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06/07/2023 | FRANCE | N°21/07577

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 06 juillet 2023, 21/07577


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54G



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 JUILLET 2023



N° RG 21/07577 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U44B







AFFAIRE :



SA GENERALI IARD

...



C/



S.A. AXA FRANCE IARD

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Octobre 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 3

N° RG : 2019F01353<

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Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Claire RICARD



Me Marion CORDIER



TC NANTERRE







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versaille...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54G

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUILLET 2023

N° RG 21/07577 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U44B

AFFAIRE :

SA GENERALI IARD

...

C/

S.A. AXA FRANCE IARD

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Octobre 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 3

N° RG : 2019F01353

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Claire RICARD

Me Marion CORDIER

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SA GENERALI IARD

RCS Paris n° 552 062 663

[Adresse 3]

[Localité 6]

SAS MB92 LA CIOTAT

RCS Marseille n° 423 864 651

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentées par Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 et Me Erwan LE LAY substituant à l'audience Me Gildas ROSTAIN du PARTNERSHIPS CLYDE & CO LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0429

APPELANTES

****************

S.A. AXA FRANCE IARD

RCS Nanterre n° 722 057 460

[Adresse 4]

[Localité 8]

SAS Y.H.L. (YACHT HARDWARE & LOGISTICS)

RCS Marseille n° 517 629 259

[Adresse 9]

[Localité 2]

Représentées par Me Marion CORDIER de la SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 189 et Me Caroline CANARD et Me Arnaud DIZIER de la SCP DIZIER, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0369

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSE DU LITIGE

La société MB92 La Ciotat, anciennement dénommée Compositeworks France, a pour activité Ia réparation et la maintenance navale.

Au cours de I'année 2016, elle a été chargée de réaliser des travaux de remise en état du voilier "Akalam".

Le 19 septembre 2016, afin de couvrir les dommages susceptibles d'intervenir pendant Ies travaux du navire, elle a souscrit auprès de la société Generali Iard une "police française d'assurance maritime sur corps de navire en construction" à effet au 16 septembre 2016.

La société MB92 La Ciotat a confié à la société YHL, assurée auprès de la société Axa France Iard (ci-dessous, la société Axa), les opérations de dépose, nettoyage et repose des hublots du voilier, suivant devis DE1999 du 23 novembre 2016.

Le 15 décembre 2016 la société MB92 La Ciotat a fait suivre à la société YHL un courriel de la société Sika France contenant la procédure pour réinstaller Ies vitres et hublots.

Au cours de ces opérations, les vitrages du voilier ont été endommagés. La société YHL a alors remboursé à la société MB92 La Ciotat la somme de 21.310 € au titre des opérations de repose, qu'elle ne réaliserait pas.

La société MB92 La Ciotat a déclaré le sinistre à la société Generali Iard qui a désigné un expert maritime, M.[K], lequel a estimé le 19 juin 2017 le coût de remplacement des vitrages endommagés à 191.280 €.

Par exploit d'huissier du 7 juillet 2017, Ies sociétés MB92 La Ciotat et Generali Iard ont assigné en référé la société YHL devant le président du tribunal de commerce de Marseille afin de désignation d'un expert judiciaire.

M. [M], désigné en qualité d'expert judiciaire par ordonnance du 20 juillet 2017, a déposé son rapport définitif le 6 mai 2019.

Par acte d'huissier en date des 31 juillet et 19 août 2019, les sociétés MB92 La Ciotat et Generali Iard ont fait assigner les sociétés Axa et YHL devant le tribunal de commerce de Nanterre.

