COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 57A
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 06 JUILLET 2023
N° RG 21/02071 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UNCV
AFFAIRE :
SAS ATOO ENERGIE
C/
S.A. ENI GAS & POWER FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Mars 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° chambre : 5
N° RG : 2019F1389
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Franck LAFON
Me Martine DUPUIS
TC NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS ATOO ENERGIE
RCS Brest n° 498 614 411
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 et Me Erwann MINGAM de la SELARL WM LAW, Plaidant, avocat au barreau de RENNES, vestiaire : 99
APPELANTE
****************
S.A. ENI GAS & POWER FRANCE
RCS Nanterre n° 451 225 692
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Florent PRUNET de l'AARPI JEANTET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T04
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Avril 2023, Monsieur Patrice DUSAUSOY, magistrat honoraire, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT
EXPOSE DU LITIGE
La société Eni Gas & Power France, anciennement dénommée Altergaz (ci-après ENI), propose aux entreprises et aux particuliers des prestations de fourniture de gaz naturel (depuis 2007) et d'électricité.
Pour les besoins de son activité, la société ENI utilise divers canaux de vente dont la vente à domicile par démarchage et par téléphone.
La société Atoo Energie, implantée dans l'ouest de la France, assure une activité de commercialisation d'offres de fourniture énergétique auprès, notamment, d'une clientèle de clients professionnels.
Dans ce contexte, la société ENI et la société Atoo Energie ont conclu une convention dénommée 'contrat de courtage' le 13 janvier 2012, (le Contrat) d'une durée de trois années permettant au courtier de prospecter et démarcher des professionnels visant à la prospection d'une clientèle professionnelle dans l'ouest de la France.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 novembre 2016, la société Atoo Energie a notifié à la société ENI la résiliation à effet au 15 janvier 2017 du contrat pour manquements contractuels.
Le 25 novembre 2016, la société ENI a pris acte de la résiliation du contrat au 15 janvier 2017, tout en contestant avoir commis une faute.
Par courrier du 14 décembre 2016, la société Atoo Energie a maintenu sa position et l'ensemble de ses griefs envers la société ENI.
Par lettre recommandée de son conseil en date du 11 janvier 2018, la société Atoo Energie a sollicité la requalification du contrat de courtage en contrat d'agence commerciale et le versement de l'indemnité compensatrice de rupture due à tout agent commercial en application de l'article L.134-12 du code de commerce.
Par acte d'huissier en date du 23 juillet 2019, la société Atoo Energie a fait assigner la société ENI devant le tribunal de commerce de Nanterre.
Par jugement du 2 mars 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- Dit l'action de la société Atoo Energie recevable ;
- Dit nulle la clause contractuelle de renonciation au statut d'agent commercial ;
- Dit que le contrat signé le 13 janvier 2012 est un contrat d'agence commerciale ;
- Dit que la société ENI n'a pas commis de faute dans l'exécution du contrat ;
- Dit que l'indemnité prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce n'est pas due par la société ENI à la société Atoo Energie ;
- Débouté la société Atoo Energie de sa demande de paiement par la société Eni Gas & Power France de la somme de 490.851,46 € HT à titre d'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial du 13 janvier 2012 ;
- Débouté la société ENI de sa demande de paiement par la société Atoo Energie de la somme de 50.000 € au titre de l'article 14.2 du contrat du 13 janvier 2012 :
- Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société Atoo Energie aux dépens.
Par déclaration du 30 mars 2021, la société Atoo Energie a interjeté appel du jugement.
