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06/07/2023 | FRANCE | N°21/00227

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 06 juillet 2023, 21/00227


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 50A



3e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 JUILLET 2023



N° RG 21/00227



N° Portalis DBV3-V-B7F-UIEH



AFFAIRE :



[N] [X] [S]

...



C/



[G] [U] [L]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Décembre 2020 par le TJ de NANTERRE

N° Chambre : 02

N° RG : 18/08382





Expédition

s exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :









Me Franck LAFON



Me Ondine CARRO



Me Pierre-antoine CALS







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt su...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 50A

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUILLET 2023

N° RG 21/00227

N° Portalis DBV3-V-B7F-UIEH

AFFAIRE :

[N] [X] [S]

...

C/

[G] [U] [L]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Décembre 2020 par le TJ de NANTERRE

N° Chambre : 02

N° RG : 18/08382

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Franck LAFON

Me Ondine CARRO

Me Pierre-antoine CALS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [N] [X] [S]

né le 21 Janvier 1968 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Madame [T] [V] [P]

épouse [X] [S]

née le 09 Juillet 1976 à [Localité 9]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me François MUSEREAU de la SELARL JURICA, Plaidant, avocat au barreau de POITIERS

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20210019

APPELANTS

****************

Monsieur [G] [U] [L]

né le 15 Novembre 1964

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentant : Me Ondine CARRO, Postulant et plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C212 - N° du dossier 14472

INTIME

S.A.S. ETABLISSEMENTS PIERRE GILLET

N° SIRET : 702 024 993

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Pierre-antoine CALS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 719

Représentant : Me François DIZIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gwenael COUGARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence PERRET, Président,,

Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame FOULON,

--------------

FAITS ET PROCEDURE :

Par acte authentique du 27 mars 2013, M. [G] [L] a vendu à M. et Mme [X] [S] (ci-après "les époux [X] [S]") une maison d'habitation située [Adresse 1] à [Localité 5] (92). La société Établissements Pierre Gillet (ci-après "les Etablissements Pierre Gillet") exploite un magasin de fruits et légumes dans un bâtiment mitoyen au numéro 48 de la même rue.

Un conflit est né entre les époux [X] [S] et les Établissements Pierre Gillet en raison de nuisances sonores découlant de l'activité commerciale du magasin.

Les Établissements Pierre Gillet ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre aux fins d'expertise acoustique. Les époux [X] [S] ont attrait à cette procédure leur vendeur, M. [L], ainsi que l'agence immobilière chargée de la vente du

27 mars 2013, et ont sollicité reconventionnellement que l'expertise comporte également une

analyse de la décote de leur bien du fait du bruit.

Par ordonnance du 9 juillet 2014, le juge des référés a ordonné une expertise sonore et précisé que l'expert pourrait s'adjoindre un sapiteur en matière d'évaluation immobilière. L'expert désigné a été remplacé par M. [Y] par ordonnance du 15 décembre 2014.

Par actes d'huissier en date des 27 avril et 9 mai 2016, les époux [X] [S] ont fait assigner M. [L] et les Etablissements Pierre Gillet, devant le tribunal de grande

instance de Nanterre, en nullité ou résolution de la vente et en paiement de dommages et intérêts.

Par ordonnance du 12 septembre 2017, le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, et le retrait du rôle par ordonnance du 21 novembre suivant.

L'expert a déposé son rapport le 26 juin 2018 et l'affaire a été ré-enrôlée.

Par ordonnance en date du 29 novembre 2018, le juge chargé du contrôle des opérations d'expertise a ordonné la réouverture des opérations d'expertise et dit que l'expert devra compléter son rapport par un panorama des solutions envisagées pour remédier aux désordres allégués et leur chiffrage. L'expert a déposé un complément à son rapport le 20 mai 2019.

Par jugement du 3 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- débouté M. et Mme [X] [S] de l'ensemble de leurs demandes formées

à l'encontre de M. [L],

- dit que la société Etablissements Pierre Gillet engageait sa responsabilité civile délictuelle en raison d'un trouble anormal de voisinage constitué par des nuisances sonores,

- condamné la société Etablissements Pierre Gillet à réaliser les travaux suivants :

' installation des 2 compresseurs frigorifiques sur des socles en béton reposant sur des isolateurs

' mise en place d'un sol coulé amortissant au rez-de-chaussée pour réduire les bruits des roulements des chariots,

- condamné la société Etablissements Pierre Gillet à payer à M. et Mme [X] [S] la somme de 8 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance et celle de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral,

- débouté M. [L] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'abus de procédure,

- condamné la société Etablissements Pierre Gillet à payer à M. et Mme [X] [S] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné M. et Mme [X] [S] à payer à Monsieur [L] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Etablissements Pierre Gillet aux entiers dépens de la procédure qui

comprendront les frais d'expertise et qui pourront être recouvrés directement conformément à

l'article 699 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision déféré,

- rejeté le surplus des demandes.

Par acte du 13 janvier 2021, les époux [X] [S] ont interjeté appel.

Par ordonnance du 7 juillet 2022, le conseiller de la mise en état a constaté que les époux [X] [S] se sont désistés de l'incident qu'ils avaient formé, emportant l'extinction de l'instance d'incident dont les dépens avec recouvrement direct ont été mis à leur charge.

Par dernières écritures du 1er mars 2023, les époux [X] [S] prient la cour de :

- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel.