Par jugement du 28 octobre 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- débouté les sociétés YHL et Axa France Iard de Ieur demande de voir déclarer irrecevables I'action et la demande de paiement de la société MB92 La Ciotat de la somme de 22.500 € avec intérêts de droit à compter du 4 décembre 2017 ;

- dit l'action de la société MB92 La Ciotat et de la société Generali Iard à l'encontre de la société YHL et de la société Axa France Iard mal fondée ;

- débouté la société MB92 La Ciotat et la société Generali Iard de Ieur demande de voir condamner in solidum la société YHL et la société Axa France Iard à régler à la société Generali Iard la somme de 166.483 € ;

- débouté la société MB92 La Ciotat et la société Generali Iard de leur demande de voir condamner in solidum la société YHL et la société Axa France Iard à régler à la société MB92 La Ciotat la somme de 22.500 € ;

- débouté la société MB92 La Ciotat et la société Generali Iard de Ieur demande de voir condamner in solidum la société YHL et la société Axa France Iard à payer la somme de 4.315,20 € au titre des frais de l'expertise [K] ;

- condamné la société MB92 La Ciotat et la Société Generali Iard à payer, in solidum, à la société YHL et la société Axa France Iard, la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société MB92 La Ciotat et la société Generali Iard, in solidum, aux entiers dépens de l'instance y compris les frais d'expertise judiciaire.

Par déclaration du 21 décembre 2021, les sociétés Generali Iard et MB92 La Ciotat ont interjeté appel du jugement.

Une ordonnance de redistribution a été rendue le 24 janvier 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 23 février 2023, les sociétés MB92 La Ciotat et Generali Iard demandent à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 28 octobre 2021 par le tribunal de commerce de Nanterre en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- juger l'action des sociétés MB92 La Ciotat et Generali Iard recevable et bien fondée à l'encontre de la société YHL et de la société Axa,

- condamner in solidum les sociétés YHL et Axa à régler à la société Generali Iard 166.483 €, avec intérêts de droit à compter du 4 décembre 2017,

- condamner in solidum les sociétés YHL et Axa à régler à la société MB92 La Ciotat la somme de 22.500 € au titre de la franchise contractuelle laissée à sa charge, avec intérêts de droit à compter du 4 décembre 2017,

- condamner in solidum les sociétés YHL et Axa à payer la somme de 4.315,20 € au titre des frais d'expertise amiable,

- débouter les sociétés YHL et Axa de leur demande au titre de leur appel incident,

- condamner in solidum les sociétés YHL et Axa à payer à Generali Iard la somme de 10.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, y compris les frais d'expertise judiciaire.

Par dernières conclusions notifiées le 29 novembre 2022, les sociétés Axa et YHL demandent à la cour de :

- adjuger aux sociétés YHL et Axa l'entier bénéfice de leurs présentes écritures,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre du 28 octobre 2021 en ce qu'il n'a pas déclaré irrecevables les demandes des sociétés Generali Iard et MB92 La Ciotat,

- confirmer en toutes ses autres dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 28 octobre 2021,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- déclarer irrecevables les demandes des sociétés Generali Iard et MB92 La Ciotat pour défaut d'intérêt à agir,

A titre subsidiaire,

- débouter les sociétés MB92 La Ciotat et Generali Iard de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions formées à l'encontre des sociétés YHL et Axa en ce qu'elles sont mal fondées,

En toute hypothèse,

- condamner in solidum les sociétés MB92 La Ciotat et Generali Iard à payer à la société YHL et à la société Axa la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum les sociétés MB92 La Ciotat et Generali Iard aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de Me Cordier, Avocat au barreau de Versailles, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 mars 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la recevabilité des demandes des sociétés MB92 La Ciotat et Generali

Les sociétés YHL et Axa soutiennent que ni les conditions de la subrogation légale invoquée par la société Generali ni la preuve du paiement par la société MB92 La Ciotat de la franchise contractuelle n'apparaissent réunies. Elles indiquent que l'assureur doit justifier du versement de l'indemnité à son assuré, et que cette indemnité était due en application de la police d'assurance, pour pouvoir revendiquer la subrogation légale. Elles font état de la présence d'un pictogramme sur le verre de nature à le fragiliser, de sorte que les verres n'étaient pas conformes, fragilisés par la présence de ce pictogramme. Elles indiquent que les constatations de l'expert judiciaire ne peuvent lier la cour, et qu'il n'a pas tiré toutes les conséquences de l'apposition du pictogramme sur les verres, cette présence sur les hublots constituant un vice les rendant impropres à leur destination. Elles en concluent que les demandes de condamnation à leur encontre sont irrecevables.

