COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 30G
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 06 JUILLET 2023
N° RG 21/06691 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U2M7
AFFAIRE :
SCI IMEFA VELIZY
C/
SAS PSA AUTOMOBILES SA
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Mai 2021 par le TJ de VERSAILLES
N° Chambre : 3
N° RG : 18/02996
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU
Me Claire RICARD
TJ VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SCI IMEFA VELIZY
RCS Paris n° 434 770 962
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 et Me Philippe SMADJA de la SELARL SMADJA et associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
SAS PSA AUTOMOBILES SA
RCS Versailles n° 542 065 479
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 et Me Anne-Isabelle TORTI, Plaidant, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : P0429
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé du 29 mars 2005, la société Vélizy Développement a donné à bail commercial à la société Peugeot Citroen Automobiles, sous différentes conditions suspensives, le "bâtiment 6" d'un ensemble immobilier en l'état futur d'achèvement, pour une durée de dix ans, la date de mise à disposition devant être au plus tard le 15 décembre 2006.
Suivant acte authentique du 30 septembre 2005, la société Vélizy Développement a vendu les locaux donnés à bail à la société civile Imefa Cent Trente, devenue SCI Imefa Vélizy.
Par avenant du 19 avril 2007 signé entre les sociétés Imefa Vélizy -bailleur-, Vélizy Développement -maître d'ouvrage- et Peugeot Citroen Automobiles -preneur-, la date de mise à disposition du " bâtiment 6 " a été reportée au 16 avril 2007 et le loyer annuel de base fixé à 9.158.116 € HT en principal.
Après avoir pris possession des locaux, la société Peugeot Citroen Automobiles s'est plainte de désordres affectant l'immeuble, notamment liés à des problèmes d'infiltration dans le hall principal. Des travaux réparatoires ont été réceptionnés par procès-verbal du 25 mars 2013.
Par acte du 9 avril 2014, la société Peugeot Citroen Automobiles a assigné en référé la société Imefa Vélizy devant le tribunal de grande instance de Versailles, aux fins d'expertise.
La société Imefa Vélizy a appelé en la cause la société Compagnie Foncière Fidei venue aux droits de la société Vélizy Développement, la société Socogim assureur dommages ouvrage, ainsi que divers constructeurs et parties susceptibles d'être concernés par les désordres dénoncés et leurs assureurs.
Par ordonnance du 12 juin 2014, M. [L] a été désigné en qualité d'expert judiciaire afin d'examiner l'immeuble, d'étudier les désordres et préjudices invoqués par le demandeur et les préciser, de donner un avis sur leur incidence sur les conditions d'occupation et d'exploitation du bâtiment, de rechercher les surcoûts d'exploitation en précisant les éléments de fait permettant de valoriser le trouble de jouissance allégué, de faire toutes constatations et observations utiles.
Dans son pré-rapport du 7 mai 2015, l'expert a évalué le trouble de jouissance à la somme de 4.631.150 €. Il a déposé un rapport de fin de mission daté du 20 février 2017.
Par acte d'huissier en date des 16 et 18 avril 2018, la société PSA Automobiles a fait assigner les sociétés Imefa Vélizy et Compagnie Foncière Fidei devant le tribunal judiciaire de Versailles.