A titre principal,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes des époux [X] [S] aux fins de nullité, subsidiairement de résolution de la vente et de dommages et intérêts contre M. [L],

- prononcer la nullité ou subsidiairement la résolution de la vente conclue entre les époux [X] [S] et M. [L] de l'immeuble d'habitation situé à [Localité 5] (Hauts de Seine) [Adresse 1], cadastré section [Cadastre 4], d'une contenance de 00 ha 01 à 46 ca,

- condamner M. [L] à faire inscrire l'arrêt à intervenir au fichier immobilier tenu par les services chargés de la publicité foncière compétents,

- condamner M. [L] à payer aux époux [X] [S] la somme de 1 180 000 euros au titre de la restitution du prix de vente,

- condamner in solidum M. [L] et la société Etablissements Pierre Gillet à payer aux époux [X] [S] les sommes de :

' 93 716.37 euros au titre des frais accessoires de la vente se décomposant :

* honoraires agent immobilier........................................................................20 000 euros,

* droits de mutation......................................................................................60 740 euros,

* frais de notaire..........................................................................................12 976,37 euros,

' 204 266,23 euros à titre de dommages intérêts se décomposant :

* travaux d'aménagement...........................................................................39 649,08 euros,

* frais de de déménagement....................................................................9 676,40 euros,

* coût financier.......................................................................................54 940,75 euros,

* perte de valeur de l'immeuble.................................................................150 000 euros,

. 900 euros par mois à compter du 30 mars 2013 et jusqu'à la restitution de l'immeuble, au titre du préjudice de jouissance,

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la société Etablissements Pierre Gillet engageait sa responsabilité civile délictuelle en raison du trouble anormal de voisinage constitué par les nuisances sonores,

- réformer le jugement déféré pour le surplus,

- ordonner à la société Etablissements Pierre Gillet de mettre fin aux nuisances sonores sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter de la signification à partir de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société Etablissements Pierre Gillet à réaliser les travaux préconisés par l'expert judicaire dans son rapport du 26 juin 2018 (page 45) sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir :

* installation des 2 compresseurs frigorifiques sur des socles en béton reposant sur des

isolateurs

* mise en place d'un sol coulé amortissant au rez-de-chaussée et au sous sol pour

réduire les bruits des roulements des chariots

* sciage des planchers du rez-de-chaussée et du sous-sol permettant de les rendre

indépendants et de traiter ainsi le bruit des monte-charge et installation des monte charge sur des ressorts,

- condamner la société Etablissements Pierre Gillet à payer aux époux [X] [S] la somme de 900 euros par mois à compter du 30 mars 2013 et jusqu'à la constatation par huissier de la fin des nuisances sonores.

En toute hypothèse,

- condamner in solidum M. [L] et la société Etablissements Pierre Gillet à payer aux époux [X] [S] les sommes de :

* préjudice moral...........................................................................................30 000 euros,

* indemnité pour frais irrépétibles................................................................30 000 euros,

- condamner in solidum M. [L] et la société Etablissement Pierre Gillet aux entiers dépens de l'instance et d'appel, y compris ceux de référé et d'expertise judiciaire,

- autoriser le recouvrement direct des frais dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières écritures du 5 avril 2023, M. [L] prie la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les époux [X] [S] de l'ensemble de leurs demandes formées à l'encontre de M. [L],

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'abus de procédure,

Y faisant droit et statuant à nouveau:

- débouter les consorts [X] [S] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions telles que formulées à l'encontre de M. [L],

- subsidiairement, condamner la société Etablissements Pierre Gillet ou toutes parties succombantes à garantir les condamnations qui pourraient être prononcées à l'encontre de M. [L],

En tout état de cause,

- condamner les consorts [X] [S] à régler à M. [L] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile,

- condamner les consorts [X] [S] à régler à M. [L] la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les consorts [X] [S] aux entiers dépens, avec recouvrement direct.

Par dernières écritures du 6 mars 2023, la société Etablissements Pierre Gillet prie la cour de :

A titre principal,

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident,

En conséquence,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* dit que la société Etablissements Pierre Gillet engageait sa responsabilité civile délictuelle en raison d'un trouble anormal de voisinage constitué par des nuissances sonores,

* condamné la société Etablissements Pierre Gillet à réaliser les travaux d'installation des deux compresseurs sur des socles en béton reposant sur des isolateurs et la mise en place d'un sol coulé amortissant au rez-de-chaussée pour réduire les bruits des roulements de chariots,

* condamné la société Etablissements Pierre Gillet à payer aux consorts [X] [S] la somme de 8 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance et celle de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral,

* condamné la société Etablissements Pierre Gillet à payer aux consorts [X] [S] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles,

* condamné la société Etablissements Pierre Gillet aux entiers dépens de la procéudre, comprenant les frais d'expertise,

En conséquence,

- condamner les consorts [X] [S] à restituer à la société Etablissements Pierre Gillet :

' la somme de 8 000 euros versée en réparation du prétendu préjudice de jouissance,

' la somme de 5 000 euros versée en réparation du prétendu préjudice de jouissance ("préjudice moral")

' la somme de 4 000 euros versée au titre des frais irrépétibles,

' la somme de 151,80 euros versée au titre des dépens de première instance,

- condamner en outre les consorts [X] [S] à rembourser en outre les coûts des travaux qui seront réalisés par la société Etablissements Pierre Gillet au titre de

* l'installation des deux compresseurs frigorifiques sur des socles en béton reposant sur des isolateurs,

