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05/07/2023 | FRANCE | N°21/02431

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 05 juillet 2023, 21/02431


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



17e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 5 JUILLET 2023



N° RG 21/02431

N° Portalis DBV3-V-B7F-UVIO



AFFAIRE :



[C] [G]



C/



Société AXA FRANCE IARD

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : C

N° RG : F18/03385


r>Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Valérie BLOCH



Me Isabelle OLLIVIER







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'ar...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 5 JUILLET 2023

N° RG 21/02431

N° Portalis DBV3-V-B7F-UVIO

AFFAIRE :

[C] [G]

C/

Société AXA FRANCE IARD

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : C

N° RG : F18/03385

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Valérie BLOCH

Me Isabelle OLLIVIER

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dont la mise à disposition a été fixée au 28 juin 2023 puis prorogée au 5 juillet 2023, dans l'affaire entre :

Madame [C] [G]

née le 4 mai 1977 à [Localité 6]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Valérie BLOCH de la SELEURL VALERIE BLOCH - AVOCAT, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: C1923

APPELANTE

****************

Société AXA FRANCE IARD

N° SIRET : 722 057 460

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Isabelle OLLIVIER, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS

Société AXA FRANCE VIE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Isabelle OLLIVIER, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1927

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [G] a été engagée en qualité de chargée de clientèle, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 10 avril 2012 par la société Axa France.

Cette société est spécialisée dans l'assurance. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 10 salariés. Elle applique la convention collective nationale des producteurs salariés de base des services extérieurs de production des sociétés d'assurances.

Par avenant du 11 janvier 2018 au contrat de travail, la salariée a bénéficié d'un temps partiel à 80% à effet du 5 février 2018 dans les mêmes conditions d'emploi que précédemment.

Par lettre du 23 novembre 2018 reçue par l'entreprise le 28 novembre 2018, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur dans les termes suivants :

« Madame la responsable des ressources humaines,

Les faits suivants de harcèlement et de discrimination liés à ma maternité, dont la responsabilité incombe entièrement à la société AXA, me contraignent à vous notifier la présente prise d'acte de la rupture de mon contrat de travail.

J'ai été en congé maternité entre le 16 juillet 2017 et le 13 janvier 2018.

Tout au long de ma grossesse, j'ai réclamé en vain des informations auprès de vous, aux fins de connaître le montant des revenus que je percevrai une fois en congé maternité.

A la suite de mon accouchement, le 25 août 2017, je vous ai demandé le rattachement de mon enfant à ma mutuelle. Malgré de nombreuses relances, vous ne m'avez répondu qu'en décembre, me précisant que l'accord de la RH était requis.

Le 15 décembre 2017, j'ai contacté mon inspecteur, Monsieur [D] [Y], pour l'informer de ma reprise au 5 février 2018, après mon congé maternité et trois semaines de congés.

A cette occasion, j'ai sollicité une réduction de mon temps de travail à 80%, et lui ai également rappelé ma demande de changement de nom suite à mon divorce en juillet 2017.

Ce n'est qu'en janvier 2018 qu'AXA a pris en considération mes demandes concernant mon nom de famille ainsi que le rattachement de mon enfant à ma mutuelle.

Il apparaît de plus que mon iPad, qui représente mon principal outil de travail, ne fonctionnait plus. Je n'avais plus aucun accès à mes applications métiers, pourtant indispensable pour gérer ma clientèle. Ce dysfonctionnement a entraîné une absence de commissions sur les affaires que j'ai réalisées au mois de février 2018.

Malgré mes relances répétées auprès de mon inspecteur et du service Assistance, il a fallu plus d'un mois à ma responsable, Madame [R] [T], pour résoudre cette problématique.

J'ai en outre découvert que mon numéro de téléphone privé avait été transmis à mes clients par un courrier d'AXA FRANCE IARD daté du 29 janvier 2018. Je suis donc contrainte de travailler avec mon téléphone privé en plus de mon téléphone professionnel, ce qui n'est pas acceptable.

Surtout, j'ai appris que mon OM n'a pas été gelée lors de mon congé. Ainsi, alors que mon OMP dépassait les 100% avant mon congé maternité, elle est descendue à 71% en décembre, à 77% en janvier puis à 64% en février. Cette baisse est parfaitement anormale compte tenu du fait que j'étais en congé maternité.

Par ailleurs, j'ai perçu un salaire de seulement 717 euros au mois de février 2018.

Pensant à une erreur, j'en ai avisé mon inspecteur Monsieur [Y], qui a cru bon me répondre "vous voulez que je vous fasse un chèque '".