Par jugement du 11 mai 2021, le tribunal judiciaire de Versailles a :
- déclaré la société Compagnie Foncière Fidei irrecevable en sa demande de nullité de l'assignation et des conclusions des sociétés Peugeot Citroen Automobiles et Imefa Vélizy,
- condamné la société Imefa Vélizy à payer à la société Peugeot Citroen Automobiles la somme de 4.631.150 €, au titre de son préjudice de jouissance avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2018,
- ordonné la capitalisation des intérêts échus pour au moins une année,
- déclaré irrecevables les demandes de la société Imefa Vélizy à l'encontre de la société Compagnie Foncière Fidei représentée par la SCP BTSG, prise en la personne de Me [G], ès qualités de liquidateur judiciaire,
- condamné la société Imefa Vélizy à payer à la société Peugeot Citroen Automobiles la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que la société Compagnie Foncière Fidei représentée par la société BTSG, prise en la personne de Me [G], ès qualités de liquidateur judiciaire, conservera la charge des frais qu'elle a exposés en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Imefa Vélizy aux dépens de l'instance qui pourront être recouvrés par Me Lafon conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
Par déclaration du 8 novembre 2021, la société Imefa Vélizy a interjeté appel du jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 9 mai 2022, la société Imefa Vélizy demande à la cour de :
- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
/ condamné la société Imefa Vélizy à payer la somme de 4.631,150 € au titre d'un préjudice de jouissance avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2018 à raison de différents désordres avant affecté l'immeuble loué,
/ ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année,
/ condamné la société Imefa Vélizy à payer à la société Peugeot Citroen Automobiles la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,
- débouter la société Peugeot Citroen Automobiles de toutes ses demandes irrecevables et dénuées de fondement, formées à l'encontre de la société Imefa Vélizy,
- subsidiairement, dire et juger que le préjudice subi par la société Peugeot Citroen Automobiles à raison des désordres allégués, ne saurait justifier une indemnisation supérieure à 60.517,33€ pour les désordres ayant affecté l'agora du fait des infiltrations et à 6.318,67 € à raison des troubles consécutifs au remplacement du parquet tel que ces préjudices ont été appréciés par l'expert d'assurances dommages ouvrage,
- plus subsidiairement encore, dire et juger que le préjudice subi par la société Peugeot Citroen Automobiles ne saurait excéder la somme de 3.757.056 € correspondant au préjudice calculé par la société Peugeot Citroen Automobiles elle-même dans le dire adressé par elle à l'expert judiciaire le 3 février 2015,
- donner acte à la société Imefa Vélizy de ce qu'elle fait réserve de tous ses droits à l'encontre de M. [O], architecte et des sociétés Socogim, Sicra Ile de France, Terrel, Sagena, Maf, Viry, Axa Iard et Compagnie Foncière Fidei à l'encontre desquelles elle a d'ores et déjà formé une action en garantie faisant l'objet d'une instance pendante devant le tribunal judiciaire de Versailles sous le numéro de RG 18/06024,
- condamner la société Peugeot Citroen Automobiles à payer à la société Imefa Vélizy la somme de 10.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Peugeot Citroen Automobiles aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par Me Hongre Boyeldieu (Cabinet Avocalys), avocat constitué de la société concluante par application de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 10 janvier 2023, la société PSA Automobiles demande à la cour de :
- confirmer en tous points le jugement du 11 mai 2021,
- condamner la société Imefa Vélizy à payer à la société Peugeot Citroen Automobiles la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de première instance d'appel.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 janvier 2023.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
La cour, tenue par le seul dispositif des conclusions, rappelle qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à 'donner acte', 'constater', 'dire et juger', dans la mesure où elles ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.
Sur la recevabilité des demandes de la société Peugeot Citroen Automobiles
La société Imefa Vélizy fait état des articles 12.1 et 12.3 du bail écartant la possibilité pour le preneur de présenter une réclamation, sauf faute ou négligence du bailleur, en cas de mauvais fonctionnement des services généraux de l'immeuble et notamment de fuites et d'infiltrations; elle indique n'avoir personnellement commis aucune faute, les désordres ayant pour origine des défauts d'exécution des travaux de construction.
Elle conteste les allégations de l'intimée tendant à écarter l'application des articles 12.1 et 12.3, car les dispositions de l'article 12.1 n'excluent de la renonciation à recours que les désordres ayant pour origine une faute imputable au bailleur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, et car les dispositions de l'article 12.3 ne s'appliquent pas aux travaux d'entretien exécutés par le bailleur.
La société PSA Automobiles, venant aux droits de la société Peugeot Citroen Automobiles, soutient que l'article 12.1 ne s'applique pas en ce qu'il porte sur des sinistres survenant en cours d'exploitation, pour lesquels le preneur doit souscrire une garantie d'assurance multirisques bâtiment, mais qu'il s'agit en l'espèce de désordres de toutes natures ayant fait l'objet d'une prise en charge par l'assureur dommage ouvrage. Elle ajoute que cet article ne concerne pas la responsabilité des constructeurs, que ces dispositions sur l'obligation d'entretien du preneur ne visent pas les travaux destinés à réparer les désordres de construction.
De même les dispositions de l'article 12.3 portent sur la conservation de la chose louée, alors que celle-ci était parfois impraticable, ce qu'illustre la prise en charge du sinistre par l'assureur dommages ouvrage, de sorte que cet article ne prive pas le preneur d'agir au titre de son préjudice de jouissance. Elle ajoute que les désordres étaient de nature décennale, relevant des grosses réparations de l'article 606 et devant être supportées par le bailleur.