Une ordonnance d'incident prononcée le 22 septembre 2022 a :
- Débouté les parties de leurs demandes de communication de pièces et de désignation d'un huissier,
- Dit n'y avoir lieu à paiement de frais irrépétibles,
- Condamné la société Eni Gas aux dépens de l'incident.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 1er mars 2023, la société Atoo Energie demande à la cour de :
- Confirmer le jugement du tribunal en ce qu'il a :
- Dit l'action de la société Atoo Energie recevable ;
- Dit nulle la clause contractuelle de renonciation au statut d'agent commercial ;
- Dit que le contrat signé le 13 janvier 2012 est un contrat d'agence commerciale et, par conséquent, a prononcé la requalification du contrat de courtage liant les parties en contrat d'agent commercial ;
- Infirmer le jugement du tribunal en ce qu'il a :
- Dit que la société ENI n'a pas commis de faute dans l'exécution du contrat ;
- Dit que l'indemnité prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce n'est pas due par la société ENI à la société Atoo Energie ;
- Débouté la société Atoo Energie de sa demande de paiement par la société ENI de la somme de 490.851,46 € HT à titre d'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial du 13 janvier 2012 ;
- Juger que la société ENI a manqué à ses obligations de mandant à l'égard de la société Atoo Energie, agent commercial ;
- Juger par conséquent que la société Atoo Energie est en droit de percevoir l'indemnité compensatrice de fin de contrat due à tout agent commercial ;
- Condamner la société ENI à verser à la société Atoo Energie la somme de 490.851,46 € HT à titre d'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial ;
En tout état de cause :
- Confirmer le jugement du tribunal en ce qu'il a débouté la société ENI de sa demande de paiement par la société Atoo Energie de la somme de 50.000 € au titre de l'article 14.2 du contrat du 13 janvier 2012, tirée de la prétendue violation par la société Atoo Energie d'une clause de non-concurrence ;
- Infirmer le jugement du tribunal en ce qu'il a :
- Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société Atoo Energie aux dépens ;
- Débouter la société ENI de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- Condamner la société ENI à verser à la société Atoo Energie la somme de 15.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- La condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Lafon, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 13 février 2023, la société ENI demande à la cour de:
- Confirmer le jugement rendu le 2 mars 2021 par le tribunal de commerce de Nanterre en ce qu'il a :
- Dit que la société ENI n'a pas commis de faute dans l'exécution du contrat
- Dit que l'indemnité prévue à l'article L.134-12 du code de commerce n'est pas due par la société ENI à la société Atoo Energie et ce faisant a débouté la société Atoo Energie de sa demande en paiement de la somme de 490.851,46 € HT à titre d'indemnité de rupture ;
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Dit l'action de la société Atoo Energie recevable ;
- Jugé que le contrat de courtage conclu entre les sociétés ENI et Atoo Energie devait être requalifié en contrat d'agence commerciale ;
- Rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Eni Gas & Power France;
- Rejeté la demande de frais irrépétibles au titre de l'article 700 du code procédure civile de la société ENI
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
A titre principal,
- Déclarer irrecevable l'action de la société Atoo Energie au regard des termes du contrat de courtage en date du 13 janvier 2012 ;
A titre subsidiaire,
- Déclarer mal fondée la demande de la société Atoo Energie visant à la requalification du contrat de courtage en date du 13 janvier 2012 en contrat d'agence commerciale et l'en débouter;
En toute hypothèse,
- Déclarer la demande reconventionnelle formée par la société ENI recevable et bien fondée;
- Juger que la société Atoo Energie a violé la clause de non-concurrence post-contractuelle de l'article 14.2 du contrat de courtage en date du 13 janvier 2012 ;
- Condamner la société Atoo Energie à payer à la société ENI la somme, à parfaire, de 50.000 € au titre de la réparation des préjudices matériel et moral subis par la société ENI du fait de la violation par la société Atoo Energie de l'article 14.2 du contrat de courtage en date du 13 janvier 2012 ;
En toute hypothèse,
- Débouter la société Atoo Energie de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- Condamner la société Atoo Energie à payer à la société ENI au titre de l'article 700 du code de procédure civile les sommes de 15.000 € au titre de la procédure de première instance et 15.000 € au titre de la procédure d'appel ;
- Condamner la société Atoo Energie aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 mars 2023.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'action de la société Atoo Energie au regard de la prescription conventionnelle.
La société ENI soutient que l'action de la société Atoo Energie est prescrite en application de l'article 18.7 du Contrat qui stipule que :'Le délai de prescription applicable aux recours susceptibles d'être exercés par l'une des Parties au titre de l'exécution du Contrat sera d'un (1) an à compter du jour où l'une des Parties aura connu ou aurait dû connaître les faits constituant l'origine et la justification du dit recours.'. (souligné par la cour)
Elle expose que la société Atoo Energie l'a assignée le 23 juillet 2019 afin d'obtenir la requalification du Contrat en contrat d'agent commercial alors qu'elle lui avait notifiée par lettre du 11 janvier 2018 cette demande de requalification complétée d'une demande d'indemnité de rupture en application du statut d'agent commercial allégué de sorte qu'il s'est écoulé plus d'un an entre le constat des faits justifiant le recours et l'assignation.
La société Atoo Energie soutient que la demande de requalification du Contrat en contrat d'agent commercial et d'indemnité de rupture ne relève pas de l'exécution du Contrat mais de sa requalification, de sa rupture et des conséquences indemnitaires de ladite rupture. Elle fait valoir également que les dispositions de l'article 18.7 du Contrat doivent être réputées non écrites comme contraires à l'article L. 134-16 du Code de commerce qui dispose que : 'Est réputée non écrite toute clause ou convention (') dérogeant, au détriment de l'agent commercial, aux dispositions (') des articles L. 134-12 et L. 134-13 (').'.