Elles contestent la recevabilité de la société MB92 La Ciotat qui n'établit pas le bien-fondé du paiement de la franchise ni son règlement effectif.

Les sociétés MB92 La Ciotat et Generali indiquent communiquer les conditions générales et particulières de la police, qui établissent que la première était bien assurée pour les dommages survenus au voilier Akalam lors de la survenance du dommage, de sorte que l'obligation de la société Generali d'indemniser les dommages des vitrages ne peut être contestée. Elles ajoutent justifier de la quittance subrogative et du paiement effectué. Elles relèvent que c'est à tort que les intimés soutiennent que la présence d'un pictogramme rendait les vitrages impropres à leur fonction, ce prétendu vice n'étant pas à l'origine du sinistre, dont la cause se trouve dans les opérations de dépose de vitrage exécutées par la société YHL. Elles en concluent que la société Generali est recevable à agir. Elles affirment que la société MB92 La Ciotat est aussi recevable à agir, devant supporter une franchise de 22'500 €.

*****

L'article L121-12 du code des assurances prévoit notamment que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

Le contrat d'assurance n°AP657101 liant la société d'assurance Generali à la société Compositeworks France (ancienne dénomination de la société MB92 La Ciotat) porte sur une police d'assurance maritime sur corps de navire en construction, visant expressément le yacht Akalam.

Ce contrat était applicable à partir du 16 septembre 2016 jusqu'au 31 décembre 2017.

Il renvoie à la police française d'assurance maritime sur corps de navires en construction, imprimé du 20 décembre 1990 modifié le 1er janvier 2022, dont l'article premier ('risques couverts') prévoit : 'la présente police a pour objet la garantie des dommages, des pertes, des recours de tiers et des dépenses résultant de fortune de mer et d'accident qui arrivent au navire assuré'.

Les intimées avancent que l'expertise judiciaire a relevé la présence sur les hublots d'un pictogramme faisant état de l'épaisseur du verre, et qu'un tel pictogramme ne peut jamais être apposé sur les verres sauf à leur faire perdre leur résistance et à les fissurer. Elles en déduisent que ces verres n'étaient plus conformes et devaient être remplacés, étant impropres à leur fonction avant l'intervention de la société YHL.

Dans son rapport, l'expert judiciaire a noté la présence d'un pictogramme sur tous les hublots, avant d'indiquer qu'il s'agissait d'un verre trempé chimiquement devenant impropre à l'usage si une rayure affectait le hublot. Il a précisé que les verres trempés chimiquement avaient une résistance supérieure au verre trempé thermiquement si 'aucune attaque ne se manifeste sur la surface du verre'. Il a relevé que le traitement était effectué sur toute la surface du verre, donc sur les pictogrammes. Il a conclu que la cause des dommages subis par les vitrages se trouvait dans les opérations de dépose des hublots, et relevé que les rayures ont été occasionnées par les lames servant à découper le mastic.

Aussi l'expert judiciaire a considéré que les verres portaient un pictogramme, noté que le traitement chimique s'appliquait sur toute la surface du verre, donc sur les pictogrammes. Il a attribué la cause du dommage non à la présence des pictogrammes, mais aux rayures causées lors de la dépose des hublots.

Les intimés ne produisent aucune pièce susceptible de contredire utilement les observations de l'expert judiciaire. Celui-ci a bien explicité le processus de trempage chimique et n'a aucunement établi de lien entre la présence les pictogrammes sur les verres, qu'il a relevée, et le fait que les verres étaient devenus impropres à leur usage de par la présence de rayures.

Il n'est donc pas établi que les vitrages avaient été endommagés par l'apposition du pictogramme sur les verres, qui devaient ainsi être remplacés avant même l'intervention de la société YHL, et que la présence de ces pictogrammes constituait un vice propre, soit un risque exclu tel que visé par l'article 3 des conditions générales applicables.