* la mise en place d'un sol coulé amortissant au rez-de-chaussée pour réduire les bruits des roulements de chariots,

Et dans l'hypothèse où la cour prononcerait l'annulation ou la résolution de la vente intervenue le 13 mars 2013,

- débouter les consorts [X] [S] de leur demande de condamnation in solidum de la société Etablissements Pierre Gillet au paiement de la somme de :

' au titre de la perte de valeur de l'immeuble...................................................150 000 euros,

' au titre des frais de vente.............................................................................93 716,37 euros,

' au titre des travaux....................................................................................39 649,08 euros,

' au titre des frais de déménagement 2013......................................................4 676,40 euros,

' au titre du déménagement............................................................................9 676,40 euros,

' au titre du coût financier............................................................................54 940,75 euros,

- débouter M. [L] de sa demande de condamnation de la société Etablissements Pierre Gillet à garantir les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

- condamner les consorts [X] [S] au paimenet de la somme de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés devant le tribunal et la cour, outre la charge des entiers dépens en ce compris les frais d'expertise,

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes des consorts [X] [S],

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a évalué le préjudice de jouissance subi par les consorts [X] [S] à 8 000 euros,

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Etablissements Pierre Gillet à payer aux consorts [X] [S] la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral,

En conséquence,

- condamner les consorts [X] [S] à restituer à la société Etablissements Pierre Gillet la somme de 5 000 euros versée à ce titre,

- débouter les consorts [X] [S] du surplus de leur demande,

- condamner les consorts [X] [S] au paiement de la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre la charge des entiers dépens.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 avril 2023.

SUR QUOI :

Sur la nullité de la vente pour erreur sur les qualités substantielles du bien vendu :

Aux termes de l' ancien article 1109 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, il n'y a point de consentement valable si le consentement a été donné par erreur. L'article 1110 du code civil précise que l'erreur est une cause de nullité de la convention lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.

En l'espèce, les appelants sollicitent à titre principal la nullité du contrat de vente sur le fondement de l'erreur portant sur les qualités substantielles. Ainsi, ils soutiennent qu'ils recherchaient une maison d'habitation où régnait un certain calme pour pouvoir y vivre paisiblement ce qui constituait dans leur choix un critère déterminant.

A l'appui de leurs demandes, les appelants font essentiellement valoir que :

- le calme de leur environnementfaisait partie des qualités substantielles qu'ils recherchaient mais en l'espèce, les nuisances sont telles que la qualité substantielle d'un immeuble qui est d'offrir une jouissance paisible à ses occupants dans un minimum de calme et de silence, fait défaut ; il résulte des mesures effectuées par l'expert que les équipements utilisés par les Etablissements Pierre Gillet émettent un bruit dont les émergences sont supérieures à la norme fixée et sont extrêmement bruyants ; ces nuisances sonores qui sont récurrentes constituent une infraction au code de la santé publique ; à cela s'ajoutent les nuisances produites par la manutention des caisses lors de la livraison des marchandises ; ils n'auraient pas acheté cet immeuble s'ils avaient su que l'activité des Etablissements Pierre Gillet générait de telles nuisances sonores ; leur consentement a été donné par l'effet d'une erreur parfaitement excusable et est entaché d'un vice entrainant la nullité de la vente ; ils ne pouvaient s'apercevoir lors de leurs visites en journée du niveau sonore dans la mesure où ils sont venus en fin de matinée et en début d'après-midi qui ne sont pas les moments les plus bruyants,

- la responsabilité des Etablissements Pierre Gillet est selon eux établie par les constatations de l'expert qui confirment celles qui avaient déjà été faites par les services de la mairie de [Localité 5] ; les Etablissements Pierre Gillet ne peuvent s'exonérer de leur responsabilité en expliquant qu'ils ont réalisé des travaux à l'intérieur de leur maison qui seraient à l'origine d'une partie des nuisances sonores, ou encore en incriminant la pizzeria voisine ou enfin en se prévalant de la règle de l'antériorité ; en effet, l'expert a indiqué que les travaux effectués par eux dans leur maison sont sans incidence sur les nuisances sonores constatées ; si la pizzeria a été à l'origine de telles nuisances, elle a remédié à ce problème en effectuant les travaux nécessaires ce qui a été constaté par l'expert.

En réponse, M. [L] soutient que l'erreur alléguée par les époux [X] [S] ne porte pas sur les qualités substantielles de la chose ; ils demeurent avec leurs enfants depuis mars 2013 dans le pavillon dont ils contestent aujourd'hui les qualités substantielles ; l'ensemble immobilier est bien conforme à sa destination et ses qualités substantielles ne sont pas affectées par le bruit généré par le commerce voisin ; par ailleurs, la construction étant antérieure à 1970 ne se voit imposer aucune réglementation sur l'isolation acoustique, et ce, même en cas de rénovation ; dès lors, les désordres dont se plaignent les demandeurs, s'ils peuvent constituer une gêne, ne peuvent être considérés comme affectant les qualités substantielles et intrinsèques de la chose vendue alors même qu'il n'est pas prouvé que la pizzeria située juste à côté de la maison vendue ne soit pas en partie responsable des bruits, notamment avec son four à bois.

Le vendeur affirme que de plus, les époux [X] [S] ne démontrent pas que, sans cette gêne, ils n'auraient pas contracté ; ils ont acquis une maison de ville en zone urbaine située entre une pizzeria, des éléments refroidisseurs importants et un primeur, de sorte qu'ils n'ont pas pu faire d'erreur.

