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06/07/2023 | FRANCE | N°21/06482

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 06 juillet 2023, 21/06482


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 58Z



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 JUILLET 2023



N° RG 21/06482 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UZWP







AFFAIRE :



S.A.S. ACTION PARK



C/



S.A. AXA FRANCE IARD









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Septembre 2021 par le Tribunal de Commerce de Versailles

N° Chambre : 3

N° RG : 2021F00223

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Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Pierre-Antoine CALS



Me Christophe DEBRAY



TC VERSAILLES













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 58Z

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUILLET 2023

N° RG 21/06482 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UZWP

AFFAIRE :

S.A.S. ACTION PARK

C/

S.A. AXA FRANCE IARD

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Septembre 2021 par le Tribunal de Commerce de Versailles

N° Chambre : 3

N° RG : 2021F00223

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Pierre-Antoine CALS

Me Christophe DEBRAY

TC VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. ACTION PARK

RCS Versailles n° 831 347 943

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Pierre-Antoine CALS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 719 et Me Christelle DUBOIS-VIEULOUP de la SELARL VIEULOUP AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0206

APPELANTE

****************

S.A. AXA FRANCE IARD

RCS Nanterre n° 722 057 460

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Pauline ARROYO et Me Pierre FENG du LLP HOLMAN FENWICK WILLAN France, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : J040

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSE DU LITIGE

La société Action Park a pour activité la création, l'achat, la vente, l'exploitation directe ou indirecte et le développement de centres de loisirs et de jeux, autour de l'activité de trampoline. Celle-ci développe son activité principalement sur un site à Turin au sein duquel elle exerce essentiellement une activité sportive d'intérieur ('indoor').

A la suite d'un appel d'offres réalisé avec l'aide du courtier d'assurance Théorème, la société Action Park a souscrit, le 30 mai 2018, auprès de Ia société AXA France Iard une police d'assurance n°101 788 292 04, à effet au 15 février 2018, composée de 'Dispositions Particulières Théorème', de 'Dispositions Générales Théorème', d' 'Annexes multirisque industrielle Théorème' complétées d'un Avenant n°1 signé le 4 décembre 2019, ainsi que les 'Conditions Générales Multirisques de l'Entreprise' de la société Axa (ensemble le Contrat d'assurance).

L'ordonnance rendue par le ministre italien de la santé a suspendu Ies évènements et Ies manifestations dans Ies lieux fermés ou ouverts au public quelle que soit sa nature culturelle,

ludique, sportive et religieuse, du 23 février 2020 jusqu'au 29 février 2020 (ci-après l'Ordonnance). Elle a été prolongée par décrets successifs jusqu'au 25 mai 2020, puis de nouvelles mesures administratives ont été prises conduisant à Ia fermeture du 26 octobre 2020 au 5 mars 2021.

Le 24 février 2020, la société Action Park a formé une demande d'indemnisation au titre de la garantie pertes d'exploitation, auprès de la société Théorème.

Par e-mail du 25 février 2020, la société Théorème lui a répondu que le contrat Multirisque industrielle ne permettait pas de prendre en charge la perte financière car la garantie « perte d'exploitation » n'intervenait qu'à la suite d'un dommage matériel.

Le 12 mai 2020, la société Action Park a adressé directement une lettre de mise en demeure à la société AXA France Iard d'avoir à prendre en charge ce sinistre au titre de la perte d'exploitation.

Par courrier en date du 23 juillet 2020, le conseil de la société Action Park a écrit à la société Théorème pour lui indiquer que la société Action Park n'avait pas obtenu de réponse à sa mise en demeure.

Par courrier recommandé également du 23 juillet 2020, le conseil de la société Action Park a également adressé à la société AXA France Iard une mise en demeure de bien vouloir apporter une réponse à la demande de prise en charge.

Par actes des 8 et 15 octobre 2020, la société Action Park a fait donner assignation en référé devant le président du tribunal de commerce de Versailles respectivement à la société AXA France Iard et à la société Théorème.

Par acte du 26 octobre 2020, la société Théorème a fait donner assignation en intervention forcée à la société Bayvet Basset, co-courtier.

Les deux instances ont été jointes.

Par ordonnance de référé du 6 janvier 2021, le juge a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Action Park.

Par acte du 2 mars 2021, la société Action Park a fait assigner la société AXA France Iard devant le tribunal de commerce de Versailles.