Les appelantes sollicitent la condamnation des sociétés YHL et Axa au paiement à la société Generali de la somme de 166.483 €, et versent la quittance subrogative dressée le 4 décembre 2017 par le représentant de la société composite Works, déclarant accepter de la compagnie Generali la somme de 186.483 € à la suite du sinistre survenu le 10 mai 2017 concernant les dommages aux vitraux du bateau Akalam, et subroger la compagnie Generali dans ses droits.

Est aussi produit le justificatif d'un virement SEPA du 14 décembre 2017, de la société Generali à la société composite Works, d'un montant de 186.483 €.

La cour observe que cette quittance subrogative est affectée d'une erreur, puisqu'elle présente un total de 188.893 €, dont à déduire la franchise de 22.500 €, et que l'indemnité proposée est de 186.483 € (au lieu de 166.483€), somme effectivement versée par la société Generali.

Au vu de ce qui précède, les conditions de la subrogation légale de la société Generali dans les droits de son assurée Composite Works / MB92 La Ciotat sont réunies, et elle est recevable à agir.

Les conditions particulières du contrat d'assurance liant la société Composite Works / MB92 La Ciotat à la société Generali prévoient une franchise de 22'500 € par sinistre, de sorte que la société MB92 La Ciotat est aussi recevable à agir (même si au vu de l'erreur précédemment relevée la franchise appliquée par la société Generali n'a été que de 2.500 €). Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé de la demande des sociétés MB92 La Ciotat et Generali

Les sociétés MB92 La Ciotat et Generali indiquent qu'une responsabilité de plein droit, s'étendant aux dommages causés par son manquement à son obligation de résultat, pèse sur la société YHL. Elles ajoutent que la démonstration que les dommages proviennent de l'intervention de la société YHL suffit pour engager sa responsabilité, ce qui est le cas. Elles relèvent que l'expert judiciaire a noté la connaissance imparfaite des propriétés mécaniques des vitrages par la société YHL, de sorte que les dommages sont imputables à l'intervention de cette société.

Elles contestent la motivation du tribunal, la société YHL ayant accepté de réaliser les opérations de démontage sans demander d'information complémentaire, ni émettre de réserves sur le résultat. Elles ajoutent que la société YHL n'a pas prévenu la société MB92 La Ciotat de l'apparition des dommages, se limitant à signaler des problèmes dans la dépose, continuant de ce fait à endommager les vitrages lors de leur démontage. Elles relèvent l'absence de pièces établissant un endommagement des vitrages survenu en mer, et ajoutent que la validation par la société MB92 La Ciotat du mode de démontage proposé par la société YHL ne peut écarter la responsabilité de celle-ci, comme le fait qu'elle ait informé la société MB92 La Ciotat de l'avancement de ces travaux. Elles soulignent que la société YHL a défini la méthode de dépose des vitrages, que la découpe du joint d'étanchéité qu'elle a réalisée constitue une faute contractuelle. Elles allèguent que la société YHL devait, en cas de doute sur le traitement des vitrages, se renseigner auprès de leur fabricant ou de la société de classification du navire. Elles en concluent à la responsabilité totale de la société YHL dans la survenance du dommage.

Les sociétés YHL et Axa soulignent que les appelantes ne démontrent pas que la société YHL a eu connaissance des éléments relatifs au marché liant l'armateur et la société MB92 La Ciotat, entreprise principale, donc des conditions dans lesquelles les travaux devaient intervenir sur les vitres et hublots, ainsi que leurs caractéristiques techniques. Elles soulignent que l'expertise judiciaire mentionne la nécessité de remplacer certains hublots suite à un événement de mer.

Elles soutiennent que la société Composite Works / MB92 La Ciotat était responsable des opérations et des conditions de réalisation du chantier, qui consistait à refaire l'étanchéité des hublots et à en remplacer certains. Elles relèvent que le devis de la société YHL ne comprenait pas la repose des hublots mais seulement la dépose par 'découpe du sika' et leur nettoyage, devis validé par la société Composite Works qui a été informée des différentes étapes du chantier.