*****
Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.
Il est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce et doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives.
L'article 12.1 du contrat de bail du 29 mars 2005 prévoit que 'le preneur ne pourra faire aucune réclamation, ni demande de réduction de loyer sauf faute ou négligence du bailleur ou défaut de conception:
- en cas de suppression, d'interruption ou de mauvais fonctionnement des divers services généraux de l'immeuble et des éléments d'équipements communs (eau, électricité, chauffage, ascenseur, etc... ) provenant soit de travaux ou de réparations, quelles qu'en soient la nature et la durée, soit du fait de l'Administration qui en dispose, soit de gelée, soit de tous cas de force majeure.
- en cas d'humidité, fuites, infiltrations ou toute autre cause ainsi que des fuites sur canalisation commune masquée par coffrage établi par le bailleur ou le preneur ; ce dernier devra d'ailleurs s'assurer contre ces risques'.
L'article 12.3 du contrat de bail indique que 'pendant toute la durée du bail, le preneur tiendra les lieux loués en bon état d'entretien et effectuera à sa charge toutes les réparations locatives qui pourraient être nécessaires, à l'exception des grosses réparations telles que définies à l'article 606 du code civil et celles couvertes par les garanties Iégales des constructeurs (notamment les garanties de parfait achèvement, biennale et décennale). ...
Le preneur devra laisser faire toutes les réparations nécessaires à la conservation de la chose Iouée que le bailleur jugerait nécessaires ou utiles et qu'il ferait exécuter pendant le cours du bail dans les Iocaux Ioués ou dans l'immeuble ni ne pourra demander aucune indemnité ni diminution de loyer quelles que soient l'importance et la durée des travaux, celle-ci excédât-elle 40 jours'.
L'article 12.1 du contrat de bail est consacré à la jouissance des locaux ; en l'espèce, il n'est pas contesté et il résulte des pièces versées que des désordres se sont manifestés dès la mise à disposition des locaux objets du bail au profit de la société PSA Automobiles.
Ainsi, le rapport d'expertise définitif 'dommages ouvrages dans le cadre de l'avenant n°1' dressé par la société Saretec Construction mentionne une réception de l'ouvrage le 19 avril 2007, une apparition des dommages en 2007, et liste au titre des dommages déclarés par l'assurée : 'infiltration par toiture en verre - absence d'étanchéité façade sud de l'Agora - parquet décollé ou gondolé passerelles bambous - parquets décollés sur parcelle bambou - atrium central parquet décolé ou déformé'.
De même, l'expertise judiciaire indique que la société PSA Automobiles 'a constaté des désordres dès son entrée dans les lieux, soit le 16 avril 2007, jusqu'à ce jour' [note de la cour: le 7 mai 2015] et vise de nombreuses déclarations de sinistres intervenues à partir du 9 avril 2008, et de nature différente (infiltrations, décollement parquet, déformation parquet, fissuration béton, fuites par façades vitrées, dalle descellée, vitrage cassé, ...).
Les désordres, dont la réalité n'est pas contestée, ne constituent pas seulement des infiltrations ou des fuites.
Ils ne relèvent pas non plus d'une suppression, modification ou mauvais fonctionnement des services généraux de l'immeuble ou des éléments d'équipements communs.
A titre surabondant, si la société PSA Automobiles a indiqué dans ses conclusions que les désordres relèvent de la responsabilité des constructeurs, cette indication ne permet pas pour autant à la société Imefa Vélizy de solliciter l'application de l'exclusion prévue à l'article 12.1.
Enfin, la disposition de l'article 12.3 par laquelle le preneur s'engage à laisser faire les réparations nécessaires à la conservation de la chose Iouée que le bailleur jugerait nécessaires ou utiles... ne porte pas sur les travaux nécessaires à la réparation des défauts de construction.
Si le preneur doit effectuer les réparations d'entretien et locatives, c'est à l'exception des grosses réparations prévues par l'article 606 et de 'celles couvertes par les garanties légales des constructeurs (notamment les garanties de parfait achèvement, biennale et décennale)', selon les dispositions du contrat [souligné par la cour].