Elle soutient, au visa de l'article de l'article L. 134-12 alinéa 2 du code de commerce qui stipule que : 'L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits', que la société ENI tente de restreindre la possibilité pour la société Atoo Energie de faire valoir son droit à l'indemnité compensatrice d'ordre public, qu'en application de l'article L.134-16 précité, il ne peut pas être dérogé à cet article L. 134-12 dans un sens défavorable à l'agent et, qu'enfin, la notification de la demande d'indemnité dans le délai d'un an constitue bien la seule et unique condition formelle, ou « temporelle », à l'obtention de l'indemnité et qu'il n'est pas contesté qu'elle a respecté cette condition.
*
L'article 122 du code de procédure civile stipule que 'Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.'
L'article 1134, alinéa 1, ancien du code civil dispose que 'Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.'.
L'article 2254 du code civil prévoit que:'La durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties. Elle ne peut toutefois être réduite à moins d'un an ni étendue à plus de dix ans.
Les parties peuvent également, d'un commun accord, ajouter aux causes de suspension ou d'interruption de la prescription prévues par la loi.
Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables aux actions en paiement ou en répétition des salaires, arrérages de rente, pensions alimentaires, loyers, fermages, charges locatives, intérêts des sommes prêtées et, généralement, aux actions en paiement de tout ce qui est payable par années ou à des termes périodiques plus courts.'.
*
En l'espèce, les parties sont convenues d'un délai de prescription court d'une année : 'Le délai de prescription applicable aux recours susceptibles d'être exercés par l'une des Parties au titre de l'exécution du Contrat sera d'un (1) à compter du jour où l'une des Parties aura connu ou aurait dû connaître les faits constituant l'origine et la justification du dit recours' (souligné par la cour).
Par lettre du 11 janvier 2018 ( pièce 9 - Atoo Energie), la société Atoo Energie, rappelant qu'elle avait résilié le Contrat le 10 novembre 2016 avec effet au 15 janvier 2017, a clairement informé la société ENI qu'elle entendait solliciter la requalification du Contrat en contrat d'agent commercial et, en conséquence, demander le versement de l'indemnité de rupture prévue par l'article L.134-12 du code de commerce applicable aux agents commerciaux.
Les parties ont prévu que la prescription conventionnelle d'une année ne s'applique qu'aux recours relatifs à l'exécution du Contrat.
Or, en sollicitant la requalification du Contrat en contrat d'agence commerciale, la société Atoo Energie exerce un recours touchant à la nature du Contrat et non à son exécution de sorte que la prescription conventionnelle ne peut s'appliquer.
L'action de la société Atoo Energie sera déclarée recevable et le jugement confirmé.
Sur l'application du statut d'agent commercial à la société Atoo Energie dans ses relations avec la société ENI et ses conséquences
La société Atoo Energie soutient qu'elle disposait du pouvoir de représentation permanente, de prospection, de négociation et de conclusion des contrats en qualité de mandataire de la société ENI de sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié le Contrat en contrat d'agence commerciale.
La société ENI fait valoir que la société Atoo Energie n'a reçu aucun pouvoir de négocier les contrats de fourniture de gaz naturel au nom d'ENI, ni n'a été investie d'un mandat permanent
pour conclure des contrats au nom et pour son compte. Le jugement doit donc être infirmé.
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L'article L.134-1 du code de commerce prévoit qu'un ''agent commercial est un mandataire qui sans être lié par un contrat de louage de service, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestations de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux...'.
Trois conditions sont nécessaires pour qu'une personne physique ou morale puisse être qualifiée d'agent commercial :
- avoir la qualité d'intermédiaire indépendant ;
- être lié contractuellement de façon permanente à son commettant ;
- disposer du pouvoir de négocier la vente ou l'achat de biens pour le commettant, ou de négocier et conclure ces opérations au nom et pour le compte de celui-ci.
Il est admis que l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.
Il est également admis que les tâches principales de l'agent commercial consistent à apporter de nouveaux clients au commettant et à développer les opérations avec les clients existants et que l'accomplissement de ces tâches peut être assuré par l'agent commercial au moyen d'actions d'information et de conseil ainsi que de discussions qui sont de nature à favoriser la conclusion de l'opération de vente de biens pour le compte du commettant, même si l'agent commercial ne dispose pas de la faculté de modifier les prix de ceux-ci. Il résulte de la généralité de ces termes qu'il n'est pas nécessaire de disposer de la faculté de modifier les conditions des contrats conclus par le commettant pour être agent commercial, l'essentiel étant qu'il négocie et parvienne à la conclusion de contrats au nom et pour le compte de son mandant.
