en raison d'un accident de la circulation, vide la garantie de sa substance et doit donc être réputée non écrite au sens de l'article 1170 du code civil.
S'agissant de la garantie en cas de fermeture administrative, la société Hôtel Neuilly Park expose que les pouvoirs publics, compte tenu de la propagation du virus Covid-19, ont interdit la réception du public, puis ont ordonné des confinements, tandis que les frontières ont été fermées aux étrangers non ressortissants européens ou non résidents de l'espace Schengen. Elle soutient que l'ensemble de ces mesures prises par les autorités administratives caractérisent une impossibilité ou des difficultés matérielles d'accès aux locaux assurés, ayant provoqué sa fermeture. L'appelante souligne que la décision du gérant de fermer l'établissement, du fait de la carence de clientèle, a été provoquée par les mesures gouvernementales.
La société Hôtel Neuilly Park considère que la clause d'exclusion de garantie invoquée par l'assureur méconnaît les dispositions de l'article L.113-1 du code des assurances, dans la mesure où elle est équivoque, imprécise et a pour effet de vider la garantie de sa substance, alors que l'obligation essentielle de l'assureur en cas de fermeture provoquée par des décisions administratives prises pour endiguer une épidémie est d'indemniser son assuré des pertes d'exploitation subies. L'appelante soutient également que la clause d'exclusion est abusive.
La société Hôtel Neuilly Park se prévaut de décisions de justice ayant condamné l'assureur à indemniser les pertes d'exploitation d'hôteliers en pareilles circonstances.
L'appelante sollicite en conséquence la condamnation de la société Axa au paiement de la somme provisionnelle de 865.258,54 € correspondant à la perte de marge brute pour la période courant du 15 mars au 31 décembre 2020 et demande à la cour d'ordonner une mesure d'expertise afin de déterminer le montant total de ses pertes d'exploitation consécutives à l'épidémie de Covid-19.
La société Axa conclut à la confirmation du jugement. L'assureur soutient que les conditions de mobilisation de la garantie ne sont pas réunies. Concernant l'impossibilité d'accès, elle soutient que la clause est dénuée d'ambigüité, dès lors que c'est toute la précision " notamment en cas d'interdiction par les autorités compétentes " qui est stipulée entre virgules. L'assureur indique que les mesures administratives de restriction dont fait état l'appelante ne correspondent pas à l'un des évènements garantis listés par la clause. Il ajoute que ces mesures n'ont pas rendu impossible ou difficile l'accès aux hôtels et ne sont pas " survenus dans le voisinage " de la société Hôtel Neuilly Park comme exigé par le contrat.
Concernant la carence de clients, la société Axa rappelle que la garantie n'est mobilisable, aux termes de la police, qu'en cas d'annulation de dernière minute d'une réservation, par un voyagiste uniquement, en raison d'un accident de la circulation, ce qui n'est pas le cas.
S'agissant de la garantie en cas de fermeture administrative, l'assureur expose qu'aucune mesure administrative de restriction n'a visé les hôtels et que la fermeture de l'hôtel n'est consécutive qu'à la décision de l'exploitant motivée par son appréciation du contexte épidémique et économique. Elle ajoute qu'aucune fermeture des accès de l'hôtel n'a été ordonnée par une autorité administrative, dès lors que la population demeurait autorisée à se déplacer pour certains motifs.
La société Axa invoque l'exclusion de garantie en cas de fermeture collective d'établissements dans une même région ou sur le plan national, soulignant que l'appelante développe son argumentation sur une clause différente de celle insérée au contrat.
Subsidiairement, l'assureur se joint à la demande de l'assurée concernant la nécessité d'ordonner une mesure d'expertise, mais conclut au débouté de la demande provisionnelle de cette dernière.
*****
Sur la garantie des pertes d'exploitation en cas d'impossibilité d'accès
Il ressort des conditions particulières de la police à laquelle la société Neuilly Park a souscrit que les pertes d'exploitation sont garanties en cas d' "impossibilité ou difficulté d'accès à vos locaux professionnels, notamment en cas d'interdiction par les autorités compétentes, consécutives à un des évènements suivants survenus dans le voisinage :
- Incendie, explosion,
- Evènements climatiques de la nature de ceux décrits dans la garantie,
- Catastrophes naturelles".
La cour constate que la société Neuilly Park ne démontre pas qu'un des évènements susceptibles de justifier la mobilisation de la garantie se soit produit. Elle n'établit ainsi pas la survenance dans son voisinage d'un incendie, d'une explosion, d'un évènement climatique décrit dans la garantie, ni d'une catastrophe naturelle ayant rendu l'accès à ses locaux professionnels impossible ou difficile.
La lecture de la clause permet de constater que contrairement à ce que soutient l'appelante, l'adverbe "notamment" ne laisse pas entendre qu'une décision administrative interdisant l'accès aux locaux professionnels en raison d'un incendie, d'un évènement climatique ou d'une catastrophe naturelle, n'est que facultative dès lors qu'il existe une impossibilité ou une difficulté d'accès matérielle et concrète de se rendre sur les lieux de son activité. En effet, l'adverbe "notamment", qui se rattache au groupe nominal circonstanciel "notamment en cas d'interdiction par les autorités compétentes" placé entre deux virgules, est sans effet sur la liste limitative des évènements susceptibles de justifier la mobilisation de la garantie telle que rappelée supra.