En tout état de cause, si elle existait, elle serait inexcusable ; l'entreprise de fruits et légumes est mitoyenne de la maison vendue ; il n'est pas possible de passer à côté sans voir cet établissement ni l'inscription " Cours des Halles " laissant imaginer la potentielle importance de l'activité commerciale exercée ; toute personne, avant l'acquisition d'un bien immobilier, se renseigne sur l' environnement immédiat et les demandeurs avaient effectué avant la vente au moins 4 visites de la maison à des jours et heures différents.

En défense, les Établissements Gillet font tout d'abord valoir que l'action dirigée par M. et Mme [X] [S] contre eux l'est à titre subsidiaire, qu'ils ne sont pas intervenus à l'acte de vente et que l'anéantissement de ce dernier ne pourrait pas procéder d'une faute de leur part de sorte qu'aucune condition in solidum n'est possible.

Ils précisent essentiellement qu'ils exploitent leur commerce depuis 1970 sans qu'aucun occupant ne se soit jamais plaint d'une quelconque nuisance ; que selon l'expertise, deux pièces seulement (le séjour et la chambre gauche au 2ème étage) subiraient les nuisances alléguées; que les acquéreurs ont pu interroger l'agence immobilière et étaient conseillés par des professionnels sans que personne n'attire leur attention sur l'existence d'une quelconque nuisance sonore pouvant provenir des commerces alentour; qu'eux mêmes ont procédé spontanément à des travaux dès la réclamation de M. et Mme [X] [S] en juin 2013 (remplacement du petit monte-charge et déplacement de l'évaporateur).

En tout état de cause, les nuisances ne seraient "qu'aléatoires, discontinues et très matinales pour les manutentions ", selon l'expert ; si ces nuisances avaient été celles décrites par les époux [X] [S], il est impossible que ces derniers ne s'en soient pas rendu compte d'autant qu'ils ont effectué plusieurs visites préalablement à leur achat ; ils ont donc acquis en 2013 en toute connaissance de cause leur bien immobilier, même si les mensonges de M. [L] quant à son occupation du bien a pu les tromper.

Les Ets Gillet ajoutent que les travaux personnels entrepris par les époux [X] [S] ont amplifié les nuisances, l'isolation par l'extérieur ayant certes rendu la maison hermétique aux bruits extérieurs mais encore plus perceptibles ceux tout-à-fait normaux provenant des activités voisines ; ces même travaux seraient peut-être d'ailleurs la cause du dépassement des normes réglementaires sonores ; de plus, des nuisances proviendraient aussi de la pizzeria située de l'autre côté de la maison des demandeurs dont les mesures réparatrices ne sont pas prouvées par les appelants.

Les Établissements Gillet assurent que les équipements dénoncés comme sources de nuisances d'installation l'ont été par des professionnels (les société IDF Froid Clim et PASL) en la matière et font l'objet de contrats d'entretien par ces mêmes professionnels ; à la suite des reproches formulés par les époux [X] [S], ils ont effectué les travaux préconisés par la société IDF Froid Clim, professionnel averti en la matière, aux fins de réduire les éventuelles nuisances ce qui n'a pas eu l'effet escompté.

Si par impossible, la cour confirmait l'engagement de leur responsabilité délictuelle ce qui serait selon eux une atteinte au droit de propriété et à la liberté de commercer, les Etablissements Gillet exposent les raisons pour lesquelles ils ne peuvent pas être tenus à de quelconques sommes relatives à la perte de valeur de l'immeuble, aux frais de vente, au coût des travaux entrepris, au coût du crédit souscrit par les acquéreurs ou à réparer le préjudice de jouissance invoqué par ces derniers.

En conclusion, les Établissements Gillet acceptent néanmoins de procéder aux travaux ordonnés par le jugement déféré mais sans astreinte et pas à ceux préconisés par le cabinet Irea présentant un risque d'atteinte à la structure de l'immeuble que l''expert a "retenu sans les agréer" et de façon précipitée selon la société intimée.

Pour débouter M. et Mme [X] [S] de leurs demandes sur le fondement de l'erreur, le tribunal a retenu que les acquéreurs échouaient à rapporter la preuve de son caractère substantiel d'une part, ainsi que la preuve de son caractère excusable d'autre part, puisque les acquéreurs avaient visité 5 fois le bien avant l'achat à différentes heures de la journée et que leur maison était encadrée par deux commerces de bouche dont l'un d'une importance évidente.

La cour relève que M. [L] fixe au 30 mars 2013 les premières plaintes formulées auprès de lui par les acquéreurs au sujet des nuisances acoustiques alors qu'ils avaient les clés de l'immeuble depuis la signature de l'acte authentique depuis trois jours seulement. Et c'est également très vite que M. et Mme [X] [S] se sont tournés vers les Établissements Gillet pour tenter de trouver une solution amiable.

Les acquéreurs avaient tout d'abord manifesté clairement leur souci du calme en demandant dès le 14 octobre 2012 à l'agence immobilière, de préciser "le type précis d'isolation des murs" ainsi que "le type exact de fenêtres double vitrage (avec référence, précisant isolation phonique, thermise, voire anti-intrusion)" même si d'autres sujets les intéressaient également. L'agence avait répondu le jour même que les "murs sont isolés avec de la laine de verre et BA 13" et les "fenêtres sont en double vitrage thermique et phonique".