Il appartient à celui qui se prévaut du statut d'agent commercial d'en rapporter la preuve.
*
En l'espèce, le Contrat intitulé 'Contrat de courtage' a pour objet (article 2.1) de déterminer 'les conditions et les modalités dans lesquelles le Courtier [la société Atoo Energie] et ALTERGAZ [ENI] vont collaborer dans le cadre de la commercialisation de gaz naturel auprès des professionnels. Le Courtier s'engage à prospecter et à démarcher des professionnels afin de leur présenter les offres de fourniture de gaz proposées par ALTERGAZ'.
Cet article est complété par les dispositions suivantes :
(article 2.2) 'Le Courtier ne pourra ni négocier les offres d'ALTERGAZ, ni conclure de contrats au nom et pour le compte d'ALTERGAZ. Le présent contrat ne constitue pas un contrat d'agent commercial '.
(article 2.4) 'Dans le cas où ALTERGAZ proposerait de nouvelles offres, produits ou services, elle se réserve le droit d'en confier, ou non, la prospection ou le démarchage au Courtier en vue de leur commercialisation.'.
(article 7.1.4), intitulé 'Pour les contrats appelant une négociation avec le prospect' (souligné dans le texte), 'Les parties conviennent qu'ALTERGAZ négocie seule, les offres commerciales pour les prospects. Eventuellement ALTERGAZ peut mandater au cas par cas son courtier pour une négociation très précise, en lui donnant les termes de la négociation. Les échanges entre ALTERGAZ et le Courtier relatif à ces contrats (objet de négociation) s'effectueront exclusivement par courrier électronique à l'adresse suivante : [Courriel 5].'
Ainsi, il se déduit de la lettre du Contrat que la société Atoo Energie ne disposait pas du pouvoir général et permanent de négocier l'ensemble des offres proposées par la société ENI ou de conclure des contrats au nom et pour le compte de la société ENI de sorte que le seul contenu du Contrat ne permet pas de le requalifier en contrat d'agence commerciale. Le Contrat ne laissant la possibilité à la société Atoo Energie de négocier que dans certains cas et sans être libre des termes de la négociation.
Il appartient alors à la société Atoo Energie de rapporter la preuve que l'exécution du Contrat ayant pris effet le 28 janvier 2012 (article 13.1 du Contrat) pour cesser le 15 janvier 2017 à l'expiration du préavis fixé à la lettre de résiliation du 10 novembre 2016, s'est révélée différente au point de justifier la requalification sollicitée.
Sur la période d'exécution du Contrat, la société Atoo Energie ne produit qu' un seul contrat de vente de gaz naturel qu'elle présente (sa liste de pièces) comme ayant été conclu entre la société Atoo Energie et un client final (la société Bayi Finances) (piéce 13 - Atoo Energie). Ce contrat a été 'proposé le 24-11-2016" et porte cette même date du 24 novembre 2016 laquelle est postérieure à l'envoi de la lettre de résiliation du 10 novembre 2016. Il est établi sur un document à en-tête ENI, porte la mention 'Nom de l'agence : Atoo Etabli par : [K] [Z]' sans autrement préciser en quelle qualité elle y figure, et n'est revêtu que de la seule signature du client final. Ce contrat ne peut donc être considéré comme 'conclu' entre la société Atoo Energie et ce client.
La société Atoo Energie produit divers courriels et documents ( pièces 11-1 à 11-8 et 12-1 à 12-4 - Atoo Energie) pour établir qu'elle disposait d'un pouvoir de négociation auprès des clients.
Certains échanges sont relatifs à des formations ou des recrutements (courriels des 4 juillet 2012 avec pièce jointe, 11 avril 2014 avec pièce jointe, 5 décembre 2014 - pièces 11-1 à 11-3) ou des problématiques comptables (bascule au 1er janvier), ( courriel du 22 décembre 2015 - pièce 11-4) sans rapport avec une négociation entre la société Atoo Energie et un client final.
Les échanges de courriels entre le 4 mars et le 12 mars 2013 (pièce 11-6) illustrent l'application de l'exception prévue au contrat (article 7.1.4 du Contrat) commentée précédemment et révèlent que la société Atoo Energie prend ses instructions auprès de la société ENI s'agissant de conditions tarifaires applicables à un client (Groupe Gemy) conformément aux stipulations du Contrat.