Par jugement du 3 septembre 2021, le tribunal de commerce de Versailles a :

- Débouté la société Action Park de l'ensemble de ses demandes ;

- Dit n'y avoir lieu à désignation d'un expert judiciaire ;

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société Action Park aux dépens.

Par déclaration du 25 octobre 2021, la société Action Park a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 11 janvier 2023, la société Action Park demande à la cour de :

- Juger recevable la société Action Park en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

A titre principal,

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 3 septembre 2021 en ce qu'il a débouté la société Action Park de l'ensemble de ses demandes et en ce qu'il a retenu que les pertes d'exploitation garanties au titre de l'annexe B9 doivent être consécutives à un dommage matériel ;

Statuant à nouveau,

- Juger que l'ordonnance du 23 février 2020 qui a ordonné la suspension d'évènement ou d'initiative de toute nature y compris, sportive à effet du 23 février 2020 jusqu'au 29 février 2020 et tous les décrets qui ont prolongé cette mesure jusqu'au 14 juin 2020 correspondent à l'injonction d'une autorité publique compétente imposant la fermeture totale de l'établissement de la société Action Park ;

- Juger que le décret présidentiel du 24 octobre 2020 qui a suspendu les activités de gymnase, de centres culturels et de loisirs et les décrets successifs ayant prolongé cette mesure jusqu'au 5 mars 2021 correspondent à l'injonction d'une autorité publique compétente imposant la fermeture totale de l'établissement de la société Action Park ;

En conséquence,

- juger que ces mesures de fermeture totale de l'établissement assuré ont été prises par une autorité publique compétente en raison de risques sanitaires ;

En conséquence,

- juger que le contrat d'assurance souscrit par la société Action Park est un contrat d'adhésion qui doit s'interpréter en faveur de l'assuré en cas de doute ;

- juger que la garantie perte d'exploitation de la société AXA France Iard consécutive à des mesures administratives prévue à l'annexe B9 du contrat d'assurance est due à la société Action Park ;

- juger qu'aucune exclusion de garantie n'est applicable ;

- Condamner la société AXA France Iard à indemniser la société Action Park des préjudices subis au titre de la garantie perte d'exploitation suite à la fermeture totale de l'établissement assuré consécutivement à l'injonction d'une autorité compétente pour risques sanitaires à hauteur de 1.000.000 € ;

A titre subsidiaire,

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 3 septembre 2021 en ce qu'il a débouté la société Action Park de l'ensemble de ses demandes et en ce qu'il a retenu, à titre subsidiaire, que la garantie prévue à l'annexe A19 se limite aux pertes d'exploitation consécutives à des dommages matériels ;

Statuant à nouveau,

- Juger que l'épidémie est un événement soudain et imprévu autre que ceux définis par ailleurs au sens de la garantie A19 « tous risques sauf » ;

- Juger que la garantie « tous risques sauf » est donc applicable en ce qu'elle couvre la société Action Park contre les pertes d'exploitation résultant d'une épidémie, événement soudain et imprévu non défini par ailleurs ;

- Juger qu'aucune exclusion de garantie n'est applicable ;

En conséquence,

- condamner la société AXA France Iard à indemniser la société Action Park des préjudices subis au titre de la garantie perte d'exploitation suite à la fermeture totale de l'établissement assuré consécutivement à l'injonction d'une autorité compétente pour risques sanitaires à hauteur de 1.000.000 € ;

A titre infiniment subsidiaire,

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 3 septembre 2021 en ce qu'il a débouté la société Action Park de l'ensemble de ses demandes ;

Statuant à nouveau,

- Juger que l'épidémie est un événement soudain et imprévu autre que ceux définis par ailleurs au sens de la garantie A19 « tous risques sauf » ;

- Juger que la société Action Park a subi des dommages matériels du fait de l'épidémie ;

- Juger que la garantie « tous risques sauf » est donc applicable en ce qu'elle couvre la société Action Park contre les pertes d'exploitation résultant d'une épidémie, événement soudain et imprévu non défini par ailleurs ;

- Juger qu'aucune exclusion de garantie n'est applicable ;

En conséquence,

- condamner la société AXA France Iard à indemniser la société Action Park des préjudices subis au titre de la garantie perte d'exploitation suite à la fermeture totale de l'établissement assuré consécutivement à l'injonction d'une autorité compétente pour risques sanitaires à hauteur de 1.000.000 € ;