Le service des salariés m'a par la suite informée que mon salaire était réduit du fait d'un trop perçu au cours de mon congé maternité, lors des mois de décembre 2017 et janvier 2018, et qu'une même réduction me serait appliquée au mois de mars 2018!

Cette pratique de baisse de salaire unilatérale de la part d'AXA est parfaitement illégale.

Suite à mes contestations, AXA m'a versé un acompte de 600 euros, remboursé par la suite sur mon salaire par tranche de 150 euros par mois jusqu'en juillet 2018.

En mai 2018, le service RH m'a versé la somme de 700 euros pour tenter de rattraper cette bévue. Ayant contracté un prêt immobilier au mois de septembre 2017, ma situation financière s'est largement dégradée depuis le mois de février 2018 et un versement de 700 euros apparaît parfaitement insuffisant à rattraper la baisse considérable de ma rémunération.

A mon retour de congé, je me suis également rendue compte qu'une trentaine de mes clients avaient été retirés de mon portefeuille sans que j'en ai été avertie.

Après avoir contacté l'inspection du travail, j'ai envoyé un courrier recommandé au service RH le 21 mars 2018 aux fins d'obtenir la régularisation de ma situation et de vous aviser des importantes difficultés financières que je rencontrais. Vous ne m'avez jamais répondu.

En outre, je n'ai passé aucun entretien de reprise de congé maternité avant le 15 mars 2018, après m'en être inquiétée auprès de Madame [W].

Par suite, l'inspecteur de la salariée ( sic)m'a proposée un plan d'action, normalement appliqué aux salariés ayant une faible OMP. J'ai évidemment refusé, au regard du fait que la baisse de mon OMP ne m'était en rien imputable.

J'ai également appris après mon retour que les salariés bénéficiant de plus d'un an d'ancienneté au sein de la société AXA FRANCE IARD avaient droit à un congé maternité conventionnel supplémentaire d'un mois. Je n'en ai jamais été informée.

Au mois d'août 2018, l'échéance de mon prêt immobilier a été refusée. Le service immobilier de la société AXA m'a alors demandé un chèque, que je leur ai immédiatement transmis.

Entre temps, l'échéance est passée, mais le chèque a tout de même était encaissé.

Ayant été débitée à deux reprises, j'ai fait l'objet d'une interdiction bancaire, également appliquée à mon conjoint.

L'ensemble de ces faits constituent un véritable harcèlement moral visant à me faire quitter la société. Je ne suis manifestement plus désirée dans l'entreprise depuis mon congé maternité.

J'ai également subi une importante discrimination, se caractérisant par une mise à l'écart frappante :

- Le 24 septembre 2018, j'ai assisté à l'AVC d'une de mes collègues au sein du bureau d'[Localité 5], et lui ai porté assistance pendant une heure avant l'arrivée des secours. Les deux autres salariés présents ce jour-là ont reçu un appel de la RH et du directeur des ventes, mais pas moi, alors que j'étais particulièrement choquée par cet événement.

- Le 13 septembre 2018, la direction a organisé une réunion plénière sans m'en avertir. J'étais la seule absente à cette réunion de travail.

Cette situation m'a gravement affecté, et mon état de santé nécessité la prise d'antidépresseurs depuis le 21 mars dernier.

La rupture de mon contrat de travail est entièrement imputable à la société AXA puisque les faits précités constituent un grave manquement à l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur en matière de protection de la santé et de la sécurité de ses salariés, ainsi qu'un harcèlement moral.

Cette rupture prendra effet à la date de première présentation du présent recommandé avec accusé de réception.

Je vous remercie de bien vouloir me remettre un recu pour solde de tout compte, un certificat de travail ainsi qu'une attestation Pôle emploi.

Je demande à mon conseil de saisir le conseil de prud'hommes des demandes indemnitaires consécutives à la prise d'acte. ».

Le 24 décembre 2018, Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de voir dire que sa prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 10 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section commerce) a :

- dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Mme [G] aux torts de son employeur produit les effets d'une démission,

- débouté Mme [G] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté Axa France Iard et Axa France Vie de ses demandes,

- laissé à chaque partie la charge de ses dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 23 juillet 2021, Mme [G] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 21 mars 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [G] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 10 juin 2021 par le conseil de prud'hommes de Nanterre,

et, statuant à nouveau,

- juger que sa prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- condamner in solidum les sociétés Axa France Iard et Axa France Vie à lui verser les sommes suivantes :

. 3 426 euros à titre d'indemnité de préavis (deux mois),

. 342 euros au titre des congés payés afférents,

. 2 820 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

. à titre principal 20 000 euros, à titre subsidiaire 11 991 euros, au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 10 000 euros au titre des dommages intérêts pour harcèlement moral,