Pour autant, les réparations en cause ne relèvent pas de la conservation de la chose louée, mais de sa construction même, et ce alors que ces désordres sont apparus dès l'entrée dans les lieux du preneur et constituent des défauts de construction affectant l'immeuble en cause.
Au vu de ce qui précède, il convient de confirmer le jugement en ce que, considérant que les désordres relèvent des grosses réparations et/ou des garanties légales des constructeurs, les clauses d'exonération des articles 12.1 et 12.3 du contrat ne trouvent pas à s'appliquer.
Sur le bien-fondé de la demande
La société Imefa Vélizy rappelle que tous les désordres ont fait l'objet d'un traitement et de travaux de réparation à la suite des actions entreprises par elle à l'encontre des constructeurs responsables, de sorte qu'il revient la société PSA Automobiles de justifier de l'importance de son préjudice.
Elle conteste la méthode retenue par l'expert judiciaire consistant à procéder par réfaction d'un pourcentage du loyer facturé sur des périodes définies, les différents désordres n'ayant pas tous eu d'impact sur l'utilisation des locaux occupés par la société PSA Automobiles pendant toute la durée de la location.
Elle relève que l'évaluation effectuée par l'expert est supérieure à celle faite par l'intimée, et que la société Saretec Construction aboutit à des conclusions sans rapport avec celles de l'expert judiciaire. Elle ajoute que la société PSA Automobiles n'a jamais pu justifier de l'importance de son préjudice en démontrant le lien de causalité entre les désordres subis et l'impossibilité de jouissance totale ou partielle des lieux.
La société PSA Automobiles rappelle que l'expert judiciaire a valorisé son préjudice à 4.631.150€, retenant un pourcentage du loyer de 7% sur une période de 6 années et demi. Elle soutient que ce calcul est justifié, son trouble de jouissance étant d'au moins cette durée, et le bâtiment étant concerné par 67 désordres affectant notamment l'agora et la cafétéria, indispensables à l'accueil et au fonctionnement du site ; ce d'autant que les 7% retenus par l'expert judiciaire sont inférieurs à la réalité de la surface impactée et aux désagréments subis. Elle relève que l'évaluation de la société Saretec Construction ne porte que sur l'agora, que la limite contractuelle de l'assurance dommage ouvrage ne lui est pas opposable.
Elle déplore le préjudice d'image subi du fait de l'état quasi-inutilisable de l'agora, et de la quasi-impossibilité d'utiliser la cafétéria pendant plus de six ans. Elle s'estime incontestablement fondée à solliciter l'indemnisation de son préjudice de jouissance.
*****
Il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail.
S'il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l'indemniser.
M. [L], expert judiciaire désigné par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Versailles du 12 juin 2014, a envoyé aux parties un projet de rapport le 7 mai 2015.
Par ordonnance du 18 mai 2016, la mission de l'expert a été étendue à la délivrance d'un avis d'une part sur le trouble allégué par la société PSA Automobiles désordre par désordre allégué, d'autre part sur les préjudices immatériels découlant des préjudices matériels. Une consignation supplémentaire a été mise à la charge de la société Sicra Ile de France au plus tard le 1er juillet 2016, faute de quoi l'extension de la mission serait caduque.
La société Sicra Ile de France a alors sollicité une nouvelle extension de la mission de l'expert, demande rejetée par le juge chargé du contrôle des expertises par courrier du 14 septembre 2016.
La société Sicra Ile de France a alors relevé appel de l'ordonnance du 18 mai 2016 et, par arrêt du 12 octobre 2017, la cour d'appel de Versailles l'a déboutée de ses prétentions et infirmé l'ordonnance du 18 mai 2016.
Conformément au courrier qui lui avait été adressé par le juge chargé du contrôle des expertises le 7 février 2017, l'expert judiciaire a déposé son rapport de fin de mission le 20 février 2017, renvoyant au rapport adressé aux parties en mai 2015.
*****
Le nombre de 67 dommages -chiffre relevé par le jugement -cités par l'expert judiciaire aux pages 9 à 12 de son projet de rapport du 7 mai 2015 n'a pas été contesté.
L'expert judiciaire a relevé la multiplicité des désordres, principalement dans la partie centrale du bâtiment -l'Agora- depuis laquelle se fait l'accès aux différentes parties du bâtiment. Il a ajouté que certaines passerelles, une partie des parkings et une zone de restaurant avaient aussi été affectées.