A titre extrêmement subsidiaire,

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 3 septembre 2021 en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à désignation d'un expert judiciaire et en ce qu'il a débouté la société Action Park de sa demande de provision à valoir sur l'indemnité qui sera définitivement fixée après l'expertise judiciaire ;

En conséquence,

- Désigner un expert judiciaire aux frais exclusifs de la société AXA France Iard, avec pour mission de chiffrer le montant des pertes d'exploitation aux termes de la police d'assurance;

- En conséquence condamner AXA France Iard à verser une provision de 800.000 € à la société Action Park à valoir sur l'indemnité qui sera définitivement fixée après expertise, sur toutes les périodes garanties

En tout état de cause,

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 3 septembre 2021 en ce qu'il a débouté la société Action Park de l'ensemble de ses demandes ;

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 3 septembre 2021 en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 3 septembre 2021 en ce qu'il a condamné la société Action Park aux dépens dont les frais de greffe s'élèvent à la somme de 69,59 € ;

- Débouter la société AXA France Iard de toute demande de condamnation de la société Action Park au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

- En conséquence condamner la société AXA France Iard à la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions notifiées le 10 janvier 2023, la société AXA France Iard demande à la cour de :

- Confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 3 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Versailles ;

- Condamner la société Action Park à payer à AXA France Iard la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Action Park à supporter les entiers dépens de l'instance ;

- Débouter la société Action Park de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour infirmerait, partiellement ou totalement, le jugement querellé et statuerait à nouveau :

A titre principal,

- Ecarter des débats les pièces n°7 et 16 de la société Action Park en l'absence de production

d'une traduction intégrale jurée en langue française ;

- Juger que les garanties "fermeture administrative" et "tous risques sauf" invoquées par la société Action Park ne sont pas mobilisables ;

- Débouter la société Action Park de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société AXA France Iard ;

A titre subsidiaire,

- Juger que la société Action Park ne rapporte pas la preuve du montant des pertes d'exploitation indemnisables en application de la police d'assurance ;

- Débouter la société Action Park de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société AXA France Iard ;

A très subsidiaire

- Préciser la date d'entrée en vigueur et la date de fin de l'injonction d'une autorité publique imposant à la société Action Park de fermer son établissement ;

- Donner acte à la société AXA France Iard de ses protestations et réserves quant à la mesure

d'expertise sollicitée par la société Action Park ;

- Juger que l'expert désigné par la cour aura pour mission de chiffrer le montant des pertes d'exploitation garanties à l'aune des stipulations de la police souscrite par la société Action Park, avec les précisions suivantes :

//la perte de marge brute doit être déterminée en tenant compte "de la tendance de l'exploitation, de ses variations ou de circonstances particulières affectant l'exploitation, soit avant, soit après le sinistre, ou qui auraient pu affecter l'exploitation si le sinistre n'avait pas eu lieu de telle sorte que les chiffres, ainsi ajustés, représentent autant qu'il est raisonnablement possible les résultats qui auraient été réalisés durant la période correspondant à la période d'indemnisation si le sinistre n'avait pas eu lieu".

//Doivent être retranchés de la perte de marge subie les "montants de charges constitutives de la marge brute que l'entreprise cesserait de supporter du fait du sinistre, pendant la période d'indemnisation" ainsi que les aides perçues par la société Action Park au titre de la période d'indemnisation et toute économie de charge.

// Le chiffrage doit être effectué sur la période, préalablement précisée par la cour, allant de la date d'entrée en vigueur à la date de fin de l'injonction d'une autorité publique imposant à la société Action Park de fermer son établissement.

- Juger que le coût de cette mesure sera à la charge intégrale de la société Action Park ;

- Surseoir à statuer sur les demandes indemnitaires de la société Action Park dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ;

- Débouter la société Action Park de sa demande de provision ;

- Faire application du plafond de garantie et de la franchise contractuelle.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 mars 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

À titre liminaire, la cour, tenue par le seul dispositif des conclusions, rappelle qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à 'donner acte', 'constater', 'dire et juger', dans la mesure où elles ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Sur la mobilisation de la garantie perte d'exploitation

La société Action Park fait valoir que l'Ordonnance et ses suites, édictées en Italie, conduisant à la fermeture de l'établissement assuré à Turin, sont constitutives de mesures administratives au sens de l'Annexe B9 (injonction de fermeture d'une autorité publique compétente) du Contrat d'assurance, que les pertes d'exploitation qui en sont la conséquence sont indemnisables et que la garantie ainsi acquise n'exige pas la survenance d'un dommage matériel préalable.