. 10 000 euros au titre des dommages intérêts pour discrimination liée à la maternité,

. 8 000 euros au titre des dommages intérêts pour préjudice financier,

. 10 000 euros à titre d'indemnité d'occupation du domicile,

. 4 209 euros à titre de rappel de salaires,

. 3 000 euros article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum les sociétés Axa France Iard et Axa France Vie aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles les sociétés Axa France Iard et Axa France Vie dont la dénomination commune est Axa France demandent à la cour de :

- confirmer le jugement déféré à la cour en toutes ses dispositions :

. en ce qu'il a dit que la prise d'acte de rupture par la salariée n'était pas fondée, et doit s'analyser comme une démission,

en conséquence,

- débouter Mme [G] de toutes ses demandes, de tous ses moyens fins et conclusions,

- débouter Mme [G] de toutes ses demandes afférentes à la prise d'acte de rupture,

- ainsi que de toutes les demandes concernant le rappel de salaires, les dommages et intérêts

à titre subsidiaire,

- si par impossible une indemnisation devait être accordée, la limiter au montant fixé par le Barème prévu par les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail et ce au visa des deux arrêts rendus par la chambre sociale formation plénière de la Cour de cassation le 11 mai 2022 et celui du 1er février 2023,

par ailleurs,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [G] de sa demande d'indemnité en contrepartie de la prétendue occupation du domicile,

- condamner Mme [G] au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [G] aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur la rupture

La salariée fait valoir qu'elle a été en son congé maternité du 16 juillet 2017 au 13 janvier 2018

et qu'elle a ensuite fait l'objet d'une véritable discrimination alors qu'elle n'avait rencontré jusque là aucune difficulté particulière avec l'employeur. Elle affirme que le comportement de l'employeur s'est largement modifié après l'annonce de son congé maternité. Elle ajoute qu'elle a également fait l'objet d'un harcèlement moral et que sa rémunération a été diminuée.

L'employeur réplique que la prise d'acte de la salariée de son contrat de travail n'est pas justifiée et qu'elle invoque 'pèle mêle" un prétendu harcèlement moral et une discrimination liée à sa grossesse outre une prétendue baisse de sa rémunération, une modification de son portefeuille, l'absence de respect de ses congés et la non tenue d'un entretien de reprise, sans en justifier. L'employeur indique qu'il convient de souligner le contexte de la prise d'acte qui a mûri la décision de la salariée après avoir trouvé un poste et qu'elle se garde de produire des éléments sur sa nouvelle situation, n'ayant pas en outre respecté le préavis résultant d'une situation qui s'assimile à une démission.

***

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués étaient d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission (Soc., 26 mars 2014, pourvoi n° 12-23.634, Bull. 2014, V, n° 85 Publié)

La charge de la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa prise d'acte pèse sur le salarié.

Au cas présent, il convient donc d'examiner successivement les manquements reprochés par la salariée à l'employeur au soutien de sa prise d'acte du contrat de travail, la discrimination (1), le harcèlement moral (2) et la baisse de rémunération dont les primes (3) .

1- Sur la discrimination en raison de la grossesse

L'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, dispose qu' « aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, (...) en raison (...) de sa situation de famille ou de sa grossesse (...) ».

Sur le terrain de la preuve, il n'appartient pas au salarié qui s'estime victime d'une discrimination d'en prouver l'existence. Selon l'article L. 1134-1, il doit seulement présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Aux termes également de l'article L.1225-25 du code du travail, à l'issue du congé de maternité, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente.

Il n'est pas discuté que la salariée a été en congé maternité du 16 juillet 2017 au 13 janvier 2018, puis en congés payés de sorte qu'elle a été de retour à son poste de travail le 5 février 2018 à temps partiel, la réduction du temps de travail se traduisant par le mercredi comme journée non travaillée et le seuil de commissionnement étant abaissé à 80% du seuil théorique de son grade (pièce n° 3).

A l'appui des manquements qu'elle reproche à l'employeur, la salariée invoque lesfaits suivants:

- le fait que son portefeuille de clients a été transmis à d'autres conseillers pendant son congé maternité et qu'elle n'a pas récupéré certains de ses clients à son retour

La salariée invoque une diminution de son portefeuille d'une trentaine de ses clients, sans en avoir été avertie, coïncidant avec la date de son accouchement le 27 août 2017.