La maison est certes située dans une grosse agglomération, entre deux commerces dont les Établissements Gillet qui est un établissement employant presque 20 salariés et qui reçoit de la marchandise venant de [Localité 10] dès l'aube (livraison du 5 avril 2014 à 5h25 du matin par exemple), qui a une ou plusieurs chambres froides dont les compresseurs fonctionnent jour et nuit, et qui utilise des palettes, des chariots élévateurs à tout moment de la journée, y compris le samedi selon un large spectre horaire, pour alimenter ses étalages et rayons.

Les appelants ont fait faire dès septembre 2003 une expertise amiable par M. [C], acousticien, qui a relevé que le commerce Gillet "produit des bruits de choc divers, de frottement et de glissement, et de roulement de chariots ainsi que de fonctionnement du monte-charge dont le démarrage et l'arrêt (parfois brutal) provoquent des chocs nettement perceptibles . Ces bruits provoquent des niveaux instantanés variant entre 28 et 55dB(A) selon la nature et le caractère du signal perçu ; cette valeur extrême de 55dB(A) est très élevée et provoque une émergence de plus de 30dB(A) sur le bruit ambiant résiduel de 24dB(A); leur brièveté fait sursauter[...]"

M. [C] précisait que ces bruits parasites étaient perceptibles dans toutes les pièces de la maison "ce qui traduit des transmissions solidiennes caractéristiques en raison de l'absence de désolidarisation vibratoires de ces installations par rapport à la structure des bâtiments."

Il concluait qu'outre les vibrations, les bruits intempestifs, d'apparition aléatoire et brutale, perturbaient fortement la tranquillité du logement.

Le 2 décembre 2013, le service communal d'hygiène de [Localité 5] a rendu un rapport sur les mesures acoustiques réalisées le 7 novembre 2013 dans les Établissements Gillet ; il a pointé deux infractions au code de la santé publique et le marchand de primeurs a été invité à prendre les mesures nécessaires pour baisser le niveau sonore et atteindre le respect des valeurs réglementaires dans les meilleurs délais. Rien n'indique dans le dossier et notamment dans les pièces versées aux débats par les Ets Gillet les mesures qu'il ont entreprises à la suite de ce contrôle.

Il ressort aussi du rapport d'expertise judiciaire que des mesures acoustiques ont été effectuées contradictoirement lors de la première réunion d'expertise le 9 févier 2015 à 15h et portant sur le monte-charge hydraulique, le grand monte-charge, les compresseurs frigorifiques et la transpalette avec sa manipulation.

L'expert note "au titre de l'audibilité et donc de l'émergence instantanée des bruits par rapport aux normes fixées par le deuxième avis de la Commission d'Etude du bruit du ministère de la santé publique du 21 juin 1963, que les équipements utilisés par les Etablissements Pierre Gillet émettent un bruit dont les émergences vont de +15 dB à +36 dB alors que l'émergence admissible est à +5dB le jour et + 3dB la nuit. "

Naturellement, dans un milieu urbain et à côté d'un commerce, les appelants pouvaient s'attendre à un calme relatif, tempéré par les bruits incontournables de la circulation sur la voie et par les nécessités de l'exercice de deux commerces. Néanmoins, au titre des dispositions régissant le bruit des activités courantes, l'expert notait que ces valeurs étaient comprises entre +13dB et +20dB selon qu'il s'agit de tel ou tel des équipements ci-dessus énumérés ce qui est sans commune mesure avec les normes admises comme possibles et donc, compte tenu même des activités courantes comme la circulation automobile et l'activité commerciale, ces mesures restent encore excessivement élevées.

Ainsi, l'expert conclut que "tous les équipements utilisés par la société Etablissements Pierre Gillet se trouvent extrêmement bruyants au domicile des époux [X] [S]" et que "la très grande audibilité des équipements" est largement établie. Il précise que les nuisances sonores relatives aux manutentions ne sont pas apparentes lors d'une simple visite des lieux en journée puisque elles sont très matinales et ajoute que l'utilisation des différents équipements est , en l'espèce, régulière sinon continue de sorte qu'il peut en être inféré que les nuisances le sont tout autant.

Il évoque les chocs et les vibrations qui se transmettent d'autant plus facilement du 46 au [Adresse 2] que les façades ont été jointes et sont accolées de façon rigide et que les appareils source de nuisances ont été fixés directement sur les planchers ou sur les murs du 46. Aucune pièce de la maison n'est épargnée. L'expert retenait que tout avait été installé sans aucune considération pour les vibrations engendrées et a noté que les équipements utilisés, extrêmement bruyants, répondaient aux critères du trouble anormal de voisinage.

Ces constatations confortent non seulement touts les mesures précédemment évoquées mais encore celles du propre conseil acousticien des Établissements Gillet, la société Irea qui a proposé des solutions drastiques en matière de travaux dans les locaux commerciaux au point que l'expert judiciaire ne les pense pas forcément réalisables dans danger et a demandé aux Ets Gillet de fournir des devis par des cabinets spécialisés dans les gros travaux de restructuration, en vain.

La cour relève qu'il est quelque peu paradoxal de retenir que l'émergence des bruits est très forte, qu'elle est aléatoire et se produit tout au long de la journée et également très tôt dans la journée dans la mesure où elles concernent différents équipements des Établissements Gillet et de rejeter l'affirmation selon laquelle les acheteurs n'ont pas pu faire d'erreur dans leur processus de choix et ont su à quoi s'en tenir quant à ce qui est décrit comme un véritable vacarme, en semaine comme le week end.