L'expert a indiqué qu'il était peu pertinent d'établir un chiffrage reposant seulement sur les surfaces impactées et le coût que les désordres ont engendré, et a estimé un trouble global de jouissance sur le loyer inscrit au bail pour l'ensemble du bâtiment, auquel il a appliqué un coefficient d'abattement pour le préjudice immatériel, expliquant que la prise en considération des seules surfaces affectées par les désordres reviendrait à déterminer un préjudice matériel en excluant tous les éléments immatériels.
Il a ensuite listé les différents préjudices, rappelé que le loyer total était de 9.158.116 €, déterminé un total de loyers pour la période allant du 16 avril 2007 au 15 avril 2015 de 66.159.265 €, après application de l'indice de révision et déduction des périodes aux cours desquelles aucun dommage n'a été déclaré (3,5 mois en 2012; 8,5 mois en 2013; 6,5 mois en 2014), auquel il a appliqué un abattement de 7% pour trouble de jouissance, estimant ainsi le montant du préjudice immatériel à 4.631.150 €.
L'expert judiciaire a conclu que les désordres avaient 'indéniablement pu avoir une incidence sur des éléments extrinsèques à l'immeuble, et notamment la sécurité des employés et des visiteurs bien qu'elle ait été prise en compte à travers des dispositifs plus ou moins efficients sans toutefois résoudre totalement le problème pendant une longue période, ou encore sur la mobilisation des salariés pour traiter ces désordres. Par ailleurs la surface louée, dont la partie centrale, qui est la plus visible et fonctionnelle, a été la zone la plus touchée, entraînant par conséquent une incidence sur l'image de la Société tout comme sur ses caractéristiques fonctionnelles'.
La réalité des désordres n'est pas contestée par la société Imefa Vélizy.
Ils ont affecté le hall d'accueil du bâtiment, à partir duquel des accès conduisent aux différentes parties de celui-ci, ainsi que la cafétéria.
Du reste, la société Imefa Vélizy verse 41 rapports 'dommages ouvrages' et documents dressés par la société Saretec, en indiquant que les travaux de réparation alors effectués l'avaient été à la suite des actions initiées par l'appelante à l'encontre des constructeurs responsables et de leurs assureurs.
Ces désordres d'infiltration subis par PSA caractérisent un manquement du bailleur à son obligation de délivrance.
Si la société Imefa Vélizy soutient que les différents désordres n'ont pas tous eu d'impact sur l'usage des locaux par le preneur, et critique l'évaluation forfaitaire réalisée par l'expert judiciaire en relevant qu'elle est supérieure à celle effectuée par la société PSA Automobiles elle-même de près d'un million d'euros, elle ne propose pas dans ses écritures de méthode qui serait plus appropriée pour déterminer le préjudice subi par la société PSA Automobiles dans son utilisation du bâtiment.
La cour observe sur ce point que, selon le rapport d'information n°2 de la société Saretec du 30 mai 2012 (partie de la pièce 9 de l'appelante), la demande de 3.757.056 € de la société PSA Automobiles ne portait que sur les années 2008 et 2009.
Le rapport d'expertise définitif de la société Saretec Construction, dressé le 20 septembre 2013 soit avant le projet de rapport de l'expert judiciaire, propose les sommes de 60.517,33 € et 6.318,67€, mais ils ne portent que sur l'atrium et l'agora. D'autre part, la société PSA Automobiles n'est pas contestée lorsqu'elle indique que la proposition de l'assureur dommages ouvrage ne lui est pas opposable.
Au vu de ce qui précède, le rapport d'expertise définitif de la société Saretec du 20 septembre 2013 (pièce 9 appelante) ne peut suffire à contester utilement le document 'projet de rapport envoyé le 07/05/2015' dressé par l'expert judiciaire.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu la proposition de l'expert judiciaire, et condamné la société Imefa Vélizy au paiement de la somme de 4.631.150 €.
Sur les autres demandes
Les condamnations prononcées en 1ère instance au titre des dépens et article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
Succombant au principal, la société Imefa Vélizy sera condamnée au paiement des dépens d'appel, ainsi qu'au versement à la société PSA Automobiles d'une somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Déclare les demandes de la société PSA Automobiles recevables,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
Condamne la société Imefa Vélizy à payer à la société PSA Automobiles la somme de 4.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne la société Imefa Vélizy aux entiers dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,