Aux termes de l'article 4.4 de l'accord « égalité des chances entre Femmes et Hommes exerçant une activité commerciale : traitement des congés en lien avec la parentalité et évènements familiaux» signé le 24 juin 2014 entre les sociétés Axa France Iard et Axa France Vie et les représentants du personnel, "Durant le congé maternité, le portefeuille de la salariée est géré pour compte dans le cadre de la plateforme « PRIAM délégué ». Il est conservé tel quel en vue d'être restitué en l'état au retour de l'intéressée. L'entreprise adresse systématiquement un courrier d'information aux clients, au départ comme au retour de l'intéressée.".

La circonstance que l'employeur a confié les dossiers des clients de la salariée à d'autres conseillers pendant son congé maternité est conforme à ces dispositions, d'ailleurs visées par la salariée elle-même dans ses conclusions.

Par ailleurs, la salariée s'est vu confier un portefeuille clients à hauteur de 80% pour appliquer le passage à temps partiel de son activité professionnelle à son retour de maternité. Il n'est pas soutenu qu'elle n'a pas récupéré 80 % de son portefeuille.

Enfin, la salariée ne communique aucun élément établissant que la consistance de son portefeuille en terme de rendement économique a été modifiée par l'employeur comme elle l'allègue.

Seul le fait relatif à la baisse du nombre de clients de son portefeuille au retour du congé maladie de la salariée est établi.

- "le fait qu'elle a subi un dénigrement ainsi qu'un manque important d'information"

Pour justifier que la société AXA France a mis "des semaines voire des mois" pour répondre à chacune des requêtes qu'elle qualifie de " banales", la salariée produit l'avenant à son contrat signé le 11 janvier 2018, mais elle ne procède que par affirmations générales, sans offre de preuve établissant que l'employeur n'a pas répondu en temps voulu à ses demandes, sa situation étant clairement déterminée à la fin de son congé maternité et plus de trois semaines avant sa reprise effective le 5 février 2018.

La salariée ne justifie pas davantage que l'employeur a tardé à lui communiquer les informations requises concernant son congé maternité, son changement de nom, le rattachement de son nouveau-né à sa mutuelle ou encore sa demande de réduction de son temps de travail à 80% puisqu'elle lui a fait part de toutes ses demandes par courriel du 20 décembre 2017, que des échanges ont ensuite eu lieu entre la salariée et le service des ressources humaines, la salariée ayant un courriel de réponse à toutes ses demandes le 5 janvier 2017 et l'assurance que les difficultés administratives résultant de son divorce allaient se résoudre.

Par courriel du 11 janvier 2018, la salariée a indiqué à son interlocutrice du service des ressources humaines "un grand merci pour votre professionnalisme".

Enfin, la salariée indique avoir seulement découvert après son retour de congé que les salariées bénéficiant de plus d'un an ancienneté au sein de la société AXA avaient droit à un congé maternité conventionnel supplémentaire prévu à partir du troisième enfant à charge en application l'article 3 de l'accord "égalité des chances" prévoit que "les parties signataires confirment qu'en cas de maternité (...) À partir du 3ème enfant, la durée du congé maternité est de 28 semaines", la salariée n'ayant bénéficié que de 26 semaines.

Toutefois, la salariée communique une attestation de la CAF du 14 avril 2020 qui fait effectivement mention de trois enfants à charge dont celui de son compagnon mais il ressort de ses échanges et de ceux de son conseil qu'elle était récemment divorcée et "jeune mère isolée" de sorte que la salariée n'établit pas qu'elle avait trois enfants à charge en 2018 et début 2019.

Le fait que la salariée ne soit pas informée par l'employeur de son droit à congé maternité de 28 semaines au lieu de 26 semaines n'est pas établi faute pour cette dernière de justifier de la présence de trois enfants au foyer et faute d'en avoir informé l'employeur.

- "le fait de n'avoir passé aucun entretien de reprise de congé maternité avant le 15 mars 2018"

Selon les articles L. 1225-27 et L. 6315-1 du code du travail, la salariée qui reprend son activité à l'issue d'un congé de maternité a droit à l'entretien professionnel qui donne lieu à la rédaction d'un document dont une copie lui est remise et qui est proposé systématiquement à la salariée qui reprend son activité à l'issue d'un congé de maternité.

L'article 12-1 de l'accord susvisé prévoit notamment que la salariée bénéficie "d'un entretien avec son CRH pour examiner le contexte de sa reprise et en particulier les volets formation éventuellement nécessaires".

La tenue par l'employeur de l'entretien plus de cinq semaines après la reprise de la salariée n'est pas tardive et il est intervenu dans "un délai raisonnable" comme l'ont très justement relevé les premiers juges, ce qui a permis à la salariée de reprendre son activité et de faire notamment le point sur la formation qui lui était éventuellement nécessaire.

Le fait n'est pas établi.