Certains messages se limitent à présenter une offre au client et obtenir sa réponse sans qu'il soit justifiée d'une négociation particulière (courriels des 31 juillet 2014, 12 décembre 2014) ou à répondre à une demande de devis (21 novembre 2014).
Les autres échanges permettent de comprendre que la société Atoo Energie pouvait être amenée à négocier, ponctuellement, avec certains clients, sous le contrôle et en rendant compte à la société ENI (courriels des 25 juin 2013, 30 octobre 2014, 21 janvier et 23 septembre 2016).
L'ensemble de ces éléments ne permettent pas de considérer que la société Atoo Energie disposait du pouvoir permanent d'agir, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de fourniture de gaz, en toute indépendance, au nom et pour le compte de la société ENI.
Le Contrat ne peut être requalifié en contrat d'agence commerciale.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur l'indemnité de rupture
Le Contrat n'ayant pas été requalifié en contrat d'agence commerciale, la société Atoo Energie ne peut revendiquer le bénéfice de l'indemnité de rupture prévue prévue à l'article L.134-12 du code de commerce de sorte que l'examen de l'imputabilité de la rupture du Contrat au regard des dispositions légales applicable aux agents commerciaux est sans objet.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur la demande reconventionnelle de la société ENI
La société ENI sollicite, à titre reconventionnel, la condamnation de la société Atoo Energie à la somme de 50.000 € à titre de préjudice, matériel et moral, pour violation des dispositions d'une clause de non-concurrence figurant à l'article 14.2 du Contrat qui dispose que : ' Pendant la durée contractuelle et une période de douze (12) mois à compter de la résiliation ou de la dénonciation du Contrat pour quelque cause que ce soit, le Courtier s'interdit d'effectuer pour son compte ou pour le compte d'autrui, directement ou indirectement, toutes opérations commerciales visées par le présent contrat auprès des clients d'ALTERGAZ.' (souligné par la cour).
La société Atoo Energie conteste toute violation de cette clause et sollicite la confirmation du jugement qui a débouté la société ENI de sa demande reconventionnelle.
*
L'article 1134 ancien du code civil dispose que 'Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.. Elles doivent être exécutées de bonne foi'.
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En l'espèce, la société ENI reproche à la société Atoo Energie de s'être présentée dès le mois de novembre 2016 (la résiliation étant intervenue le 10 novembre 2016 avec effet au 15 janvier 2017), comme un 'partenaire de TOTAL ENERGIE GAZ' et d'avoir procédé au 'recrutement de personnel en vue de la commercialisation d'offres, cette fois, d'électricité et de gaz naturel'.
La clause de non-concurrence édictée à l'article 14.2 du Contrat s'applique aux 'opérations commerciales visées par le... contrat auprès des clients d'ALTERGAZ '.
Le Contrat a pour objet la prospection et le démarchage de professionnels par la société Atoo Energie (courtier) afin de leur présenter des offres de fourniture de gaz proposées par la société ENI (venant aux droits de la société Altergaz) de sorte que seules les opérations commerciales relatives à la fourniture de gaz auprès des clients de la société ENI sont susceptibles d'être comprises dans le champ de cette clause de non-concurrence d'interprétation restrictive.
La publication par la société Atoo Energie d'un appel à recruter des agents commerciaux (Procès-verbal de constat d'huissier du 14 décembre 2016 - Pièce n° 2 Eni) susceptibles de démarcher des professionnels consommateurs d'énergie (électricité mais aussi gaz naturel) - sans qu'il soit justifié que ceux-ci sont clients de la société ENI - et la présentation de son partenariat avec la société Total Energie dans la même annonce, ne sont pas suffisants à rapporter la preuve que la société Atoo Energie a effectué des opérations commerciales prohibées au sens de la clause de non-concurrence.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et infirmé en celles relatives aux frais irrépétibles.
La société Atoo Energie sera condamnée aux dépens d'appel.
La société Atoo Energie sera condamnée à une indemnité de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 2 mars 2021, en ce qu'il a déclaré nulle la clause contractuelle de renonciation au statut d'agent commercial et en ce qu'il a dit que le contrat signé le 13 janvier 2012 était un contrat d'agent commercial,
Confirme le surplus,
Rejette toutes autres demandes,
Y ajoutant,
Condamne, la société Atoo Energie aux dépens d'appel,
Condamne la société Atoo Energie à une indemnité de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,