Au- delà du bon sens qui permet de comprendre que pour loger une famille avec de nombreux jeunes enfants, il est peu probable de choisir sciemment une maison où même le sommeil nocturne est une gageure au vu de l'heure des premières livraisons par camions, déchargement par transpalettes et rangement par monte-charges, le dépassement des normes de bruit est d'une telle amplitude en l'espèce qu'il induit nécessairement le fait que les appelants n'auraient jamais acheté ce bien s'ils avaient connu cet excès.

Parmi les qualités essentielles que l'on est en droit d'attendre d'un logement principal et notamment d'une maison individuelle, figure au premier chef la solidité mais aussi la simple possibilité de s'y reposer, de pouvoir y accomplir une nuit complète et d'en jouir paisiblement. En l'espèce, la gêne acoustique d'une importance majeure affecte bien les qualités substantielles que les acheteurs étaient en droit d'attendre du bien acquis et elle procède du fait que les équipements du magasin de primeurs ne sont pas aux normes réglementaires et ont été installés sans aucun souci de préserver la tranquillité publique, directement sur les planchers non aménagés ou accrochés aux murs alors que par ailleurs, les façades des deux bâtiments étant jointes, se produisent en outre des vibrations qui se propagent jusqu'au 2e étage de la maison des appelants.

Ceux-ci n'ont jamais prétendu à un silence absolu comme écrit par M. [L] mais à une tranquillité moyenne qu'ils n'ont jamais pu obtenir malgré dix ans de procédure.

L'expert a exclu la possibilité que ces nuisances proviennent de la pizzeria à côté.

Les nuisances sonores et vibratoires au [Adresse 1] à [Localité 5] dépassent largement celles admissibles qui sont la conséquence normale pouvant être attendue de la proximité d'un commerce et d'un milieu urbain.

La qualité essentielle est donc ici manquante et la jurisprudence a toujours admis que le critère déterminant du consentement pouvait être tacite et se déduire des circonstances.

En l'espèce, les acquéreurs n'ont pu s'en rendre compte à cause des circonstances dans lesquelles ils ont visité les lieux à des horaires compatibles avec ceux de l'agence immobilière, soit en fin de matinée soit en début d'après-midi aux moments les moins bruyants de l'activité commerciale.

Le bruit hors normes n'était pas un vice caché par le vendeur, seule son origine était indécelable aux yeux des acquéreurs puisqu'il provenait des défauts de l'installation des équipements des Établissements Gillet mais il n'était perceptible qu'à condition de demeurer dans l'immeuble, circonstance sans laquelle il était impossible pour de simples visiteurs de mesurer la périodicité et l'intensité de ces nuisances. Ils n'auraient pas acheté cette maison s'ils les avaient connues.

Cette erreur, dont tous les éléments constitutifs sont d'ores et déjà réunis, a été renforcée par des déclarations contradictoires du vendeur au sujet de son occupation : il a déclaré le bien comme résidence principale effective dans l'acte de vente ce qui induit une occupation réelle alors qu'il assure à hauteur d'appel qu'il n'a jamais vécu dans l'immeuble car après y avoir fait faire de très importants travaux de rénovation, sa compagne aurait refusé d'y habiter, souhaitant vivre à [Localité 8], raison pour laquelle il a mis en vente la maison 18 mois après son acquisition le 23 juin 2011, son mandat de vente à une agence immobilière datant du 2 août 2012 et l'avant-contrat avec M. et Mme [X] [S] ayant été signé le 5 décembre 2012.

Le juge des référés a mentionné dans son ordonnance que le vendeur avait déclaré vivre paisiblement depuis plusieurs années dans ce bien ce qu'il dément à hauteur de cour.

Cela rend encore plus excusable l'erreur commise par les acquéreurs qui sont des profanes en matière immobilière et dont la confiance a été confortée à cause de la réticence du vendeur.

En effet et en tout état de cause, quoique le vendeur ait déclaré dans l'acte de vente qu'aucune rénovation n'avait été entreprise dans les dix dernières années, il avait au contraire réalisé des travaux d'ampleur dans toute la surface des 211 m2, qui ont demandé a minima de multiples visites sur place et une connaissance approfondie des lieux. En l'absence de toute information délivrée aux acquéreurs à propos des nuisances acoustiques hors normes qui affectaient son bien, ceux-ci ont pu légitimement penser qu'il avait occupé cette résidence principale dite effective dans l'acte de vente de manière paisible. Cette omission fautive a généré, pour partie, l'erreur substantielle des appelants.

La vente sera en conséquence annulée pour erreur sur les qualités substantielles du bien, le jugement infirmé en toutes ses dispositions et les parties remises en l'état antérieur à la vente.

Sur les troubles du voisinage :

Les époux [X] [S] recherchent la responsabilité délictuelle des Etablissements Pierre Gillet sur le fondement du trouble anormal du voisinage.

Il est de principe que nul ne peut causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage. Il s'agit là d'une responsabilité sans faute qui oblige l'auteur du trouble à réparer le préjudice subi dès lors que celui-ci revêt un caractère anormal.

La preuve de la réalité de ce trouble doit être rapportée par celui qui l'allègue.