- la baisse unilatérale du salaire

S'agissant de sa baisse de salaire pendant le congé maternité, la salariée soutient que son "obligation minimale de production" (OMP) dépassait les 100% avant son congé maternité, qu'il est descendu à 71% en décembre 2017, à 77% en janvier 2018 puis à 64% en février 2018 et que l'employeur n'a pas " gelé son OMP" pendant son congé maternité, le taux d'OMP se calculant sur les douze et non sur les dix derniers mois.

L'employeur retient un taux d'OMP de 74 % avant le congé maternité de la salariée entre le 1er janvier et le 30 juin 2017.

Par courriel du 13 mars 2018, dont la teneur n'est pas contestée par la salariée, il lui est notamment indiqué que le taux d'OMP sur les douze derniers mois glissants est de 76,93 %.

La salariée n'établit donc pas que l'employeur n'a pas gelé son obligation minimale de production et elle n'apporte aucun autre élément d'explication.

S'agissant de la baisse de salaire à la reprise, la salariée se borne sans expliciter sa demande à indiquer qu'en reprenant son poste avec "une OMP particulièrement basse, elle a subi un préjudice certain" et que l'employeur a baissé son salaire de manière unilatérale.

La cour relève que :

- l'accord " égalité" mentionne exclusivement en son article 4.2 que "l'obligation minimale de production et seuil de commissionnement à atteindre en fonction des différents grades de rémunérations sont proratisés en fonction du temps de présence", ce qui n'apporte aucun élément concret et précis complémentaire,

- l'employeur a proposé à la salariée le 5 janvier 2018, dans le cadre de l'accord " égalité des chances" deux options de rémunération pour " faciliter" sa reprise, la salariée choisissant l'option A consistant à une garantie de gains d'une durée de douze mois à compter du 1er jour du mois civil qui suit le début du congé maternité calculé sur la moyenne des salaires des douze derniers mois glissants, pour une rémunération de base de 1 853,40 euros sur laquelle s'applique le temps partiel à 80%,

- la salariée a perçu un salaire brut cumulé annuel de 25 011 euros pour toute l'année 2016 et un salaire brut cumulé de 21 748 euros arrêté au 31 novembre 2018, avant la rupture, de sorte que l'employeur a quasiment garanti à la salariée son niveau antérieur de rémunération à compter de sa reprise en février 2018,

- l'employeur a adressé un courriel à la salariée le 13 mars 2018 lui expliquant les modes de calcul de la " garantie de gain" qu'elle a choisie (option A),

- l'employeur a effectué une analyse de la situation financière de la salariée en juin 2018 pour vérifier la conformité de sa paye dont il ressort qu'elle a perçu le salaire correspondant à la garantie de base prévu à l'option A, soit un salaire brut de 10 908,22 euros sur le premier semestre 2018 pour une rémunération prévue de 10 537,47.

La salariée n'établit pas la baisse de salaire unilatérale pendant son congé maternité et à sa reprise.

Enfin, en page 11 de ses conclusions dans la demande de dommages-intérêts relative à sa baisse de rémunération et de ses primes, la salariée invoque le fait qu'elle n'a perçu qu'un salaire net de 700 euros en février 2018. Il ne s'agit pas d'une baisse de son salaire mais d'une déduction par l'employeur d'un trop-versé. Ce fait est donc établi.

Enfin, la salariée produit un certificat médical de son médecin qui certifie le 7 mai 2018 qu'elle présente une pathologie nécessitant la prise d'un traitement médicamenteux, à savoir des gouttes homéopathiques et du magnésium ainsi qu'une prescription médicale le 25 septembre 2018 pour un antidépresseur.

En conséquence, parmi les faits qu'elle invoque au soutien de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, la salariée établit :

- la baisse du nombre de ses dossiers après son retour de congé maternité,

- le fait que son salaire du mois de février 2018 ne s'est élevé qu'à la somme de 700 euros.

Toutefois, l'employeur justifie que l'adaptation du nombre de dossiers au temps de travail choisi par la salariée justifie qu'elle n'a pas pu retrouver l'intégralité des clients de son portefeuille, la cour relevant que, si cela avait été le cas, la salariée aurait été d'emblée en surcharge de travail. La salariée n'a donc pas été privée de son outil de travail de manière unilatérale par l'employeur.

La seule baisse de son salaire en février 2018 ne laisse pas, à elle seule, supposer l'existence d'une discrimination en raison de sa grossesse.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef de demande et de la demande indemnitaire subséquente.

2 - sur le harcèlement moral

La salariée invoque un harcèlement moral de l'employeur qui s'est employé à la dénigrer et une mise à l'écart flagrante, son portefeuille de clients ayant été transmis à d'autres conseillers pendant son congé maternité, et elle n'a pas récupéré certains de ses clients à son retour, ce que conteste l'employeur.