Elles contestent que le contrat Composite Works - YHL constitue un contrat de sous-traitance, la société YHL n'ayant comme mission que la dépose des vitrages par 'découpe du sika' et leur nettoyage, et non une gestion entière et indépendante du chantier de remise en état des hublots. Elles déclarent que la société Composite Works savait que les vitrages existants étaient à remplacer, et qu'il ne peut être reproché à la société YHL d'avoir suivi les instructions de cette société, donneur d'ordre, et du fabricant du joint d'étanchéité Sika.

Elles déclarent que la découpe du joint d'étanchéité était le seul moyen de procéder à la dépose des verres, de sorte que la société YHL a parfaitement exécuté son obligation. Elles ajoutent qu'il n'existe pas de méthode permettant d'extraire un verre chimique d'un joint d'étanchéité Sika, que les pictogrammes ne sont jamais appliqués sur des verres traités chimiquement, sauf à leur faire perdre leur résistance. Elles analysent le contrat Composite Works / YHL comme un contrat de louage d'ouvrage, et soutiennent qu'il revient aux appelantes de démontrer l'existence d'une faute de la société YHL.

Elles rappellent que la dépose des vitrages ne pouvait intervenir que par découpe du joint d'étanchéité Sika, suivant le devis YHL validé par Composite Works, et que l'expert judiciaire n'a pas indiqué quelle méthode aurait dû être utilisée, les vitrages traités chimiquement étant emprisonnés dans un joint Sika sur le navire Akalam, de sorte qu'ils étaient indémontables sans atteinte à la structure.

*****

L'article 1231-1 du code civil prévoit que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Dans le cadre des opérations de remise en état du voilier Akalam qui lui avaient été confiés, la société Composite Works / MB92 La Ciotat a sollicité l'intervention de la société YHL, laquelle lui a adressé le 23 novembre 2016 le devis n°DE1999 d'un montant de 53.400 € visant :

'dépose, nettoyage de 35 vitres

reperage, démontage de 4 cornieres sur chaque vitre, decoupe du 48.000

sikas, pose de ventouse, manutention, depose et stokage pour

nettoyage dans container

[Adresse 7]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

fournitures :

etiquette, cleaner, primaire, 120 sika 295, lames cutter, 5.400

couteaux, protection bulles'. (sic)

Le 2 décembre 2016, la société Compositeworks a passé à la société YHL la commande n°161271450 visant la dépose et le nettoyage des vitres du voilier pour le montant figurant au devis, et renvoyant à celui-ci.

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que les travaux de dépose des hublots ont été effectués entre le 1er décembre 2016 et le 13 janvier 2017.

Il indique que 'lors des travaux, certains hublots ont été brisés, d'autres ont subi des éclats au niveau des arrêtes ou ont été rayés lors de la découpe du mastic d'étanchéité / collage'.

L'expert judiciaire a retenu, s'agissant des causes des dommages subis par 26 vitrages de coques et 3 vitrages de superstructure du voilier, qu'elles résidaient dans les opérations de dépose des hublots. Il a précisé que les vitrages étaient fixés à la coque par assemblage vissé de type cornière et mise en place de mastic de marque sikaflex.

Il a relevé que les vitrages avaient été soit brisés (ce qui peut être exceptionnellement admis mais seulement si le nombre est très limité) soit rayés et/ou avec des éclats au niveau de la tranche du verre ; que les rayures avaient été provoquées par les lames servant à découper le mastic, se situaient au pourtour des vitrages, et les éclats sur la tranche des vitrages. Il a ajouté que les rayures ou éclats étaient principalement dans des zones couvertes (mastic ou superstructure) et rendaient les vitrages inutilisables en ce qu'ils perdaient leurs caractéristiques techniques et leur dureté.

Il a précisé que tous les vitrages présentaient des rayures occasionnées par des lames servant à la découpe du mastic, outillage utilisé par la société YHL pour la dépose. Il a observé que la société YHL n'avait manifestement pas une parfaite connaissance des propriétés mécaniques des vitrages.