Le jugement déféré a fort justemet relevé que, se fondant sur le 2ème avis de la commission d'étude du bruit du ministère de la santé publique du 21 juin 1963 suivant lequel un bruit se trouve "sensible" ou encore "perceptible sans exiger un effort d'attention particulier" lorsque "l'augmentation d'intensité sonore produit par l'apparition du bruit perturbateur par rapport à la valeur minimale du bruit ambiant, dépasse la valeur minimale de 5 dB le jour et de 3 dB la nuit", les émergences pour les équipements (monte-charge hydraulique, grand monte-charge, transpalettes, compresseurs frigorifiques) des Etablissements Pierre Gillet dépassent ces valeurs minimales, que ce soit d'un point de vue global ou par bandes de fréquences particulières.

Comme il a été dit plus haut, l'expert a ainsi noté que l'émergence :

- du monte-charge hydraulique atteint + 32 dB à 250 Hz

- du grand monte-charge atteint + 29 dB à 1k Hz

- du transpalette atteint + 24 dB à 500 Hz

- des compresseurs frigorifiques en fonctionnement courant atteint+15 dB à 500 Hz

- lors du démarrage du compresseur atteint +36 dB à 1k Hz et à 2kHz.

L'expert a également comparé les mesures effectuées avec les normes réglementaires relatives au bruit des activités courantes et qui, en cas de dépassement, caractérisent une infraction. Ainsi, le décret n°2006-1099 du 31 août 2006 prévoit que dans le cadre d'une activité professionnelle et sportive, de loisirs ou culturelle, l'infraction est susceptible d'être vérifiée si le bruit de l'activité est supérieur à 25 dB (A) à l'intérieur des pièces d'habitation, fenêtres ouvertes ou fermées ou 30 dB (A) dans les autres cas et s'il engendre une émergence moyenne en niveau global par rapport au bruit résiduel supérieur à 5 dB (A) le jour et à 3 db (A) la nuit, ces critères se trouvant pondérés en fonction de la durée cumulée d'apparition du bruit. L'expert a noté que tous les équipements des Etablissements Pierre Gillet émettent un bruit supérieur à 25 dB (A) et constaté que les émergences atteignaient des valeurs de + 13 dB à +20 dB.

L'expert en conclut que tous les équipements ne manqueraient pas de faire l'objet d'un constat d'infraction par un agent habilité, et ce, particulièrement en période de moindre trafic et relève en outre que le bruit de fonctionnement de ces équipements est extrêmement audible.

C'est de façon parfaitement fondée que les premiers juges ont estimé que la société défenderesse ne pouvait se prévaloir, pour s'exonérer de sa responsabilité, de la règle de l'antériorité posée par l'article L.112-16 du code de la construction et de l'habitation qui dispose que "les dommages causés aux occupants d'un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales, touristiques, culturelles ou aéronautiques, n'entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l'acte authentique constatant l'aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l'existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu'elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions".

Dans la mesure où il a été objectivement établi par des mesures réalisées par le service communal d'hygiène et par l'expert judiciaire que les dépassements en termes de bruits caractérisaient des infractions au code de la santé publique et que donc, les Etablissements Pierre Gillet n'exercent pas leur activité conformément aux dispositions législatives et règlementaires en vigueur, ils ne peuvent invoquer la disposition précitée.

Peu importe que la pose de fenêtres isolantes ait contribué à permettre de distinguer les bruits émanant de la rue, très atténués par cet investissement, des bruits émanant du magasin Gillet qui sont toujours les mêmes et ne sont pas sortis aggravés de ces aménagements.

Ainsi, le jugement déféré sera infirmé dans l'ensemble de ses dispositions sauf en ce qui concerne l'affirmation de la responsabilité civile délictuelle de la société des Ets Pierre Gillet dans la production du dommage.

Sur les demandes indemnitaires de M. et Mme [X] [S] :

Aux termes de l'article 1178 du code civil, "un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord.

Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé.

Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

Indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle."

Il existe un lien de causalité certain et direct entre le préjudice subi par les acquéreurs, contraints de solliciter l'annulation de la vente, et les nuisances sonores dont la société Ets Pierre Gillet est reconnue responsable. Dasn cette mesure, hormis les restitutions propres au vendeur, les condamnations seront prononcées in solidum entre M. [L] et M. et Mme [X] [S].

La vente étant annulée, la question des travaux à effectuer dans la maison pour remédier aux nuisances n'a plus d'objet, les parties devant être remises dans la situation antérieure à la vente comme si celle-ci n'avait jamais existé. M. et Mme [X] [S] n'ont d'ailleurs formulé de demandes à ce titre qu'au seul cas où la cour ne prononcerait pas la nullité ou la résolution de la vente.

Dans l'hypothèse inverse, les appelants demandent à ce que la société Établissements Gillet soit condamnée, in solidum, avec M. [L] à les indemniser d'un préjudice de jouissance, d'un préjudice lié à la perte de valeur de leur immeuble et des frais inutilement exposés pour acquérir l'immeuble, soit :

- Perte de valeur de l'immeuble : 150.000 euros

- Frais de vente : 93.716,37 euros

- Travaux : 39.649,08 euros

- Frais de déménagement 2013 : 4.676,40 euros

- Frais de déménagement futurs : 5.000 euros

- Coût financier : 54.940,75 euros

Le vendeur doit restituer le prix qui avait été payé soit 1 180 000 euros outre les frais attachés à l'acte pour 93 716,37 euros ; les Ets Gillet ne sont pas concernés par cette restitution.

Par ailleurs, s'agissant de la" perte de valeur de l'immeuble" visée par les appelants, ceux-ci invoquent une jurisprudence ancienne par laquelle le propriétaire d'une villa et destiné à le rester, avait été indemnisé de la dépréciation de sa maison du fait des bruits environnant créés par un tiers ce qui n'est pas le cas d'espèce, la vente étant annulée.