L'article L. 1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L. 1154-1 , lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L. 1152-1 le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il revient donc au salarié d'établir la matérialité des faits, à charge pour le juge d'apprécier si ces faits, pris en leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral. Dans la négative, le harcèlement moral ne peut être reconnu. Dans l'affirmative, il revient à l'employeur de prouver que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il a été précédemment retenu que le fait que le portefeuille de clients a été transmis à d'autres conseillers pendant son congé maternité et que la salariée n'a pas récupéré certains de ses clients à son retour ne s'analysait pas en une mise à l'écart mais correspondait à l'application des dispositions de l'accord " égalité des chances" et au passage à temps partiel de la salariée.

La salariée ne développe aucun élément sur le dénigrement présumé de l'employeur.

La salariée caractérise en outre sa mise à l'écart par trois faits :

- elle a assisté le 24 septembre 2018 à un AVC d'une de ses collègues dans le bureau d'[Localité 5] et lui a porté assistance pendant une heure avant l'arrivée des secours, les deux autres salariés présents ce jour-là ayant ensuite reçu un appel du service de la RH et du directeur des ventes, ce qui n'est pas son cas alors qu'elle a été particulièrement choquée par cet événement, le fait n' étant pas contesté par l'employeur,

- la direction a organisé le 13 septembre 2018 une réunion plénière sans l'avertir et elle était la seule absente, le fait n' étant pas contesté par l'employeur,

- son numéro de téléphone privé a été transmis sans son accord à ses clients par un courrier d'AXA France et elle s'est trouvée contrainte de travailler avec son téléphone privé en plus de son téléphone professionnel. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'employeur laisse le choix à ses collaborateurs de conserver leur abonnement personnel ou de bénéficier de l'abonnement AXA, la salariée ayant choisi la première option, comme il ressort de l'état de ses frais professionnels en novembre 2016, de sorte que c'est avrec l'accord préalable de la salariée que l'employeur a communiqué aux clients le numéro de sa ligne personnelle. Le fait allégué n'est donc pas établi.

En conséquence, la cour a retenu les faits suivants comme contribuant, selon la salariée, au harcèlement moral qu'elle dénonce :

. le fait que la salariée qu'elle n'a pas été invitée à une réunion tenue le 13 septembre 2018.

. le fait que la salariée a n'a pas été contactée par l'employeur après son intervention pour aider une collègue qui faisait un AVC le 24 septembre 2018.

Même si effectivement, la salariée établit qu'elle a connu des problèmes de santé comme indiqué précédemment, les deux faits retenus ci-dessus, pris dans leur ensemble, ne laissent pas supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

3- Sur la demande de dommages-intérêts pour "préjudice financier"

Aux termes de l'article L.3251-3 du code du travail, "l'employeur ne peut opérer de retenue de salaire pour les avances en espèces qu'il a faites, que s'il s'agit de retenues successives ne dépassant pas le dixième du montant des salaires exigibles ".

La salariée reproche à l'employeur une baisse unilatérale du salaire par l'employeur, sans information préalable et sans avoir sollicité son accord, ce qui constitue une faute d'autant plus grave si cette diminution entraîne une rémunération inférieure au salaire minimum légal ou conventionnel.

La salariée, qui lorsqu'elle ne perçoit pas de commissions, versées une fois par trimestre, perçoit un salaire mensuel moyen net de 1 300 euros (soit un salaire de base brut de 1 470,61 euros), a perçu en février 2018 un salaire net de 716,90 euros.

Ainsi, l'employeur a prélevé, au titre d'un trop-versé à la salariée en décembre 2017, une quote-partsupérieure à 10% du salaire et ne peut valablement soutenir qu'il a repris " légitimement" une somme qui lui était due sans justifier en outre d'un message lui expliquant les modalités de prélévement.

Si la salariée ne peut se prévaloir de cette situation pour justifier la situation débitrice de son compte en décembre 2018, il n'en demeure pas moins que le prélèvement du trop-versé en une seule fois en février 2018 lui a causé un réel préjudice financier, dont elle justifie à compter de mars 2018 (difficulté à régler l'échéance du prêt immobilier, interdiction d'émettre des chèques).

Le manquement est établi.

Enfin, l'employeur ne conteste pas que l'outil de travail principal de la salariée (une tablette) ne fonctionnait pas quand elle a repris son activité, ses accès aux logiciels professionnels n'étant également pas rétablis, ce qui lui était indispensable pour gérer sa clientèle.