Elle soutient que le contrat d'assurance est un contrat d'adhésion qui doit être interprété contre celui qui l'a proposé, la présence d'un intermédiaire (la société Théorème) n'est pas suffisante à le qualifier de contrat de gré à gré.

Elle fait valoir, subsidiairement, que la garantie est mobilisable sur le fondement de la garantie 'Tous risques sauf' de l'Annexe A19 en ce que celle-ci s'applique aux dommages et pertes d'exploitation résultant d'événements soudains et imprévus.

A titre infiniment subsidiaire, elle soutient que le dommage matériel peut résulter d'une atteinte à son droit de propriété en ce qu'elle a été empêchée d'exploiter le parc du fait de sa fermeture.

La société Axa sollicite la confirmation du jugement qui a débouté la société Action Park de sa demande d'indemnisation. Elle soutient que la garantie 'pertes d'exploitation consécutives à des mesures administratives' (Annexe B9) n'est mobilisable qu'en cas de dommage matériel causé par un événement garanti au Contrat d'assurance lequel n'est pas un contrat d'adhésion mais un contrat de gré à gré.

Elle fait valoir que la garantie 'fermeture administrative' requiert une injonction qui impose la fermeture de l'établissement assuré ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.

Elle expose que la garantie 'tous risques sauf' n'est pas mobilisable car la société Action Park ne rapporte pas la preuve d'avoir subi un dommage matériel à un bien assuré avec pour conséquence une perte d'exploitation.

*

L'article 1103 du code civil stipule que 'Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits'.

L'article 1188 du même code prévoit que : 'Le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes.

Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.'.

L'article 1190 stipule que : 'Dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé.'.

L'article 1353 du code civil dispose que 'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.'.

*

Il ressort du Contrat d'assurance (article III-1) que le contrat couvre 'suivant mention au tableau des garanties' (souligné par la cour), notamment, 'les pertes d'exploitation consécutives à des dommages matériels garantis, les carences de fournisseurs/sous-traitants/façonniers, carences de clients, impossibilité d'accès/contrainte administrative.'

Le tableau des garanties (article IV) ne prévoit de garantir que les 'Pertes d'exploitation consécutives à des mesures administratives' avec renvoi à une Annexe B9, et les 'Pertes d'exploitation consécutives à une impossibilité d'accès.' avec mention d'une Annexe B10, écartant les pertes d'exploitation consécutives aux carences de fournisseurs, de services extérieurs, de clients.

L'annexe B9, seule visée au soutien des prétentions de la société Action Park, prévoit que : 'La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à l'injonction d'une autorité publique compétente (exemples : mise sous scellés pour enquêtes, risques de pollution, contamination, risques sanitaires, risques d'accidents imminents, etc.) imposant :

- Le retrait et la destruction de marchandises,

- La fermeture totale ou partielle d'un établissement assuré.

Lorsqu'elles sont la conséquence directe de dommage matériel causé par un événement garanti au titre des annexes A1 à A8bis (incendie, explosions, chutes d'appareils de navigation aérienne, choc d'un véhicule terrestre, fumées émanations, Tempêtes, grêle et neige, Dégâts des Eaux, Emeutes, mouvements populaires, vandalisme, actes de terrorisme et de sabotage), survenus dans les locaux de I'assuré. (Souligné par la cour)

Lorsqu'à la suite d'un événement garanti, la durée d'arrêt sera influencée par une de ces mesures la garantie Pertes d'Exploitation s'exercera en tenant compte de cet allongement de Ia période de garantie selon Ia période définie dans le tableau des limites et sous-limites.

La période d'indemnisation prend effet à la date de la décision administrative.

Cette garantie est accordée à concurrence de la limitation indiquée aux Conditions Particulières.'.