Il apparaît ainsi établi que le dommage subi par les vitrages du voilier trouve son origine dans les travaux réalisés par la société YHL -laquelle ne conteste pas le lien entre la matérialité de son intervention et les rayures ou éclats- même si plusieurs d'entre eux avaient été abîmés lors d'un dommage survenu en mer.

La société YHL est une professionnelle de la réparation navale. Si elle conteste être spécialisée dans la pose/dépose des vitrages de navires et que les appelantes ne produisent pas de pièces de nature à l'établir, il n'en demeure pas moins que son intervention, suivant son devis, était consacrée à la dépose des vitrages ainsi qu'à leur stockage ; aussi la société YHL a bien proposé une telle prestation, et arrêté la façon de procéder au démontage des vitrages.

L'expert judiciaire, répondant à un dire de la société Composite Works, a indiqué 'prendre note que la société Composite Works ne dispose pas de la compétence pour déposer les hublots, raison pour laquelle elle a fait appel à un sous-traitant, la société YHL. Effectivement si YHL avait un doute sur les caractéristiques techniques des hublots, elle aurait dû se renseigner avant de procéder à leur dépose'.

La société YHL ne justifie pas s'être enquise des particularités des hublots sur lesquels elle devait intervenir, et des précautions spécifiques à prendre.

L'expert a aussi relevé que la société de classification recommandant le remplacement des hublots, l'armateur n'avait pas d'autre choix que d'y procéder.

Cela étant, l'acceptation du devis de la société YHL -prévoyant la découpe du sika- par la société Composite Works ne saurait décharger la société YHL de sa responsabilité du fait des dommages causés par le recours au mode opératoire qu'elle a choisi.

Si la société YHL conteste être intervenue dans le cadre d'une sous-traitance confiée par la société Composite Works, et souligne que le contrat liant le propriétaire du navire à cette dernière n'est pas produit, la cour constate que la société YHL a établi le 23 novembre 2016 un devis portant sur des prestations précédemment détaillées, couvrant la dépose le nettoyage et le stockage des vitrages, que le 2 décembre 2016 la société CW l'a accepté. Aussi la société YHL était tenue, dans ce cadre contractuel, d'une obligation de résultat quant à ses prestations.

Elle ne peut soutenir avoir sollicité la validation des étapes de sa mission à la société Composite Works, alors que les travaux ont commencé le 1er décembre 2016, que son courriel du 8 décembre ne porte que sur les aspects financiers, que le 15 décembre la société Composite Works lui a transmis les instructions à suivre pour la découpe de la société Sika, et que le 19 décembre la société YHL indiquait avoir consacré 370 heures pour le démontage de la moitié des vitrages.

De même elle ne peut prétendre avoir suivi les instructions de la société Composite Works et du fabricant de sika, alors que c'est elle qui a défini sa méthode d'intervention au vu de son devis, et qu'il résulte de ce qui précède qu'elle avait nécessairement effectué une partie importante du démontage avant de recevoir les consignes dudit fabricant.

Les sociétés YHL et Axa procèdent par affirmation, sans verser de pièces à l'appui de leurs dires, lorsqu'elles avancent que les hublots du navire, de par leur conception, ne pouvaient être retirés par simple extraction ou glissage car il était nécessaire de découper les joints sika, et qu'il n'existe aucune méthode pour extraire un vitrage d'un joint sika sans procéder à une découpe occasionnant des rayures sur le verre, la cour précisant qu'il n'était pas de la mission de l'expert d'identifier le modus operandi qui aurait dû être suivi. De même n'établissent-elles pas que la société YHL a suivi les instructions des sociétés Composite Works et Sika.

La société YHL, qui a proposé de procéder au démontage -au cours duquel les verres ont été rayés et ont subi des éclats- sans s'assurer des précautions à prendre, apparaît ainsi responsable des rayures et éclats sur les vitrages du navire.