Ce dysfonctionnement, dont la durée n'est pas précisée et qui n'a pas fait l'objet d'échanges de courriels entre la salariée et l'employeur notamment en mars 2018 alors que la salariée l'interrogeait alors sur ses éléments de rémunération, a, de fait, eu des conséquences sur les commissions réalisées au mois de février 2018, quand bien même la salariée ne chiffre pas précisément ce préjudice.

Le manquement est établi.

Ces manquements de l'employeur seront réparés par l'octroi d'une indemnité qu'il convient d'évaluer à la somme de 2 000 euros, la salariée n'établissant pour le surplus pas la baisse du montant de ses primes, aucun moyen n'étant développé à ce titre.

Par voie d'infirmation du jugement, il convient de condamner l'employeur à verser à la salariée la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier.

En synthèse :

Si le harcèlement moralet la discrimination en raison de la grossesse ont été précédemment écartés, il est en revanche établi que l'employeur a prélevé à tort un trop-versé à la salariée sur le salaire de février 2018 et qu'elle a rencontré des difficultés lors de la prise en main de ses outils informatiques au moment de sa reprise.

Toutefois, ces faits sont intervenus en février 2018 et ne sont pas reproduits de sorte que le contrat a pu se poursuivre jusqu'au 23 novembre 2018, sans aucun autre manquement de l'employeur d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

La prise d'acte doit donc être requalifiée en démission. Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions de ce chef, en ce compris les demandes indemnitaires subséquentes.

Sur la demande au titre de l'occupation du domicile

La salariée expose qu'il est incontestable qu'elle a travaillé de son domicile depuis le début de son activité chez AXA France en 2012 et que l'une des pièces de son bien immobilier était exclusivement dédiée à son exercice professionnel, qu'elle a dû investir dans différents meubles, et a payé de nombreuses factures de téléphone, d'internet et d'électricité, l'employeur ne justifiant pas avoir mis un local à sa disposition.

L'employeur soutient que la demande indemnitaire forfaitaire de la salariée n'est justifiée par aucune pièce ou explication probantes et qu'il ne lui a pas été demandé de travailler à son domicile, ayant fait ce choix uniquement pour des raisons personnelles, la salariée disposant d'un local professionnel à [Localité 5].

***

L'occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée du salarié et n'entre pas dans l'économie générale du contrat. Il en résulte que la demande en paiement d'une indemnité d'occupation du domicile à des fins professionnelles ne constitue pas une action engagée à raison de sommes afférentes aux salaires.

L'indemnité d'occupation du domicile à des fins professionnelles, destinée à compenser le préjudice que cause au salarié l'immixtion dans sa vie privée lorsqu'aucun local n'est effectivement mis à sa disposition, n'a pas la nature d'un salaire. (Soc., 27 mars 2019, pourvoi n° 17-21.028, 17-21.014, publié).

Aux termes de l'article 9 du code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée.

L'article L. 1121-1 du code du travail dispose que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

L'occupation, à la demande de l'employeur, du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée de celui-ci et n'entre pas dans l'économie générale du contrat de travail.

Si le salarié, qui n'est tenu ni d'accepter de travailler à son domicile, ni d'y installer ses dossiers et ses instruments de travail, accède à la demande de l'employeur, ce dernier doit l'indemniser de cette sujétion particulière et des frais engendrés par l'occupation à titre professionnel du domicile.

Le salarié ne peut prétendre à une indemnité au titre de l'occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu'un local professionnel est mis effectivement à sa disposition. (Soc., 11 juillet 2012, pourvoi n°10-28.847- 17-21.028 - 17-21.014)

Au cas d'espèce, le contrat de travail précise uniquement que la salariée est recrutée en qualité de chargée de clientèle de la région Nord-est et ne mentionne pas qu'elle est ratachée à une agence AXA lui permettant d'exercer ses fonctions en-dehors de son domicile.

L'avenant du 11 janvier 2018 ne comporte aucune stipulation relative au lieu d'exercice de son activité professionnelle.

Par lettre du 29 janvier 2018, l'employeur a informé une des ses clientes que la salariée se tenait à nouveau à sa disposition pour assurer le suivi de ses contrats et a communiqué les coordonnées personnelles de la salariée, avec mention de son adresse précise.

Mme [V] atteste le 15 avril 2020 que la salariée était sa conseillère et qu'elle travaillait à son domicile d'où elle partait pour prospecter la clientèle.

Mme [O], ancienne voisine de la salariée et nourrice de son enfant, atteste que la salariée a exercé sa profession à son domicile.

Le caractère majoritairement itinérant des fonctions de la salariée chargée de clientèle, pour la tenue des rendez-vous, n'empêchait pas que la préparation des entretiens et leur suivi devaient s'effectuer en dehors de la présence des clients et il est évident qu'un chargé de clientèle consacre une partie de son temps de travail à ces tâches.