Il résulte de la lecture de cette annexe B9, sans qu'il soit besoin d'en interpréter le contenu et sans doute possible, que la garantie ne peut jouer que lorsque la perte d'exploitation est directement consécutive à un dommage matériel survenu lors d'un événement garanti, contrairement à ce que prétend la société Action Park qui considère que le bénéfice de cette garantie n'est pas subordonné à la réalisation préalable d'un dommage matériel.

A cet égard, la cour relève que cette annexe B9 figure au document 'Annexes Multirisque Industrielle' du Contrat d'assurance, sous la 'section B - Pertes d'exploitation' laquelle précise en introduction (article 1 - Objet de la garantie) que 'L'assureur garantit les 'PERTES D'EXPLOITATION' de l'assuré consécutive à tout dommage matériel...'.

La société Action Park ne rapporte pas la preuve de la réalisation d'un dommage matériel survenu à l'occasion d'un événement limitativement énuméré à l'annexe B9 qui serait à l'origine directe d'une perte d'exploitation. A cet égard, la société Action Park ne peut sérieusement soutenir que l'atteinte supposée à son droit de propriété du fait de la fermeture de son établissement constituerait un dommage matériel lequel est défini contractuellement comme 'Toute destruction, détérioration, altération, perte, vol, atteignant un bien assuré.' (article I-12 Dommages, page 7 des Dispositions Générales du Contrat d'assurance).

De ce qui précède, il résulte que la garantie perte d'exploitation ne peut être mobilisée au titre 'des mesures administratives' sans qu'il soit nécessaire de vérifier si les mesures administratives alléguées par la société Action Park entrent dans la prévision du Contrat d'assurance.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

La société Action Park sollicite, subsidiairement, la mobilisation de la garantie perte d'exploitation au titre de la garantie 'Tous risques sauf' de l'Annexe A19 figurant au document 'Annexes Multirisque Industrielle' du Contrat d'assurance.

Cette annexe prévoit : 'La présente garantie a pour objet de couvrir l'Assuré contre tous dommages matériels et pertes d'exploitation consécutive (sic), résultant d'événements soudains et imprévus autres que ceux définis par ailleurs, affectant les biens assurés, sous réserve des Exclusions Générales et des exclusions prévues par ailleurs.

En outre, elle ne peut s'appliquer aux événements qui n'ont pas été souscrits et visés aux Dispositions du contrat.

Sont exclus les dommages résultants d'événements dont le fait générateur est antérieur à la

souscription.'.

Il ressort de ce texte que cette garantie ne peut couvrir qu'un dommage matériel et les pertes d'exploitation qui en sont la conséquence. La société Action Park fait valoir que l'adjectif 'consécutive' s'appliquerait au groupe nominal 'événements soudains et imprévus' et non aux 'dommages matériels' (page 29 de ses écritures). Elle en déduit que la perte d'exploitation est couverte en tant que telle lorsqu'elle est la conséquence de l'un de ces événements, sans que soit constaté préalablement un dommage matériel dont elle serait issue.

L'emploi erroné du singulier appliqué à l'adjectif 'consécutive' qualifiant le groupe nominal 'pertes d'exploitation' et non celui 'événements soudains et imprévus', ne peut conduire à écarter le prérequis de la survenance d'un dommage matériel afin d'engager la garantie au titre d'une perte d'exploitation, pour considérer la perte d'exploitation comme événement indemnisable pris isolément, sans considération d'un dommage matériel préalable. Cette interprétation viderait de sens et d' effet cette disposition alors que celle-ci précise que l'assuré est couvert lors de la survenance d'événements soudains et imprévus '...affectant les biens assurés,...' ce qui suppose que ceux-ci soient matériellement endommagés pour envisager leur indemnisation au titre de la garantie 'Tous risques sauf'.

La société Action Park ne justifie pas d'un dommage matériel ayant entraîné une perte d'exploitation de sorte que la garantie perte d'exploitation n'est pas mobilisable sur le fondement de la clause 'Tous risques sauf' de l'Annexe A19 du Contrat d'assurance.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Au regard de la solution retenue par la cour, il n'y a pas lieu de se prononcer sur la demande d'expertise formée par la société Action Park.

Le jugement sera également confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de la solution du litige, le jugement déféré sera confirmé des chefs des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Action Park sera condamnée aux dépens d'appel.

Il n'y a lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 3 septembre 2021,

Rejette toutes autres demandes,

y ajoutant,

Condamne la société Action Park aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 21/06482
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.06482 ?
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