Comme indiqué précédemment, elle ne peut soutenir que le pictogramme apposé sur les vitrages était incompatible avec le traitement chimique qui leur était appliqué de sorte que les vitrages devaient être remplacés avant même l'intervention de la société YHL, alors que l'expert judiciaire a précisé que le traitement (trempe chimique, traitement en surface du verre avec dépôt entre 20 et 120 microns de ions de potassium permettant de multiplier la dureté du verre) était effectué sur toute la surface du verre donc sur les pictogrammes, tout en ayant pris en compte la nécessité que le verre ne soit pas rayé.

Il apparaît que la société YHL a utilisé des méthodes ou outils inadaptés, ce qui a causé les éclats et rayures nécessitant de procéder au remplacement des vitrages, de sorte que sa responsabilité dans la survenance du dommage est engagée, et le jugement sera réformé sur ce point.

L'expert n'a pas retenu de part de responsabilité à l'encontre de la société Composite Woks / MB 92 La Ciotat.

Il n'est démontré qu'elle avait connaissance du traitement chimique des verres de hublots, et de la nécessité de suivre une méthode particulière de leur démontage, de sorte qu'aucune part de responsabilité ne peut lui être imputée s'agissant des dommages survenus lors du démontage des vitrages, dont la société YHL avait la charge.

En conséquence, la société YHL apparaît seule responsable de la survenance des dommages.

Sur la réparation du préjudice

Les appelantes sollicitent la condamnation des sociétés YHL et Axa au paiement de 166.483 € à la société Generali, outre 4.315,20 € au titre des frais d'expertise, et de 22.500 € à la société MB92 La Ciotat au titre de la franchise.

Les sociétés MB92 La Ciotat et Generali relèvent que l'expert judiciaire a retenu un montant de 132.147 € pour la fourniture de 26 vitrages de coques et 6 vitrages de superstructure et qu'il a exclut le préjudice matériel, de sorte que la société Generali doit être déboutée de sa demande de 166.483 €. Elles ajoutent que les frais d'expertise relèvent de l'article 700 du code de procédure civile.

*****

Si les appelantes sollicitent le versement de 166.483 € au profit de la société Generali, l'expert judiciaire a déduit des 32 vitrages à remplacer, 3 hublots dont le remplacement était prévu ainsi que 6 hublots brisés lors de la dépose et 'faisant partie des casses prévisibles' et non présentés lors de l'expertise. Aussi a-t-il retenu un total de 132.147 € qui sera retenu.

En conséquence, les sociétés YHL et Axa seront condamnées in solidum à ce titre au paiement à la société Generali de la somme de 132.147 €.

Il ne sera pas fait droit à la demande de condamnation au titre des frais d'expertise amiable présentée par les sociétés MB92 La Ciotat et Generali.

Si la société Generali a versé à la société Composite Works / MB92 La Ciotat la somme de 186.483 €, la cour constate qu'elle reconnait le droit de la société Composite Works /MB92 La Ciotat au paiement de l'intégralité de la franchise, soit la somme de 22.500 €.

Les sociétés YHL et Axa seront condamnées in solidum au paiement de la somme de 22.500€ à la société MB92 La Ciotat, au titre de la franchise contractuelle.

Les condamnations seront assorties d'un intérêt au taux légal à compter du 31 juillet 2019, date de l'assignation délivrée à la société AXA.

Sur les autres demandes

Le jugement sera réformé s'agissant des condamnations prononcées au titre des dépens et frais irrépétibles.

Succombant au principal, les sociétés YHL et Axa seront condamnées in solidum au paiement de la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau,

Déclare les sociétés Composite Works / MB 92 La Ciotat et Generali recevables à agir,

Condamne in solidum les sociétés YHL et Axa à régler à la société Generali Iard 132.147 €, avec intérêts de droit à compter du 31 juillet 2019,

Condamne in solidum les sociétés YHL et Axa à régler à la société MB92 La Ciotat la somme de 22.500 € au titre de la franchise contractuelle laissée à sa charge, avec intérêts de droit à compter du 31 juillet 2019,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne in solidum les sociétés YHL et Axa à payer à Generali Iard la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de 1ère instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 21/07577
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.07577 ?
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