La cour peine à distinguer dans les écritures le dommage dénommé "perte de valeur"dans la mesure où M. et Mme [X] [S] évoquent aussi, en parallèle et dans le même trait, la perte de chance de faire une plus-value, poste qui peut faire effectivement l'objet d'une réparation.

Il est évident que si la maison ne présentait pas ce lourd handicap tenant aux nuisances sonores, M. et Mme [X] [S] l'auraient gardée et ils auraient pu espérer en dix ans une belle plus-value lors de la revente dont ils sont privés.

L'expert, page 24 de son rapport, indique une fourchette de 15 à 20% la dépréciation subie dans ce cas de figure. Les appelants s'appuient sur une estimation de leur maison faite par l'agence IMAX pour 1 500 000 euros à 1 550 000 euros pour une maison dénuée de nuisances, donc à laquelle il convient d'appliquer une décote . M. et Mme [X] [S] réclament la somme de 150 000 euros au titre de cette perte de chance.

Cette demande sera accueillie à hauteur de 100 000 euros .

En ce qui concerne le prix des travaux d'embellissement entrepris par les acquéreurs qu'ils disent avoir réalisés en pure perte pour 39.649,08 euros, l'article 1352-5 du code civil prévoit que " Pour fixer le montant des restitutions, il est tenu compte à celui qui doit restituer des dépenses nécessaires à la conservation de la chose et de celles qui en ont augmenté la valeur, dans la limite de la plus-value estimée au jour de la restitution."

A ce titre, les appelants ne détaillent nullement dans leurs écritures en quoi consistent ces travaux et ne visent pas de pièces particulières . Il produisent néanmoins aux débats quelques factures dont celle très détaillée de "Décorum Aménagement" en date du 12 novembre 2014 pour 28 699 euros qui énumére des aménagements dont la nature apporte de façon certaine une plus value à l'immeuble tout comme celle des Ets DeMiranda&Esteves pour 663,73 euros et celle de l'entreprise de rénovation Jean-Luc Hallet du 8 janvier 2014 pour 6 446 euros. IL s'agit de travaux d'amélioration dont le bénéfice ira à M. [L].

La facture Toiles de Mayenne de pure décoration pouvant être récupérée sera rejetée.

De la même façon, les frais de déménagement futurs ne peuvent être pris en considération, justement pour leur caractère futur. Les intérêts de l'emprunt ne peuvent être pris en considération, le prêt affecté à l'achat de la maison ayant vocation lui aussi à être annulé.

S'agissant du préjudice de jouissance pour lequel le tribunal a accordé la somme de 8 000 euros, la cour estime que l'intensité des nuisances et leur durée dans le temps justifient que les Ets Gillet soient condamnés à payer aux appelants la somme de 10 .000 euros.

Les appelants invoquent un préjudice moral dont ils demandent réparation à la société Ets Gillet . Outre le préjudice de jouissance, il est indéniable que les appelants ont subi une situation stressante pendant des années et sont restés dans l'incertitude sur le parti à adopter. Ils ont pu croire que leur voisin commerçant allait totalement coopérer ce qui, aux dires de l'expert judiciaire, n'a pas été le cas lorsqu'il a été question de faire intervenir un bureau spécialisé pour envisager les solutions techniques et les dispositions confortatives à prendre après les propositions du cabinet Iréa.

Ce préjudice sera réparé par l'allocation de la somme de 10 000 euros.

Les dispositions relatives aux frais irrépétaibles de première instance sont infirmées.

Les demandes indemnitaires formées contre M. et Mme [X] [S] par les intimés sont rejetées.

Succombant, la société Ets Gillet et M. [L] sont condamnés in solidum à payer à M. et Mme [X] [S] la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première d'instance et d'appel comprenant les frais d'expertise avec recouvrement direct selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Les frais dits de référé ne seront pas remboursés à M. et Mme [X] [S] dans la mesure où ils concernent une autre instance.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition,

Infirme le jugement déféré dans toutes ses dispostions,

Prononce la nullité de la vente conclue entre M. et Mme [X] [S] et M. [L] de l'immeuble sis à [Localité 5] (92) [Adresse 1], cadastré section [Cadastre 4], d'une contenance de 00ha 01a 46 cour d'appel.

Dit que la partie la plus diligente fera inscrire le présent arrêt au fichier immobilier tenu par les services de la publicité foncière,

Condamne M. [L] à payer à M. et Mme [X] [S] la somme de 1 180 000 euros au titre de de la restitution du prix de vente et celle de 93 716,37 euros au titre des frais afférents à la vente,

Condamne la société Établissements Pierre Gillet à payer à M. et Mme [X] [S] la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral ,

Condamne in solidum M. [L] et la société Établissements Pierre Gillet à payer à M. et Mme [X] [S] la somme de 100 000 euros au titre de de la perte de chance de faire une plus value et la somme de 35 808,73 euros en remboursement de travaux,

Rejette les demandes indemnitaires formées contre M. et Mme [X] [S] par M. [L] et la société Établissements Pierre Gillet,

Condamne in solidum M. [L] et la société Établissements Pierre Gillet la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [L] et la société Établissements Pierre Gillet aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, avec recouvrement direct selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame F. PERRET, président et par Madame K. FOULON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00227
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.00227 ?
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