Par ailleurs, l'employeur ne justifie pas qu'un local professionnel a été mis à la disposition de la salariée à [Localité 5] durant la relation contractuelle.

Pas davantage, l'employeur n'a informé la salariée de la possibilité d'exercer une partie des tâches inhérentes à son activité professionnelle dans un local professionnel auquel elle pouvait avoir accès.

L'occupation du domicile de la salariée à des fins professionnelles, faute d'avoir un espace professionnel adapté est établi et constitue donc une immixtion dans la vie privée de celle-ci.

Cette situation justifie l'octroi d'une indemnité qui est versée indépendamment du temps de travail effectif de la salariée.

Pour ce faire, il convient de déterminer la proportion d'utilisation effective du domicile personnel à titre professionnel pour les tâches qui ne peuvent pas être effectuées chez le client, et de définir l'importance de la sujétion imposée à la salariée.

S'agissant précisément de l'occupation de son domicile, la salariée qui se borne à indiquer qu'elle a amenagé une pièce de sa maison pour son activité professionnelle, ne verse au dossier aucun élément relatif à l'aménagement de son domicile.

Dans ces conditions, sachant qu'en qualité de chargé de clientèle la salariée a été contrainte, pendant toute la durée de la relation contractuelle avec la société AXA d'utiliser son domicile personnel à des fins professionnelles justifiant la mise en place d'au moins un meuble de bureau et d'un petit espace d'archivage, il convient de fixer à la somme de 1 200 euros le montant de l'indemnité d'occupation du domicile personnel de la salariée à des fins professionnelles.

Cette indemnité étant destinée à compenser le préjudice que cause au salarié l'immixtion dans sa vie privée.

Infirmant le jugement, il convient de condamner l'employeur à verser à la salariée la somme de 1 200 euros à titre d'indemnité d'occupation de son domicile à des fins professionnelles.

Sur les demandes de rappel de salaire

Sur l'avance de 700 euros

Une somme de 700 euros est déduite sur le dernier bulletin de paye pour solde de tout compte, donc après la prise d'acte, au titre d'une " reprise d'avance permanente" qui n'est pas justifiée au dossier par l'employeur, qui ne conclut d'ailleurs pas sur ce point, se contentant de solliciter le débouté de la salariée de l'ensemble de ses demandes.

Une avance permanente sur frais n'est pas davantage prévue au contrat de travail de la salariée.

Il convient donc de faire droit à la demande de rappel de salarié pour la somme de 700 euros et d'infirmer le jugement qui a débouté la salariée de ce chef.

Sur la prime de performance

La salariée explique que du fait de la discrimination qu'elle a subi, et notamment de l'absence de gel de son OMP pendant son congé maternité, elle n'a plus perçu de prime de performance depuis le mois d'août 2017, soit pendant 16 mois entre août 2017 et novembre 2018, alors qu'elle bénéficiait chaque mois d'une prime de performance de 219,28 euros, avant son congé maternité.

L'employeur objecte que la salariée a perçu l'intégralité des rémunérations dues au titre de la garantie des gains.

Il a été précédemment précisé que la salariée a choisi une option dite "garantie des gains" prévoyant ses modalités de rémunération et qu'elle a perçu les sommes dues à ce titre.

Au surplus, la cour relève que la salariée a ainsi perçu chaque mois jusqu'à la rupture une complément de garantie de gains mais également une commission dite " de production" en mai 2018 (117€), août 2018 (364€) et septembre 2018 (161€).

En conséquence, la décision des premiers juges sera confirmé en ce qu'elle a rejeté la demande de la salariée au titre du rappel de prime de performance.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, et de condamner l'employeur aux dépens de première instance et d'appel.

Il y a lieu de condamner l'employeur à payer à la salariée la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter sa demande fondée sur ce texte.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il déboute Mme [G] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice financier, pour occupation du domicile, de rappel de salaires et au titre des frais irrépétibles et dépens,

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés, et y ajoutant,

CONDAMNE in solidum les sociétés Axa France Iard et Axa France Vie dont la dénomination commune est la société Axa France à verser à Mme [G] les sommes suivantes :

- 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier,

- 1 200 euros à titre d'indemnité d'occupation de son domicile à des fins professionnelles,

- 700 euros à titre de rappel de salaire au titre de la reprise d'avance de frais,

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE in solidum les sociétés Axa France Iard et Axa France Vie aux dépens de première instance et d'appel, et à verser à Mme [G] une indemnité de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Marine Mouret , Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02431
Date de la décision : 05/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-05;21.02431 ?
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