Les premiers juges ont à juste titre considéré que ces stipulations, parfaitement explicites, sont dépourvues de toute ambigüité et ne nécessitent donc aucune interprétation au titre de l'article 1190 du code civil.
Le jugement doit par conséquent être confirmé en ce qu'il a considéré que la garantie des pertes d'exploitation en cas d'impossibilité ou de difficulté d'accès n'est pas mobilisable.
Sur la garantie des pertes d'exploitation en cas de carence de la clientèle
Il ressort des conditions particulières de la police à laquelle la société Neuilly Park a souscrit que les pertes d'exploitation sont garanties en cas de " carence clients ".
Cependant, les conditions générales applicables au contrat définissent en page 38 la " carence clients " comme suit : " La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à l'annulation de dernière minute des réservations d'un voyagiste pour cause d'accident de circulation dûment caractérisé subi par un car ou tout autre moyen de transport ".
Or, la société Neuilly Park ne démontre à nouveau pas la survenance d'un tel évènement qui peut seul justifier la mobilisation de la garantie des pertes d'exploitation en cas de carence de clientèle.
L'appelante prétend à tort que la limitation de la clause vide la garantie de sa substance, dès lors que cette garantie est bien mobilisable en cas d'annulation de dernière minute d'une réservation par un voyagiste en raison d'un accident de circulation.
La société Neuilly Park ne peut reprocher à l'assureur de ne pas garantir les pertes d'exploitation dans tous les cas de carence de clientèle, alors que la police définit clairement le champ d'application de cette garantie et que ces stipulations contractuelles ont été acceptées par l'assurée lors de la souscription. Au demeurant, la cour souligne que le risque assuré n'est pas inexistant au regard des risques liés à la circulation routière.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a considéré que la garantie des pertes d'exploitation en cas de carence de clientèle n'est pas mobilisable.
Sur la garantie des pertes d'exploitation en cas de fermeture administrative
Il ressort des conditions particulières de la police à laquelle la société Neuilly Park a souscrit que les pertes d'exploitation sont garanties en cas de "décision des autorités administratives provoquant la fermeture de l'établissement à condition que cette fermeture ne soit pas d'ordre pénal".
La cour constate que la société Neuilly Park ne démontre pas qu'une décision des autorités administratives a provoqué la fermeture de l'établissement. En effet, elle ne justifie d'aucun décret, arrêté, ni d'aucune circulaire ayant prescrit la fermeture de son hôtel ou des hôtels en général, alors que ces derniers, en application de l'article 1er de l'arrêté du 14 mars 2020, de l'article 8 du décret n°2020-293 du 23 mars 2020, de l'article 10 du décret n°2020-548 du 11 mai 2020 et de l'article 40 du décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020 ont été autorisés à accueillir du public durant la crise sanitaire liée à la propagation du virus Covid-19.
L'interprétation que la société Neuilly Park donne à l'adverbe " provoquant ", qui selon elle peut se rapporter à une causalité indirecte, aboutit à dénaturer la clause qui ne garantit les pertes d'exploitation qu'en cas de mesure administrative prononçant la fermeture de l'établissement et non pas en cas de décision de l'assuré de fermer l'hôtel pour des raisons économiques du fait de la perte de clientèle induite par les mesures de restriction de déplacement.
La société Neuilly Park se prévaut également de la clause figurant en page 38 des conditions générales du contrat prévoyant, au titre des " extensions de garanties " que " la garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives aux mesures administratives suivantes :
- fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement, par décision administrative par suite de maladie contagieuse, meurtres, suicides, épidémies, intoxication ;
- fermeture des accès par une autorité administrative compétente ayant comme conséquence l'impossibilité pour les clients d'arriver ou de repartir de l'établissement ".
Cependant, l'appelante ne justifie toujours pas d'une mesure administrative ayant ordonné la fermeture de son établissement ou de ses accès. Si les mesures de restriction prises par les autorités administratives dans le cadre de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid19 ont certes affecté la circulation de la clientèle, elles n'ont néanmoins jamais porté sur l'activité des hôtels, alors que seule la fermeture de l'établissement ordonnée par l'autorité administrative peut justifier la mobilisation de la garantie. A nouveau, l'analyse de la clause à laquelle se livre l'assurée, au terme de laquelle les restrictions de circulation de la clientèle ont provoqué la fermeture de l'établissement, aboutit à en dénaturer les termes.
Dès lors que les conditions d'application de la garantie ne sont pas réunies, il n'y a pas lieu de statuer sur la clause d'exclusion invoquée par la société Axa.
*
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Neuilly Park échoue à démontrer que les conditions de mobilisation de la garantie des pertes d'exploitation sont réunies, de sorte que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Au regard de la solution du litige, le jugement sera confirmé des chefs des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Neuilly Park qui succombe, supportera les dépens d'appel dont distraction au profit de Me Martine Dupuis.
En revanche, la situation économique des parties commande de laisser à la société Axa la charge de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Condamne la société Neuilly Park aux dépens d'appel dont distraction au profit de Me Martine Dupuis ;
Déboute la société Axa France Iard de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,